Obligation de bonne foi dans l’exécution des contratsLes contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi, conformément à l’article 1104 du Code civil. Cette disposition est d’ordre public et impose aux parties de respecter les engagements contractuels dans un esprit de loyauté et de coopération. Conditions d’urgence en référéL’article 834 du Code de procédure civile stipule que, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. Exécution des obligations non sérieusement contestablesSelon l’article 835 alinéa 2 du Code de procédure civile, lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation, même s’il s’agit d’une obligation de faire. Responsabilité des parties dans l’exécution des travauxIl est établi que la SARL Menuiserie Rose a été chargée de la réalisation de travaux selon un devis accepté, et que les désordres constatés ne sont pas uniquement imputables à cette entreprise, mais également à d’autres intervenants. La responsabilité de l’arrêt du chantier ne peut donc pas être attribuée de manière incontestable à la SARL Menuiserie Rose, ce qui crée une contestation sérieuse quant à ses obligations. Urgence et nécessité de poursuivre les travauxLa persistance du blocage des travaux pendant une période prolongée, ainsi que la nécessité pour les maîtres d’ouvrage de se loger, caractérisent une situation d’urgence. Cette urgence justifie la poursuite des travaux par l’entreprise initialement mandatée, malgré les tensions entre les parties. Conditions de la demande de provisionLa demande de provision formulée par les maîtres d’ouvrage doit être examinée à la lumière de l’article 835 alinéa 2 du Code de procédure civile, qui précise que la provision ne peut être accordée que si l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Dans ce cas, la contestation de la responsabilité de la SARL Menuiserie Rose quant aux désordres allégués empêche l’octroi d’une provision. Partage des dépensEn matière de dépens, il est équitable que chaque partie supporte la charge de ses propres frais irrépétibles et que les dépens d’appel soient partagés par moitié, conformément aux principes de justice et d’équité. |
L’Essentiel : Les contrats doivent être exécutés de bonne foi, imposant aux parties de respecter leurs engagements dans un esprit de loyauté. En cas d’urgence, le juge peut ordonner des mesures en référé, notamment lorsque l’obligation n’est pas sérieusement contestable. La responsabilité de la SARL Menuiserie Rose pour les désordres n’est pas incontestable, créant une contestation sérieuse. La situation d’urgence justifie la poursuite des travaux, mais la demande de provision est entravée par cette contestation. Les dépens doivent être partagés équitablement.
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Résumé de l’affaire : Un acheteur et une acheteuse ont confié à un architecte la maîtrise d’œuvre de la construction de leur maison individuelle. Les travaux ont été attribués à plusieurs entreprises, dont une société spécialisée dans les menuiseries extérieures. Suite à des difficultés sur le chantier, les acheteurs ont fait établir un constat d’huissier et un rapport d’expertise, révélant des non-conformités et un abandon du chantier. En février 2023, ils ont assigné l’architecte et la société de menuiserie devant le tribunal judiciaire, demandant notamment la remise d’attestations d’assurance et l’exécution des travaux.
Le juge des référés a ordonné à l’architecte de fournir ses attestations d’assurance et a autorisé les acheteurs à faire poursuivre les travaux par d’autres entreprises, tout en déboutant les parties de leurs autres demandes. La société de menuiserie a interjeté appel, contestant l’autorisation donnée aux acheteurs de mandater d’autres entreprises et soutenant qu’il n’y avait pas d’urgence ni de responsabilité de sa part dans les désordres constatés. Les acheteurs ont répliqué en affirmant que la société de menuiserie était défaillante et que les désordres n’étaient pas de leur fait. Ils ont également demandé la confirmation de l’ordonnance initiale. En appel, la cour a examiné les arguments des deux parties, notant que la responsabilité de l’arrêt des travaux était contestée et que l’architecte avait estimé que les travaux pouvaient reprendre sans difficulté majeure. Finalement, la cour a infirmé l’ordonnance initiale concernant la possibilité pour les acheteurs de faire appel à d’autres entreprises, ordonnant à la société de menuiserie d’exécuter les travaux sous astreinte. Les demandes de provision des acheteurs et de paiement de la société de menuiserie ont été rejetées, et les dépens ont été partagés entre les parties. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique de l’obligation d’exécution des travaux par la société Entreprise Menuiserie Rose ?La société Entreprise Menuiserie Rose est tenue d’exécuter les travaux conformément au devis accepté du 12 octobre 2020, en vertu de l’article 1104 du code civil, qui stipule que « les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ». Cette obligation contractuelle est renforcée par l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, qui précise que dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. Il est établi que les travaux ont été interrompus et que la société Entreprise Menuiserie Rose a déjà commencé son intervention, ce qui ne saurait l’exonérer de sa responsabilité contractuelle. Quel est le rôle de l’urgence dans la décision d’autoriser la poursuite des travaux par des entreprises tierces ?L’urgence est un critère essentiel dans la décision d’autoriser la poursuite des travaux par des entreprises tierces. Selon l’article 834 du code de procédure civile, « dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend ». Dans cette affaire, les maîtres d’ouvrage, M. [W] et Mme [X], ont justifié d’une situation d’urgence en raison de leur besoin de logement, ayant vendu leur fonds de commerce et se retrouvant sans domicile depuis le 1er juillet 2023. Cette situation a été prise en compte par le juge, qui a estimé que la poursuite des travaux était nécessaire pour éviter un préjudice supplémentaire aux maîtres d’ouvrage. Quel est l’impact des contestations sur la responsabilité de la société Entreprise Menuiserie Rose ?Les contestations soulevées par la société Entreprise Menuiserie Rose concernant les désordres et malfaçons ont un impact significatif sur sa responsabilité. En effet, il est établi que la responsabilité de l’arrêt du chantier ne peut être incontestablement imputée à la société, ce qui constitue une contestation sérieuse. L’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile indique que le juge des référés peut accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Dans ce cas, la SARL Menuiserie Rose a soutenu que les désordres étaient imputables à d’autres intervenants, ce qui a été reconnu comme une contestation sérieuse, empêchant ainsi l’octroi d’une provision aux maîtres d’ouvrage. Quel est le fondement de la demande de provision formulée par les maîtres d’ouvrage ?La demande de provision formulée par M. [W] et Mme [X] repose sur l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, qui permet d’accorder une provision lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Cependant, la cour a constaté que la responsabilité de l’arrêt du chantier était contestée, ce qui a conduit à rejeter la demande de provision. Les maîtres d’ouvrage ont affirmé que l’arrêt des travaux les a contraints à trouver un logement temporaire, mais la cour a jugé que la responsabilité de l’interruption du chantier ne pouvait être attribuée uniquement à la société Entreprise Menuiserie Rose. Quel est le principe de partage des dépens dans cette affaire ?Le principe de partage des dépens est établi par l’article 699 du code de procédure civile, qui stipule que « la partie qui succombe est condamnée aux dépens ». Dans cette affaire, la cour a décidé que chacune des parties supporterait par moitié la charge des dépens d’appel, ce qui est conforme à l’équité et à la répartition des responsabilités dans le litige. Cette décision reflète la volonté de ne pas pénaliser une partie plus qu’une autre, compte tenu des contestations sérieuses soulevées par les deux parties et des circonstances entourant l’exécution des travaux. |
N° Portalis DBVC-V-B7H-HH2T
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : Décision du Président du TJ de COUTANCES du 20 Juin 2023 – RG n° 23/00019
COUR D’APPEL DE CAEN
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 11 MARS 2025
APPELANTE :
La S.A.R.L. MENUISERIE ROSE
[Adresse 2]
[Localité 4]
prise en la personne de son représentant légal
représentée et assistée de Me Marie LE BRET, avocat au barreau de CAEN
INTIMÉS :
Monsieur [T] [W]
né le 18 Novembre 1976 à [Localité 6]
[Adresse 8]
[Localité 3]
Madame [E] [X]
née le 03 Août 1987 à [Localité 7]
[Adresse 8]
[Localité 3]
représentés et assistés de Me Jean-Jacques SALMON, substitué par Me BAUGÉ, avocats au barreau de CAEN
DÉBATS : A l’audience publique du 19 décembre 2024, sans opposition du ou des avocats, Mme GAUCI SCOTTE, Conseillère, a entendu seule les observations des parties sans opposition de la part des avocats et en a rendu compte à la cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme COLLET
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. GUIGUESSON, Président de chambre,
Mme DELAUBIER, Conseillère,
Mme GAUCI SCOTTE, Conseillère,
ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile le 11 Mars 2025 et signé par Mme GAUCI SCOTTE, Conseillère, pour le président empêché, et Mme COLLET, greffier
FAITS ET PROCEDURE
M. [T] [W] et Mme [E] [X] ont confié à M. [K] [R], architecte, la maîtrise d »uvre de la construction de leur maison individuelle sise [Adresse 1], à [Localité 5] (50), suivant une proposition d’honoraires d’architecte datée du 22 septembre 2020.
Les travaux ont été confiés à plusieurs entreprises et notamment à la SARL Menuiserie Rose, chargée du lot menuiseries extérieures, menuiseries bois et cloison doublage plafonds.
En suite de difficultés apparues sur le chantier, M. [W] et Mme [X] ont fait établir un constat d’huissier daté du 27 avril 2022 et un rapport d’expertise amiable daté du 14 juin 2022.
Par actes en date du 8 février 2023, M. [W] et Mme [X], faisant valoir des non conformités et l’abandon du chantier, ont assigné M. [R] et la SARL Entreprise Menuiserie Rose devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Coutances aux fins de voir :
condamner M. [R] à remettre son attestation d’assurance responsabilité civile professionnelle et décennale au titre des années 2021, 2022 et 2023 et les attestations d’assurance des entreprises intervenant sur le chantier au titre des années 2021, 2022, 2023, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l’ordonnance à intervenir,
condamner la société Entreprise Menuiserie Rose à exécuter les travaux du devis accepté le 12 octobre 2020, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l’ordonnance à intervenir,
condamner la société Entreprise Menuiserie Rose à remettre son attestation d’assurance responsabilité civile professionnelle et décennale au titre des années 2021, 2022 et 2023, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l’ordonnance à intervenir,
condamner solidairement M. [R] et la société Entreprise Menuiserie Rose aux dépens, ainsi qu’à leur payer 1 500 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Subsidiairement,
les autoriser à faire exécuter les travaux par d’autres intervenants,
condamner solidairement M. [R] et la société Entreprise Menuiserie Rose au paiement d’une provision de 5 000 euros,
les condamner solidairement aux dépens, ainsi qu’à leur payer 1 500 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 20 juin 2023 à laquelle il est renvoyé pour un exposé complet des prétentions en première instance, le juge des référés du tribunal judiciaire de Coutances a :
renvoyé les parties à se pourvoir au fond ainsi qu’elles aviseront,
ordonné à M. [R] de remettre à M. [W] et Mme [X] son attestation d’assurance responsabilité civile professionnelle et décennale au titre des années 2021, 2022 et 2023,
donné acte à la société Rose Menuiserie de ce qu’elle a produit ses propres attestations pour 2021, 2022 et 2023,
autorisé Mme [X] et M. [W] à faire poursuivre les travaux par des entreprises tierces,
débouté les parties du surplus de leurs demandes,
dit n’y avoir lieu à faire application de l’article 700 du code de procédure civile dans la présente instance,
condamné les parties à savoir d’une part la société Entreprise Menuiserie Rose et M. [R], d’autre part M. [W] et Mme [X] à supporter les dépens de la présente instance à hauteur de la moitié chacune, ;
rappelé que la présente décision est de droit exécutoire par provision.
Par déclaration du 13 juillet 2023, la SARL Menuiserie Rose a formé appel de cette ordonnance, en ce qu’elle a autorisé M. [W] et Mme [X] à faire poursuivre les travaux par des entreprises tierces, débouté les parties du surplus de leurs demandes et condamné les parties pour moitié aux dépens.
M. [R] n’a pas été intimé à la procédure d’appel.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 8 décembre 2023, la SARL Entreprise Menuiserie Rose demande à la Cour de :
réformer l’ordonnance rendue le 20 juin 2023 par le tribunal judiciaire de Coutances en ce qu’il:
a renvoyé les parties à se pourvoir au fond ainsi qu’elles en aviseront,
autorisé Mme [X] et M. [W] à faire poursuivre les travaux par des entreprises tierces,
débouté les parties pour le surplus de leurs demandes,
dit n’y avoir lieu à faire application de l’article 700 du code de procédure civile dans la présente instance,
condamné les parties à savoir d’une part elle et M. [R], d’autre part, M. [W] et Mme [X] à supporter les dépens de la présente instance à hauteur de moitié chacune,
le confirmer pour le surplus,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
constater l’absence d’urgence et la présence de contestations sérieuses aux demandes, fins et prétentions de M. [W] et Mme [X],
débouter M. [W] et Mme [X] de l’intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,
condamner M. [W] et Mme [X] à lui verser la somme de 14 230,96 euros à titre de provision assortie des intérêts de retard fixés à trois fois le taux d’intérêt légal applicable,
A titre subsidiaire,
fixer à la charge et aux risques et périls de M. [W] et Mme [X] le coût des travaux de reprise du chantier,
limiter à de plus justes proportions le montant de la provision qui pourrait être accordée à M. [W] et Mme [X],
condamner M. [W] et Mme [X] à lui verser la somme de 11 496,88 euros à titre de provision assortie des intérêts de retard fixés à trois fois le taux d’intérêt légal applicable,
En tout état de cause,
débouter M. [W] et Mme [X] de l’intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,
condamner M. [W] et Mme [X] à lui régler la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre à supporter les entiers dépens.
Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 22 octobre 2024, M. [W] et Mme [X] demandent à la Cour de :
confirmer l’ordonnance de référé du 20 juin 2023 en ce qu’elle les a autorisés à faire poursuivre les travaux par des entreprises tierces et en ce qu’elle a rejeté les demandes formées par la société Menuiserie Rose nouvellement dénommée Entreprise Rose,
réformer l’ordonnance de référé en ce qu’elle a rejeté leur demande provisionnelle,
réformer l’ordonnance de référé en ce qu’elle a rejeté la demande de condamnation de la société Menuiserie Rose nouvellement dénommée Entreprise Rose au paiement d’une somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,
Statuant à nouveau et vu l’évolution du litige,
les autoriser à faire exécuter les travaux de Menuiseries Extérieurs – Menuiseries Bois-Cloison Doublage Plafonds par d’autres intervenants que la société Entreprise Rose anciennement dénommée Menuiserie Rose,
condamner la société Entreprise Rose anciennement dénommée Menuiserie Rose au paiement d’une somme de 11 870,24 euros à titre de provision,
débouter la société Entreprise Rose anciennement dénommée Menuiserie Rose de sa demande de provision,
débouter la société Entreprise Rose anciennement dénommée Menuiserie Rose de ses autres demandes,
condamner la société Entreprise Rose anciennement dénommée Menuiserie Rose au paiement d’une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
condamner la société Entreprise Rose anciennement dénommée Menuiserie Rose aux entiers dépens,
Subsidiairement,
condamner la société Entreprise Rose anciennement dénommée Menuiserie Rose à exécuter les travaux de son devis accepté du 12 octobre 2020 et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l’ordonnance de référé,
condamner la société Entreprise Rose anciennement dénommée Menuiserie Rose au paiement d’une somme de 11 870,24 euros à titre de provision,
débouter la société Entreprise Rose anciennement dénommée Menuiserie Rose de l’intégralité de ses demandes,
condamner la société Entreprise Rose anciennement dénommée Menuiserie Rose au paiement d’une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
condamner la société Entreprise Rose anciennement dénommée Menuiserie Rose aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture de l’instruction a été prononcée le 20 novembre 2024.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.
Sur l’exécution des travaux :
La SARL Menuiserie Rose sollicite la réformation de l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a autorisé M. [W] et Mme [X] à faire poursuivre les travaux par des entreprises tierces.
La société Menuiserie Rose soutient que les consorts [W]-[X] sont défaillants à rapporter la preuve d’une part d’une urgence et d’autre part que les désordres et malfaçons qu’ils allèguent lui soient imputables.
Selon elle, il existe une contestation sérieuse à la demande d’exécution des travaux par elle ou par des entreprises tierces.
Elle affirme que les prétendus désordres et malfaçons relevés par l’expert amiable et l’huissier, dont elle rappelle pour ce dernier qu’il ne possède aucune compétence technique, ne sont aucunement de son fait mais résultent d’erreurs commises dans la réalisation du lot maçonnerie, qui ont notamment conduit à la modification de certains éléments de la construction (double plafond pour dissimuler une poutre apparente, réduction de la hauteur sous plafond dans deux pièces).
La SARL Menuiserie Rose réfute toute responsabilité dans les désordres allégués par M. [W] et Mme [X].
Elle estime qu’au regard des multiples reproches formulés par M. [W] et Mme [X] et de leur refus de régler les factures émises, elle était fondée à refuser la poursuite du chantier, d’autant qu’elle n’entendait pas assumer seule la responsabilité des éventuels travaux de reprise rendus nécessaires par les fautes commises par les autres intervenants.
La SARL Menuiserie Rose considère par ailleurs que les consorts [W]-[X] ne peuvent prétendre en justice que les désordres seraient mineurs et permettraient l’achèvement des travaux alors qu’ils avaient jusqu’alors argué du caractère sérieux des malfaçons pour refuser tout paiement.
Aussi elle refuse de poursuivre elle-même l’exécution des travaux, sans qu’au préalable soit fixée la responsabilité des divers intervenants sur les malfaçons invoquées par les maîtres d’ouvrage.
A titre subsidiaire, la SARL Menuiserie Rose sollicite, si la cour devait lui imposer de terminer le chantier ou confirmer l’autorisation faite aux consorts [W]-[X] de mandater d’autres entreprises pour terminer le chantier, de préciser que la poursuite des travaux se fera aux risques et périls des maîtres de l’ouvrage et que le coût des éventuels travaux de reprise devra rester à leur charge.
La SARL Menuiserie Rose conteste le caractère nouveau de cette demande soulevé par M. [W] et Mme [X]. Elle fait valoir qu’il s’agit d’une demande complémentaire tendant aux mêmes fins que les demandes présentées par elle en première instance, à savoir le débouté des consorts [W]-[X] de l’intégralité de leurs demandes.
Elle soutient qu’en l’absence d’une instance au fond au cours de laquelle la charge définitive des responsabilités doit être tranchée, il appartient aux seuls consorts [W]-[X] d’assumer lesdits travaux à défaut de démontrer que les désordres et malfaçons allégués sont imputables à la société Menuiserie Rose.
En réplique, M. [W] et Mme [X] sollicitent la confirmation de l’ordonnance entreprise en ce qu’elle les a autorisés à faire poursuivre les travaux par des entreprises tierces.
M. [W] et Mme [X] soutiennent que l’obligation de faire de la SARL Menuiserie Rose, à savoir d’exécuter les travaux conformément au devis accepté du 12 octobre 2020, n’est pas sérieusement contestable.
Ils affirment que, contrairement à ce qui est soutenu par la SARL Menuiserie Rose, ils n’entendent pas voir imputer tels désordres ou malfaçons à la société mais obtenir la poursuite des travaux conformément au contrat et devis signé.
Ils considèrent que la SARL Menuiserie Rose est défaillante à rapporter la preuve d’une difficulté insurmontable de nature à faire obstacle à la poursuite du chantier, alors que le maître d »uvre a lui-même qualifié les difficultés de mineures.
M. [W] et Mme [X] affirment qu’ils justifient d’une urgence à obtenir la poursuite des travaux, ayant vendu leur fonds de commerce et se retrouvant sans logement depuis le 1er juillet 2023.
Ils soulignent que la société Menuiserie Rose ne justifie pas d’une contestation sérieuse pour s’affranchir du contrat notamment s’agissant du comportement imputé à M. [W]. Ils contestent que le chantier ait été arrêté par leur faute, et affirment au contraire que la SARL Menuiserie Rose a refusé d’achever ses prestations à défaut de paiement de factures que M. [W] et Mme [X] contestaient.
Aussi, ils demandent la confirmation de l’ordonnance entreprise ayant ordonné la poursuite du chantier par des entreprises tierces au regard de la dégradation des relations entre eux et la société Menuiserie Rose, et à défaut de condamner la société Menuiserie Rose à exécuter les travaux sous astreinte.
M. [W] et Mme [X] demandent également que la SARL Menuiserie Rose soit déboutée de sa demande formulée à titre subsidiaire de fixer à leur charge et à leurs risques et périls le coût des travaux de reprise du chantier au motif qu’il s’agit d’une demande irrecevable car nouvelle en appel.
Selon eux, cette demande se heurte en outre à des contestations sérieuses en ce que la société Menuiserie Rose n’a pas livré la trémie commandée et a réalisé des travaux de doublage du plafond sans l’accord des maîtres d’ouvrage, et que la question de la charge définitive des travaux de reprise relève de l’appréciation des juges du fond.
Aux termes de l’article 1104 du code civil, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public.
L’article 834 du code de procédure civile prévoit que, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.
L’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile précise que dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Il est constant que la SARL Menuiserie Rose s’est vue confier le lot menuiserie extérieure et intérieure et plâtrerie et sol dans la réalisation du chantier commandé par M. [W] et Mme [X], dans les termes d’un devis accepté le 12 octobre 2020.
Il résulte des pièces produites que les travaux ont commencé en avril 2021 mais qu’ils ont été arrêtés en cours de chantier en mars 2022.
M. [W] et Mme [X] ont fait établir un constat d’huissier en date du 27 avril 2022 et un rapport d’expertise amiable en date du 14 juin 2022 aux termes desquels l’huissier et l’expert ont constaté des non-conformités des travaux exécutés.
Il résulte de ces documents que les désordres et malfaçons dénoncés par les maîtres d’ouvrage portent essentiellement sur des non-conformités dans la réalisation du gros ‘uvre (non-respect des cotes pour les maçonneries, non-conformité de la charpente), non imputables à la SARL Menuiserie Rose.
La SARL Menuiserie Rose est quant à elle concernée par des non finitions, ou des contestations de travaux non devisés.
Force est de constater que la SARL Menuiserie Rose a déjà commencé son intervention sur les supports critiqués (maçonnerie et charpente), et qu’en conséquence la poursuite ou l’achèvement de ses prestations ne sauraient engager plus sa responsabilité. Son argument de ce chef est inopérant pour s’opposer à la poursuite des travaux.
Il apparaît en réalité qu’il n’existe pas d’obstacle sérieux à l’achèvement par la SARL Menuiserie Rose du contrat de marché de travaux auquel elle est tenue, suivant le devis du 12 octobre 2020.
L’architecte, maître d »uvre, a lui-même estimé, dans son courrier du 4 juillet 2022, que les travaux pouvaient reprendre sans difficulté majeure.
Il doit en outre être souligné que le blocage des travaux persiste depuis près de trois ans, engendrant pour M. [W] et Mme [X] la nécessité de se loger dans l’attente de l’achèvement de leur habitation, ce qui caractérise une certaine urgence.
Il ne peut être éludé les difficultés potentielles pour les maîtres d’ouvrage de trouver une entreprise acceptant d’intervenir sur des travaux débutés et d’engager sa responsabilité sur des travaux qu’elle n’a pas réalisés, et in fine, dans l’hypothèse d’une persistance du litige au moment de la réception des travaux, la complexité pour imputer exactement les responsabilités des non-conformités éventuelles à chacun en cas d’intervention d’un tiers.
Aussi, en dépit de la dégradation des relations entre les maîtres d’ouvrage et la SARL Menuiserie Rose, il apparaît plus opportun que l’entreprise mandatée initialement achève sa prestation, d’autant que la direction du chantier par un maître d »uvre est de nature à permettre l’intervention de la SARL Menuiserie Rose dans des conditions normales.
En conséquence de l’ensemble de ces éléments, il convient donc d’infirmer l’ordonnance rendue le 20 juin 2023 par le juge des référés de Coutances, en ce qu’elle a autorisé M. [W] et Mme [X] à faire poursuivre les travaux initialement confiés à la SARL Menuiserie Rose par des entreprises tierces.
La SARL Menuiserie Rose sera condamnée à exécuter les travaux prévus au devis accepté du 12 octobre 2020, sous astreinte de 50 euros par jour en cas de retard dans le démarrage des travaux, pour une durée de quatre mois, l’astreinte commençant à courir à l’issue d’un délai de deux mois suivant la signification du présent arrêt.
En outre, la demande de la SARL Menuiserie Rose visant à faire juger que les travaux seront exécutés aux risques et périls des maîtres d’ouvrage, recevable en ce qu’elle n’ait que l’accessoire de la demande principale de débouté des demandes des maîtres d’ouvrage, n’est pas fondée, le constructeur ne pouvant s’exonérer de toute responsabilité par anticipation.
Cette demande subsidiaire de la SARL Menuiserie Rose sera donc rejetée.
Sur la demande de provision formée par M. [W] et Mme [X] :
M. [W] et Mme [X] forment une demande de condamnation de la SARL Menuiserie Rose à leur payer la somme provisionnelle de 11 870,24 euros à valoir sur leur préjudice compte tenu du retard du chantier.
Ils exposent qu’ils auraient dû emménager dans leur nouvelle maison à compter de juillet 2023, ce qui a été rendu impossible du fait de l’arrêt du chantier et du refus de la SARL Menuiserie Rose d’achever ses prestations.
Ils indiquent que la durée de la procédure les a contraints à trouver une location dans l’attente de l’achèvement des travaux.
La SARL Menuiserie Rose demande la confirmation de l’ordonnance entreprise de ce chef.
Elle soutient que cette demande se heurte à une contestation sérieuse en ce que les consorts [W]-[X] sont défaillants à rapporter la preuve de sa responsabilité quant aux désordres et malfaçons allégués affectant le chantier, cette question relevant au surplus du débat au fond.
L’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile précise que dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Il convient de relever que la SARL Menuiserie Rose et les consorts [W] [X] se rejettent la responsabilité de l’interruption du chantier.
Par ailleurs, les maîtres d’ouvrage ont attrait en justice tant la SARL Menuiserie Rose que le maître d »uvre, M. [R], à qui ils reprochaient notamment son inaction et des manquements dans sa mission de suivi de chantier.
Il apparaît donc que la responsabilité de l’arrêt du chantier ne peut être incontestablement imputée à la SARL Menuiserie Rose, et qu’il existe une contestation sérieuse de ce chef.
La demande d’indemnité provisionnelle présentée par M. [W] et Mme [X] doit être rejetée, et l’ordonnance déférée sera donc confirmée de ce chef.
Sur la demande en paiement de facture présentée par la SARL Menuiserie Rose :
La SARL Menuiserie Rose sollicite à titre reconventionnel la condamnation de M. [W] et de Mme [X] au paiement d’une provision de 14 230,96 euros au titre des factures émises impayées.
Elle affirme que, malgré la mention portée au devis du 12 octobre 2020, les parties avaient convenu du règlement de l’entreprise au fur et à mesure de l’avancement du chantier, après validation des factures par le maître d »uvre.
Elle souligne que M. [W] et Mme [X] ont ainsi procédé à plusieurs règlements selon ces modalités, sans jamais les remettre en cause, jusqu’à l’instance en référé.
La SARL Menuiserie Rose indique que les contestations des maîtres d’ouvrage portaient sur les travaux facturés, qu’ils contestaient, mais pas sur le principe du paiement selon l’avancement des travaux.
Elle fait valoir que les sommes dont elle réclame le paiement correspondent aux seuls travaux réalisés, et qu’elle a même procédé à l’émission d’une facture d’avoir pour tenir compte des prestations non exécutées.
A titre subsidiaire, la SARL Menuiserie Rose soutient qu’elle est bien fondée à demander la condamnation de M. [W] et de Mme [X] au paiement d’une somme provisionnelle de 11 496,88 euros correspondant aux sommes encore dues au titre des factures émises après déduction de la somme de 2 734,08 euros correspondant aux factures n°951 (concernant le double plafond) et n°950 (portant sur la plus-value des blocs portes), ces deux factures étant contestées.
M. [W] et Mme [X] demandent confirmation de l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a débouté la société Menuiserie Rose de sa demande de provision.
Ils font valoir que ces demandes en paiement sont contraires aux termes du contrat qui prévoyaient un paiement du solde à la fin du chantier et estiment que dès lors que le chantier n’est pas achevé la SARL Menuiserie Rose n’est pas fondée à solliciter un quelconque paiement.
Au surplus, M. [W] et Mme [X] affirment que la SARL Menuiserie Rose doit être déboutée de sa demande de provision alors que les factures correspondant à des travaux supplémentaires sont contestées, et que les comptes présentés par l’entreprise sont discutés, notamment du fait de la facturation d’un escalier non livré.
Force est de constater que les termes contractuels sont en contradiction avec la demande en paiement présentée par la SARL Menuiserie Rose alors que le chantier n’est pas achevé.
Il n’est pas démontré que les parties auraient effectivement convenu d’un paiement au fur et à mesure de l’avancement des travaux, et les paiements opérés par les maîtres d’ouvrage depuis l’ouverture du chantier ne suffisent pas à en faire la démonstration.
En outre, les pièces versées aux débats ne permettent pas de faire la preuve que les travaux dont la SARL Menuiserie Rose demande le paiement aient effectivement été exécutés, et partie des facturations est au surplus objet de débat du fait que les travaux n’ont pas été devisés.
Aussi, la SARL Menuiserie Rose sera déboutée de sa demande en paiement de la somme de 14 230,96 euros à titre de provision, ainsi que de sa demande de provision formulée à titre subsidiaire à hauteur de la somme de 11 496, 88 euros. L’ordonnance sera confirmée de ce chef.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
L’ordonnance entreprise sera confirmée sur les dépens et les frais irrépétibles.
Il apparaît équitable que les parties conservent la charge de leurs frais irrépétibles d’appel et se partagent par moitié la charge des dépens d’appel.
La Cour, statuant publiquement, dans les limites de sa saisine, par décision contradictoire, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
Confirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’elle a autorisé M. [W] et Mme [X] à faire poursuivre les travaux initialement confiés à la SARL Menuiserie Rose par des entreprises tierces.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la SARL Entreprise Menuiserie Rose à exécuter les travaux prévus au devis accepté du 12 octobre 2020, sous astreinte de 50 euros par jour en cas de retard dans le démarrage des travaux, pour une durée de quatre mois, l’astreinte commençant à courir à l’issue d’un délai de deux mois suivant la signification du présent arrêt,
Déboute la SARL Entreprise Menuiserie Rose de ses demandes, en ce compris celle formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute M. [W] et Mme [X] de toutes leurs demandes, en ce compris celle formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit que chacune des parties supportera par moitié la charge des dépens d’appel.
LE GREFFIER p/LE PRÉSIDENT EMPECHÉ
M. COLLET A. GAUCI SCOTTE
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