Exécution d’une contrainte : conditions et limites de mise en œuvre

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Exécution d’une contrainte : conditions et limites de mise en œuvre

Conditions de la contrainte et effets d’un jugement

La contrainte émise par un organisme de sécurité sociale, comme la caisse d’allocations familiales, ne produit tous les effets d’un jugement que si elle n’a pas fait l’objet d’une opposition.

Cette règle est fondée sur l’article L. 161-1-5 du code de la sécurité sociale, qui stipule que le directeur d’un organisme de sécurité sociale peut délivrer une contrainte pour le recouvrement d’une prestation indûment versée, et que cette contrainte, à défaut d’opposition, comporte tous les effets d’un jugement.

Procédure d’opposition à la contrainte

Le débiteur a la possibilité de former opposition à la contrainte en s’inscrivant au secrétariat du tribunal compétent dans un délai de quinze jours suivant la notification ou la signification de la contrainte.

Cette procédure est précisée par l’article R. 133-3 du code de la sécurité sociale, qui indique que la contrainte doit être notifiée par un moyen permettant de prouver la date de réception, et que l’opposition doit être formée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Rôle du juge de l’exécution

Le juge de l’exécution ne peut ordonner la saisie des rémunérations en l’absence de justification d’un certificat de non-opposition.

Cette exigence découle des articles L. 111-3 et R. 3252-1 du code du travail, qui précisent que seul un titre exécutoire, dûment justifié, permet d’engager une procédure de saisie des rémunérations.

Le juge doit s’assurer que toutes les conditions légales sont remplies avant d’autoriser une telle saisie.

Inopérance de l’argument de l’appelante

L’argument selon lequel le tribunal administratif ne délivrerait pas de certificat de non-opposition est inopérant, car la compétence pour connaître d’une éventuelle opposition appartient au pôle social du tribunal judiciaire.

Cette distinction est essentielle, car elle souligne que la Caf n’est pas dans l’impossibilité de se procurer le certificat nécessaire pour obtenir la saisie des rémunérations, et qu’elle doit suivre la procédure adéquate pour faire valoir ses droits.

Conséquences de l’absence de certificat de non-opposition

En l’absence de certificat de non-opposition, le juge de l’exécution a rejeté la requête de la Caf pour la saisie des rémunérations.

Cette décision est conforme aux dispositions légales qui régissent la mise en œuvre des titres exécutoires, et souligne l’importance de respecter les procédures établies pour garantir les droits des débiteurs et des créanciers.

Le respect de ces règles assure une protection juridique adéquate pour toutes les parties impliquées dans le processus d’exécution.

L’Essentiel : La contrainte émise par un organisme de sécurité sociale ne produit tous les effets d’un jugement que si elle n’a pas fait l’objet d’une opposition. Le débiteur peut former opposition dans un délai de quinze jours suivant la notification de la contrainte. Le juge de l’exécution ne peut ordonner la saisie des rémunérations sans un certificat de non-opposition. En son absence, la requête pour la saisie est rejetée, soulignant l’importance de respecter les procédures légales établies.
Résumé de l’affaire : Le 19 juin 2023, la caisse d’allocations familiales des Hauts-de-Seine (Caf) a émis une contrainte à l’encontre d’un débiteur, pour un montant total de 7 783,45 euros. Ce montant correspondait à des indus d’allocations, incluant des allocations de logement social et des aides Covid-19 versées à tort durant certaines périodes de 2020, en raison de l’absence de droit au revenu de solidarité active (RSA). La contrainte a été signifiée au débiteur le 11 juillet 2023.

Le 19 octobre 2023, la Caf a saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris d’une requête visant à procéder à la saisie des rémunérations du débiteur pour un montant total de 8 181,47 euros, incluant le principal, les intérêts et les frais. Cependant, par jugement du 1er mars 2024, le juge a rejeté cette requête, soulignant l’absence de justification d’un certificat de non-opposition, document nécessaire pour ordonner la saisie.

Suite à ce jugement, la Caf a formé appel le 19 mars 2024, demandant à la cour d’infirmer le jugement initial et d’autoriser la saisie des rémunérations du débiteur. Le débiteur, ayant été signifié de la déclaration d’appel, n’a pas constitué avocat pour se défendre.

La cour a confirmé le jugement du premier juge, rejetant la demande de la Caf. Elle a précisé que la contrainte émise ne produisait les effets d’un jugement que si aucune opposition n’avait été formulée. L’argument de la Caf, selon lequel le tribunal administratif ne délivrait pas de certificat de non-opposition, a été jugé inopérant, car la compétence pour traiter une opposition relevait d’un autre tribunal. En conséquence, la Caf a été condamnée aux dépens d’appel, et sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile a été déboutée.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique de la contrainte émise par l’organisme de sécurité sociale ?

La contrainte émise par l’organisme de sécurité sociale, en l’occurrence la caisse d’allocations familiales, repose sur l’article L. 161-1-5 du code de la sécurité sociale. Cet article stipule que pour le recouvrement d’une prestation indûment versée, le directeur d’un organisme de sécurité sociale peut délivrer une contrainte qui, à défaut d’opposition du débiteur, comporte tous les effets d’un jugement.

En outre, l’article R. 133-3 du même code précise que si la mise en demeure reste sans effet après un mois, les directeurs des organismes créanciers peuvent décerner une contrainte. Cette contrainte doit être notifiée au débiteur par un moyen permettant de prouver la date de réception.

Ainsi, la contrainte émise par la caisse d’allocations familiales ne produit tous les effets d’un jugement que si elle n’a pas fait l’objet d’une opposition dans le délai imparti.

Quel est le rôle du certificat de non-opposition dans la procédure de saisie des rémunérations ?

Le certificat de non-opposition joue un rôle crucial dans la procédure de saisie des rémunérations. Selon les dispositions en vigueur, notamment celles issues de l’article L. 161-1-5 du code de la sécurité sociale, la contrainte ne produit ses effets que si elle n’a pas été contestée par le débiteur.

Le juge de l’exécution a donc le devoir de s’assurer qu’aucune opposition n’a été formée avant d’ordonner la saisie des rémunérations. En l’absence de ce certificat, le juge ne peut légalement procéder à la saisie, ce qui a conduit à la décision de rejet de la requête de l’organisme.

Il est donc impératif pour le créancier de justifier de l’absence d’opposition pour que la saisie soit autorisée.

Quel est le délai pour former opposition à la contrainte émise par l’organisme de sécurité sociale ?

Le délai pour former opposition à la contrainte est clairement défini par l’article R. 133-3 du code de la sécurité sociale. Cet article stipule que le débiteur peut former opposition par inscription au secrétariat du tribunal compétent dans un délai de quinze jours à compter de la notification ou de la signification de la contrainte.

Cette opposition doit être effectuée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, ce qui garantit que le tribunal est informé de la contestation dans les délais impartis. Si le débiteur ne forme pas d’opposition dans ce délai, la contrainte émise par l’organisme de sécurité sociale produit tous les effets d’un jugement.

Quel est l’impact de l’absence de certificat de non-opposition sur la décision du juge de l’exécution ?

L’absence de certificat de non-opposition a un impact direct et déterminant sur la décision du juge de l’exécution. Comme le stipule l’article L. 161-1-5 du code de la sécurité sociale, la contrainte ne produit ses effets que si elle n’a pas fait l’objet d’une opposition.

Dans le cas présent, le juge a constaté qu’il ne pouvait ordonner la saisie des rémunérations en l’absence de ce certificat. Cela signifie que, sans preuve que le débiteur n’a pas contesté la contrainte, le juge est contraint de rejeter la demande de saisie.

Ainsi, la décision de rejet de la requête de saisie des rémunérations est justifiée par le non-respect de cette exigence légale.

Quel est le rôle du tribunal administratif dans le cadre de l’opposition à la contrainte ?

Le tribunal administratif n’est pas compétent pour connaître d’une éventuelle opposition à la contrainte émise par l’organisme de sécurité sociale. En effet, l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution précise que seuls les titres exécutoires délivrés par des personnes morales de droit public peuvent être contestés devant le tribunal administratif.

Dans le cas présent, l’appelante a soutenu que le tribunal administratif ne délivrait pas de certificat de non-opposition, mais cela est inopérant. La compétence pour traiter une opposition à la contrainte appartient au pôle social du tribunal judiciaire, et non au tribunal administratif.

Ainsi, l’organisme de sécurité sociale n’est pas dans l’impossibilité de se procurer le certificat nécessaire pour obtenir la saisie des rémunérations, car elle peut se tourner vers le tribunal judiciaire pour toute contestation.

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRAN’AIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 10

ARRÊT DU 13 MARS 2025

(n° , 3 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 24/06064 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CJFPE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Mars 2024-Juge de l’exécution de PARIS- RG n° 2023/A1786

APPELANTE

CAISSE D’ALLOCATIONS FAMILIALES DES HAUTS DE SEINE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Florence CHARLUET-MARAIS, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ

Monsieur [I] [T]

[Adresse 1]

[Localité 4]

n’a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 5 février 2025, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Valérie Distinguin, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Bénédicte Pruvost, président

Madame Emmanuelle Lebée, président de chambre honoraire

Madame Valérie Distinguin, conseiller

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire Grospellier

ARRÊT

-défaut

-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Bénédicte Pruvost, président et par Monsieur Grégoire Grospellier, greffier, présent lors de la mise à disposition.

Le 19 juin 2023, la caisse d’allocations familiales des Hauts-de-Seine (Caf) a émis une contrainte à l’encontre de M. [I] [T], pour un montant total de 7783,45 euros, correspondant à des indus d’allocation de logement social, de prime exceptionnelle de fin d’année « suite à l’absence de droit RSA » sur la période de novembre et décembre 2020, d’aide Covid-19 versée à tort du 1er au 30 avril 2020 et du 1er au 30 septembre 2020 « suite à l’absence de droit RSA ».

Cette contrainte a été signifiée au débiteur le 11 juillet 2023.

Le 19 octobre 2023, la Caf 92 a saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris d’une requête aux fins de saisie des rémunérations de M. [T] pour une somme totale de 8181,47 euros en principal, intérêts et frais.

Par jugement du 1er mars 2024, le juge de l’exécution a :

rejeté la requête en saisie des rémunérations de M. [T] ;

laissé les dépens à la charge de la Caf.

Pour statuer ainsi, le juge de l’exécution a constaté qu’il ne pouvait ordonner la saisie des rémunérations sollicitée en l’absence de justification d’un certificat de non-opposition.

Par déclaration du 19 mars 2024, la Caf 92 a formé appel de ce jugement.

Par conclusions remises au greffe le 3 mai 2024, elle demande à la cour de :

– infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

– fixer sa créance à la somme de 8181,47 euros,

– autoriser la saisie des rémunérations de M. [T] à hauteur de cette somme,

– condamner M. [T] au paiement d’une somme de 500 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

M. [T], auquel la déclaration d’appel et les conclusions d’appelant ont été signifiées par acte d’huissier remis selon procès-verbal de recherches infructueuses du 30 avril 2024, n’a pas constitué avocat.

MOTIFS

Au soutien de son appel, la Caf fait valoir qu’elle dispose d’un titre exécutoire régulièrement signifié, certes susceptible d’opposition devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise dans le délai de quinze jours à compter de sa signification, mais qu’en l’absence d’opposition, elle pouvait le mettre à exécution et le juge de l’exécution ne pouvait exiger un certificat de non-opposition, ce d’autant moins qu’ayant essayé de s’en procurer un, elle s’est heurtée, sur le site Telerecours du tribunal administratif, à la mention suivante : « le tribunal ne répondra pas aux demandes de délivrance de certificat de non-opposition à contrainte. »

En vertu de l’article R. 3252-1 du code du travail, le créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut faire procéder à la saisie des sommes dues à titre de rémunération par un employeur à son débiteur.

Par ailleurs, aux termes de l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution seuls constituent des titres exécutoires :

(‘)

6° les titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiés comme tels par la loi, ou les décisions auxquelles la loi attache les effets d’un jugement.

L’article L. 161-1-5 du code de la sécurité sociale prévoit que, pour le recouvrement d’une prestation indûment versée ou d’une prestation recouvrable sur la succession et sans préjudice des articles l. 133-4 du présent code et (‘), le directeur d’un organisme de sécurité sociale peut, dans les délais et selon les conditions fixés par voie réglementaire, délivrer une contrainte qui, à défaut d’opposition du débiteur devant la juridiction compétente, comporte tous les effets d’un jugement.

En outre, l’article R. 133-3 du code de la sécurité sociale dispose que si la mise en demeure ou l’avertissement reste sans effet au terme d’un délai d’un mois à compter de sa notification, les directeurs des organismes créanciers peuvent décerner, dans les domaines mentionnés aux articles L. 133-8-7, L. 161-1-5 ou L. 244-9, une contrainte comportant les effets mentionnés à ces articles. La contrainte est notifiée au débiteur par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception ou lui est signifiée par acte d’huissier de justice. La contrainte est signifiée par acte d’huissier de justice ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. (‘)

Le débiteur peut former opposition par inscription au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort duquel il est domicilié (‘) par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée au secrétariat dudit tribunal dans les quinze jours à compter de la notification ou la signification. (‘)

Il résulte des dispositions précitées que la contrainte émise par la Caf ne produit tous les effets d’un jugement que pour autant qu’elle n’a pas fait l’objet d’une opposition. C’est donc à bon droit que le premier juge a rejeté la requête aux fins de saisie des rémunérations, dès lors qu’il ne lui était justifié d’aucun certificat de non-opposition.

L’argument opposé par l’appelante, selon lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise indiquerait, sur le site Telerecours, ne délivrer aucun certificat de non-opposition, est inopérant dès lors que ce n’est pas le tribunal administratif qui est compétent pour connaître d’une éventuelle opposition mais le pôle social du tribunal judiciaire. Elle n’est donc pas dans l’impossibilité de se procurer le certificat de non-opposition nécessaire pour obtenir la saisie des rémunérations du débiteur, de même que, disposant de l’adresse de l’organisme débiteur de la retraite de M. [T], il lui serait loisible d’obtenir de ce dernier, par l’intermédiaire de son commissaire de justice conformément aux dispositions de l’article L. 152-1 du code des procédures civiles d’exécution, la nouvelle adresse de l’intéressé.

Il y a donc lieu à confirmation du jugement entrepris.

Sur les demandes accessoires

L’issue du litige commande la confirmation du jugement entrepris sur les dépens de première instance, la condamnation de l’appelante aux dépens d’appel ainsi que le rejet de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute la caisse d’allocations familiales 92 de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la caisse d’allocations familiales 92 aux dépens d’appel ;

Dit que les parties devront remettre au greffe du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris une copie du présent arrêt et de son acte de signification.

Le greffier, Le président,


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