Expertise complémentaire : limites et compétences des juges

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Expertise complémentaire : limites et compétences des juges

Responsabilité civile et accident du travail

La responsabilité de l’employeur en matière d’accident du travail est régie par l’article L. 454-1 du Code de la sécurité sociale, qui impose à l’employeur une obligation de sécurité de résultat envers ses salariés. En cas de manquement à cette obligation, l’employeur peut être tenu de réparer le préjudice subi par le salarié.

Indemnisation du préjudice

L’indemnisation du préjudice résultant d’un accident du travail est également encadrée par l’article 1242 alinéa 1er du Code civil, qui établit la responsabilité délictuelle. Cet article stipule que l’auteur d’un dommage doit réparer le préjudice causé, ce qui inclut les frais médicaux, les pertes de revenus, ainsi que les souffrances physiques et morales.

Expertise judiciaire

L’article 145 du Code de procédure civile permet au juge d’ordonner des mesures d’instruction, y compris des expertises, lorsque cela est nécessaire pour établir la preuve de faits pouvant influencer la décision du litige. Cette disposition est essentielle pour garantir que toutes les preuves pertinentes soient examinées avant le jugement.

Article 700 du Code de procédure civile

L’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à verser une somme à l’autre partie pour couvrir les frais de justice. Cette disposition vise à compenser les frais engagés par la partie qui a dû défendre ses droits en justice.

Incompétence du juge de la mise en état

La jurisprudence, notamment l’arrêt de la Cour de cassation du 22 février 2007 (Cass 2e civ, 06-16.085), précise que le juge de la mise en état n’est pas compétent pour statuer sur des demandes d’expertise complémentaire lorsque celles-ci relèvent de l’appréciation au fond, ce qui doit être laissé aux juges du fond.

Déboutement et appel

Le déboutement d’une demande d’expertise complémentaire par le juge de la mise en état, sans se déclarer incompétent, constitue une erreur de droit, car cela implique une appréciation des éléments de fond qui ne relèvent pas de sa compétence.

L’Essentiel : La responsabilité de l’employeur en matière d’accident du travail est régie par l’article L. 454-1 du Code de la sécurité sociale, imposant une obligation de sécurité de résultat. En cas de manquement, l’employeur doit réparer le préjudice subi par le salarié. L’indemnisation du préjudice est encadrée par l’article 1242 alinéa 1er du Code civil, qui stipule que l’auteur d’un dommage doit réparer les frais médicaux, les pertes de revenus, ainsi que les souffrances physiques et morales.
Résumé de l’affaire : La SEMCODA a lancé un projet de construction d’un ensemble immobilier de 30 logements à usage collectif. Les travaux de gros œuvre ont été attribués à la société Limoge Revillon. Le 3 avril 2018, un salarié de la société Transports Aigle, en charge du déchargement de béton, a été blessé lorsque sa tête a été frappée par la chaîne de levage d’une grue, manœuvrée par le chef de chantier de Limoge Revillon. Suite à cet accident, le salarié a été transporté à l’hôpital pour des douleurs sévères.

Le 29 mai 2020, le salarié a assigné la société Limoge Revillon et la CPAM de l’Isère devant le tribunal judiciaire de Grenoble. En réponse, Limoge Revillon a assigné Transports Aigle en intervention forcée. Les deux affaires ont été jointes. Le 16 décembre 2021, le tribunal a jugé Limoge Revillon entièrement responsable de l’accident et a ordonné plusieurs indemnités, y compris une provision à la CPAM et des frais au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 21 novembre 2023, la Cour d’appel de Grenoble a confirmé le jugement de première instance, tout en mettant hors de cause Transports Aigle. Par la suite, Limoge Revillon a demandé une expertise complémentaire pour évaluer l’état de santé du salarié après consolidation. Le juge de la mise en état a rejeté cette demande le 14 mai 2024, condamnant Limoge Revillon à verser des frais au salarié et aux dépens de l’incident.

Limoge Revillon a interjeté appel de cette ordonnance, demandant une nouvelle expertise. Le salarié a, de son côté, demandé la confirmation de l’ordonnance initiale. La cour a finalement infirmé la décision du juge de la mise en état concernant la demande d’expertise complémentaire, tout en se déclarant incompétente pour statuer sur cette demande. Limoge Revillon a été condamnée aux dépens d’appel.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement de la responsabilité de la société de construction dans le cadre de l’accident de travail ?

La responsabilité de la société de construction, en l’occurrence la société Limoge Revillon, est fondée sur l’article 1242 alinéa 1er du code civil, qui stipule que « on est responsable non seulement du dommage causé par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre ».

Dans ce cas, la société Limoge Revillon est tenue responsable du préjudice subi par le salarié, Monsieur [B], en raison de l’accident survenu lors de l’exécution de ses fonctions.

L’article 1242 alinéa 1er établit ainsi un lien de causalité entre la faute de l’employeur et le dommage subi par le salarié, ce qui justifie la condamnation de la société à indemniser l’entier préjudice de Monsieur [B].

Quel est le rôle de l’expertise médicale dans l’évaluation des préjudices ?

L’expertise médicale joue un rôle crucial dans l’évaluation des préjudices, notamment en vertu de l’article 145 du code de procédure civile, qui permet d’ordonner des mesures d’instruction pour conserver ou établir la preuve de faits pouvant influencer la solution d’un litige.

Dans cette affaire, l’expert judiciaire a évalué le déficit fonctionnel de Monsieur [B] à 19%, dont 15% pour des troubles psychiques résiduels.

L’expertise permet ainsi de quantifier les préjudices subis par la victime et d’établir un lien entre l’accident et les séquelles physiques ou psychologiques, ce qui est essentiel pour déterminer le montant des indemnités à verser.

Quel est le fondement des demandes d’indemnisation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ?

Les demandes d’indemnisation au titre de l’article 700 du code de procédure civile reposent sur le principe selon lequel « la partie qui succombe dans ses prétentions peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ».

Dans cette affaire, la société Limoge Revillon a été condamnée à verser des sommes à Monsieur [B] et à d’autres parties sur ce fondement, en reconnaissance des frais engagés pour la défense de leurs intérêts dans le cadre du litige.

L’article 700 permet ainsi de compenser les frais de justice, ce qui est particulièrement pertinent dans des affaires complexes comme celle-ci, où plusieurs parties sont impliquées.

Quel est l’impact de la décision de la cour d’appel sur la demande d’expertise complémentaire ?

La cour d’appel a infirmé l’ordonnance du juge de la mise en état qui avait débouté la société Limoge Revillon de sa demande d’expertise complémentaire.

Cette décision est significative car elle souligne que le juge de la mise en état ne pouvait pas se prononcer sur le fond de la demande d’expertise, mais devait se déclarer incompétent.

En effet, l’article 145 du code de procédure civile permet d’ordonner des mesures d’instruction, mais la cour a précisé que la demande d’expertise complémentaire ne pouvait être fondée que sur des éléments non examinés par l’expert initial.

Ainsi, la cour a reconnu la nécessité d’une évaluation plus approfondie des préjudices, tout en clarifiant les limites de compétence du juge de la mise en état.

Quel est le principe de la condamnation aux dépens dans le cadre de cette affaire ?

La condamnation aux dépens est régie par l’article 696 du code de procédure civile, qui stipule que « la partie qui succombe est condamnée aux dépens ».

Dans cette affaire, la société Limoge Revillon, ayant succombé dans ses demandes, a été condamnée à payer les dépens d’appel.

Cette disposition vise à garantir que la partie qui a perdu le procès supporte les frais engagés par la partie gagnante, ce qui contribue à l’équité dans le système judiciaire.

Ainsi, la société Limoge Revillon devra assumer les coûts liés à l’instance, renforçant l’idée que la responsabilité judiciaire inclut également les conséquences financières des décisions rendues.

N° RG 24/01943 – N° Portalis DBVM-V-B7I-MILD

N° Minute :

C3

Copie exécutoire délivrée

le :

à

la SELARL EYDOUX [V]

la SARL JBV AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

2ÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 11 MARS 2025

Appel d’une ordonnance (N° R.G. 20/02354) rendue par le juge de la mise en état de Grenoble en date du 14 mai 2024, suivant déclaration d’appel du 23 mai 2024

APPELANTE :

S.A.S. LIMOGE REVILLON, société par actions simplifiée immatriculée au RCS de MACON sous le numéro 329 778 310 représentée par ses dirigeants légaux en exercice domiciliés ès qualité audit siège,

[Adresse 6]

[Localité 7]

représentée par Me Pascale MODELSKI de la SELARL EYDOUX MODELSKI, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et représentée par Me Emma HYLEBOS de la Société PIRAS ASSOCIES – SELARL PVBF, avocat au Barreau de LYON, plaidant

INTIMÉS :

M. [W] [F] [B]

né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 5]

représenté par Me Ségolène JAY-BAL de la SARL JBV AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et représenté par Maître Claire BELUZE, de la SELARL JAC AVOCATS, avocat au Barreau de Lyon, plaidant

CPAM DE L’ISERE, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

non-représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère, faisant fonction de Présidente

Mme Ludivine Chetail, conseillère,

M. Lionel Bruno, conseiller

DÉBATS :

A l’audience publique du 7 janvier 2025, Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère faisant fonction de présidente, qui a fait son rapport, assistée de Mme Solène Roux, greffière, a entendu seule les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile.

Il en a été rendu compte à la cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu à l’audience de ce jour.

EXPOSÉ DU LITIGE

La SEMCODA [Localité 8] a entrepris la construction d’un tènement immobilier composé de 30 logements à usage collectif [Adresse 11] à [Localité 10].

Les travaux de gros-‘uvre ont été confiés à la société Limoge Revillon.

Le 3 avril 2018, alors que Monsieur [B], salarié au sein de l’entreprise Transports Aigle procédait au déchargement de béton, sa tête a été heurtée par la chaîne de levage de la grue pilotée par Monsieur [E] [M], chef de chantier au sein de la société Limoge Revillon.

Se plaignant de vives douleurs, Monsieur [B] a été transporté au centre hospitalier de [Localité 9].

Par acte d’huissier daté du 29 mai 2020, M. [B] a assigné la société Limoge Revillon aux côtés de la CPAM de l’Isère devant le tribunal judiciaire de Grenoble.

La société Limoge Revillon, selon acte d’huissier en date du 18 août 2020 a assigné en intervention forcée la société Transports Aigle.

Les deux instances ont été jointes.

Par jugement du 16 décembre 2021, avant dire droit, le tribunal judiciaire de Grenoble a :

– jugé la SAS Limoge Revillon entièrement responsable du préjudice subi par [W] [B] à la suite de l’accident du travail dont il a été victime le 3 avril 2018 ;

– condamné, en conséquence, la SAS Limoge Revillon à indemniser l’entier préjudice de [W] [B] ;

– condamné la SAS Limoge Revillon à payer à la CPAM du Rhône en charge du recours de la CPAM de l’Isère une provision de 50 000 euros à valoir sur ses débours définitifs ;

– condamné la SAS Limoge Revillon à payer à [W] [B] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la SAS Limoge Revillon à payer à la SAS Transports Aigle la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la SAS Limoge Revillon à payer à la CPAM du Rhône en charge du recours de la CPAM de l’Isère la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté la SAS Limoge Revillon de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la SAS Limoge Revillon aux entiers dépens ;

– ordonné une expertise médicale judiciaire de Monsieur [B] et a désigné pour y procéder le Docteur [J] [O].

Selon ordonnance du 30 mars 2022, le docteur [J] [O] a été remplacé par le Docteur [I].

Selon arrêt du 21 novembre 2023, la Cour d’appel de Grenoble a confirmé en toutes ses dispositions le jugement de première instance et mis hors de cause la société [G] Dauphiné venant aux droits de Transports Aigle.

L’expert judiciaire a déposé son rapport définitif le 2 septembre 2022.

Aux termes de conclusions d’incident notifiées le 11 septembre 2023, la société Limoge Revillon sollicitait du juge de la mise en état d’ordonner une mesure d’expertise complémentaire afin de préciser si post consolidation Monsieur [B] subissait une altération permanente d’une ou plusieurs fonctions physiques, psycho-sensorielles ou intellectuelles.

Par une ordonnance du 14 mai 2024, le juge de la mise en état a :

– débouté la SAS Limoge Revillon de sa demande d’expertise complémentaire ;

– condamné la SAS Limoge Revillon à verser à Monsieur [B] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la SAS Limoge Revillon aux dépens de l’incident ;

– renvoyé l’affaire et les parties à l’audience de mise en état du 13 juin 2024 date à laquelle Maître [V], au soutien des intérêts de la SAS Limoge Revillon, devra avoir conclu au fond ;

– rappelé que la présente décision est exécutoire de plein droit.

Par déclaration du 27 mai 2024, la société Limoge Revillon a interjeté appel de cette ordonnance.

Dans ses conclusions notifiées le 16 juillet 2024, la société Limoge Revillon demande à la cour de :

Vu les articles 143 et 144 du code de procédure civile,

Vu le rapport d’expertise du Docteur [I],

– déclarer recevable et bien fondé l’appel de Limoge Revillon à l’encontre de l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :

— débouté la SAS Limoge Revillon de sa demande d’expertise complémentaire ;

– condamné la SAS Limoge Revillon à verser à Monsieur [B] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la SAS Limoge Revillon aux dépens de l’incident ;

– renvoyé l’affaire et les parties à l’audience de mise en état du 13 juin 2024 date à laquelle Maître [V], au soutien des intérêts de la SAS Limoge Revillon, devra avoir conclu au fond ;

– rappelé que la présente décision est exécutoire de plein droit.

En conséquence,

– infirmer l’ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Grenoble en date du 14 mai 2024 ;

Statuant à nouveau,

– ordonner une mesure d’expertise médicale complémentaire confiée au docteur [I] qui recueillera l’avis d’un sapiteur psychiatre afin de préciser si après consolidation, Monsieur [B] subit une altération permanente d’une ou plusieurs fonctions physiques, psycho-sensorielles ou intellectuelles, auxquelles s’ajoutent les éventuels phénomènes douloureux et/ou répercussions psychologiques liés à l’atteinte séquellaire ;

En tout état de cause,

– condamner Monsieur [B] ou qui mieux le devra à payer à la concluante la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance, distraits au profit de Maître [T] [V], avocat, sur son affirmation de droit.

Au soutien de ses demandes, la société Limoge Revillon énonce que l’expert judiciaire, spécialiste en orthopédie et traumatologie, a évalué le déficit de Monsieur [B] à 19% décomposé comme suit :

– 4 % au titre des séquelles dites rachidiennes ;

– 15 % ayant trait à l’existence de troubles psychiques résiduels.

Elle énonce que le refus du docteur [I] de s’adjoindre les services d’un sapiteur psychiatre au motif que l’état de M. [B] n’a pas évolué est en contradiction avec le corps de son rapport, qui fait au contraire état d’une aggravation de son état psychique.

Dans ses conclusions notifiées le 24 juillet 2024, M.[B] demande à la cour de :

Vu l’article L. 454-1 du code de sécurité sociale,

Vu l’article 1242 alinéa 1 er du code civil,

Vu l’article 143 du code de procédure civile,

Vu le jugement rendu le 16 décembre 2021 par le tribunal judiciaire de Grenoble,

Vu l’arrêt rendu le 21 novembre 2023 par la cour d’appel de Grenoble,

Vu l’ordonnance rendue le 14 mai 2024 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Grenoble,

Vu l’ensemble des pièces produites aux débats,

– confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance du 14 mai 2024 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Grenoble et notamment par ce qui a été décidé :

« Dès lors, la demande de la S.A.S Limoge Revillon sera rejetée, faute pour elle de démontrer l’intérêt de son expertise complémentaire, laquelle s’apparente à une demande de contre-expertise de l’avis du sapiteur psychiatre, demande qui ne relève pas des compétences du juge de la mise en état ».

En conséquence,

– débouter la SAS Limoge Revillon de l’ensemble de ses demandes qui sont infondées ;

– renvoyer l’affaire à l’audience de mise en état devant le tribunal judiciaire de Grenoble pour permettre à Monsieur [W]-[F] [B] de chiffrer ses préjudices suivant les conclusions expertales judiciaires du Docteur [I] en date du 3 septembre 2022 ;

En tout état de cause,

– condamner la société Limoge Revillon à payer à Monsieur [B] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile dans le cadre de cet appel ;

– condamner la société Limoge Revillon aux entiers dépens de l’instance, distraits au profit de la SELARL JAC Avocat sur son affirmation de droit ;

– condamner la même aux entiers dépens de l’instance.

M. [B] rappelle que le docteur [I] s’est fondé sur un avis émis l’année précédente par un expert psychiatre, et que la société Limoge Revillon n’apporte aucun nouvel élément de nature à justifier cette demande d’expertise complémentaire.

La CPAM, citée à personne habilitée, n’a pas constitué avocat, l’arrêt sera réputé contradictoire.

La clôture a été prononcée le 17 décembre 2024.

MOTIFS

Selon l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

La société Limoge Revillon allègue qu’elle ne demande qu’un complément d’expertise, toutefois, celui-ci ne peut porter que sur ce qui n’a pas été examiné par l’expert. Or, en l’espèce, l’analyse des pièces produites montre qu’une discussion sur l’état psychiatrique de M. [B] a déjà eu lieu devant l’expert, puisque ce dernier a refusé de s’adjoindre les services d’un sapiteur psychiatre et a statué sur le déficit fonctionnel permanent en retenant un pourcentage de 15 % au titre des troubles psychiques résiduels.

La demande d’expertise étant fondée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, c’est par une exacte appréciation de ses pouvoirs que le juge de la mise en état a retenu qu’une nouvelle mesure d’instruction, motivée par l’insuffisance alléguée des diligences du technicien précédemment commis sur le même fondement, ne pouvait relever que de la compétence des juges du fond (Cass 2e civ, 22 février 2007, 06-16.085).

Toutefois, l’ordonnance sera infirmée en ce que le juge ne pouvait pas débouter la société Limoge Revillon, ce qui implique une appréciation au fond, mais devait se déclarer incompétent.

La société Limoge Revillon qui succombe à l’instance sera condamnée aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi :

Infirme l’ordonnance déférée en ce qu’elle a débouté la SAS Limoge Revillon de sa demande d’expertise complémentaire ;

La confirme pour le surplus ;

Statuant de nouveau,

Se déclare incompétente pour statuer sur la demande d’expertise complémentaire sollicitée par la société Limoge Revillon ;

Dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

Condamne la société Limoge Revillon aux dépens d’appel.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère de la deuxième chambre civile, faisant fonction de présidente, et par Mme Solène Roux, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE                                         LA PRÉSIDENTE


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