Exécution provisoire : conditions d’arrêt et preuve à apporter

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Exécution provisoire : conditions d’arrêt et preuve à apporter

Conditions d’arrêt de l’exécution provisoire

L’article 514-3 du code de procédure civile stipule que, dans le cadre d’un appel, le premier président peut être saisi pour arrêter l’exécution provisoire d’une décision lorsque deux conditions sont réunies : l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et le risque que l’exécution entraîne des conséquences manifestement excessives.

Ces conséquences doivent être évaluées en tenant compte de la situation du débiteur, notamment de ses capacités à régler les condamnations prononcées, ainsi que des facultés de remboursement du créancier en cas de réformation du jugement. La charge de la preuve incombe à la partie qui invoque ces éléments.

Preuve des moyens sérieux de réformation

Dans le cas présent, M. [I] [V] a tenté de prouver l’existence de moyens sérieux de réformation en se basant sur sa qualité de propriétaire du logement litigieux, en raison d’une promesse de vente et d’achat ainsi que d’une prescription acquisitive de plus de 10 ans, conformément à l’article 2272 du code civil.

Cependant, il n’a pas réussi à fournir un acte notarié ou des justificatifs suffisants pour étayer ses allégations, ce qui a conduit à la conclusion que les moyens avancés ne contredisaient pas de manière sérieuse la motivation du jugement initial.

Délai de prescription acquisitive

L’article 2272 du code civil précise que le délai de prescription acquisitive est de 30 ans, sauf dans le cas où le possesseur peut justifier d’un titre, ce qui n’était pas le cas pour M. [V]. En l’absence d’un titre valide, il ne pouvait pas prétendre à un délai de prescription réduit à 10 ans.

Ainsi, même si M. [V] remplissait les conditions pour prescrire, le délai applicable de 30 ans n’était pas acquis au moment de l’introduction de l’instance, ce qui a eu un impact direct sur sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire.

Conséquences de l’échec de la demande

Le demandeur qui ne parvient pas à prouver l’existence de moyens sérieux de réformation doit être débouté de sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire. Dans ce cas, il n’était pas nécessaire d’examiner les conséquences manifestement excessives qu’il avait avancées, car l’absence de preuve suffisante justifiait déjà le rejet de sa demande.

En conséquence, M. [V] a été condamné aux dépens, sans qu’il soit nécessaire de lui imposer le paiement d’une somme au titre des frais irrépétibles, compte tenu de sa situation précaire.

L’Essentiel : L’article 514-3 du code de procédure civile stipule que le premier président peut arrêter l’exécution provisoire d’une décision si deux conditions sont réunies : l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et le risque de conséquences manifestement excessives. M. [V] a tenté de prouver des moyens sérieux de réformation en se basant sur sa qualité de propriétaire, mais n’a pas fourni d’acte notarié ou de justificatifs suffisants, entraînant le rejet de sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire.
Résumé de l’affaire : Un couple, un époux et une épouse, se sont mariés en mars 1993 sous un régime de séparation de biens et ont eu un enfant. Leur divorce a été prononcé en mars 2001, avec une convention homologuée par le juge aux affaires familiales, prévoyant une prestation compensatoire sous forme d’un droit d’usage et d’habitation pour l’époux dans un logement spécifique pendant trois ans.

L’épouse est devenue pleine propriétaire de la moitié d’un immeuble, tandis que ses enfants, issus d’une précédente union, sont devenus nu-propriétaires de l’autre moitié après le décès de leur père. En mars 2018, l’épouse et ses enfants ont délivré une sommation de déguerpir à l’époux, qui occupait un logement sans droit ni titre. Une demande d’expulsion a été rejetée par le juge des référés en avril 2019.

En juillet 2021, l’épouse et ses enfants ont accordé un délai à l’époux pour quitter les lieux, mais sans succès. En mai 2022, ils l’ont assigné devant le juge des contentieux de la protection. En novembre 2023, le juge a déclaré l’époux occupant sans droit ni titre et a ordonné son expulsion, tout en lui imposant une indemnité mensuelle d’occupation et des frais à verser à l’épouse et aux enfants.

L’époux a interjeté appel de cette décision en janvier 2024. En juillet 2024, un commandement de quitter les lieux lui a été délivré. En décembre 2024 et janvier 2025, il a assigné l’épouse et les enfants en référé, demandant l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement. Cependant, le tribunal a rejeté sa demande, considérant qu’il n’avait pas apporté de preuves suffisantes pour contredire la décision initiale. L’époux a donc été débouté de sa demande et condamné aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement du 15 novembre 2023 ?

La demande d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement du 15 novembre 2023 est fondée sur l’article 514-3 du code de procédure civile. Cet article stipule que :

« En cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives. »

Il est précisé que les conséquences doivent être appréciées au regard de la situation du débiteur, en tenant compte de ses facultés de règlement des condamnations prononcées, ou des facultés de remboursement du créancier en cas de réformation du jugement.

La charge de la preuve incombe à celui qui invoque ces conséquences.

Quel moyen a été invoqué par le demandeur pour justifier sa demande d’arrêt d’exécution ?

Le demandeur, occupant sans droit ni titre, a invoqué des moyens sérieux de réformation en soutenant qu’il était propriétaire du logement litigieux en raison d’une promesse de vente et d’achat, ainsi que d’une prescription acquisitive de plus de 10 ans, conformément aux dispositions de l’article 2272 du code civil.

Cet article précise que :

« La prescription acquisitive est un moyen d’acquérir la propriété d’un bien par la possession prolongée de celui-ci. »

Cependant, le demandeur n’a pas réussi à prouver l’existence d’un acte notarié corroborant son allégation de modification du plan cadastral, ni à établir l’existence d’une promesse de vente et d’achat.

Quel est l’impact de l’absence de preuve d’un titre de propriété sur la demande de prescription acquisitive ?

L’absence de preuve d’un titre de propriété a un impact significatif sur la demande de prescription acquisitive. En effet, pour bénéficier d’un délai de prescription acquisitive réduit de 10 ans, le demandeur doit justifier d’un titre.

L’article 2272 du code civil stipule que :

« La prescription acquisitive est de trente ans, sauf dans le cas où le possesseur a un titre. »

Dans le cas présent, le demandeur ne pouvant prouver l’existence d’un titre, il ne peut pas revendiquer le délai de prescription acquisitive réduit. Ainsi, même s’il remplissait les conditions pour prescrire, le délai applicable de 30 ans n’était pas acquis au moment de l’introduction de l’instance.

Quelles sont les conséquences de l’échec du demandeur à prouver ses moyens ?

L’échec du demandeur à prouver ses moyens a pour conséquence qu’il doit être débouté de sa demande d’arrêt d’exécution provisoire du jugement.

En effet, le tribunal a constaté que le demandeur n’a pas apporté la preuve qui lui incombe concernant l’existence de moyens sérieux de réformation. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’examiner les conséquences manifestement excessives qu’il avance.

De plus, comme il succombe dans sa demande, il supportera la charge des dépens, sans qu’il soit besoin de le condamner au paiement d’une somme au titre des frais irrépétibles, compte tenu de sa situation précaire.

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

C O U R D ‘ A P P E L D E T O U L O U S E

DU 14 Mars 2025

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

38/25

N° RG 25/00010 – N° Portalis DBVI-V-B7J-QYVS

Décision déférée du 15 Novembre 2023

– Juge des contentieux de la protection de TOULOUSE – 22/01831

DEMANDEUR

Monsieur [I] [V]

Lieudit [Adresse 10]

[Localité 11]

Représenté par Me Bénédicte BERNES, avocat au barreau de Toulouse

DEFENDEURS

Madame [X] [Z]

Lieudit [Adresse 10]

[Localité 11]

Monsieur [J] [R]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Madame [W] [R]

[Adresse 7]

[Localité 4]

Monsieur [C] [R]

[Adresse 8]

[Localité 3]

Tous représentés par Me Pascaline LESCOURET, avocat au barreau de Toulouse

DÉBATS : A l’audience publique du 14 Février 2025 devant A. DUBOIS, assistée de C. IZARD

Nous, A. DUBOIS, présidente de chambre déléguée par ordonnance de la première présidente du 12 décembre 2024, en présence de notre greffière et après avoir entendu les conseils des parties en leurs explications :

– avons mis l’affaire en délibéré au 14 Mars 2025

– avons rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, l’ordonnance contradictoire suivante :

FAITS ‘ PROCÉDURE ‘ PRÉTENTIONS :

M. [I] [V] et Mme [X] [Z] veuve [R] se sont mariés le 27 mars 1993 après avoir conclu un contrat de mariage de séparation de biens. Ils ont eu un enfant, [F] [V], née le 26 mars 1994.

Le divorce de M. [V] et de Mme [Z] a été prononcé par jugement du 27 mars 2001.

La convention définitive homologuée par le juge aux affaires familiales a fixé une prestation compensatoire au bénéfice de l’époux prévue sous la forme d’un droit d’usage et d’habitation de trois ans, concernant deux pièces contiguës d’une surface d’environ 30m² avec la partie grenier au dessus des deux pièces, sise dans l’immeuble cadastré n°[Cadastre 6] D au nord du bâtiment avec sortie sur le chemin desservant ce bâtiment.

Mme [Z] serait pleine propriétaire de la moitié de l’immeuble sis sur la parcelle cadastrée ZN n°[Cadastre 2] lieudit [Localité 9] à [Localité 11] constituées de deux logements mitoyens, et usufruitière de l’autre moitié aux termes d’un acte de partage du 11 mai 1986 de la communauté [Z]/[R], tandis que ses enfants, Mme [W] [R], M. [J] [R] et M. [C] [R] seraient nu-propriétaires de la moitié après en avoir hérité de leur père M. [P] [R].

Le 15 mars 2018, Mme [Z] et ses enfants ont fait délivrer à M. [V] une sommation de déguerpir.

Par ordonnance du 18 avril 2019, le juge des référés du tribunal d’instance de Toulouse a rejeté leur demande d’expulsion.

Par lettre recommandée avec accusé de réception, du 12 juillet 2021, ils ont vainement accordé à M. [V] un délai jusqu’au 31 janvier 2022.

Par acte du 10 mai 2022, ils l’ont fait assigner devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Toulouse.

Par jugement du 15 novembre 2023, le juge a :

– dit que M. [V] est occupant sans droit ni titre du logement constitué par une maison non mitoyenne de celles des consorts [R] d’environ 57m² avec jardinet sise Lieudit [Adresse 10] à [Localité 11],

– ordonné en conséquence à M. [V], et à tout occupant de son chef, de libérer les lieux et de restituer les clés dans un délai de 4 mois à compter de la signification de la présente décision,

– dit qu’à défaut pour M. [V] d’avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans ce délai, les consorts [R] et Mme [Z] pourront, deux mois après la signification d’un commandement de quitter les lieux, faire procéder à son expulsion ainsi qu’à celle de tout occupant de son chef, avec le concours d’un serrurier et de la force publique si besoin,

– condamné M. [V] au paiement d’une indemnité mensuelle d’occupation à compter de la date de la présente décision et jusqu’à la date de la libération effective et définitive des lieux,

– fixé cette indemnité mensuelle d’occupation à la somme de 400 euros,

– condamné M. [V] à verser à Mme [Z] et aux consorts [R] la somme de 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [V] au paiement des dépens.

M. [V] a interjeté appel de cette décision le 24 janvier 2024.

Le 9 juillet 2024, il s’est vu délivrer un commandement de quitter les lieux dans un délai de deux mois.

Par actes des 24 et 26 décembre 2024 et du 10 janvier 2025, soutenu oralement à l’audience du 14 février 2025, auquel il conviendra de se référer pour l’exposé des moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, il a fait assigner Mme [Z] et les consorts [R] en référé devant la première présidente de la cour d’appel de Toulouse, sur le fondement de l’article 514-3 du code de procédure civile, pour voir :

– constater qu’il est appelant du jugement du 15 novembre 2023,

– juger qu’il existe un moyen sérieux de réformation du jugement entrepris,

– juger que les effets du jugement dont appel ont des conséquences manifestement excessives,

– en conséquence, ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement du 15 novembre 2023,

– statuer ce que de droit sur les dépens.

Suivant conclusions reçues au greffe le 5 février 2025, soutenues oralement à l’audience, auxquelles il conviendra de se référer pour l’exposé des moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, Mme [Z], Mme [W] [R], M. [J] [R] et M. [C] [R] demandent à la première présidente de :

– débouter M. [V] de l’intégralité de ses demandes,

– le condamner aux entiers dépens et à leur payer 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

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MOTIVATION :

Aux termes de l’article 514-3 du code de procédure civile, en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives. Ces dernières doivent être appréciées au regard de la situation du débiteur, compte tenu de ses facultés de règlement des condamnations prononcées, ou des facultés de remboursement du créancier en cas de réformation du jugement. La preuve en incombe à celui qui les invoque.

En l’espèce, M. [I] [V] sollicite l’arrêt de l’exécution provisoire attachée au jugement rendu le 15 novembre 2024 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Toulouse en excipant de moyens sérieux de réformation tirés du fait qu’il est propriétaire du logement litigieux qu’il occupe en raison d’une promesse de vente et d’achat découlant des documents produits aux débats et d’une prescription acquisitive de plus de 10 ans dans les termes de l’article 2272 du code civil.

Toutefois, ces moyens et les pièces versées à leur appui, qui sont les mêmes qu’en première instance, ne permettent pas de sérieusement contredire la motivation développée par le juge des contentieux de la protection.

En effet, comme relevé dans le jugement entrepris, M. [V] n’apporte pas la preuve d’un acte notarié permettant de corroborer le projet allégué de modification du plan cadastral à la suite du plan de division établi par M. [E], géomètre, en février 2024. Il n’apporte pas non plus de justificatifs établissant l’existence d’une promesse de vente et d’achat.

Par ailleurs, en l’absence d’acquisition dudit bien par le truchement d’un titre, M. [V] ne peut valablement prétendre au délai de prescription acquisitive réduit de 10 ans de sorte, qu’à supposer qu’il remplisse les conditions pour prescrire, le délai applicable de 30 ans n’était pas acquis au jour de l’introduction de l’instance devant le juge des contentieux de la protection.

Le demandeur qui échoue à rapporter la preuve qui lui incombe, de l’existence de moyens sérieux de réformation, doit donc être débouté de sa demande d’arrêt d’exécution provisoire du jugement entrepris sans qu’il soit besoin de statuer sur les conséquences manifestement excessives qu’il avance.

Comme il succombe, il supportera la charge des dépens sans qu’il y ait lieu de le condamner au paiement d’une somme au titre des frais irrépétibles eu égard à sa situation précaire.

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PAR CES MOTIFS

Statuant par décision contradictoire, après débats en audience publique,

Déboutons M. [I] [V] de sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire,

Le condamnons aux dépens,

Déboutons les parties du surplus de leurs demandes.

LA GREFFIERE LA MAGISTRATE DELEGUEE

C. IZARD A. DUBOIS


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