Exécution et rupture du contrat de travail : enjeux de loyauté et de remboursement.

·

·

Exécution et rupture du contrat de travail : enjeux de loyauté et de remboursement.

Exécution du contrat de travail

L’article 1302 alinéa 1 du Code civil stipule que tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution.

Il incombe au demandeur en restitution de prouver le caractère indu du paiement.

Le contrat de travail précise que les frais professionnels de déplacement sont remboursés dans les limites fixées par note de service.

La note de service du 17 janvier 2012 exclut les retraits de carburant et les péages liés à des déplacements non-professionnels de la prise en charge par l’employeur.

M. [X] n’ayant pas contesté l’avertissement pour usage personnel du badge de péage et de la carte de carburant, le caractère indu des sommes versées est établi.

L’employeur peut donc déduire par compensation le solde de sa créance dans le dernier bulletin de salaire.

Rupture du contrat de travail

L’article L.1134-1 du Code du travail interdit toute sanction, licenciement ou mesure discriminatoire en raison de l’état de santé du salarié.

En cas de litige, le salarié doit présenter des éléments laissant supposer une discrimination, et il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs.

M. [X] allègue un licenciement discriminatoire en raison de son arrêt-maladie, mais l’employeur justifie le licenciement par des faits constatés pendant cet arrêt.

Le grief reproché n’étant pas directement lié à l’état de santé, la cour conclut à l’absence de discrimination.

Bien-fondé du licenciement

L’article L.1232-1 du Code du travail exige qu’un licenciement pour motif personnel soit justifié par une cause réelle et sérieuse.

L’employeur peut se prévaloir de griefs prescrits si ceux-ci relèvent du même comportement fautif que ceux invoqués dans la lettre de licenciement.

La cour constate que l’employeur n’a pas établi le caractère frauduleux de l’arrêt-maladie de M. [X], et que le grief de non-remboursement des frais professionnels n’est pas suffisamment grave pour justifier un licenciement.

Conséquences pécuniaires

L’employeur doit prendre en charge les frais engagés par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle.

L’article L.1235-3 du Code du travail prévoit une indemnité pour le salarié licencié sans cause réelle et sérieuse, dont le montant dépend de l’ancienneté.

M. [X] ne peut prétendre à la prise en charge d’un téléphone personnel utilisé dans le cadre professionnel après la rupture du contrat.

La perte de chance liée à la participation est considérée comme un préjudice hypothétique et non indemnisable.

Autres demandes

La cour infirme le jugement concernant les dépens et frais de procédure, mettant les dépens à la charge de l’employeur.

L’équité commande de condamner l’employeur à payer des frais de procédure engagés en première instance, tout en laissant à la charge de chacune des parties les frais d’appel.

L’Essentiel : L’article 1302 alinéa 1 du Code civil stipule que tout paiement suppose une dette. Le contrat de travail précise que les frais professionnels de déplacement sont remboursés dans les limites fixées par note de service. La note de service du 17 janvier 2012 exclut les retraits de carburant et les péages liés à des déplacements non-professionnels. M. [X] n’ayant pas contesté l’avertissement pour usage personnel du badge de péage, le caractère indu des sommes versées est établi. L’employeur peut donc déduire le solde de sa créance.
Résumé de l’affaire : Dans cette affaire, un salarié conteste l’utilisation personnelle d’un badge de péage et d’une carte de carburant fournis par son employeur, bien qu’il n’ait pas contesté un avertissement à ce sujet. L’employeur soutient que le salarié a une dette pour des frais professionnels indûment perçus, et se fonde sur le code civil qui stipule que tout paiement suppose une dette. Le contrat de travail précise que les frais de déplacement sont remboursés selon une note de service, qui exclut les frais liés à des déplacements non professionnels. Le salarié n’ayant pas contesté l’avertissement, l’employeur a le droit de déduire la somme due dans le dernier bulletin de salaire.

Concernant la rupture du contrat de travail, le salarié allègue un licenciement discriminatoire en raison de son état de santé, mais l’employeur justifie le licenciement par des faits survenus pendant un arrêt-maladie. La cour conclut qu’il n’y a pas de discrimination, car le grief n’est pas directement lié à l’état de santé du salarié. En ce qui concerne le bien-fondé du licenciement, l’employeur doit prouver une cause réelle et sérieuse. La cour note que l’employeur n’a pas démontré le caractère frauduleux de l’arrêt-maladie et que le grief lié au non-remboursement des frais professionnels n’est pas suffisamment grave pour justifier un licenciement.

Sur le plan pécuniaire, l’employeur doit couvrir les frais engagés par le salarié pour son activité professionnelle. Cependant, le salarié ne peut pas demander le remboursement d’un téléphone personnel utilisé professionnellement après la rupture du contrat, et la perte de chance liée à la participation est considérée comme hypothétique et non indemnisable. Enfin, la cour infirme le jugement sur les dépens, condamnant l’employeur à payer des frais de procédure engagés en première instance.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique de la restitution des sommes indûment perçues par le salarié ?

L’article 1302 alinéa 1 du code civil dispose que « tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution. »

Il incombe au demandeur en restitution de prouver le caractère indu du paiement. En l’espèce, le salarié a reconnu avoir une dette envers l’employeur pour des frais professionnels indûment perçus.

La note de service du 17 janvier 2012 précise que les frais de carburant et de péage pour des déplacements non-professionnels ne seront pas remboursés.

Le salarié n’ayant pas contesté l’avertissement concernant l’usage personnel de son badge de péage et de sa carte de carburant, le caractère indu des sommes versées est établi.

Ainsi, il ne peut prétendre à un remboursement des sommes déjà restituées à l’employeur.

Quel est le cadre juridique de la nullité du licenciement en raison d’une discrimination ?

L’article L.1134-1 du code du travail stipule qu’en cas de litige relatif à l’application de la loi sur les discriminations, le salarié doit présenter des éléments laissant supposer l’existence d’une discrimination.

Il incombe alors à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Dans cette affaire, le salarié affirme avoir été licencié en raison de son état de santé, ce qui constituerait une discrimination.

Cependant, l’employeur soutient que le licenciement repose sur des faits constatés pendant l’arrêt-maladie, sans lien direct avec l’état de santé du salarié.

La cour a constaté que le grief invoqué ne découle pas directement de l’arrêt de travail pour maladie, et le salarié n’a pas apporté d’éléments probants de discrimination.

Quel est le fondement juridique du licenciement pour motif personnel ?

L’article L.1232-1 du code du travail précise que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

L’employeur peut se prévaloir de griefs prescrits à la date de l’engagement de la procédure disciplinaire, à condition qu’ils relèvent du même comportement fautif.

Dans cette affaire, l’employeur invoque la déloyauté réitérée du salarié pour justifier le licenciement.

Cependant, la cour a noté que l’employeur n’a pas démontré le caractère frauduleux de l’arrêt-maladie, et que les griefs invoqués ne justifient pas un licenciement.

Ainsi, le licenciement a été requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Quelles sont les conséquences pécuniaires du licenciement sans cause réelle et sérieuse ?

L’article L.1235-3 du code du travail prévoit qu’une indemnité est due au salarié dont le licenciement est survenu pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse.

Cette indemnité est proportionnelle à l’ancienneté du salarié dans l’entreprise.

Dans cette affaire, le salarié a demandé le remboursement de frais professionnels et des dommages-intérêts pour perte de chance de participation.

Cependant, le tribunal a confirmé que le salarié ne pouvait pas prétendre à la prise en charge de son téléphone personnel utilisé à des fins professionnelles après la rupture du contrat.

De plus, la perte de chance liée à la participation est considérée comme un préjudice hypothétique et non indemnisable.

Quel est le régime des dépens et frais de procédure dans cette affaire ?

La cour a décidé d’infirmer le jugement concernant les dépens et frais de procédure, en les mettant à la charge de l’employeur.

L’équité a conduit la cour à condamner l’employeur à verser au salarié 1 500 euros pour les frais de procédure engagés en première instance.

Les frais de procédure engagés en appel restent à la charge de chaque partie.

Ainsi, la cour a statué sur les dépens et les frais de procédure en tenant compte des circonstances de l’affaire.

ARRET

[X]

C/

S.A.S. APRIL MOTO

copie exécutoire

le 02 avril 2025

à

Me WALLART

Me PETTEX-

SABAROT

EG/IL

COUR D’APPEL D’AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE

ARRET DU 02 AVRIL 2025

*************************************************************

N° RG 23/05122 – N° Portalis DBV4-V-B7H-I6IR

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’AMIENS DU 20 NOVEMBRE 2023 (référence dossier N° RG 22/00294)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [R] [X]

[Adresse 3]

[Localité 4]

concluant par Me Carl WALLART de la SELARL GAUBOUR WALLART RUELLAN, avocat au barreau D’AMIENS

ET :

INTIMEE

S.A.S. APRIL MOTO agissant poursuites et diligences de son Président domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée, concluant et plaidant par Me Julia PETTEX-SABAROT de la SELARL MISIA AVOCATS, avocat au barreau de LYON

représentée par Me Hélène CAMIER de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d’AMIENS substituée par Me Olympe TURPIN, avocat au barreau d’AMIENS avocat postulant

DEBATS :

A l’audience publique du 12 février 2025, devant Mme Eva GIUDICELLI, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :

– Mme Eva GIUDICELLI en son rapport,

– l’avocat en ses conclusions et plaidoirie.

Mme Eva GIUDICELLI indique que l’arrêt sera prononcé le 02 avril 2025 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Eva GIUDICELLI en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 02 avril 2025, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

*

* *

DECISION :

M. [X], né le 2 novembre 1967, a été embauché à compter du 1er février 2011 dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée, par la société AMT assurances devenue la société April moto (la société ou l’employeur), en qualité de responsable de secteurs sur les régions nord, ouest, Ile de France, centre.

La société April moto compte plus de 10 salariés. La convention collective applicable est celle des entreprises de courtage d’assurance.

Par courrier du 30 avril 2020, la société a notifié à M. [X] un avertissement.

Par courrier du 12 juillet 2022, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 27 juillet 2022.

Le 2 août 2022, il a été licencié pour cause réelle et sérieuse dans les termes suivants :

 » Nous vous avons convoqué à un entretien préalable qui s’est tenu le 27 juillet dernier auquel vous vous êtes présenté sans assistance et au cours duquel [Y] [B], Responsable des relations sociales et [S] [T], Directeur commercial courtage, vous ont exposé les raisons qui nous conduisaient à envisager votre licenciement. A cette occasion, vous avez eu la possibilité de vous expliquer sur les faits que nous vous reprochons.

Néanmoins, nous vous informons de notre décision de procéder à votre licenciement pour les faits formulés lors de cet entretien et que nous vous rappelons ci-après.

Vous avez intégré la société APRIL Moto le 1er février 2011 et vous exercez en qualité de Responsable de secteur, sous la responsabilité de [S] [T].

A ce titre, vous êtes notamment en charge de :

-Prospecter, recruter, affilier de nouveaux apporteurs courtiers et concessionnaires

– Former des apporteurs sur les différentes gammes de produits présentes dans le catalogue Dommages ;

– Faciliter la mise en relation avec les autres Commerciaux pour les apporteurs à potentiel dans les marchés ou filiales concernés ;

– Suivre la production des apporteurs et fidéliser la clientèle ;

– Animer les réunions de présentation et de coordination, le suivi des concours, challenges ;

– Effectuer la veille concurrentielle et la remontée des informations recueillies

– Mettre en ‘uvre une démarche de conseils auprès des courtiers ;

– Respecter les procédures et les outils de suivi commerciaux mis en place au sein de la Direction Commerciale ;

– Compléter les reportings nécessaires à l’activité ;

– Participer à l’amélioration continue du service par la collecte des attentes  » clients  » grâce au retour terrain ;

– Respecter les critères et objectifs définis par la Direction ;

– Respecter et veiller à l’application des règles qualité, des normes et procédures utilisées dans l’entreprise et dans le Groupe pour satisfaire nos clients et partenaires.

Lors de votre entretien préalable, nous vous avons présenté un certain nombre d’évènements qui ont eu pour effet de fortement dégrader notre confiance à votre égard.

En effet, en mars 2020, à la suite de contrôles habituels portant sur les factures essence et télépéage rattachées aux cartes et badges des salariés de notre Société, nous avons constaté que vous utilisiez frauduleusement votre carte essence et votre badge télépéage professionnels. La Société met à disposition de ses commerciaux une carte essence ainsi qu’un badge télépéage afin de faciliter la gestion des frais liés aux déplacements professionnels. Pourtant, le volume de carburant utilisé ainsi que les zones géographiques d’utilisation du badge télépéage ont alerté le service comptabilité. Après avoir effectué différentes recherches, nous avons découvert avec stupéfaction que la carte essence était utilisée afin de remplir le réservoir de votre camping-car et le badge télépéage utilisé pour vos déplacements personnels. A la suite d’un entretien au cours duquel vous aviez reconnu cette fraude dont le montant s’élevait à 7 460,80 ‘, nous étions convenus d’échelonner vos remboursements afin de ne pas vous mettre en difficulté financière. Le premier versement, d’un montant de 1 000 ‘, intervenait par chèque bancaire et était suivi d’un virement mensuel de 300 euros de votre part sur le compte d’APRIL Moto. Vous vous étiez engagé à respecter cet échéancier dont le cadencement avait été proposé par vous-même.

Cependant, vous n’avez pas honoré votre engagement puisque vous n’avez pas effectué l’intégralité des versements auxquels vous vous étiez engagé. Vous n’avez réglé que le premier paiement de 1 000 ‘ suivi d’un versement de 300 ‘. En décembre dernier, nous vous avons demandé de régulariser la situation ce que vous avez refusé sans même formuler de solutions alternatives et sans même daigner justifier ce refus. Vous n’avez proposé aucune solution pour rembourser votre dette découlant de la fraude dont vous étiez à l’origine et que vous n’avez d’ailleurs jamais contestée. Vous n’avez pas respecté vos engagements et vous avez adopté un comportement déloyal envers l’entreprise

Lors de l’entretien préalable, vous vous êtes justifié en expliquant que la banque avait fait une erreur de saisie en effectuant un virement ponctuel de 300’ et non un virement permanent. Il était pourtant de votre responsabilité de vous assurer que les virements soient effectués afin de respecter votre engagement, et a fortiori, de proposer une solution pour le paiement de votre dette lorsque nous vous avons alerté en décembre dernier.

Vos agissements récents ont une fois de plus altéré la confiance que nous avions à votre égard. Le 7 avril dernier, vous nous informiez de votre arrêt maladie sans autre explication, celui-ci prenant fin le 4 mai suivant.

Pendant votre absence, nous avons été extrêmement surpris de constater votre présence auprès de votre fils qui concourait à une course de motos au Portugal sur cette même période. Nous vous avons clairement identifié sur la page publique des réseaux sociaux de l’organisateur de la course Red Bull Rookies Cup, course que nous suivons dans le cadre de nos activités. Nous avons été fortement surpris de constater que vous aviez quitté le territoire sans formalité préalable, qui plus est afin de participer à un événement sportif pour soutenir votre fils, alors que vous étiez absent pour maladie.

Lors de l’entretien préalable, vous n’avez d’ailleurs pas nié les faits ni tenté de vous justifier.

Dans ce contexte marqué par une perte totale de confiance à votre égard, vous comprendrez qu’il ne nous est pas possible de poursuivre notre collaboration de manière saine et efficace.

Pour ces motifs, nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.  »

Contestant la licéité de son licenciement et ne s’estimant pas rempli de ses droits au titre de l’exécution de son contrat de travail, M. [X] a saisi le conseil de prud’hommes d’Amiens le 12 octobre 2022.

Par jugement du 20 novembre 2023, le conseil a :

– dit et jugé le licenciement de M. [X] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– dit et jugé que le licenciement de M. [X] n’était pas fondé, même partiellement, sur un motif discriminatoire ;

– condamné la société April moto à payer à M. [X] la somme de 12 766,59 euros à titre de dommages et intérêt pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– débouté M. [X] de :

– sa demande au titre du préjudice matériel attaché à la souscription d’un contrat d’abonnement téléphonique ;

– sa demande au titre de la perte de chance d’obtenir le paiement de sa participation jusqu’à l’âge de la retraite ;

– sa demande au titre du remboursement de la somme de 5 200 euros consécutive à l’avertissement du 30 avril 2020 ;

– condamné M. [X] à verser à la société April moto la somme de 1 060,80 euros au titre du remboursement consécutif à l’avertissement du 30 avril 2020 ;

– débouté M. [X] du surplus de ses demandes ;

– condamné la société April moto à verser à Pôle emploi la somme de 4 255,53 euros au titre de remboursement d’allocations chômage ;

– débouté la société April moto du surplus de ses demandes ;

– débouté les parties de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– dit et jugé que chaque partie supporterait la charge de ses propres dépens.

M. [X], régulièrement appelant de ce jugement, par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 mars 2024, demande à la cour de :

A titre principal,

– infirmer le jugement et dire et juger nul le licenciement qui lui a été notifié pour cause de discrimination ;

Par conséquent,

– condamner la société April moto à lui payer une somme de 103 172,64 euros à titre de dommages et intérêts ;

A titre subsidiaire,

– confirmer la décision de première instance et dire et juger dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement qui lui a été notifié ;

– infirmer la décision de première instance sur le quantum qui lui a été alloué et condamner la société April moto à lui régler une somme de 45 138,03 euros à titre de dommages et intérêts ;

En tout état de cause,

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamné à régler à la société April moto une somme de 1 060,80 euros au titre du remboursement consécutif à l’avertissement du 30 avril 2020 ;

A contrario,

– condamner la société April moto à lui rembourser la somme de 5 200 euros consécutive à l’avertissement du 30 avril 2020 ;

– condamner la société April moto à lui payer les sommes de :

– 102 831 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance d’obtenir le paiement de sa participation jusqu’à l’âge de la retraite ;

– 1 530 euros au titre du préjudice matériel attaché à la souscription d’un contrat d’abonnement téléphonique ;

– 3 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d’appel ;

– condamner la société April moto à lui remettre les documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;

– condamner la société April moto en tous les frais et dépens de première instance et d’appel.

La société April moto, par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 juillet 2024, demande à la cour de :

Sur le licenciement,

A titre principal,

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

– jugé que le licenciement de M. [X] n’était fondé sur aucun motif discriminatoire ;

– débouté M. [X] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

– jugé que le licenciement de M. [X] était sans cause réelle et sérieuse ;

– l’a condamnée à lui verser la somme de 12 766,59 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau,

– juger que le licenciement notifié à M. [X] était fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

– débouter en conséquence le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

A titre subsidiaire,

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a jugé le licenciement non fondé sur une cause réelle et sérieuse ni sur aucun motif discriminatoire ;

– confirmer le jugement déféré quant au quantum des dommages-intérêts alloués et limiter la condamnation à ce titre à la somme de 12 766,59 euros ;

A titre infiniment subsidiaire,

– en cas de licenciement jugé nul, limiter l’éventuelle condamnation de la société à la somme de 25 533,18 euros ;

Sur la demande du salaire d’indemnité au titre du préjudice matériel attaché à la souscription d’un contrat d’abonnement téléphonique,

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [X] de sa demande d’indemnité au titre du préjudice matériel attaché à la souscription d’un contrat d’abonnement téléphonique ;

Sur la demande de  » dommages et intérêts pour perte de chance d’obtenir le paiement de sa participation jusqu’à l’âge de la retraite « ,

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [X] de sa demande de dommages et intérêts pour perte de chance d’obtenir le paiement de sa participation jusqu’à l’âge de la retraite ;

Sur la demande de remboursement de la somme de 5 200 euros au titre de la fraude à l’utilisation des outils professionnels et la demande reconventionnelle de la société de paiement des sommes restant dues,

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

– débouté M. [X] de remboursement de la somme de 5 200 euros au titre de la fraude à l’utilisation des outils professionnels ;

– condamné M. [X] à lui verser la somme de 1 060,80 euros au titre du remboursement consécutif à l’avertissement du 30 avril 2020 ;

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il l’a condamnée au remboursement des indemnités Pôle emploi ;

Statuant à nouveau,

– ne prononcer aucune condamnation à remboursement des indemnités Pôle emploi à son encontre ;

Dans tous les cas,

– débouter M. [X] de toute demande plus ample ou contraire aux présentes ;

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il l’a déboutée de sa demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

– condamner M. [X] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause de première instance ;

Y ajoutant,

– condamner M. [X] à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

EXPOSE DES MOTIFS

1/ Sur l’exécution du contrat de travail

M. [X] conteste avoir fait usage pour ses besoins personnels du badge de péage et de la carte de carburant remis par l’employeur, même s’il n’a pas contesté l’avertissement notifié à ce sujet le 30 avril 2020.

L’employeur répond que le salarié ayant reconnu avoir une dette à son égard au titre des frais professionnels indûment perçus qu’il n’avait pas fini de rembourser au jour de la rupture du contrat de travail, sa demande est fondée.

L’article 1302 alinéa 1 du code civil dispose que tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution.

C’est au demandeur en restitution des sommes qu’il prétend avoir indûment payées qu’il incombe de prouver le caractère indu du paiement.

En l’espèce, le contrat de travail liant les parties stipule que les frais professionnels de déplacement engagés par le salarié lui seront remboursés dans les limites fixées par note de service.

La note de service du 17 janvier 2012 prévoit que les retraits de carburant et les péages liés à des déplacements non-professionnels ne seront pas pris en charge par l’employeur.

M. [X], n’ayant pas contesté l’avertissement notifié le 30 avril 2020 sanctionnant un usage personnel du badge de péage et de la carte de carburant pour un montant de 7 460,80 euros, le caractère indu des sommes qui lui ont été versées à ce titre est démontré.

Il ne saurait donc prétendre au remboursement de la somme qu’il a d’ores et déjà restituée à l’employeur.

L’employeur ayant déduit par compensation dans le dernier bulletin de salaire repris au solde de tout compte le solde de sa créance à l’égard du salarié, il ne peut pas plus prétendre au paiement de la somme qu’il réclame de son côté.

Le jugement est donc infirmé de ce chef.

2/ Sur la rupture du contrat de travail

2-1/ sur la nullité du licenciement

Le salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, en raison de son état de santé.

L’article L.1134-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige relatif à l’application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte telle que définie, au vu desquels il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, M. [X] affirme qu’il a été licencié à raison de son arrêt-maladie, ce qui constitue un motif discriminatoire.

L’employeur répond que le licenciement n’est pas fondé sur l’état de santé du salarié mais sur les faits constatés pendant son arrêt-maladie.

Il ressort des termes de la lettre de licenciement que l’employeur reproche notamment au salarié de s’être rendu à une course de motos au Portugal pendant un arrêt-maladie.

Le grief n’étant pas directement tiré du fait que M. [X] était en arrêt de travail pour maladie, la cour constate que ce dernier ne présente aucun élément de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination à raison de son état de santé.

La demande en nullité du licenciement est donc rejetée par confirmation du jugement entrepris.

2-2/ sur le bien-fondé du licenciement

M. [X] soutient que le premier grief est prescrit, que le second grief est discriminatoire à raison de son état de santé à défaut de preuve que son arrêt de travail était injustifié, et que la perte de confiance alléguée par l’employeur ne constitue pas une cause de licenciement.

L’employeur argue de la déloyauté réitérée du salarié, obligation persistant pendant la suspension du contrat de travail, pour justifier le licenciement.

En application de l’article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

L’employeur est fondé à se prévaloir au soutien d’un licenciement pour motif disciplinaire de griefs même prescrits à la date de l’engagement de la procédure disciplinaires s’ils procèdent du même comportement fautif que les griefs invoqués dans la lettre de licenciement.

En l’espèce, même à considérer que les faits invoqués par l’employeur à l’appui du licenciement pour cause réelle et sérieuse relèvent d’un même manquement à l’obligation de loyauté du salarié, ce qui l’autorise à prendre en compte des faits de plus de deux mois au jour de l’engagement de la procédure de licenciement, encore faut-il qu’il démontre que l’arrêt-maladie établi par le Docteur [Z] présente un caractère frauduleux.

Or, le seul fait que le salarié en arrêt-maladie ait pu se rendre au Portugal pour assister à une course de motos est insuffisant à démontrer le caractère frauduleux du certificat délivré par le médecin.

Ce grief n’est donc pas établi.

Concernant le fait de n’avoir pas honoré les remboursements échelonnés des frais professionnels indument perçus, la cour constate que l’employeur n’a sanctionné la fraude que par un avertissement, a attendu plusieurs mois pour constater la défaillance du salarié dans le respect de l’échéancier convenu, et a finalement décidé d’opérer par compensation mensuelle sur le salaire sans infliger de nouvelle sanction à ce dernier.

Dès lors, il ne saurait prétendre que ce seul grief est suffisamment grave pour justifier un licenciement.

C’est donc à bon droit que les premiers juges ont requalifié le licenciement notifié le 2 août 2022 en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

2-3/ sur les conséquences pécuniaires

M. [X] sollicite le remboursement de l’abonnement téléphonique souscrit pour les besoins professionnels ainsi que des dommages et intérêts pour la perte de chance de percevoir sa quote-part de participation jusqu’à l’âge de la retraite.

L’employeur répond que s’agissant d’un téléphone personnel qui, par définition, ne lui a pas été restitué, il n’a pas lieu d’en financer l’achat, et que le préjudice lié à la participation ne peut être indemnisé puisqu’il n’est qu’hypothétique. Il soutient que l’indemnisation de Pôle emploi n’est pas justifiée.

L’employeur doit prendre en charge les frais engagés par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de son employeur.

Seule constitue une perte de change réparable la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable.

L’article L.1235-3 du code du travail prévoit l’octroi d’une indemnité à la charge de l’employeur au bénéfice du salarié dont le licenciement est survenu pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse. Lorsque son ancienneté dans l’entreprise est de 11 années, le montant de cette indemnité est compris entre 3 et 10,5 mois de salaire.

En l’espèce, s’agissant d’un téléphone personnel utilisé dans le cadre professionnel, M. [X] ne peut prétendre à la prise en charge de son achat ou de son abonnement par l’employeur après la rupture du contrat de travail.

Le jugement est donc confirmé de ce chef.

Le droit à la participation dépendant de la poursuite du contrat de travail et des bénéfices de l’entreprise variables par nature, la perte de chance invoquée correspond à un préjudice hypothétique qui ne peut être indemnisé.

Le jugement est donc, également, confirmé de ce chef.

Compte-tenu des circonstances de la rupture, de l’effectif de la société, du montant de la rémunération de M. [X], de son âge, de son ancienneté dans l’entreprise, et en l’absence de justificatif de son indemnisation par France travail à compter du licenciement, la somme accordée par le conseil de prud’hommes apparait satisfactoire.

Le salarié ayant plus de deux ans d’ancienneté et l’entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, il convient de faire application d’office des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail, dans sa version applicable à la cause, et d’ordonner à l’employeur de rembourser à l’antenne France travail concernée les indemnités de chômage versées à l’intéressé depuis son licenciement dans la limite d’un mois de prestations par infirmation du jugement entrepris.

3/ Sur les autres demandes

Au vu du sens de la présente décision, il convient d’infirmer le jugement entrepris quant aux dépens et frais de procédure, et de mettre les dépens à la charge de l’employeur.

L’équité commande de condamner l’employeur à payer au salarié 1 500 euros au titre des frais de procédure engagés en première instance, et de laisser à la charge de chacune des parties les frais de procédure engagés en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qui concerne la demande en remboursement de l’employeur, le remboursement des prestations de chômage versées, les frais de procédure et les dépens,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Rejette la demande en remboursement de la société April moto,

Ordonne à la société April moto de rembourser à l’antenne France travail concernée les indemnités de chômage versées à M. [X] depuis son licenciement dans la limite d’un mois de prestations,

Condamne la société April moto à payer à M. [R] [X] la somme de 1 500 euros au titre des frais de procédure engagés en première instance,

Rejette le surplus des demandes,

Condamne la société April moto aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Votre avis sur ce point juridique ? Une actualité ? Une recommandation ?

Merci pour votre retour ! Partagez votre point de vue, une info ou une ressource utile.

Chat Icon