Exécution provisoire : conditions d’arrêt et conséquences excessives non démontrées

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Exécution provisoire : conditions d’arrêt et conséquences excessives non démontrées

Conditions d’irrecevabilité de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire

La demande d’arrêt de l’exécution provisoire est irrecevable si la partie requérante n’a pas formulé d’observations sur l’exécution provisoire en première instance et ne justifie pas d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, ainsi que de conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à la décision de première instance.

Cette règle est fondée sur l’article 514-3 du Code de procédure civile, qui stipule que le premier président peut être saisi pour arrêter l’exécution provisoire uniquement dans ces conditions précises.

Conséquences manifestement excessives

Les conséquences invoquées par la partie requérante doivent être manifestement excessives et ne pas avoir été connues lors de la première instance. En l’espèce, la société Crêpe Autrement n’a pas démontré que les conséquences de son expulsion, telles que la perte de son droit au bail ou la liquidation judiciaire, constituaient des conséquences manifestement excessives, car ces éléments étaient prévisibles et connus dès la première instance.

L’absence de preuve d’une impossibilité d’exploiter un autre local renforce l’irrecevabilité de la demande, conformément aux exigences posées par la jurisprudence en matière d’exécution provisoire.

Indemnisation sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile

La condamnation à payer une somme au titre de l’article 700 du Code de procédure civile est justifiée lorsque la partie perdante est tenue d’indemniser la partie gagnante pour les frais engagés dans le cadre de l’instance.

Cette disposition permet de compenser les frais non couverts par les dépens, et son application est discrétionnaire, tenant compte des circonstances de l’affaire et de la bonne ou mauvaise foi des parties. Dans le cas présent, la société Crêpe Autrement a été condamnée à verser 1.500 euros à la société Foncière du parc Monceau, en raison de l’irrecevabilité de sa demande.

L’Essentiel : La demande d’arrêt de l’exécution provisoire est irrecevable si la partie requérante n’a pas formulé d’observations en première instance et ne justifie pas d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation. Les conséquences invoquées doivent être manifestement excessives et non connues lors de la première instance. En l’espèce, la société Crêpe Autrement n’a pas démontré que son expulsion entraînait des conséquences manifestement excessives, car ces éléments étaient prévisibles dès la première instance.
Résumé de l’affaire : Dans cette affaire, une société locataire, désignée comme la société Crêpe Autrement, a été assignée en référé par son bailleur, la société Foncière du Parc Monceau. Le tribunal judiciaire de Paris a rendu un jugement le 7 novembre 2024, constatant l’acquisition de la clause résolutoire du bail, suite à un commandement de payer délivré le 11 juin 2021. Ce jugement a ordonné à la société Crêpe Autrement de libérer les locaux qu’elle occupait à Localité 3 dans un délai d’un mois, sous peine d’expulsion avec le concours de la force publique.

La société Crêpe Autrement a interjeté appel de cette décision le 4 décembre 2024, soutenant qu’elle avait des moyens sérieux de réformation du jugement et que l’exécution de celui-ci entraînerait des conséquences manifestement excessives. Elle a fait valoir qu’elle occupait les lieux depuis 17 ans et que la bailleresse ne justifiait pas de préjudice lié à l’arrêt de l’exécution provisoire.

En réponse, la société Foncière du Parc Monceau a contesté la recevabilité de la demande de la société Crêpe Autrement, arguant que cette dernière n’avait pas soulevé d’observations sur l’exécution provisoire en première instance et que les conséquences alléguées étaient connues avant le jugement. Elle a également demandé le déboutement de la société Crêpe Autrement et la condamnation de celle-ci à des dépens.

Le premier président a finalement déclaré irrecevable la demande d’arrêt de l’exécution provisoire de la société Crêpe Autrement, considérant qu’elle n’avait pas démontré de conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à la décision initiale. La société Crêpe Autrement a été condamnée à payer des dépens et une indemnité à la société Foncière du Parc Monceau.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire ?

La demande d’arrêt de l’exécution provisoire est fondée sur l’article 514-3 du code de procédure civile. Cet article stipule que, en cas d’appel, le premier président peut être saisi pour arrêter l’exécution provisoire d’une décision lorsque deux conditions sont réunies :

1. Il doit exister un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision.

2. L’exécution doit risquer d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

Il est important de noter que la demande de la partie ayant comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, en plus des conditions mentionnées, les conséquences excessives se sont révélées après la décision de première instance.

Dans cette affaire, la société Crêpe Autrement n’a pas formulé d’observations sur l’exécution provisoire lors de la première instance, ce qui constitue un obstacle à sa demande.

Quel est le constat fait par le tribunal concernant les conséquences de l’exécution provisoire ?

Le tribunal a constaté que la société Crêpe Autrement n’a pas démontré l’existence de conséquences manifestement excessives résultant de l’exécution provisoire. En effet, bien que la société ait évoqué des conséquences telles que la perte de son droit au bail, la liquidation judiciaire et les licenciements économiques, ces éléments ne constituent pas, en eux-mêmes, des conséquences manifestement excessives.

L’article 514-3 du code de procédure civile exige que les conséquences excessives soient révélées postérieurement à la décision de première instance. Or, dans ce cas, la société Crêpe Autrement n’a pas produit de preuves attestant d’une impossibilité d’exploiter un autre local, et les conséquences évoquées étaient déjà connues lors de la première instance.

Ainsi, le tribunal a jugé que la demande d’arrêt de l’exécution provisoire était irrecevable, faute de justifications suffisantes.

Quel est le montant des dépens et l’indemnité accordée à la partie défenderesse ?

La société Crêpe Autrement a été condamnée aux dépens de la présente instance, conformément aux règles générales en matière de procédure civile. En outre, elle a été condamnée à verser à la société Foncière du parc Monceau une somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Cet article prévoit que « la partie qui succombe peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ». Cela signifie que la partie perdante peut être tenue de rembourser les frais engagés par la partie gagnante, ce qui inclut les honoraires d’avocat et autres frais liés à la procédure.

Dans ce cas, la société Crêpe Autrement a été reconnue responsable des frais, ce qui a conduit à la décision de lui imposer cette indemnité.

Copies exécutoires République française

délivrées aux parties le : Au nom du peuple français

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 5

ORDONNANCE DU 27 MARS 2025

(n° /2025)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 24/19667 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CKNIN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Novembre 2024 – TJ de PARIS – RG n° 21/09193

Nature de la décision : Contradictoire

NOUS, Michèle CHOPIN, Conseillère, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assistée de Cécilie MARTEL, Greffière.

Vu l’assignation en référé délivrée à la requête de :

DEMANDEUR

S.A.R.L. CREPE AUTREMENT

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

Et assistée de Me Eric GICQUEL de la SELARL GICQUEL ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS, toque : C1463

à

DEFENDEUR

S.C.I. FONCIERE DU PARC MONCEAU

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945

Et assistée de Me Anne GARZON de la SELEURL AGDC AVOCAT, avocat plaidant au barreau de PARIS, toque : C0124

Et après avoir appelé les parties lors des débats de l’audience publique du 13 Février 2025 :

Par jugement du 7 novembre 2024, le tribunal judiciaire de Paris a :

– Constaté l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail portant sur les locaux situés [Adresse 1] à [Localité 3] à la date du 11 juillet 2021 à vingt-quatre heures par l’effet du commandement du 11 juin 2021 délivré par la sci Foncière du parc Monceau à la société Crêpe Autrement,

– Ordonné à la société Crêpe Autrement et à tous occupants de son chef de libérer les locaux dans le mois suivant la signification de la décision,

– Ordonné à défaut de libération volontaire des lieux dans ce délai l’expulsion de la société Crêpe Autrement que celle des occupants de son chef si besoin avec le concours de la force publique et d’un serrurier,

– Dit que l’enlèvement des meubles et effets se trouvant éventuellement dans les lieux sera effectué selon les règles fixées par les articles L 433-1 et suivants et R 433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,

– Fixé l’indemnité d’occupation due à la sci Foncière du parc Monceau par la société Crêpe Autrement à compter du 12 juillet 2021 et jusqu’à libération effective des lieux, caractérisée par la remise des clés ou par l’expulsion à un montant équivalent au dernier loyer contractuel, majoré des charges,

– Condamné la société Crêpe Autrement aux dépens de l’instance comprenant le cout du commandement de payer du 11 juin 2021 ainsi qu’à payer une somme de 3.000 euros à la sci Foncière du parc Monceau.

La société Crêpe Autrement a interjeté appel de cette décision le 4 décembre 2024 et fait assigner la société Foncière du parc Monceau devant la juridiction du premier président par exploit du 9 décembre 2024 aux fins de voir :

– Dire et juger qu’elle démontre l’existence de moyens sérieux de réformation ou d’annulation du jugement du 7 novembre 2024,

– Juger que l’exécution du jugement du 7 novembre 2024 ne peut qu’entrainer des conséquences manifestement excessives,

– Ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire dont se trouve assorti le jugement du 7 novembre 2024 du tribunal judiciaire de Paris,

– Condamner la société Foncière du parc Monceau aux dépens de l’instance en référé et à une somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses écritures, déposées et développées oralement à l’audience du 13 février 2025, la société Crêpe Autrement a repris ses demandes.

Elle indique que des conséquences manifestement excessives se sont révélées postérieures au jugement rendu, alors que son activité est pérenne et qu’elle occupe les lieux depuis 17 ans. Elle précise que la bailleresse ne justifie d’aucun préjudice qui résulterait de l’arrêt de l’exécution provisoire, le jugement entrepris lui servant de  » point d’appui  » pour obtenir le déplafonnement. Elle soutient qu’il existe des moyens sérieux de réformation et d’annulation du jugement entrepris, alors que sa bonne foi est certaine.

Aux termes de ses dernières écritures remises et développées à l’audience, la société Foncière du parc Monceau demande au premier président de :

A titre principal,

– Constater que la société Crêpe Autrement n’a formulé aucune observation en première instance sur l’exécution provisoire et qu’elle ne justifie pas d’un risque de conséquence manifestement excessive révélée postérieurement à la première instance,

En conséquence,

– La déclarer irrecevable en sa demande,

A titre subsidiaire,

– Juger que la société Crêpe Autrement ne rapporte la preuve ni de l’existence d’un moyen sérieux de réformation ou de réformation ni que l’exécution risque d’entrainer des conséquences manifestement excessives,

– Débouter la société Crêpe Autrement de ses demandes,

En tout état de cause,

– Condamner la société Crêpe Autrement au paiement d’une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civiles et aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Cheviller.

Elle expose notamment que la demande est irrecevable, les conséquences mises en avant étant autant d’éléments connus avant la décision rendue. Il n’existe aucun moyen sérieux de réformation ou d’annulation de cette décision, alors que la demande de délais rétroactifs doit être rejetée par la cour d’appel.

SUR CE,

Selon l’article 514-3 du code de procédure civile, en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives ; la demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

En l’espèce, il résulte du jugement frappé d’appel que la société Crêpe Autrement n’a pas fait valoir d’observations sur l’exécution provisoire en première instance.

Or, elle ne fait état d’aucune conséquence excessive qui se serait révélée postérieurement à la décision de première instance.

Elle expose qu’elle est à jour de ses paiements et a apuré sa dette, que son expulsion entrainerait la perte de son droit au bail, la perte de son fonds de commerce, faute d’occupation régulière des locaux, sa liquidation judiciaire, les licenciements économiques de ses salariés.

Mais ces éléments ne constituent pas en eux même des conséquences manifestement excessives de l’exécution provisoire et leur éventualité était connue dès la première instance, l’expulsion ayant été demandée par la société Foncière du parc Monceau et les autres éléments invoqués découlant de manière hypothétique de ladite expulsion.

En outre, la société Crêpe Autrement ne produit aucune pièce attestant d’une impossibilité d’exploiter un autre local.

Faute de justifier de conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à la décision de première instance, sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire est irrecevable.

La société Crêpe Autrement sera tenue aux dépens, sans qu’il n’y ait lieu à distraction, s’agissant d’une matière sans représentation obligatoire et tenue d’indemniser, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, la défenderesse des frais qu’elle a de nouveau été contraint d’engager, à hauteur de la somme de 1.500 euros.

PAR CES MOTIFS

Déclarons irrecevable la demande d’arrêt de l’exécution provisoire formée par la société Crêpe Autrement,

Condamnons la société Crêpe Autrement aux dépens de la présente instance ;

La condamnons à payer à la société Foncière du parc Monceau la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

ORDONNANCE rendue par Mme Michèle CHOPIN, Conseillère, assistée de Mme Cécilie MARTEL, greffière présente lors de la mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

La Greffière, La Conseillère


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