L’Essentiel : Le 20 mars 2017, un accident du travail impliquant M. K a été signalé, survenu le 17 mars dans l’usine de Localité 11. La caisse primaire d’assurance-maladie a refusé la prise en charge des lésions, jugées non liées à l’accident, décision confirmée par la commission de recours amiable. M. K a porté l’affaire devant le tribunal, qui a reconnu son statut de victime d’accidents du travail. La société a interjeté appel, mais la cour a déclaré cet appel irrecevable, condamnant la société aux dépens et ordonnant le versement de 2 500 euros à M. K.
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Déclaration des Accidents du TravailLe 20 mars 2017, la société a signalé à la caisse primaire d’assurance-maladie un accident du travail impliquant M. K, survenu le 17 mars 2017 à 3h30 dans l’usine de Localité 11. Un second accident a été déclaré le 10 avril 2017, concernant un incident survenu le 7 avril à 2h20, également dans la même usine. Refus de Prise en ChargeSuite à l’avis du médecin-conseil qui a jugé que les lésions n’étaient pas liées aux accidents déclarés, la caisse a émis deux décisions de refus de prise en charge, datées des 16 et 30 juin 2017. M. K a contesté ces décisions devant la commission de recours amiable, qui a confirmé les refus. Procédure JudiciaireM. K a ensuite porté l’affaire devant le pôle social du tribunal judiciaire du Havre, où la société a également été impliquée. Par un jugement rendu le 30 décembre 2022, le tribunal a reconnu M. K comme victime d’accidents du travail aux dates mentionnées, sans ordonner l’exécution provisoire de la décision et a débouté M. K de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile, tout en condamnant la caisse aux dépens. Appel de la SociétéLa société a interjeté appel du jugement le 16 janvier 2023, demandant l’infirmation de la décision et la confirmation des refus de prise en charge. Elle a également sollicité une expertise médicale pour établir un lien de causalité entre les lésions et les accidents. Prétentions de M. KM. K a demandé à la cour de déclarer l’appel irrecevable pour défaut de qualité et d’intérêt à agir, tout en demandant la confirmation du jugement en ce qui concerne la reconnaissance du caractère professionnel de ses accidents. Il a également demandé des condamnations aux dépens. Position de la CaisseLa caisse a également demandé l’infirmation du jugement et a sollicité une expertise médicale pour déterminer si les lésions étaient imputables aux accidents déclarés. Recevabilité de l’AppelLa cour a examiné la recevabilité de l’appel, notant que la société appelante n’avait pas qualité ni intérêt à agir, car elle n’était pas l’entité employant M. K. L’appel a été déclaré irrecevable, entraînant également l’irrecevabilité de l’appel incident de la caisse. Frais de ProcèsLa cour a condamné la société intervenante aux dépens d’appel et a ordonné le paiement d’une somme de 2 500 euros à M. K au titre de l’article 700 du code de procédure civile. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur la recevabilité de l’appelLa question de la recevabilité de l’appel se pose en raison de l’identité de la société qui a interjeté appel. M. [K] soutient que la société [10] SAS, qui a formé l’appel, n’a pas qualité ni intérêt à agir, car elle n’est pas l’employeur direct de M. [K]. Selon l’article 122 du code de procédure civile, « l’appel est irrecevable s’il est formé par une personne dépourvue de qualité ou d’intérêt ». En l’espèce, la société [10] SAS a reconnu une erreur matérielle dans ses premières conclusions, mais a soutenu que cette erreur ne devait pas entraîner l’irrecevabilité de l’appel. L’article 54 du même code précise que « l’erreur matérielle relative à la forme de la personne morale, qui ne met pas en cause l’existence de celle-ci, constitue un vice de forme ». Cependant, l’irrecevabilité est maintenue car la société qui a interjeté appel n’est pas celle qui employait M. [K], ce qui signifie qu’elle n’a pas d’intérêt à agir dans cette affaire. Ainsi, l’appel est déclaré irrecevable, car la société [10] SAS n’a pas qualité pour agir, et aucune régularisation n’a été effectuée dans le délai imparti. Sur les frais du procèsLa question des frais du procès est également soulevée, notamment en ce qui concerne la condamnation aux dépens. L’article 696 du code de procédure civile stipule que « la partie perdante est condamnée aux dépens ». Dans cette affaire, la société [10] SAS, qui a interjeté appel, a été déclarée irrecevable. Par conséquent, elle est considérée comme la partie perdante. De plus, l’article 700 du même code prévoit que « le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés ». En l’espèce, la cour a condamné la société [10] SAS à payer à M. [K] une somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700, en raison de son appel irrecevable. Ainsi, la société [10] SAS doit supporter les frais du procès, et la caisse primaire d’assurance maladie n’est pas condamnée in solidum avec elle, car elle n’était pas partie à l’appel. |
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 10 JANVIER 2025
DÉCISION DÉFÉRÉE :
22/00211
Jugement du POLE SOCIAL DU TJ DU HAVRE du 30 Décembre 2022
APPELANTE :
S.A. [10]
[Adresse 1]
[Localité 8]
représentée par Me Corinne POTIER de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Olivier MAMBRE, avocat au barreau de PARIS
INTIMES :
Monsieur [Y] [K]
[Adresse 2]
[Localité 6]
comparant en personne, assisté de Me Karim BERBRA de la SELARL LE CAAB, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Valentin IDIR TEMPERTON, avocat au barreau de ROUEN
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Vincent BOURDON, avocat au barreau de ROUEN
INTERVENANTE VOLONTAIRE :
Société [10] SAS
[Adresse 1]
[Localité 8]
représentée par Me Corinne POTIER de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Olivier MAMBRE, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 14 Novembre 2024 sans opposition des parties devant Madame ROGER-MINNE, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BIDEAULT, Présidente
Madame ROGER-MINNE, Conseillère
Madame DE BRIER, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme WERNER, Greffière
DEBATS :
A l’audience publique du 14 novembre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 10 janvier 2025
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 10 Janvier 2025, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le 20 mars 2017, la société [9] a déclaré à la caisse primaire d’assurance-maladie [Localité 6] (la caisse) un accident du travail dont aurait été victime M. [Y] [K] le 17 mars 2017 à 3h30, au sein de l’usine de [Localité 11] de la SAS [10].
Le 10 avril 2017, la même société a déclaré à la caisse un accident du travail dont aurait été victime le même salarié, le 7 avril à 2h20, également au sein de l’usine de [Localité 11].
Compte tenu de l’avis du médecin-conseil estimant que les lésions n’étaient pas imputables aux accidents déclarés, la caisse a notifié deux décisions de refus de prise en charge, les 16 et 30 juin 2017.
M. [K] a contesté ces décisions devant la commission de recours amiable qui a confirmé les refus de prise en charge. Il a poursuivi sa contestation devant le pôle social du tribunal judiciaire du Havre, devant lequel la société [10] est intervenue.
Par jugement du 30 décembre 2022, le tribunal a :
– dit que M. [K] avait été victime d’un accident du travail les 17 mars et 7 avril 2017,
– dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire de la décision,
– débouté M. [K] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la caisse aux dépens.
La société [10] a relevé appel du jugement le 16 janvier 2023.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions remises le 12 novembre 2024, soutenues oralement, la société [10] SAS demande à la cour de :
– déclarer recevable son appel,
– infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
– déclarer le bien-fondé des décisions des 16 et 30 juin 2017,
– débouter M. [K] de ses demandes,
– à titre subsidiaire, ordonner une expertise médicale dans les conditions de l’article R. 142-16 du code de la sécurité sociale afin de déterminer s’il existe un lien de causalité entre les lésions déclarées et les accidents du travail.
Par conclusions remises le 31 octobre 2024, soutenues oralement à l’audience, M. [K] demande à la cour de :
– déclarer irrecevable l’appel pour défaut de qualité et d’intérêt à agir,
– à titre subsidiaire, confirmer le jugement en ce qu’il a reconnu le caractère professionnel de ses accidents,
– à titre infiniment subsidiaire, ordonner une expertise médicale ayant pour objet de déterminer s’il existe un lien entre son travail et les lésions survenues les 17 mars et 7 avril 2017,
– en tout état de cause, condamner in solidum la caisse et la société [10], ou l’une à défaut de l’autre, aux dépens et au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions remises le 8 novembre 2024, soutenues oralement à l’audience, la caisse demande à la cour de :
– infirmer le jugement,
– ordonner une mesure d’expertise médicale avec pour mission de dire si les lésions objet des certificats médicaux des 17 mars et 10 avril 2017 sont imputables aux accidents déclarés.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l’exposé détaillé de leurs moyens.
1/ Sur la recevabilité de l’appel
M. [K] fait valoir qu’à la lecture des premières conclusions de l’appelante, il apparaît que c’est la société [10] SAS, société anonyme, enregistrée au RCS de Nanterre sous le numéro [N° SIREN/SIRET 4], qui est partie à l’instance, alors qu’au sein du groupe [10], c’est la SAS [10] qui emploie des salariés et auprès de laquelle les travailleurs temporaires sont mis à disposition pour son établissement de [Localité 11]. Il considère qu’aucune erreur matérielle ne peut être invoquée puisqu’il est fait clairement référence à la forme de la société et à son numéro Siret. Il en déduit que la société, partie au litige, n’est pas directement intéressée par l’accident du travail et n’a donc aucune qualité ni aucun intérêt à agir. Il ajoute qu’à supposer que la société [10], partie en première instance, était la bonne entité du groupe, à savoir la SAS immatriculée au RCS sous le numéro [N° SIREN/SIRET 7], la SA [10] n’avait pas qualité pour interjeter appel du jugement, faisant observer qu’aucune régularisation ne peut intervenir du fait que le délai de recours est largement expiré.
La société [10] SAS admet que la première page de ses premières conclusions comportait une erreur matérielle dès lors qu’elle n’est pas, comme son nom l’indique, une société anonyme mais une société par actions simplifiées, ainsi qu’une erreur sur le numéro de RCS. Elle ajoute avoir régularisé ces erreurs dans ses dernières conclusions sur lesquelles la cour doit statuer. Elle soutient qu’en tout état de cause, l’existence de mentions erronées dans des conclusions, sur l’identité des parties, n’affecte ni la recevabilité, ni la validité de la déclaration d’appel qui a été effectuée au nom de la société [10], qui est son nom commercial. Elle considère que le numéro de RCS n’est pas une mention exigée par les dispositions de l’article 933 du code de procédure civile et qu’une erreur matérielle sur la forme juridique d’une personne morale ou sa dénomination sociale n’entraîne pas l’irrecevabilité de la déclaration d’appel mais constitue un simple vice de forme nécessitant l’existence d’un grief pour que la nullité de la déclaration d’appel soit prononcée, grief qui n’est pas démontré.
Sur ce :
Il est constant qu’en application des articles 54, 114 et 117 du code de procédure civile l’erreur matérielle relative à la forme de la personne morale, qui ne met pas en cause l’existence de celle-ci, relevée dans la déclaration d’appel, constitue un vice de forme dont la nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour celui qui l’invoque de prouver l’existence d’un grief.
Cependant, en vertu des articles 122 et suivants du même code, est irrecevable l’appel formé par une personne dépourvue de qualité ou d’intérêt, sans qu’il soit nécessaire pour la partie qui invoque cette fin de non recevoir de justifier d’un grief. L’irrecevabilité est écartée quand la situation donnant lieu à fin de non recevoir est régularisée dans le délai de l’appel.
En l’espèce, la déclaration d’appel, formalisée par courrier du 16 janvier 2023, mentionne la ‘société [10], société anonyme’, dont le siège social est situé [Adresse 1] à [Localité 8].
Elle joignait le jugement attaqué qui ne précise pas la forme sociale de la société [10] mais mentionne un siège social situé ‘Usine de [Localité 11]’ [Localité 6], qui correspond à l’adresse de l’établissement de la SAS [10] dans lequel M. [K] avait été mis à disposition par son employeur.
Les premières conclusions de la société notifiées aux intimés mentionnaient comme personne morale ‘la société [10] SAS, société anonyme’, avec indication du numéro de RCS de la société anonyme.
La dénomination sociale de la SAS [10] est [10] SAS alors que celle de la SA [10] est [10].
Il s’évince de ces éléments qu’il ne peut être soutenu que la déclaration d’appel comporte en réalité une erreur matérielle, qui doit s’entendre comme une erreur manifeste, concernant la forme juridique de la société appelante alors que c’est bien la société anonyme [10], qui a une existence juridique et qui est distincte de la SAS [10], qui a relevé appel. Or cette société qui n’est pas celle dans laquelle le salarié a été mis à disposition par son employeur et qui n’était pas partie en première instance, n’a ni qualité ni intérêt pour agir, ce dont il se déduit que l’appel est irrecevable, à défaut de régularisation dans le délai d’appel.
L’irrecevabilité de l’appel principal emporte irrecevabilité de l’appel incident de la caisse, formé par conclusions remises une première fois le 5 novembre 2024, dès lors qu’il n’a pas été formé dans le délai d’un mois à compter de la notification du jugement à la caisse, intervenue le 6 janvier 2023.
2/ Sur les frais du procès
La société [10] SAS, qui est intervenue volontairement en cause d’appel, doit être condamnée aux dépens. Il n’y a pas lieu de condamner la caisse in solidum avec la société. Cette dernière est également condamnée à payer à M. [K] somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en dernier ressort :
Déclare irrecevable l’appel de la SA [10] ;
Déclare irrecevable l’appel incident de la caisse primaire d’assurance maladie [Localité 6] ;
Condamne la société [10] SAS, intervenante volontaire, aux dépens d’appel et à payer à M. [Y] [K] une somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE
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