Évaluation du taux d’incapacité permanente : critères et opposabilité à l’employeur

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Évaluation du taux d’incapacité permanente : critères et opposabilité à l’employeur

Opposabilité du taux d’IPP à l’employeur

L’article L. 434-2, 1er alinéa du code de la sécurité sociale précise que le taux d’incapacité permanente est déterminé en fonction de divers critères, notamment la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, ainsi que les facultés physiques et mentales de la victime. Ce taux est établi en tenant compte d’un barème indicatif d’invalidité.

La jurisprudence, notamment l’arrêt de la Cour de cassation du 11 juillet 2019 (2e Civ., pourvoi n° 18-18.938), souligne que le juge doit examiner tous les éléments pertinents pour fixer ce taux.

Évaluation de l’incapacité permanente

L’article R. 434-32 du code de la sécurité sociale stipule que la caisse primaire d’assurance maladie évalue l’existence d’une incapacité permanente et détermine le taux de celle-ci, ainsi que le montant de la rente due à la victime. Les barèmes indicatifs d’invalidité, qui sont annexés au code, servent de référence pour cette évaluation.

L’annexe I, issue du décret n°2006-111 du 2 février 2006, précise que le barème a un caractère indicatif et que le médecin chargé de l’évaluation peut s’en écarter en justifiant sa décision. Ce barème vise à fournir une estimation des préjudices liés aux séquelles d’accidents du travail et de maladies professionnelles.

Critères d’évaluation

Les critères d’évaluation de l’incapacité permanente incluent la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales, ainsi que les aptitudes et qualifications professionnelles. Ces éléments doivent être pris en compte pour déterminer le taux d’incapacité, en tenant compte des spécificités de chaque cas.

Le barème indicatif d’invalidité en matière de maladies professionnelles, notamment pour les pathologies tumorales, établit des taux d’incapacité variant de 67 à 100 % en fonction du stade de la maladie et des suites thérapeutiques.

Appréciation souveraine des juges du fond

Les articles 10, 143 et 146 du code de procédure civile confèrent aux juges du fond une appréciation souveraine sur l’opportunité d’ordonner des mesures d’instruction. Cette liberté d’appréciation ne constitue pas une violation des principes du procès équitable, tels que garantis par la Convention européenne des droits de l’homme.

Ainsi, la cour a confirmé le jugement qui a déclaré le taux d’incapacité permanente partielle de 67 % opposable à l’employeur, en se fondant sur l’ensemble des éléments de preuve présentés.

L’Essentiel : L’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale précise que le taux d’incapacité permanente est déterminé selon divers critères, tels que la nature de l’infirmité et l’état général de la victime. La jurisprudence souligne que le juge doit examiner tous les éléments pertinents pour fixer ce taux. L’article R. 434-32 stipule que la caisse primaire d’assurance maladie évalue l’incapacité permanente et détermine le taux, en se basant sur des barèmes indicatifs d’invalidité.
Résumé de l’affaire : Le litige concerne une maladie professionnelle déclarée par un salarié d’une société, qui a été diagnostiqué avec un carcinome bronchique primitif. Le certificat médical initial, établi par un médecin, a mentionné une exposition professionnelle à l’amiante, entraînant la prise en charge de la maladie par la caisse primaire d’assurance maladie. Cette dernière a fixé la date de consolidation de l’état de santé du salarié au 25 octobre 2019 et a attribué un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de 100 % à compter du 26 octobre 2019.

Contestant ce taux, la société a saisi la commission médicale de recours amiable, qui a réduit le taux d’IPP à 67 %. Insatisfaite, la société a porté l’affaire devant le tribunal judiciaire, qui a rejeté ses demandes et l’a condamnée aux dépens. La société a ensuite interjeté appel, demandant à la cour de déclarer son appel recevable et de ramener le taux d’IPP à 0 % ou 20 % maximum, tout en sollicitant une expertise médicale pour évaluer les séquelles de la maladie.

La caisse, en réponse, a demandé le rejet des demandes de la société et la confirmation du jugement initial, tout en proposant éventuellement une mesure d’instruction pour évaluer l’état séquellaire du salarié. La cour a examiné les éléments médicaux et les barèmes indicatifs d’invalidité, concluant que le taux d’IPP de 67 % était conforme aux critères établis, tenant compte à la fois de la pathologie et des suites thérapeutiques.

Finalement, la cour a confirmé le jugement du tribunal, déclarant le taux d’IPP de 67 % opposable à la société, et a condamné cette dernière aux dépens, considérant que les éléments fournis étaient suffisants pour trancher le litige sans nécessiter d’expertise supplémentaire.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique de la détermination du taux d’incapacité permanente partielle (IPP) ?

L’article L. 434-2, 1er alinéa du code de la sécurité sociale précise que le taux d’incapacité permanente est déterminé en fonction de plusieurs critères, notamment la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, ainsi que les facultés physiques et mentales de la victime.

Ces éléments doivent être pris en compte en tenant compte d’un barème indicatif d’invalidité.

Le juge a la responsabilité de se prononcer sur l’ensemble des éléments qui concourent à la fixation de ce taux, comme l’a affirmé la cour de cassation dans un arrêt du 11 juillet 2019.

L’article R. 434-32 du même code stipule que la caisse primaire se prononce sur l’existence d’une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci, en se basant sur les renseignements recueillis.

Les barèmes indicatifs d’invalidité, qui sont annexés au code, doivent être appliqués pour déterminer le taux d’incapacité permanente, que ce soit pour les accidents du travail ou les maladies professionnelles.

Quel est le rôle des barèmes indicatifs d’invalidité dans l’évaluation du taux d’IPP ?

Les barèmes indicatifs d’invalidité, comme mentionné dans l’annexe I et II du code de la sécurité sociale, ont pour but de fournir des bases d’estimation du préjudice consécutif aux séquelles des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Ces barèmes sont indicatifs et ne doivent pas être considérés comme des règles strictes d’évaluation.

Le médecin chargé de l’évaluation a la liberté de s’écarter des chiffres du barème lorsqu’il se trouve face à un cas particulier, à condition d’expliquer clairement les raisons de cette décision.

Il est également précisé que les taux d’incapacité proposés dans ces barèmes sont des taux moyens, et que l’évaluation doit tenir compte de l’état de santé spécifique de la victime, ainsi que de ses aptitudes et qualifications professionnelles.

Quel est l’impact de la date de consolidation sur l’évaluation de l’IPP ?

La date de consolidation est un élément crucial dans l’évaluation de l’IPP, car elle détermine le moment à partir duquel l’incapacité est considérée comme stable.

Dans le cas présent, la caisse a fixé la date de consolidation au 25 octobre 2019, ce qui a été contesté par la société.

Cependant, il est important de noter que la lobectomie pratiquée sur la victime fait partie des suites thérapeutiques du cancer, ce qui justifie que la date de consolidation ait pu être fixée avant l’intervention chirurgicale.

L’évaluation du taux d’IPP doit donc prendre en compte non seulement les suites thérapeutiques, mais également le stade du cancer, conformément au tableau n° 6.6.1 du barème indicatif d’invalidité.

Quel est le principe du contradictoire dans le cadre de l’expertise médicale ?

Le principe du contradictoire est un fondement essentiel du droit à un procès équitable, tel que stipulé par les articles 10, 143 et 146 du code de procédure civile.

Ce principe implique que chaque partie doit avoir la possibilité de présenter ses arguments et de contester les éléments présentés par l’autre partie.

Dans le cadre de l’expertise médicale, il est prévu que le médecin conseil de la société soit convoqué pour participer aux opérations d’expertise, afin de garantir que toutes les parties soient entendues.

Cependant, le juge a la faculté d’ordonner ou non les mesures d’instruction demandées, et cela ne constitue pas une violation des principes du procès équitable si le juge estime que les pièces produites sont suffisantes pour trancher le litige.

Quel est le sort des dépens dans cette affaire ?

Les dépens, qui comprennent les frais de justice, sont généralement à la charge de la partie perdante dans un litige.

Dans cette affaire, la société a été condamnée aux dépens, ce qui signifie qu’elle devra supporter les frais liés à la procédure.

Cette règle est conforme aux dispositions du code de procédure civile, qui prévoit que la partie qui succombe dans ses prétentions est responsable des dépens.

Ainsi, la cour a confirmé le jugement en toutes ses dispositions, y compris la condamnation de la société aux dépens.

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 22/01928 – N° Portalis DBVL-V-B7G-SS3F

Société [4]

C/

CPAM DU MORBIHAN

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 19 MARS 2025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Clotilde RIBET, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère

GREFFIER :

Monsieur Philippe LE BOUDEC lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 03 Décembre 2024

devant Madame Clotilde RIBET, magistrat chargé d’instruire l’affaire, tenant seule l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 19 Mars 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 24 Janvier 2022

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal Judiciaire de VANNES – Pôle Social

Références : 21/217

****

APPELANTE :

La Société [4]

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée par Me Guillaume BREDON de la SAS BREDON AVOCAT, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Fanny RENOU, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉE :

LA CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU MORBIHAN

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Madame [I] [E] en vertu d’un pouvoir spécial

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 27 novembre 2019, M. [G] [U], salarié de la SASU [4] (la société) en tant que mécanicien, a déclaré une maladie professionnelle en raison d’un ‘carcinome bronchique primitif’.

Le certificat médical initial, établi le 25 octobre 2019 par le docteur [Y], fait état de cette pathologie en précisant ‘exposition professionnelle à l’amiante, tableau n°30 bis’ avec prescription de soins.

Par décision du 17 juillet 2020, la caisse primaire d’assurance maladie du Morbihan (la caisse) a pris en charge la maladie ‘cancer broncho-pulmonaire’ au titre du tableau n°30 bis des maladies professionnelles.

Par courrier du 25 novembre 2020, après avis du médecin conseil, la caisse a fixé la date de consolidation de M. [U] au 25 octobre 2019.

Par décision du 30 décembre 2020, la caisse a notifié à la société le taux d’incapacité permanente partielle (IPP) attribué à M. [U] fixé à 100 % à compter du 26 octobre 2019.

Le 22 janvier 2021, contestant ce taux, la société a saisi la commission médicale de recours amiable, laquelle a ramené le taux d’IPP à 67 % lors de sa séance du 30 mars 2021.

La société a porté le litige devant le pôle social du tribunal judiciaire de Vannes le 23 avril 2021.

Par jugement du 24 janvier 2022, ce tribunal a rejeté les demandes de la société et l’a condamnée aux dépens.

Par déclaration adressée le 18 mars 2022 par courrier recommandé avec avis de réception, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 16 mars 2022.

Par ses écritures parvenues au greffe le 3 octobre 2022 auxquelles s’est référé et qu’a développées son conseil à l’audience tout en les modifiant à l’audience, la société demande à la cour :

– de déclarer son appel recevable et bien fondé ;

– d’infirmer le jugement entrepris ;

statuant à nouveau,

à titre principal,

– d’entériner l’avis médico-légal établi par le médecin mandaté par l’employeur ;

– de dire et juger que le taux d’IPP global qui lui est opposable doit être ramené à 0% ou à 20 % maximum ;

à titre subsidiaire,

– d’ordonner la mise en oeuvre d’une consultation sur pièces ou à défaut d’une expertise médicale judiciaire aux fins de décrire, à la date de consolidation, les séquelles résultant de la maladie professionnelle du 1er août 2019 de M. [U] en dehors de tout état antérieur ou indépendant et d’enjoindre à la caisse de communiquer l’entier rapport d’IPP de M. [U], ainsi que de déterminer le taux d’IPP qui en découle ;

– de préciser qu’afin de respecter le principe du contradictoire, le docteur [F], son médecin conseil, devra être convoqué pour participer à ces opérations d’expertise et d’enjoindre au consultant ou à l’expert de transmettre son rapport audit médecin mandaté par l’employeur ;

– de mettre les frais de consultation ou d’expertise à la charge de la caisse nationale d’assurance maladie.

Par ses écritures parvenues au greffe le 6 janvier 2023 auxquelles s’est référée et qu’a développées sa représentante à l’audience, la caisse demande à la cour :

à titre principal,

– de rejeter l’ensemble des demandes, fins et conclusions de la société ;

– de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

en conséquence,

– de fixer à 67 % le taux d’IPP de M. [U] à la date de consolidation ;

– de déclarer le taux de 67 % opposable à la société ;

à titre subsidiaire, si la cour l’estimait nécessaire,

– d’ordonner la mise en oeuvre d’une mesure d’instruction (consultation ou expertise) afin d’évaluer l’état séquellaire de M. [U], tel qu’il se présentait à la date de consolidation ;

en tout état de cause,

– de condamner la société aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’opposabilité du taux d’IPP à l’employeur

L’article L. 434-2, 1er alinéa du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité.

Comme l’a jugé la cour de cassation, il appartient au juge de se prononcer sur l’ensemble des éléments concourant à la fixation de celui-ci. (2e Civ., 11 juillet 2019, pourvoi n° 18-18.938).

Selon l’article R. 434-32 du même code, au vu de tous les renseignements recueillis, la caisse primaire se prononce sur l’existence d’une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayants droit. Les barèmes indicatifs d’invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d’incapacité permanente d’une part en matière d’accidents du travail et d’autre part en matière de maladies professionnelles sont annexés au présent livre. Lorsque ce dernier barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d’invalidité en matière d’accidents du travail.

L’annexe I applicable aux accidents du travail est issue du décret n°2006-111 du 2 février 2006. L’annexe II applicable aux maladies professionnelles est en vigueur depuis le 30 avril 1999.

En son chapitre préliminaire, au titre des principes généraux, il est rappelé à l’annexe I que ce barème répond à la volonté du législateur et qu’il ne peut avoir qu’un caractère indicatif. Les taux d’incapacité proposés sont des taux moyens, et le médecin chargé de l’évaluation garde, lorsqu’il se trouve devant un cas dont le caractère lui paraît particulier, l’entière liberté de s’écarter des chiffres du barème; il doit alors exposer clairement les raisons qui l’y ont conduit.

Le barème indicatif a pour but de fournir les bases d’estimation du préjudice consécutif aux séquelles des accidents du travail et, éventuellement, des maladies professionnelles dans le cadre de l’article L. 434-2 applicable aux salariés du régime général et du régime agricole. Il ne saurait se référer en aucune manière aux règles d’évaluation suivies par les tribunaux dans l’appréciation des dommages au titre du droit commun.

Les quatre premiers éléments de l’appréciation concernent donc l’état du sujet considéré, du strict point de vue médical.

Le dernier élément concernant les aptitudes et la qualification professionnelle est un élément médico-social ; il appartient au médecin chargé de l’évaluation, lorsque les séquelles de l’accident ou de la maladie professionnelle lui paraissent devoir entraîner une modification dans la situation professionnelle de l’intéressé, ou un changement d’emploi, de bien mettre en relief ce point susceptible d’influer sur l’estimation globale.

Les éléments dont le médecin doit tenir compte, avant de proposer le taux médical d’incapacité permanente, sont donc :

1° La nature de l’infirmité. Cet élément doit être considéré comme la donnée de base d’où l’on partira, en y apportant les correctifs, en plus ou en moins, résultant des autres éléments. Cette première donnée représente l’atteinte physique ou mentale de la victime, la diminution de validité qui résulte de la perte ou de l’altération des organes ou des fonctions du corps humain. Le présent barème doit servir à cette évaluation.

2° L’état général. Il s’agit là d’une notion classique qui fait entrer en jeu un certain nombre de facteurs permettant d’estimer l’état de santé du sujet. Il appartient au médecin chargé de l’évaluation d’adapter en fonction de l’état général, le taux résultant de la nature de l’infirmité. Dans ce cas, il en exprimera clairement les raisons.

L’estimation de l’état général n’inclut pas les infirmités antérieures – qu’elles résultent d’accident ou de maladie – ; il en sera tenu compte lors de la fixation du taux médical.

3° L’âge. Cet élément, qui souvent peut rejoindre le précédent, doit être pris en considération sans se référer exclusivement à l’indication tirée de l’état civil, mais en fonction de l’âge organique de l’intéressé. Il convient ici de distinguer les conséquences de l’involution physiologique, de celles résultant d’un état pathologique individualisé. Ces dernières conséquences relèvent de l’état antérieur et doivent être estimées dans le cadre de celui-ci.

On peut ainsi être amené à majorer le taux théorique affecté à l’infirmité, en raison des obstacles que les conséquences de l’âge apportent à la réadaptation et au reclassement professionnel.

4° Facultés physiques et mentales. Il devra être tenu compte des possibilités de l’individu et de l’incidence que peuvent avoir sur elles les séquelles constatées. Les chiffres proposés l’étant pour un sujet normal, il y a lieu de majorer le taux moyen du barème, si l’état physique ou mental de l’intéressé paraît devoir être affecté plus fortement par les séquelles que celui d’un individu normal.

5° Aptitudes et qualification professionnelles. La notion de qualification professionnelle se rapporte aux possibilités d’exercice d’une profession déterminée. Quant aux aptitudes, il s’agit là des facultés que peut avoir une victime d’accident du travail ou de maladie professionnelle de se reclasser ou de réapprendre un métier compatible avec son état de santé.

Lorsqu’un accident du travail ou une maladie professionnelle paraît avoir des répercussions particulières sur la pratique du métier, et, à plus forte raison, lorsque l’assuré ne paraît pas en mesure de reprendre son activité professionnelle antérieure, le médecin conseil peut demander, en accord avec l’intéressé, des renseignements complémentaires au médecin du travail. La possibilité pour l’assuré de continuer à occuper son poste de travail – au besoin en se réadaptant – ou au contraire, l’obligation d’un changement d’emploi ou de profession et les facultés que peut avoir la victime de se reclasser ou de réapprendre un métier, devront être précisées en particulier du fait de dispositions de la réglementation, comme celles concernant l’aptitude médicale aux divers permis de conduire.

S’agissant des affections respiratoires, et plus précisément les pathologies tumorales, le chapitre 6.6 du barème indicatif d’invalidité en matière de maladie professionnelle auquel il est renvoyé, prévoit :

‘6.6 Pathologie tumorale

6.6.1 – Cancers broncho-pulmonaires primitifs en fonction du code TNM et des suites thérapeutiques : 67 à 100 %.

6.6.2 – Mésothéliomes malins primitifs de la plèvre : 100 %.

6.6.3 – Tumeurs pleurales primitives autres que le mésothéliome en fonction du type histologique et des suites thérapeutiques : 67 à 100 %.’

Il ressort de la notification de la décision attributive de rente adressée à la société que le taux initial d’IPP de 100 % a été fixé au regard des éléments suivants : ‘Lobectomie supérieure droite chez un assuré présentant un cancer broncho pulmonaire primitif reconnu en maladie professionnelle fragilisant sa capacité respiratoire.’

La société a contesté ce taux devant la commission médicale de recours amiable en s’appuyant sur le rapport de son médecin de recours, le docteur [F], en date du 3 mars 2021 proposant un taux médical d’IPP de 20% aux motifs qu’à la date de l’examen du médecin conseil, M. [U] conserve des troubles fonctionnels respiratoires légers justifiant une entrée dans le barème MP au point 6.9.1 intitulé ‘troubles fonctionnels non mesurables ou troubles fonctionnels légers’ prévoyant une fourchette indicative de 5 à 10% augmentée des contraintes du suivi de contrôle.

Ce médecin rappelle par ailleurs que le médecin conseil ne fait pas mention de complication dans les suites opératoires de la lobectomie, que des épreuves fonctionnelles respiratoires réalisées le 2 juin 2020 mettent en évidence une capacité pulmonaire totale à 95% de la valeur théorique, qu’un scanner thoracique du 28 juin 2020 ne retrouve pas d’anomalie à caractère évolutif et qu’un nouveau scanner de surveillance sera réalisé début 2021.

La commission médicale de recours amiable a, par décision du 30 mars 2021, infirmé l’attribution du taux médical de 100 % pour le ramener à 67%.

Il convient de rappeler que cette commission est composée d’un médecin expert judiciaire et d’un médecin conseil étranger à la décision contestée et qu’elle s’est prononcée connaissance prise de l’intégralité du rapport médical ayant conduit à proposer le taux d’IPP et de l’avis du docteur [F], médecin de recours de la société.

La société conteste ce taux médical de 67 % en s’appuyant toujours sur le rapport du docteur [F] précité mais en soutenant à l’audience que le rapport du médecin conseil pose problème dans la mesure où il retient une date de consolidation du 25 octobre 2019 antérieure à l’intervention chirurgicale du 21 novembre 2019 qui a pourtant amélioré les séquelles présentées par M. [U]. Elle considère que M.[U] ne souffre plus de son cancer.

Il convient tout d’abord de préciser que la lobectomie pratiquée fait partie des suites thérapeutiques du cancer de sorte que la date de consolidation de la maladie a pu être fixée antérieurement à l’intervention chirurgicale.

Pour solliciter la fixation d’un taux d’IPP à 0% et subsidiairement à 20 %, la société ne prend pas en compte la pathologie du cancer présentée mais uniquement ses suites thérapeutiques.

Or, le tableau n° 6.6.1 auquel il convient de se référer prévoit que le taux d’IPP est fixé non seulement en fonction des suites thérapeutiques mais aussi en fonction du stade du cancer (code TNM). Ces 2 critères ne peuvent être dissociés.

Dès lors, l’évaluation effectuée par la commission médicale de recours amiable est conforme au barème indicatif précité qui prévoit un taux de 67% à 100% en cas de cancers broncho-pulmonaires primitifs en fonction du code TNM et des suites thérapeutiques. Elle a ainsi tenu compte du cancer présenté et des suites favorables obtenues après lobectomie.

Il résulte de la combinaison des articles 10, 143 et 146 du code de procédure civile que les juges du fond apprécient souverainement l’opportunité d’ordonner les mesures d’instruction demandées. Le fait de laisser ainsi au juge une simple faculté, sans qu’il ne soit contraint d’y donner une suite favorable, ne constitue pas en soi une violation des principes du procès équitable, tels qu’issus de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ou du principe du contradictoire.

Au regard de l’ensemble des pièces produites, qui sont suffisantes pour trancher le litige soumis à la cour, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande d’expertise sollicitée.

Dès lors, il y a lieu de confirmer le jugement qui a déclaré le taux d’incapacité permanente partielle de 67 % opposable à l’employeur.

Sur les dépens

Les dépens de la présente procédure seront laissés à la charge de la société, partie perdante.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Condamne la SASU [4] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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