Exécution Provisoire et Voie de FaitL’article 514-3 du code de procédure civile stipule que, dans le cadre d’un appel, le premier président peut être saisi pour arrêter l’exécution provisoire d’une décision lorsque deux conditions sont réunies : l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et le risque que l’exécution entraîne des conséquences manifestement excessives. La charge de la preuve incombe à la partie qui invoque ces conséquences excessives, qui doivent être appréciées en tenant compte de la situation du débiteur et de ses capacités de règlement des condamnations prononcées, ainsi que des facultés de remboursement du créancier en cas de réformation du jugement. Expulsion et Délai de PréavisL’article L.412-1 du code des procédures civiles d’exécution précise que l’expulsion d’un occupant d’un lieu habité ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant le commandement, sauf dispositions contraires. Toutefois, le juge peut réduire ou supprimer ce délai dans certaines circonstances, notamment lorsque la procédure de relogement n’a pas été suivie d’effet en raison de l’attitude des locataires. Ce délai ne s’applique pas si le juge constate que l’expulsion concerne des personnes qui sont entrées dans les locaux par voie de fait. En l’espèce, le CCAS a établi que les occupants étaient entrés par voie de fait, ce qui a conduit à la suppression automatique des délais d’expulsion. Voie de Fait et PreuveLa notion de voie de fait est essentielle dans le cadre de l’expulsion. Les éléments de preuve, tels que l’attestation d’un artisan indiquant que les clés avaient été remises pour accéder à un bâtiment fermé, ainsi que le changement des barillets de la serrure par les occupants, ont permis de démontrer l’existence d’une voie de fait. Le juge des référés, en constatant cette voie de fait, était donc tenu de supprimer les délais prévus par les articles L.412-1, L.412-2 et L.412-3 du code des procédures civiles d’exécution, cette suppression étant de plein droit dans de telles circonstances. Considérations Sociales et Situation des PartiesDans le cadre de l’examen des demandes d’arrêt de l’exécution provisoire, le juge a également pris en compte la situation des parties, notamment la présence d’enfants mineurs et le projet de réinsertion sociale du CCAS. L’article L.412-6 du code des procédures civiles d’exécution, qui prévoit un sursis hivernal, a été appliqué avec une réduction à trois mois, tenant compte des circonstances particulières de l’affaire. Ainsi, le juge a agi dans le respect des dispositions légales tout en tenant compte des réalités sociales et des droits des parties impliquées. |
L’Essentiel : L’article 514-3 du code de procédure civile permet d’arrêter l’exécution provisoire d’une décision en cas de moyen sérieux d’annulation et de conséquences manifestement excessives. La charge de la preuve incombe à la partie invoquant ces conséquences, appréciées selon la situation du débiteur et les capacités de règlement. L’article L.412-1 précise que l’expulsion ne peut avoir lieu qu’après un délai de deux mois, sauf si le juge constate une voie de fait, ce qui a été établi par le CCAS.
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Résumé de l’affaire : Le centre communal d’action sociale de la ville de [Localité 3] (le CCAS) est propriétaire d’un bien immobilier situé à [Adresse 1], occupé sans titre par dix personnes, dont un couple et leurs trois enfants mineurs, ainsi qu’un autre couple avec leurs trois enfants mineurs. Face à cette occupation illégale, le CCAS a engagé une procédure judiciaire en assignant l’un des occupants devant le juge des contentieux de la protection, afin de faire constater leur statut d’occupants sans droit ni titre et d’obtenir leur expulsion.
Le juge a rendu une ordonnance le 29 novembre 2024, déclarant recevables les interventions des autres occupants et constatant leur statut d’occupants illégaux. Il a ordonné leur expulsion, en précisant que celle-ci pourrait être effectuée avec l’assistance de la force publique si nécessaire. De plus, il a supprimé les délais de préavis habituellement requis pour les expulsions, ce qui a conduit à des demandes de délais supplémentaires de la part des occupants, qui ont été rejetées. Le CCAS a également été débouté de sa demande d’astreinte et d’indemnité d’occupation. Les occupants ont interjeté appel de cette décision, soutenant qu’ils n’avaient pas été correctement informés des délais d’expulsion et que le juge avait statué au-delà des demandes du CCAS. Ils ont demandé l’arrêt de l’exécution provisoire de l’ordonnance. En réponse, le CCAS a demandé que les demandes des occupants soient déclarées irrecevables et a sollicité une condamnation des occupants aux dépens. Le juge a examiné les arguments des deux parties, notamment la question de la voie de fait, et a conclu que les occupants avaient effectivement pénétré dans le bien sans droit. Il a donc maintenu la décision d’expulsion, considérant que les délais d’expulsion avaient été correctement supprimés en raison de la situation d’occupation illégale. Les occupants ont été déboutés de leur demande d’arrêt de l’exécution provisoire et condamnés aux dépens. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique de l’expulsion des occupants sans droit ni titre ?L’expulsion des occupants sans droit ni titre est fondée sur les dispositions des articles L.412-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution. Selon l’article L.412-1, « si l’expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois qui suit le commandement, sans préjudice des dispositions des articles L. 412-3 à L. 412-7. » Cependant, le juge peut réduire ou supprimer ce délai, notamment lorsque la procédure de relogement n’a pas été suivie d’effet. Dans le cas présent, le juge a constaté que les occupants étaient entrés dans les lieux par voie de fait, ce qui a permis de justifier la suppression des délais d’expulsion. Quel est le rôle du juge des référés dans cette procédure ?Le juge des référés a pour rôle de statuer rapidement sur les demandes urgentes, notamment en matière d’expulsion. L’article 514-3 du code de procédure civile stipule que « en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives. » Dans cette affaire, le juge a constaté la voie de fait des occupants et a ordonné leur expulsion, ce qui est dans son pouvoir en tant que juge des référés. Quel est l’impact de la voie de fait sur la décision d’expulsion ?La voie de fait a un impact significatif sur la décision d’expulsion, car elle permet au juge de supprimer les délais d’expulsion prévus par la loi. L’article L.412-1 précise que « le délai prévu au premier alinéa ne s’applique pas lorsque le juge qui ordonne l’expulsion constate que les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux par voie de fait. » Dans cette affaire, le juge a constaté que les occupants étaient entrés par voie de fait, ce qui a conduit à la suppression des délais d’expulsion. Quel est le critère d’appréciation des conséquences manifestement excessives ?Le critère d’appréciation des conséquences manifestement excessives repose sur la situation du débiteur et ses facultés de règlement des condamnations prononcées. L’article 514-3 du code de procédure civile indique que « les conséquences doivent être appréciées au regard de la situation du débiteur, compte tenu de ses facultés de règlement des condamnations prononcées, ou des facultés de remboursement du créancier en cas de réformation du jugement. » Dans cette affaire, les demandeurs n’ont pas réussi à justifier de conséquences manifestement excessives, ce qui a conduit à leur déboutement. Quel est le sort des demandes d’astreinte et d’indemnité d’occupation ?Les demandes d’astreinte et d’indemnité d’occupation ont été déboutées, car le juge a considéré que les occupants étaient sans droit ni titre. Le CCAS a demandé une astreinte et une indemnité d’occupation, mais le juge a estimé que ces demandes n’étaient pas fondées dans le contexte de l’occupation sans titre. Ainsi, le juge a débouté le CCAS de sa demande d’astreinte et d’indemnité d’occupation, ce qui souligne l’importance de la qualification juridique de l’occupation. Quel est le principe de la solidarité des débiteurs dans cette affaire ?Le principe de la solidarité des débiteurs est appliqué dans cette affaire, ce qui signifie que tous les occupants sont responsables des dépens. Le juge a condamné solidairement les occupants aux entiers dépens de l’instance, conformément aux règles de la solidarité en matière de responsabilité. Cela est en ligne avec l’article 700 du code de procédure civile, qui permet au juge de condamner les parties à verser une somme pour couvrir les frais irrépétibles. Ainsi, tous les occupants sont tenus de supporter les frais liés à la procédure, renforçant ainsi la responsabilité collective des débiteurs. |
C O U R D ‘ A P P E L D E T O U L O U S E
DU 14 Mars 2025
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
43/25
N° RG 25/00020 – N° Portalis DBVI-V-B7J-Q2BH
Décision déférée du 29 Novembre 2024
– Juge des contentieux de la protection de TOULOUSE – 24/03144
DEMANDEURS
Monsieur [D] [E]
c/o [Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Madame [V] [C]
c/o [Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Madame [U] [O]
c/o [Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Monsieur [M] [H]
c/o [Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Tous représentés par Me Camille POUGAULT, avocat au barreau de Toulouse
DEFENDEUR
CENTRE COMMUNAL D’ACTION SOCIAL (CCAS) de [Localité 3]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Sandrine BEZARD de la SELARL VPNG, avocat au barreau de Toulouse
DÉBATS : A l’audience publique du 14 Février 2025 devant A. DUBOIS, assistée de C. IZARD
Nous, A. DUBOIS, présidente de chambre déléguée par ordonnance de la première présidente du 12 décembre 2024, en présence de notre greffière et après avoir entendu les conseils des parties en leurs explications :
– avons mis l’affaire en délibéré au 14 Mars 2025
– avons rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, l’ordonnance contradictoire suivante :
Le centre communal d’action sociale de la ville de [Localité 3] (le CCAS) est propriétaire d’un bien situé [Adresse 1].
Ce bien fait l’objet d’une occupation sans titre à usage d’habitation depuis plusieurs mois par 10 personnes : M. [D] [E], Mme [V] [C] et leurs 3 enfants mineurs, Mme [U] [O] et M. [M] [H] et leurs 3 enfants mineurs.
Par acte du 6 août 2024, le CCAS, autorisé par ordonnance du 31 juillet 2024, a fait assigner d’heure à heure, M. [E] devant le juge des contentieux de la protection, statuant en référé, aux fins notamment de voir constater qu’il est occupant sans droit ni titre et obtenir son expulsion.
Par ordonnance de référé du 29 novembre 2024, le juge a :
– déclaré recevables les interventions volontaires de Mme [V] [C], Mme [U] [O] et de M. [M] [H],
– constaté que M. [E], Mme [C], Mme [O] et M. [H] sont occupants sans droit ni titre d’une maison à usage d’habitation sise [Adresse 1]), dont le CCAS est propriétaire,
– à défaut de libération volontaire, ordonné l’expulsion de M. [E], Mme [C], Mme [O] et M. [H] ainsi que celle de tous occupants de leur chef, avec l’assistance de la force publique et d’un serrurier en cas de besoin,
– ordonné la suppression des délais de l’article L412-1 du code des procédures civiles d’exécution,
– débouté en conséquence M. [E], Mme [C], Mme [O] et M. [H] de leurs demandes de délais supplémentaires,
– ordonné la réduction des délais de l’article L412-6 du code des procédures civiles l’exécution à 3 mois à compter de la signification de la présente ordonnance,
– condamné solidairement M. [E], Mme [C], Mme [O] et M. [H] aux entiers dépens de l’instance en ce compris le coût du constat du commissaire de justice en date du 24 juillet 2024,
– débouté le CCAS de sa demande d’astreinte, d’indemnité d’occupation et au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté les parties de tout autre demande plus ample ou contraire.
M. [E], Mme [C], Mme [O] et M. [H] ont interjeté appel de cette décision le 19 décembre 2024.
Par acte du 3 février 2025, soutenu oralement à l’audience du 14 février 2025, auquel il conviendra de se référer pour l’exposé des moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, ils ont fait assigner le CCAS en référé devant la première présidente de la cour d’appel de Toulouse, sur le fondement de l’article 514-3 du code de procédure civile, pour voir :
– arrêter l’exécution provisoire attachée à l’ordonnance entreprise,
– en toute hypothèse, débouter le CCAS de toutes ses demandes contraires.
Suivant conclusions reçues au greffe le 13 février 2025, soutenues oralement à l’audience, auxquelles il conviendra de se référer pour l’exposé des moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, le CCAS demande à la première présidente de :
– à titre principal, juger les demandes des demandeurs irrecevables,
– à titre subsidiaire, cantonner l’arrêt de l’exécution provisoire à la seule disposition relative aux délais de l’article L.412-6 du code des procédures civiles d’exécution,
– en tout état de cause, condamner solidairement les demandeurs à lui verser la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
MOTIVATION :
Aux termes de l’article 514-3 du code de procédure civile, en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives. Ces dernières doivent être appréciées au regard de la situation du débiteur, compte tenu de ses facultés de règlement des condamnations prononcées, ou des facultés de remboursement du créancier en cas de réformation du jugement. La preuve en incombe à celui qui les invoque.
A l’appui de leurs moyens sérieux de réformation de cette décision, les demandeurs soutiennent en premier lieu que le juge a statué ultra petita en supprimant les différents délais pour quitter les lieux en l’absence de prétentions en ce sens par le CCAS.
Selon l’article L.412-1 du code des procédures civiles d’exécution, si l’expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef elle ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois qui suit le commandement, sans préjudice des dispositions des articles L. 412-3 à L. 412-7. Toutefois, le juge peut, notamment lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l’article L. 442-4-1 du code de la construction et de l’habitation n’a pas été suivie d’effet du fait des locataires, réduire ou supprimer ce délai.
Le délai prévu au premier alinéa ne s’applique pas lorsque le juge qui ordonne l’expulsion constate que les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux par voie de fait.
En l’espèce, le CCAS ayant précisément visé la voie de fait des occupants sans droit ni titre dans son acte introductif d’instance, il ne lui était pas nécessaire de solliciter expressément la suppression des délais prévus aux articles L.412-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution qui en découle de droit et le premier juge n’a donc fait que tirer les conséquences légales de ses constatations de la réalité de la voie de fait alléguée.
Les demandeurs considèrent en deuxième lieu que l’existence de la voie de fait n’est pas démontrée dès lors qu’ils ne sont rentrés dans l’immeuble que parce que celui-ci était ouvert.
Toutefois, cette thèse est contredite à la fois par l’attestation de M. [I], artisan mandaté pour réaliser des travaux de plomberie dans les lieux, qui indique que les clefs du bâtiment lui avait été remises pour qu’il puisse y pénétrer, établissant que l’immeuble était effectivement fermé à clé, et par le fait que les barillets de la serrure ont été changés par les occupants sans titre.
Ces éléments ont valablement pu convaincre le premier juge de l’existence d’une voie de fait.
Ce constat établi, le juge des référés était tenu de supprimer les délais prévus aux articles L.412-1, L.412-2, L.412-3 du code des procédures civiles d’exécution, cette suppression étant de plein droit lorsque les occupants sans titre ont pénétré dans les lieux par voie de fait.
Enfin, en ne le supprimant pas mais en réduisant à 3 mois le sursis hivernal de l’article L.412-6, le premier juge a bien pris en compte la situation respective des parties et notamment la présence d’enfants mineurs scolarisés et la nature du projet de réinsertion sociale du CCAS dont la capacité d’accueil devrait être plus importante que l’occupation actuelle des locaux.
Dans ces conditions, faute de justifier d’un moyen sérieux à l’appui de leur recours, les demandeurs seront déboutés de leur demande d’arrêt de l’exécution provisoire sans qu’il soit besoin de statuer sur l’existence de conséquences manifestement excessives qu’ils avancent.
Comme ils succombent, ils supporteront la charge des dépens sans qu’il y ait lieu de les condamner au paiement d’une somme au titre des frais irrépétibles eu égard leur situation précaire.
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Statuant par décision contradictoire, après débats en audience publique,
Déboutons M. [D] [E], Mme [V] [C], Mme [U] [O] et de M. [M] [H] de leur demande d’arrêt de l’exécution provisoire,
Les condamnons aux dépens,
Déboutons les parties du surplus de leurs demandes.
LA GREFFIERE LA MAGISTRATE DELEGUEE
C. IZARD A. DUBOIS
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