Inégalité salariale au Lido

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Inégalité salariale au Lido

Le statut de première habilleuse qui ne correspond à aucune distinction de fonctions par rapport aux habilleuses, ne constitue pas une raison objective et pertinente justifiant une différence de traitement salarial par un employeur du spectacle vivant.

En la cause, la cour a retenu l’existence d’une différence de traitement injustifiée.

Le principe de l’égalité de traitement oblige l’employeur à assurer une égalité de rémunération entre les salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale, c’est à dire qui se trouvent dans une situation comparable au regard de la nature de leur travail et de leurs conditions de formation et de travail.

Il incombe au salarié qui invoque une violation du principe d’égalité de traitement de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de traitement et à l’employeur de justifier celle-ci par des critères objectifs et pertinents.

L’ancienneté des salariés peut justifier une différence de traitement lorsqu’elle n’est pas prise en compte par une prime d’ancienneté distincte du salaire de base.

En l’occurrence, il résulte des bulletins de paie que les salariées habilleuses percevaient une prime d’ancienneté de sorte que l’ancienneté était prise en compte par le versement d’une prime d’ancienneté distincte du salaire de base, peu important à cet égard que cette prime n’ait que partiellement prise en compte l’ancienneté. Cette prime d’ancienneté a été supprimée par l’accord de révision du 25 janvier 2017, lequel l’a compensée par un complément différentiel dont le montant dépendait de la prime d’ancienneté perçue auparavant. la salariée fait ainsi valoir à juste titre que l’ancienneté est restée compensée par une prime distincte du salaire de base. L’ancienneté supérieure des trois anciennes premières habilleuses ne saurait donc justifier la différence de traitement.

L’Essentiel : Mme [N] a été engagée par Le Lido en tant qu’habilleuse en 2007, avec un contrat modifié en 2012 pour un temps de travail de 30 heures par semaine. En janvier 2017, la société a modifié ses bulletins de paie, provoquant des protestations. Après avoir refusé un avenant en mars 2017, elle a saisi le conseil de prud’hommes, qui a débouté ses demandes en janvier 2019. En appel, le jugement a été confirmé, mais la Cour de cassation a cassé certaines décisions en juillet 2023, notamment concernant l’inégalité salariale. La cour a finalement reconnu un préjudice moral et condamné la société à des indemnités.
Résumé de l’affaire :

Engagement de Mme [N]

La société d’Exploitation et de gestion de spectacles de Music Hall internationaux Le Lido a engagé Mme [R] [N] à temps partiel en tant qu’habilleuse à compter du 2 avril 2007. Son contrat à durée indéterminée a été modifié par un avenant en avril 2002, augmentant son temps de travail à 30 heures par semaine. Les relations de travail étaient régies par la convention collective nationale du secteur.

Modification des bulletins de paie

Le 17 janvier 2017, la société a informé Mme [N] que ses bulletins de paie ne mentionneraient plus le service, mais seulement un temps de travail de 130 heures par mois, sans impact sur sa rémunération. Cette décision a suscité des protestations de plusieurs salariées, dont Mme [N], qui ont considéré cela comme une modification de leur contrat de travail.

Avenant et refus de signature

Le 15 mars 2017, la société a proposé un avenant à Mme [N] modifiant son positionnement dans la grille de classification des emplois, lui attribuant un statut d’employé qualifié avec un salaire brut de 1 719,51 euros par mois pour 130 heures de travail. Mme [N] a refusé de signer cet avenant.

Action en justice de Mme [N]

Le 29 décembre 2017, Mme [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris pour demander la résiliation de son contrat de travail, sa requalification en contrat à temps complet, ainsi que des rappels de salaire, des indemnités de rupture et des dommages-intérêts.

Jugement du conseil de prud’hommes

Le 31 janvier 2019, le conseil de prud’hommes a débouté Mme [N] de toutes ses demandes et a également débouté la société de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, laissant les dépens à sa charge.

Appel et confirmation du jugement

Mme [N] a interjeté appel le 6 mars 2019. Le 6 avril 2022, la cour d’appel de Paris a confirmé le jugement en toutes ses dispositions et a condamné Mme [N] à verser 150 euros à la société au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Convention de rupture

Le 24 octobre 2022, les parties ont signé une convention de rupture d’un commun accord pour motif économique.

Poursuite en cassation

Mme [N] a formé un pourvoi en cassation. Le 5 juillet 2023, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel en ce qui concerne plusieurs demandes de Mme [N], notamment celles relatives à l’inégalité salariale et à la résiliation du contrat de travail.

Demande de Mme [N] en cour de renvoi

Mme [N] a demandé à la cour de renvoi d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes et de reconnaître la violation du principe d’égalité de traitement, ainsi que de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Réponse de la société

La société a contesté les demandes de Mme [N], arguant qu’il n’y avait pas eu de modification unilatérale de son contrat de travail et qu’il n’y avait pas de discrimination. Elle a également soutenu que la demande de résiliation était devenue sans objet en raison de la rupture amiable.

Analyse des inégalités salariales

Mme [N] a soutenu avoir subi une inégalité de traitement par rapport à d’autres salariées, arguant que son travail était similaire à celui des premières habilleuses. La société a rétorqué que les différences de rémunération étaient justifiées par l’ancienneté des salariées concernées.

Décision sur l’inégalité salariale

La cour a retenu qu’il existait une différence de traitement injustifiée, concluant que l’ancienneté ne pouvait justifier la différence de rémunération, car une prime d’ancienneté était déjà versée.

Résiliation judiciaire et conséquences

La cour a jugé que la demande de résiliation judiciaire était devenue sans objet en raison de la rupture amiable intervenue après la demande de Mme [N].

Dommages-intérêts pour préjudice moral

Mme [N] a demandé des dommages-intérêts pour préjudice moral en raison de l’inégalité salariale et des pressions morales subies. La cour a reconnu un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, causant un préjudice moral à Mme [N].

Conclusion et condamnations

La cour a condamné la société à verser à Mme [N] des sommes pour rappel de salaire, indemnité compensatrice de congés payés, et dommages-intérêts pour préjudice moral, tout en confirmant certaines décisions du jugement initial.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conséquences juridiques de la modification unilatérale du contrat de travail de Mme [N] ?

La modification unilatérale du contrat de travail est encadrée par le Code du travail, notamment par l’article L. 1222-6 qui stipule que « toute modification du contrat de travail doit être acceptée par le salarié ».

Dans le cas de Mme [N], la société Lido a tenté de modifier les termes de son contrat de travail en modifiant son positionnement dans la grille de classification et en réduisant le nombre d’heures mentionnées sur son bulletin de paie.

Cette modification a été contestée par Mme [N], qui a considéré qu’elle constituait une atteinte à son contrat de travail.

En effet, la Cour de cassation a rappelé que « la modification d’un élément essentiel du contrat de travail, sans l’accord du salarié, constitue une rupture du contrat de travail ».

Ainsi, la demande de résiliation judiciaire de Mme [N] pourrait être fondée sur cette modification unilatérale, justifiant une demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Comment le principe d’égalité de traitement est-il appliqué dans le cadre de la rémunération des salariés ?

Le principe d’égalité de traitement est un principe fondamental en droit du travail, stipulé dans l’article L. 1133-1 du Code du travail, qui impose à l’employeur d’assurer une égalité de rémunération entre les salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Dans le cas présent, Mme [N] a soutenu qu’elle subissait une inégalité de traitement par rapport à d’autres salariées, qui percevaient une rémunération supérieure pour des fonctions similaires.

La Cour de cassation a précisé que « l’ancienneté des salariés peut justifier une différence de traitement, à condition qu’elle ne soit pas déjà prise en compte par une prime d’ancienneté distincte du salaire de base ».

Dans cette affaire, il a été établi que les salariées comparées avaient une ancienneté supérieure, mais que cette ancienneté était également compensée par une prime d’ancienneté.

Ainsi, la cour a conclu que la différence de traitement n’était pas justifiée, et Mme [N] avait droit à un rappel de salaire pour inégalité salariale.

Quelles sont les implications d’une résiliation judiciaire du contrat de travail ?

La résiliation judiciaire du contrat de travail est prévue par l’article L. 1231-1 du Code du travail, qui stipule que « le salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail lorsque l’employeur a manqué à ses obligations ».

Dans le cas de Mme [N], elle a demandé la résiliation judiciaire de son contrat en raison de la modification unilatérale de ses conditions de travail et des manquements de l’employeur à ses obligations, notamment en matière de sécurité au travail.

La résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce qui ouvre droit à des indemnités pour le salarié.

La Cour de cassation a également précisé que « la rupture du contrat de travail par résiliation judiciaire entraîne l’obligation pour l’employeur de verser au salarié les indemnités de licenciement et les dommages-intérêts pour préjudice moral ».

Dans ce contexte, la demande de Mme [N] de résiliation judiciaire pourrait être fondée sur les manquements de l’employeur, entraînant des conséquences financières pour la société Lido.

Quels sont les droits de Mme [N] en matière de dommages-intérêts pour préjudice moral ?

Le droit à des dommages-intérêts pour préjudice moral est reconnu par le Code civil, notamment par l’article 1240 qui stipule que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Dans le cas de Mme [N], elle a soutenu que l’inégalité salariale et les pressions morales subies au travail lui avaient causé un préjudice moral.

La Cour de cassation a reconnu que « la différence de traitement injustifiée constitue un manquement de l’employeur à ses obligations, causant un préjudice moral certain au salarié ».

Ainsi, Mme [N] a le droit de demander des dommages-intérêts pour ce préjudice, et la cour a condamné la société à lui verser une somme pour réparer ce préjudice moral.

Quelles sont les conséquences de la rupture amiable du contrat de travail sur les demandes de Mme [N] ?

La rupture amiable du contrat de travail, comme stipulé dans l’article L. 1237-11 du Code du travail, est un accord entre l’employeur et le salarié pour mettre fin au contrat de travail.

Dans le cas de Mme [N], la convention de rupture signée le 24 octobre 2022 a été qualifiée de rupture amiable pour motif économique.

Cette rupture amiable a des conséquences sur les demandes de Mme [N], car elle rend sans objet sa demande de résiliation judiciaire, qui était fondée sur des manquements de l’employeur.

La jurisprudence a établi que lorsque la rupture du contrat de travail résulte d’un accord amiable, la cause de la rupture ne peut être contestée, sauf en cas de fraude ou de vice du consentement.

Ainsi, les demandes de Mme [N] relatives à la résiliation judiciaire et aux indemnités qui en découlent ont été déboutées, confirmant que la rupture amiable a mis fin à ses prétentions.

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 6

ARRET DU 11 DÉCEMBRE 2024

(N°2024/ , 2 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/05560 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CIDIF

Décision déférée à la Cour : Jugement

Arrêt du 05 Juillet 2023 -Cour de Cassation de Paris – RG n° E22-17.250

APPELANTE

Madame [R] [N]

Profession : Habilleuse

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Marc-alexandre MYRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0118

INTIMEE

Société LIDO anciennement dénommée S.A.S. SOCIETE D’EXPLOITATION ET DE GESTION DES SPECTACLES DE MUSIC-HALLS INTERNATIONAUX-LE LIDO

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Franck JANIN, avocat au barreau de LYON, toque : 657

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Octobre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre et de formation

Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Gisèle MBOLLO

ARRET :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, initialement prévue le 20 novembre 2024 et prorogée au 11 décembre 2024 les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre et par Gisèle MBOLLO, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La société d’Exploitation et de gestion de spectacles de Music Hall internationaux Le Lido devenue désormais la société Lido, ci-après la société, a engagé Mme [R] [N] à temps partiel à compter du 2 avril 2007 en qualité d’habilleuse par contrat à durée indéterminée pour un horaire hebdomadaire de 15 heures. Par avenant du 16 avril 2002, son temps de travail a été porté à 30 heures par semaine, à hauteur de 5 heures par jour 6 jours par semaine, de 21h00 à 2h00 du matin, le jour de repos étant pris par roulement.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises du secteur privé du spectacle vivant.

Par lettre du 17 janvier 2017, la société a informé Mme [N] qu’à compter du 1er janvier 2017, les bulletins de paie ne feraient plus référence au service et ne mentionneraient que le temps de travail de 130 heures par mois sans incidence sur le montant de sa rémunération. Suivant une lettre ouverte destinée à la direction du 18 janvier 2017, plusieurs salariées, dont Mme [N], ont protesté contre ce qu’elles estimaient être une modification du contrat de travail.

Par lettre du 15 mars 2017, la société a soumis à Mme [N] un avenant à son contrat modifiant son positionnement au sein de la grille de classification des emplois du personnel de la filière technique de la société mise en place par l’accord d’entreprise du 25 janvier 2017 en conformité avec la convention collective annexe III, l’informant qu’à compter du 1er février 2017, elle bénéficierait de la qualification d’habilleuse, statut employé qualifié groupe 2, niveau échelon 1C et d’un salaire brut de 1 719,51 euros par mois pour 130 heures de travail. La société a soumis ensuite à Mme [N] un nouvel avenant daté du 7 avril 2017 qu’elle a refusé de signer.

Le 29 décembre 2017, Mme [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris en résiliation de son contrat de travail, requalification de celui-ci en un contrat de travail à temps complet, rappels de salaire, indemnités de rupture et dommages-intérêts.

Par jugement du 31 janvier 2019, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud’hommes a rendu la décision suivante :

‘Déboute Mme [N] de l’ensemble de ses demandes

Déboute la société d’Exploitation et de Gestion de Spectacles et de Music Halls Internationaux SEGSMHI LE LIDO de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Laisse les dépens à la charge de Mme [N].’.

Mme [N] a interjeté appel de ce jugement le 6 mars 2019 et, par arrêt rendu le 6 avril 2022, la cour d’appel de Paris a confirmé le jugement en toutes ses dispositions et condamné Mme [N] à verser à la société la somme de 150 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Le 24 octobre 2022, les parties ont signé une convention de rupture d’un commun accord pour motif économique.

Mme [N] a formé un pourvoi en cassation et, par arrêt du 5 juillet 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation a rendu la décision suivante :

‘CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute Mme [N] de sa demande en paiement d’un rappel de salaire outre congés payés afférents pour inégalité salariale, de sa demande en résiliation du contrat de travail, de ses demandes en paiement d’indemnité compensatrice de préavis outre congés payés afférents, d’indemnité de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct, de remise de documents conformes sous astreinte et en ce qu’il statue sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt rendu le 6 avril 2022, entre les parties, par la cour d’appel de Paris

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée

Condamne la Société d’exploitation et de gestion de spectacles de music-halls Le Lido aux dépens

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société d’exploitation et de gestion de spectacles de Music-Halls Le Lido et la condamne à payer à Mme [N] la somme de 3 000 euros ‘.

La Cour de cassation a, sur les premier et deuxième moyens, retenu qu’en application de l’article 1014 alinéa 2 du code de procédure civile, il n’y avait pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la première branche du premier moyen qui était irrecevable et sur les autres griefs qui n’étaient pas manifestement de nature à entraîner la cassation.

Sur le troisième moyen, la motivation de l’arrêt de la Cour de cassation est la suivante :

‘Vu le principe d’égalité de traitement :

5. Il résulte de ce principe que l’ancienneté des salariés peut justifier une différence de traitement lorsqu’elle n’est pas prise en compte par une prime d’ancienneté distincte du salaire de base.

6. Pour débouter la salariée de sa demande en paiement d’un rappel de salaire au titre de l’égalité de traitement et de sa demande en résiliation judiciaire du contrat de travail, l’arrêt après avoir constaté l’existence d’une différence de traitement, retient que le principe à travail égal, salaire égal ne s’oppose pas à ce qu’un employeur tienne compte de l’ancienneté des salariés pour une différenciation de leurs rémunérations à condition que cette ancienneté ne soit pas déjà totalement prise en compte dans une prime.

7. L’arrêt relève que le statut de première habilleuse et la rémunération qui y est associée ont été appliqués aux trois salariées du service les plus anciennes dans l’entreprise, que certes, une prime dite prime d’ancienneté est versée à tous les salariés de l’entreprise en fonction de leur durée de présence, mais l’accord collectif du 30 janvier 2007 et l’examen des bulletins de paie démontrent que cette prime ne prend que très partiellement en compte l’ancienneté des salariés car si elle évolue dans un premier temps par période de deux ans, elle atteint un palier de 5 % du salaire de base à 10 ans d’ancienneté pour ne plus varier par la suite.

8. Il en conclut que, dans de telles conditions, l’ancienneté est un critère objectif justifiant une différenciation de rémunérations mensuelles de base entre salariés, au-delà du versement d’une prime qui ne prend que très partiellement en compte la durée de présence de ceux-ci dans l’entreprise.

9. L’arrêt relève également qu’à partir de l’accord de révision du 25 janvier 2017, la prime d’ancienneté est supprimée pour être remplacée par un complément différentiel dont le montant est figé et ne pourra faire l’objet d’aucune augmentation ou revalorisation et ce malgré la progression de l’ancienneté et du salaire de base des salariés concernés.

10. En statuant ainsi, alors qu’elle constatait que l’ancienneté des salariées était prise en compte par le versement d’une prime distincte du salaire de base, la cour d’appel a violé le principe susvisé.’

Par déclaration transmise par voie électronique le 1er août 2023, Mme [N] a saisi la présente cour.

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 27 septembre 2023, auxquelles la cour se réfère expressément pour l’exposé des moyens, Mme [N] demande à la cour de :

‘Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris le 31 janvier 2019

Et, statuant à nouveau,

– Fixer la rémunération brute mensuelle de Mme [N] à la somme de 2 545,70 €

– Juger que la société SEGSMHI a violé le principe d’égalité de traitement

– Juger que la société SGESMHI a modifié unilatéralement le contrat de travail de Mme [N] 

– Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [N]

– Juger que la résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse

– Condamner la société SEGSMHI à verser à Mme [N] les sommes suivantes :

* 50 103,71 € à titre de rappel de salaire pour inégalité salariale pour la période décembre 2014 à décembre 2022

* 5 010,37 € au titre des congés payés y afférents

* 33 094,10 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 5 091,40 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis

* 509,14 € au titre des congés payés s’y rapportant

* 11 243,50 € à titre de rappel d’indemnité légale de licenciement

* 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral

* 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– Ordonner que ces sommes portent intérêts au taux légal

– Ordonner la remise des documents de fin de contrat rectifiés et conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 100 € par jour de retard

– Condamner la société SEGSMHI aux entiers dépens. »

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 24 novembre 2023, auxquelles la cour se réfère expressément pour l’exposé des moyens, la société demande à la cour de : 

‘1. Sur la modification de la structure de la rémunération de Mme [N]

La cassation ne retenant les moyens soulevés à ce titre,

La Cour de céans n’est donc pas saisie de cette prétention,

Il lui est donc demandé de

Débouter Mme [N] de sa demande, REJETER la demande de Mme [N]

Subsidiairement et constatant que le contrat de travail de Mme [N] prévoit une rémunération à l’heure

EN CONSEQUENCE,

CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes confirmé en appel

CONSTATER l’absence de modification du contrat de travail de la salariée à ce titre, et ainsi LA DEBOUTER de ses demandes

2. Sur la prétendue discrimination

CONSTATER l’absence de toute discrimination

En conséquence,

CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes confirmé en appel

DEBOUTER Mme [N] de l’intégralité de ses demandes

3. Sur la résiliation

Compte tenu de la rupture amiable par convention,

Juger que la demande de résiliation est désormais sans objet

En conséquence, débouter Mme [N] de sa demande

Subsidiairement, CONSTATER l’absence de faute de la société

EN CONSEQUENCE,

CONFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud’hommes confirmé en appel

DEBOUTER Mme [N] de sa demande de résiliation judiciaire et de l’ensemble de ses demandes afférentes

A titre subsidiaire, si la Cour venait par extraordinaire à prononcer la résiliation judicaire du contrat :

Débouter le montant de l’indemnité de préavis et subsidiairement la limiter à la somme de 3 671, 40 €

LIMITER le montant de l’indemnité légale de licenciement à la somme de 8 770,53 € d’ores et déjà versée, et à déduire en cas de condamnation complémentaire

LIMITER le montant de l’indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse à la somme de 5 507,10 € correspondant à 3 mois de salaire

4. Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral distinct

CONSTATER l’absence de tout préjudice moral distinct

EN CONSEQUENCE, CONFIRMER le jugement et débouter Mme [N] de sa demande de 10 000 € de dommages et intérêts à ce titre

EN TOUT ETAT DE CAUSE, DEBOUTER la salariée de l’intégralité de ses demandes 

LA CONDAMNER à 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux dépens. ».

L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’étendue de la saisine de la cour de renvoi

La société conclut au rejet des demandes liées à la prétendue modification unilatérale du contrat de travail au motif que ce moyen a définitivement été tranché. Elle fait aussi valoir que les moyens fondés sur un défaut d’aménagement de poste et les pressions de l’employeur n’ont pas fait l’objet d’une cassation partielle et que la cour doit donc les écarter.

Mme [N] ne répond pas sur ce point.

Aux termes de l’article 624 du code de procédure civile, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l’arrêt qui la prononce. Elle s’étend également à l’ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

L’article 638 du même code dispose que l’affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l’exclusion des chefs non atteints par la cassation.

En l’espèce, la Cour de cassation a cassé l’arrêt du 6 avril 2022 notamment en ce qu’il a débouté Mme [N] de sa demande en résiliation du contrat de travail, de ses demandes en paiement d’indemnité compensatrice de préavis outre congés payés afférents, d’indemnité de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct et de remise de documents conformes sous astreinte.

La Cour de cassation ayant cassé les dispositions de l’arrêt relatives aux demandes fondées sur le moyen tiré de la modification unilatérale du contrat de travail, la présente cour est saisie desdites demandes et cette cassation investit la présente cour de la connaissance de l’entier litige afférent à ces demandes, le rejet non spécialement motivé sur le deuxième moyen de cassation relatif à la modification de la structure de la rémunération étant sans incidence sur l’étendue de la cassation prononcée.

Par suite, la société est déboutée de la demande visant à juger que la cour n’est pas saisie de la prétention fondée sur la modification de la rémunération de la salariée.

De même la Cour de cassation ayant cassé l’arrêt en ce qu’il a débouté Mme [N] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct, la cour est investie de la connaissance de l’entier litige afférent à cette demande, dont les moyens relatifs à l’absence d’aménagement de poste et aux pressions de l’employeur.

Sur les demandes de rappel de salaire ainsi que des congés payés afférents fondées sur l’inégalité salariale

Mme [N] invoque avoir subi une inégalité de traitement résultant d’un écart de rémunération avec Mmes [W], [N] et [G]. Elle soutient avoir exécuté un travail similaire à elles, arguant que rien ne justifiait une distinction entre les habilleuses et premières habilleuses. Elle fait valoir que l’ancienneté acquise par les salariées était déjà compensée par une prime d’ancienneté et qu’elle est restée compensée par une prime distincte pour la période postérieure au 25 janvier 2017. Elle en déduit caractériser une inégalité salariale et s’estime fondée à réclamer un rappel de salaire sur la base de la rémunération perçue par Mme [N], soit la somme de 50 103,71 euros pour la période de décembre 2014 à décembre 2022 outre les congés payés afférents.

La société rétorque que les salariées ayant le statut d’habilleuse perçoivent la même rémunération et que les trois salariées auxquelles Mme [N] se compare ont un statut de première habilleuse qui leur a été attribué en fonction de leur ancienneté supérieure à celle de cette dernière, ces salariées étant du fait de leurs connaissances, de leur expérience et de la qualité de leur travail capables de remplacer ponctuellement la sous-chef et la responsable du service. Si elle admet que ce statut a disparu, son existence passée, antérieure à son rachat du Lido, justifie selon elle la différence de rémunération. A titre subsidiaire, elle conteste les sommes réclamées aux motifs d’une part que Mme [N] ne peut revendiquer la même rémunération que Mme [N], d’autre part, qu’il existe une erreur de calcul sur la période de décembre 2014 à août 2015.

Le principe de l’égalité de traitement oblige l’employeur à assurer une égalité de rémunération entre les salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale, c’est à dire qui se trouvent dans une situation comparable au regard de la nature de leur travail et de leurs conditions de formation et de travail.

Il incombe au salarié qui invoque une violation du principe d’égalité de traitement de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de traitement et à l’employeur de justifier celle-ci par des critères objectifs et pertinents.

En l’espèce, il résulte des explications des parties et des pièces versées aux débats (pièce E de la société) que le service habillage était composé en 2016 d’une chef habilleuse, d’une sous-chef habilleuse, de 3 premières habilleuses, à savoir Mmes [N], [G] et [W], et de 12 habilleuses parmi lesquelles Mme [N].

Cette catégorie de première habilleuse n’existe pas dans la convention collective applicable. Il est constant au vu des explications des parties que ce statut a été créé par l’ancienne chef habilleuse. Il a été supprimé par l’accord d’entreprise du 25 janvier 2017. L’appelante produit les conduites de loge produites. Elle communique aussi l’attestation de Mme [Z], ancienne première habilleuse, qui indique qu’il ne lui a jamais été demandé d’assumer le remplacement de la chef habilleuse et de la sous-chef, qu’elle n’a jamais vu Mme [G] remplacer ces dernières et qu’elle effectuait un travail d’entretien des costumes ainsi que d’habillage. Il résulte de ces éléments que les premières habilleuses et les habilleuses remplissaient les mêmes fonctions et qu’elles se trouvaient dans une situation comparable. Au demeurant, la société a reconnu dans une lettre postérieure à l’accord précité que les fonctions de première habilleuse étaient identiques à celles d’habilleuse, ce qui justifiait que le statut de première habilleuse n’ait pas été retenu dans la nouvelle grille de classification.

Il résulte des pièces du dossier que Mme [N] perçevait une rémunération mensuelle brute de base inférieure à celles de Mmes [N], [G] et [W]. Ainsi, en février 2015, la rémunération par service de l’appelante était de 65,61 euros, celles de Mme [N] était de 84,01 euros et celle de Mme [G] était de 74,58 euros. L’appelante justifie aussi que Mme [W], dont l’ancienneté remonte au 13 septembre 1988, bénéficiait en septembre 2015 d’une rémunération par service de 72,94 euros alors qu’elle-même avait une rémunération par service de 66,13 euros par service. Elle relève que Mme [N], engagée le 2 avril 1977, percevait en juillet 2007 une rémunération par service de 77,59 euros alors qu’elle-même prouve qu’elle avait alors une rémunération par service de 57,50 euros. De même, il est établi que Mme [G], entrée le 3 juillet 1987, avait en août 2016 une rémunération par service de 75,18 euros alors que celle de Mme [N] était de 66,13 euros.

Mme [N] présente ainsi des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de traitement.

La société justifie la différence de traitement par la plus grande ancienneté des trois premières habilleuses. Il résulte de ce qui précède et de la pièce E de la société que les trois premières habilleuses avaient une plus grande ancienneté que Mme [N].

L’ancienneté des salariés peut justifier une différence de traitement lorsqu’elle n’est pas prise en compte par une prime d’ancienneté distincte du salaire de base.

En l’occurrence, il résulte des bulletins de paie que les salariées percevaient une prime d’ancienneté de sorte que l’ancienneté était prise en compte par le versement d’une prime d’ancienneté distincte du salaire de base, peu important à cet égard que cette prime n’ait que partiellement prise en compte l’ancienneté. Cette prime d’ancienneté a été supprimée par l’accord de révision du 25 janvier 2017, lequel l’a compensée par un complément différentiel dont le montant dépendait de la prime d’ancienneté perçue auparavant. Mme [N] fait ainsi valoir à juste titre que l’ancienneté est restée compensée par une prime distincte du salaire de base.

L’ancienneté supérieure des trois anciennes premières habilleuses ne saurait donc justifier la différence de traitement.

La société explique aussi la différence de traitement par l’historique de la situation dont elle a hérité.

Elle invoque l’arrêt du 7 décembre 2017 rendu par la Cour de cassation dans le pourvoi n° 16-15.109 selon lequel sauf disposition légale contraire, un accord collectif ne peut modifier le contrat de travail d’un salarié, seules les dispositions plus favorables de cet accord pouvant se substituer aux clauses du contrat et il en résulte que cette règle constitue un élément objectif pertinent propre à justifier la différence de traitement entre les salariés engagés antérieurement à l’entrée en vigueur d’un accord collectif et ceux engagés postérieurement, et découlant du maintien, pour les premiers, des stipulations de leur contrat de travail.

Elle invoque par ailleurs l’arrêt rendu le même jour dans le pourvoi n°16-14.235 qui a énoncé que le principe d’égalité de traitement ne fait pas obstacle à ce que les salariés embauchés postérieurement à l’entrée en vigueur d’un nouveau barème conventionnel soient appelés dans l’avenir à avoir une évolution de carrière plus rapide dès lors qu’ils ne bénéficient à aucun moment d’une classification ou d’une rémunération plus élevée que celle des salariés embauchés antérieurement à l’entrée en vigueur du nouveau barème et placés dans une situation identique ou similaire.

Cependant, en l’occurrence, il n’est pas soutenu, ni établi que la différence de traitement dénoncée par Mme [N] résulte d’un accord collectif alors que comme déjà indiqué, le statut de première habilleuse a simplément été créé par l’ancienne responsable habilleuse.

En conséquence, ce statut de première habilleuse qui, ainsi qu’il a été vu ci-dessus ne correspond à aucune distinction de fonctions par rapport aux habilleuses, ne constitue pas une raison objective et pertinente justifiant la différence de traitement.

Enfin, la société ne prouve pas par des éléments objectifs et concrets la réalité de l’expérience, des connaissances et de la qualité du travail des premières habilleuses. Il n’est donc pas démontré que ces éléments sont de nature à justifier la différence de traitement par rapport à Mme [N].

La cour retient l’existence d’une différence de traitement injustifiée.

Mme [N] est en droit de solliciter la rémunération plus élevée dont bénéficiaient les autres salariées.

La société relève que l’appelante revendique la même rémunération que Mme [N] qui avait une expérience de plus de 41 ans et une qualité de travail que Mme [N] n’avait pas. Mais il a d’ores et déjà été retenu que l’ancienneté ne pouvait justifier la différence de traitement et l’allégation concernant la qualité de travail respective des salariées n’est pas étayée par des éléments objectifs. La société relève aussi que Mme [N] était la première habilleuse la mieux payée. Mais force est de constater que la société ne propose pas des modalités de calcul du rappel de salaire dû pour la période de décembre 2014 à décembre 2022 alternatives à celles précisément détaillées par l’appelante dans ses écritures et ne fournit pas l’ensemble des éléments salariaux nécessaires permettant à la cour de déterminer sur toute la période la moyenne des rémunérations perçues par les trois salariées auxquelles Mme [N] se compare.

Aussi, il convient de retenir les modalités de calcul proposées par l’appelante sur la base de la rémunération perçue par Mme [N] qui apparaissent conformes aux éléments dont la cour dispose et qui ne font l’objet d’aucune critique précise sauf concernant la période de décembre 2014 à août 2015, la société relevant à raison qu’il est tenu compte de 10 mois alors que la période ne correspond qu’à 9 mois. Compte tenu de cette erreur, la société est condamnée à payer à Mme [N] la somme de 49 622,97 euros à titre de rappel de salaire et celle de 4 962,29 euros au titre de l’indemnité compensatrice des congés payés afférents, le jugement étant infirmé en ce sens.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail et ses conséquences

La société soutient que la demande de résilition judiciaire est devenue sans objet dès lors que le contrat de travail a été rompu aux termes d’une convention de rupture d’un commun accord qui n’est ni un licenciement, ni un mode d’adhésion à un dispositif légal d’accompagnement emportant les effets d’un licenciement mais une convention de rupture amiable.

Mme [N] réplique être fondée à solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail quand bien même il a été rompu dans le cadre d’une rupture d’un commun accord pour motif économique.

Le contrat de travail peut prendre fin par un licenciement ou par une démission ou du commun accord des parties.

Aux termes des articles 1101 et 1103 du code civil, le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations. Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

En application de l’article L. 1221-1 du code du travail, le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun.

L’article L. 1233-3 du code du travail dispose :

Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus

2° A des mutations technologiques

3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité

4° A la cessation d’activité de l’entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise.

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.

Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.

Le secteur d’activité permettant d’apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.

Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l’une des causes énoncées au présent article, à l’exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d’un commun accord dans le cadre d’un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants.

Il a été jugé que la rupture d’un contrat de travail pour motif économique peut résulter d’un départ volontaire dans le cadre d’un accord collectif mis en oeuvre après consultation du comité d’entreprise que cette rupture constitue une résiliation amiable du contrat de travail.

Il est de principe que lorsque la rupture du contrat de travail résulte de la conclusion d’un accord amiable intervenu dans le cadre de la mise en oeuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi assorti d’un plan de départs volontaires, soumis aux représentants du personnel, la cause de la rupture ne peut être contestée, sauf fraude ou vice du consentement.

En l’espèce, les parties ont conclu le 24 octobre 2022 une ‘convention de rupture d’un commun accord pour motif économique’ qui rappelle :

‘ (…) Dès lors, la réorganisation en profondeur en vue de pallier les difficultés économiques structurelles du LIDO et sauvegarder sa compétitivité sur son secteur d’activité, est nécessaire via la mise enplace d’une transformation artistique spectaculaire ainsi que l’abandon de la formule ‘dîner-spectacle’ soit la création du ‘Nouveau Lido’.

Par conséquent, dans le cadre du Plan de Sauvegarde de l’Emploi adopté par accord collectif conclu le 26 juillet 2022, ayant fait l’objet d’un avis favorable du CSE et validé par la Drieets d’Ile-de-France par décision explicite du 3 août 2022, dont les salariés ont été informés le 4 août 2022, un dispositif de départ volontaire a été institué pour faire face aux suppressions de postes définies par le document remis au CSE et aux délégués syndicaux ainsi que favoriser le volontariat pour les salariés qui seraient porteurs d’un projet professionnel ou personnel permettant d’éviter un licenciement pour motif économique.’

La convention prévoit en son article 3 que ‘le contrat de travail du salarié est rompu d’un commun accord pour le motif économique décrit dans le préambule’ et en son article 10 que ‘les parties s’engagent à appliquer de bonne foi la présente convention, établie d’une volonté commune dans le cadre de l’article 1134 du code civil, les dispositions présentes étant impératives pour chacune des parties et la rupture du contrat de travail étant irrévocable’.

Est annexée à cette convention un bulletin d’adhésion au congé de reclassement, Mme [N] ayant refusé ce congé.

Il s’ensuit que la rupture du contrat de travail de Mme [N] s’analyse non en un licenciement mais en une résiliation amiable.

Il est de principe que lorsqu’un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour motif économique ou que le contrat de travail prend fin par suite de l’adhésion du salarié à une convention de reclassement personnalisé, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail est justifiée. En revanche, il a été jugé qu’ayant constaté que l’annulation de la rupture conventionnelle n’avait pas été demandée dans le délai prévu par l’article L. 1237-14 du code du travail, la cour d’appel n’avait plus à statuer sur une demande, fût-elle antérieure à cette rupture, en résiliation judiciaire du contrat de travail devenue sans objet.

En l’espèce, la rupture du contrat de travail résultant d’un accord des parties survenue postérieurement à la demande de résiliation judiciaire de ce contrat rend sans objet cette demande. Mme [N] doit en être déboutée de même que de ses demandes subséquentes, le jugement étant confirmé de ces chefs.

Sur les dommages-intérêts pour préjudice moral

Mme [N] soutient que l’inégalité salariale qu’elle a subie lui a causé un préjudice moral. Elle se plaint aussi d’avoir fait l’objet de pressions morales, notamment à la suite de la dénonciation de l’inégalité salariale dont elle a été victime et en raison de l’action prud’homale qu’elle a engagée. Elle reproche également à l’employeur de ne pas avoir aménagé son poste de travail comme cela lui avait été demandé par le médecin du travail. Enfin, elle prétend ne pas avoir été convoquée à son entretien annuel au motif qu’elle n’avait pas signé l’avenant à son contrat.

La société conteste toute faute et tout préjudice subi.

Mme [N] a subi une différence de traitement injustifiée, ce qui constitue un manquement de l’employeur à ses obligations et lui a causé un préjudice moral certain.

Au soutien de ses allégations de pressions morales, Mme [N] s’appuie sur :

– un avertissement qui lui a été notifié par lettre du 7 décembre 2018, après sa saisine de la juridiction prud’homale, en raison de son comportement agressif à l’égard d’autres salariées, notamment l’une d’entre elles, Mme [P], les faits datant des 14, 21 et 23 octobre 2018

– une lettre du 13 décembre 2018 par laquelle Mme [N] a contesté cet avertissement et la lettre de la société du 21 décembre suivant aux termes de laquelle elle a maintenu cette sanction

– un certificat d’un médecin généraliste du 27 juin 2017 qui indique avoir examiné Mme [N] dans les suites d’un accident de la voie publique et que Mme [N] lui a déclaré subir un harcèlement moral de ses employeurs

– un certificat de ce même médecin du 29 décembre 2018 disant qu’elle l’a consulté pour des crises d’anxiété qu’elle rapporte à des difficultés avec sa hiérarchie et une ordonnance du même jour lui prescrivant du Xanax

– la justification d’un rendez vous pris par elle à l’hôpital [6] de [Localité 3] en mars 2019.

La société verse aux débats des courriels de Mme [J] et de Mme [T] qui confirment la réalité des propos tenus par Mme [N] tels que retranscrits dans l’avertissement et leur impact sur Mme [P]. Il en résulte que l’avertissement n’est pas infondé mais au contraire justifié par le comportement agressif de Mme [N]. Les éléments médicaux précités sont par ailleurs insuffisants à établir en eux-mêmes la matérialité de pressions exercées par l’employeur sur Mme [N]. Celles-ci ne sont donc pas retenues.

Au soutien du défaut d’aménagement de son poste, Mme [N] communique :

– un certificat médical du 26 octobre 2018 de [4] de [Localité 5] indiquant que l’état de santé de Mme [N] ne lui permet pas de soulever de charges lourdes à son travail

– des fiches de visite de la médecine du travail des 23 mai 2018 (visite de reprise) et 16 octobre 2018 (visite à la demande) proposant chacune ‘pas d’élévation des membres supérieurs au delà du plan des épaules, pas de port de charge supérieure à 5 kg’, avec la mention que l’aménagement est valable pour 5 mois concernant la première fiche et un mois et demi pour la seconde.

Il en résulte que le médecin du travail a prescrit à deux reprises un aménagement du poste de Mme [N] comprenant deux mesures, à savoir concernant l’élévation des membres supérieurs et le port de charges supérieures à 5 kg. Il appartient à la société qui a eu connaissance des restrictions émises par le médecin du travail de prouver les avoir respectées. Or, la seule circonstance que Mme [N] ait déclaré avoir porté une robe d’un poids de 5 kg est insuffisante à en justifier. En conséquence, la cour retient que la société n’a pas aménagé le poste de Mme [N] conformément aux prescriptions du médecin du travail et qu’elle a ainsi manqué à son obligation de sécurité, ce qui a causé à la salariée un préjudice moral certain.

La société ne prouve pas avoir convoqué Mme [N] à un entretien annuel d’évaluation après son refus de signer l’avenant à son contrat de travail. Si elle justifie que la salariée a été en arrêt de travail à partir de décembre 2018, cette circonstance n’explique pas le défaut d’entretien antérieur. Un manquement est avéré de ce chef mais Mme [N] ne justifie pas du préjudice qui en est résulté sur lequel elle ne s’explique pas.

La cour condamne la société à payer à Mme [N] la somme de 1500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral causé par l’inégalité de traitement et le manquement à l’obligation de sécurité, le jugement étant infirmé en ce sens.

Sur les intérêts au taux légal

Les intérêts au taux légal courent à compter de la réception par l’employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes pour les créances salariales échues à cette date et à compter de leur exigibilité pour les créances salariales dues postérieurement.

Les intérêts au taux légal courent à compter de la présente décision pour les dommages-intérêts alloués.

Sur la remise des documents de fin de contrat rectifiés et conformes au présent arrêt sous astreinte

Il est ordonné à la société de remettre à Mme [N] une attestation destinée à France travail conforme au présent arrêt dans le mois de sa notification, le jugement étant infirmé en ce sens. Une astreinte n’apparaît pas nécessaire à cette fin. En revanche, Mme [N] ne démontre pas en quoi les autres documents de fin de contrat qu’elle a reçus devraient être modifiés. Elle est déboutée du surplus de sa demande.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La société est condamnée aux dépens de première instance et d’appel, y compris ceux afférents à la décision cassée, et à payer à Mme [N] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la société étant déboutée de sa demande fondée sur ces dispositions.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe :

Vu l’arrêt de la Cour de cassation du 5 juillet 2023

Rejette la demande visant à juger que la cour n’est pas saisie de la prétention fondée sur la modification de la rémunération de la salariée

Infirme le jugement en ce qu’il a débouté Mme [N] de sa demande de rappel de salaire fondée sur l’inégalité de traitement, de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct, de sa demande de remise d’une attestation destinée à Pôle emploi et en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile

Confirme le jugement en ce qu’il a débouté Mme [N] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et de ses demandes subséquentes au titre du préavis, de l’indemnité de licenciement et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Statuant à nouveau dans ces limites et ajoutant :

Condamne la société d’Exploitation et de gestion de spectacles de Music Hall internationaux Le Lido devenue la société Lido à payer à Mme [N] les sommes de :

– 49 622,97 euros à titre de rappel de salaire et celle de 4 962,29 euros au titre de l’indemnité compensatrice des congés payés afférents

– 1 500 euros à titre de dommages-intérêts

– 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Dit que les intérêts au taux légal courent à compter de la réception par l’employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes pour les créances salariales échues à cette date et à compter de leur exigibilité pour les créances salariales dues postérieurement

Dit que les intérêts au taux légal courent à compter de la présente décision pour les dommages-intérêts alloués

Ordonne à la société d’Exploitation et de gestion de spectacles de Music Hall internationaux Le Lido devenue la société Lido de remettre à Mme [N] une attestation destinée à France travail conforme au présent arrêt dans le mois de sa notification

Rejette toute autre demande

Condamne la société d’Exploitation et de gestion de spectacles de Music Hall internationaux Le Lido devenue la société Lido aux dépens de première instance et d’appel, y compris ceux afférents à la décision cassée.

La Greffière La Présidente


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