Exécution provisoire : conditions d’arrêt et conséquences financières prévisibles

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Exécution provisoire : conditions d’arrêt et conséquences financières prévisibles

Conditions d’irrecevabilité de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire

Aux termes de l’alinéa 1er de l’article 514-3 du code de procédure civile, le premier président peut être saisi pour arrêter l’exécution provisoire d’une décision en cas d’appel, à condition qu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande d’arrêt de l’exécution provisoire formulée par une partie ayant comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur cette exécution n’est recevable que si, en plus de l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées après la décision de première instance.

Éléments constitutifs des conséquences manifestement excessives

Il incombe à la partie qui sollicite l’arrêt de l’exécution provisoire de prouver l’existence de conséquences manifestement excessives qui se seraient révélées postérieurement à la décision de première instance. En l’espèce, M. [K] n’a pas contesté sa dette et a demandé l’arrêt de l’exécution provisoire sans avoir soulevé d’observations lors de l’audience de première instance.

Les éléments avancés par M. [K] pour justifier une aggravation de sa situation financière, tels que des relances de paiement et des injonctions de payer, ne constituent pas des conséquences imprévisibles, mais sont des résultats directs et prévisibles d’actions entreprises avant le jugement de première instance.

Conséquences de l’irrecevabilité de la demande

En l’absence de preuves d’une aggravation de la situation financière de M. [K] qui se serait manifestée après le jugement de première instance, sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire est déclarée irrecevable. Par conséquent, il est condamné aux dépens et à verser une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile, conformément aux dispositions légales en vigueur.

L’Essentiel : Aux termes de l’article 514-3 du code de procédure civile, le premier président peut arrêter l’exécution provisoire d’une décision en cas d’appel, sous certaines conditions. La demande d’arrêt formulée par une partie ayant comparu en première instance sans observations n’est recevable que si des conséquences manifestement excessives se sont révélées après la décision. M. [K] n’a pas prouvé l’existence de telles conséquences, ses éléments étant des résultats prévisibles d’actions antérieures, rendant sa demande irrecevable.
Résumé de l’affaire : La SAS Comptoir commercial du Languedoc a régulièrement fourni des marchandises à un entrepreneur individuel exerçant sous l’enseigne AH Habitat Services. Un contrat a été établi le 12 juin 2017, stipulant que les paiements des factures devaient être effectués dans un délai de 30 jours à compter de la fin du mois. Entre mars et août 2023, des factures ont été émises, et le compte de l’entrepreneur s’est retrouvé débiteur de 15 337,89 euros TTC au 10 août 2023.

Face à l’absence de paiement, la SAS a mis en demeure l’entrepreneur à plusieurs reprises en août 2023, avant de saisir le tribunal de commerce de Toulouse le 24 octobre 2023. Le tribunal a rendu une ordonnance le 2 novembre 2023, enjoignant l’entrepreneur à régler la somme due. Cependant, ce dernier a formé opposition à cette ordonnance le 19 décembre 2023. Le jugement rendu le 2 décembre 2024 a déclaré l’opposition recevable mais non fondée, condamnant l’entrepreneur à payer la somme due, ainsi que des intérêts de retard, des frais de recouvrement et des dépens.

L’entrepreneur a interjeté appel de cette décision le 7 janvier 2025. Par la suite, la SAS a délivré un commandement de saisie-vente, contesté par l’entrepreneur. Ce dernier a également reçu des notifications de saisie-attribution sur ses comptes bancaires. Le 22 janvier 2025, il a assigné la SAS en référé pour demander l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement.

Lors de l’audience, l’entrepreneur a maintenu ses prétentions, tandis que la SAS a demandé l’irrecevabilité de la demande et la condamnation de l’entrepreneur aux dépens. Le tribunal a finalement déclaré la demande de l’entrepreneur irrecevable, le condamnant aux dépens et à verser une somme à la SAS au titre des frais de justice.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire formulée par l’entrepreneur individuel ?

La demande d’arrêt de l’exécution provisoire est fondée sur l’article 514-3 du code de procédure civile. Cet article stipule que :

« En cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives. »

Il est également précisé que la demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, en plus de l’existence d’un moyen sérieux, l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

Ainsi, pour que l’entrepreneur individuel puisse obtenir l’arrêt de l’exécution provisoire, il doit prouver l’existence de conséquences manifestement excessives survenues après le jugement initial.

Quel est le critère d’appréciation des conséquences manifestement excessives dans le cadre de l’exécution provisoire ?

Le critère d’appréciation des conséquences manifestement excessives repose sur la capacité de la partie à démontrer que des événements ou des circonstances nouvelles, survenus après la décision de première instance, rendent l’exécution de cette décision intolérable.

Dans le cas présent, l’entrepreneur individuel a allégué que sa situation financière s’était aggravée à la suite de divers événements, notamment des relances de paiement et des injonctions de payer. Cependant, le tribunal a constaté que ces éléments étaient des conséquences directes et prévisibles de démarches entreprises avant le délibéré de première instance.

Il en découle que pour établir des conséquences manifestement excessives, il est nécessaire de prouver que ces conséquences n’étaient pas prévisibles au moment du jugement initial et qu’elles sont survenues postérieurement à celui-ci.

Quel est le sort des demandes de l’entrepreneur individuel en cas d’irrecevabilité ?

Lorsque les demandes de l’entrepreneur individuel sont déclarées irrecevables, cela signifie qu’il n’a pas réussi à établir les conditions nécessaires pour obtenir l’arrêt de l’exécution provisoire. En conséquence, il est condamné aux dépens, conformément à l’article 696 du code de procédure civile, qui stipule que :

« La partie qui succombe est condamnée aux dépens. »

De plus, l’article 700 du même code prévoit que :

« Le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Dans ce cas, l’entrepreneur individuel a été condamné à payer une somme de 800 euros à la SAS Comptoir commercial du Languedoc au titre de l’article 700, en raison de sa position perdante dans le litige.

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

C O U R D ‘ A P P E L D E T O U L O U S E

DU 14 Mars 2025

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

39/25

N° RG 25/00011 – N° Portalis DBVI-V-B7J-QYWB

Décision déférée du 02 Décembre 2024

– Tribunal de Commerce de TOULOUSE – 2024J00038

DEMANDEUR

[Y] [K], exerçant sous l’enseigne AH HABITAT SERVICES

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Jean-Charles MARRIGUES, avocat au barreau de Toulouse

DEFENDERESSE

S.A.S. COMPTOIR COMMERCIAL DU LANGUEDOC

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Emmanuelle REY-SALETES de la SCP CAMILLE ET ASSOCIES, avocat au barreau de Toulouse

DÉBATS : A l’audience publique du 14 Février 2025 devant A. DUBOIS, assistée de C. IZARD

Nous, A. DUBOIS, présidente de chambre déléguée par ordonnance de la première présidente du 12 décembre 2024, en présence de notre greffière et après avoir entendu les conseils des parties en leurs explications :

– avons mis l’affaire en délibéré au 14 Mars 2025

– avons rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, l’ordonnance contradictoire suivante :

FAITS ‘ PROCÉDURE ‘ PRÉTENTIONS :

La SAS Comptoir commercial du Languedoc vend régulièrement des marchandises à M. [K], maçon exerçant sous l’enseigne AH Habitat Services.

Le 12 juin 2017, une ouverture de compte a été conclue entre les parties prévoyant le règlement des factures à 30 jours fin de mois.

Entre le 31 mars et le 10 août 2023, des factures et des avoirs ont été émis par la SAS Comptoir commercial du Languedoc à M. [K] dont le compte, non contesté, s’est retrouvé débiteur à hauteur de 15 337,89 euros TTC le 10 août 2023.

Les 11, 18 et 29 août 2023, la SAS Comptoir commercial du Languedoc a vainement mis en demeure M. [K] de lui régler les sommes dues puis a saisi le tribunal de commerce de Toulouse par requête du 24 octobre 2023.

Elle a obtenu une ordonnance du 2 novembre 2023 enjoignant à son débiteur de payer la somme de 15 337,89 euros en principal.

Le 19 décembre 2023, M. [K] a formé opposition de cette ordonnance.

Par jugement du 2 décembre 2024, le tribunal de commerce a :

– dit l’opposition ainsi formée recevable mais non fondée,

– condamné M. [K] en qualité d’entrepreneur individuel à payer à la SAS Comptoir commercial du Languedoc les sommes de :

11 479,55 euros majorée des intérêts de retard aux taux d’intérêts appliqués par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente augmentée de 10 points de pourcentage à compter du lendemain de la date d’échéance de chacune des factures

80 euros au titre des frais de recouvrement,

1 000 euros à la SAS Comptoir commercial du Languedoc au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté M. [K] de sa demande de délais de paiement,

– condamné le même aux entiers dépens qui comprendront les frais d’injonction de payer et d’opposition.

M. [K] a interjeté appel de cette décision le 7 janvier 2025.

Le 23 décembre 2024, la SAS Comptoir commercial du Languedoc lui a fait délivrer un commandement aux fins de saisie vente, qu’il a contesté.

Le 10 janvier 2025, il a reçu dénonce de trois procès-verbaux de saisie-attribution portant sur trois comptes par lui ouverts dans les livres de la Revolut Bank, de la CRCAM et de la Caisse d’Epargne.

Par acte du 22 janvier 2025, il a fait assigner la SAS Comptoir commercial du Languedoc en référé devant la première présidente de la cour d’appel de Toulouse, sur le fondement de l’article 514-3 du code de procédure civile, pour voir :

– ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement entrepris,

– statuer ce que de droit s’agissant des dépens.

Par dernières conclusions reçues au greffe le 12 février 2025, soutenues oralement à l’audience du 14 février 2025, auxquelles il conviendra de se référer pour l’exposé des moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, il a maintenu ses prétentions initiales.

Suivant conclusions reçues au greffe le 11 février 2025, soutenues oralement à l’audience, auxquelles il conviendra de se référer pour l’exposé des moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, la SAS Comptoir commercial du Languedoc demande à la première présidente de :

– prononcer l’irrecevabilité des demandes formées par M. [K] tendant à l’arrêt de l’exécution provisoire dont a été assorti le jugement du 2 décembre 2024,

– condamner M. [K] au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l’instance.

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MOTIVATION :

Aux termes de l’alinéa 1er de l’article 514-3 du code de procédure civile, en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

En l’espèce M. [Y] [K] qui ne conteste pas sa dette, sollicite l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement entrepris. Il n’a fait toutefois valoir aucune observation sur l’exécution provisoire lors de l’audience du 9 septembre 2024 à l’issue de laquelle la décision litigieuse a été rendue.

Il doit donc établir l’existence de conséquences manifestement excessives qui se seraient révélées postérieurement à ladite décision.

Il prétend que sa situation financière se serait aggravée à la suite du délibéré en raison d’une lettre de relance portant demande de paiement d’une taxe d’aménagement due dès le 30 août 2024, de trois factures adressées pour le branchement de sa maison en cours de construction au réseau des eaux usées, d’une ordonnance portant injonction de payer la somme de 8 456,78 euros et de trois nouveaux procès-verbaux de saisie-attribution.

Toutefois, l’ensemble de ces éléments ne sont que les conséquences directes et prévisibles de démarches et actions entreprises avant le délibéré de première instance de sorte qu’il ne peut s’en prévaloir pour justifier de l’existence de conséquences manifestement excessives qui se seraient révélées postérieurement au jugement entrepris.

Dès lors, à défaut de se prévaloir de conséquences manifestement excessives qui n’existaient pas lors du prononcé de la décision de première instance et qui ne se seraient révélées que postérieurement à celle-ci, M. [K] sera déclarée irrecevable en ses demandes.

Comme il succombe il sera condamné aux dépens et à payer à la SAS Comptoir Commercial du Languedoc la somme de 800 euros du chef de l’article 700 du code de procédure civile.

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PAR CES MOTIFS

Statuant par décision contradictoire, après débats en audience publique,

Déclarons M. [Y] [K] irrecevable en sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire attachée au jugement rendu le 2 décembre 2024 par le tribunal de commerce de Toulouse,

Le condamnons aux dépens,

Le condamnons à payer à la SAS Comptoir Commercial du Languedoc la somme de 800 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA MAGISTRATE DELEGUEE

C. IZARD A. DUBOIS


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