Disproportion de l’engagement de cautionL’article L341-4 du Code de la consommation, devenu l’article L332-1, stipule qu’un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. La disproportion manifeste doit être évaluée lors de la conclusion du contrat, en tenant compte du montant de l’engagement, des revenus et du patrimoine de la caution, ainsi que de son endettement global. La charge de la preuve de la disproportion incombe à la caution, tandis que le créancier peut se fier aux informations fournies dans la fiche de renseignements. Obligation de conseil de la banqueLa banque a une obligation de mise en garde envers la caution non avertie concernant ses capacités financières et le risque d’endettement lié à l’octroi du prêt. Cette obligation ne se limite pas à la disproportion manifeste de l’engagement. Pour établir que la banque était tenue d’un devoir de mise en garde, la caution doit prouver que son engagement n’était pas adapté à ses capacités financières ou qu’il existait un risque d’endettement. Le caractère averti d’une caution ne peut être déduit de sa seule qualité de dirigeant, mais doit être évalué en fonction de son implication personnelle et de sa compétence. La banque doit prouver qu’elle a respecté son obligation de mise en garde, faute de quoi elle engage sa responsabilité. Engagement solidaire des cautionsSelon l’article 2302 du Code civil, lorsque plusieurs personnes se sont portées cautions d’un même débiteur pour une même dette, elles sont chacune obligées pour la totalité de la dette. L’article 2303 précise que chaque caution peut exiger que le créancier divise son action, sauf si elle a renoncé au bénéfice de division. Dans le cas présent, l’acte de cautionnement stipule que la caution renonce aux bénéfices de discussion et de division, permettant ainsi à la banque de réclamer le paiement total à l’une des cautions. Délais de paiementL’article 1343-5 du Code civil permet au juge de reporter ou d’échelonner le paiement des sommes dues, en tenant compte de la situation du débiteur et des besoins du créancier. Le juge peut également ordonner que les sommes reportées portent intérêt à un taux réduit ou que les paiements s’imputent d’abord sur le capital. Dans cette affaire, l’évaluation de la situation personnelle et professionnelle de la caution a été jugée impossible en raison de l’absence de documents actualisés, entraînant le rejet de la demande de délais de paiement. |
L’Essentiel : L’article L341-4 du Code de la consommation stipule qu’un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement si l’engagement de la caution est manifestement disproportionné à ses biens et revenus. La disproportion doit être évaluée lors de la conclusion du contrat, en tenant compte de divers facteurs. La banque a une obligation de mise en garde envers la caution non avertie concernant ses capacités financières et le risque d’endettement lié au prêt.
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Résumé de l’affaire : Dans cette affaire, un dirigeant d’entreprise a fait appel d’un jugement rendu par le tribunal de commerce d’Avignon concernant un prêt professionnel accordé à sa société, la SA Deltisol, par la banque Chaix. Ce prêt, d’un montant de 770.000 euros, était garanti par un cautionnement personnel et solidaire du dirigeant, limité à 184.800 euros. En raison de l’impayé d’une échéance, la banque a mis en demeure la société Deltisol, qui a ensuite été placée en redressement puis en liquidation judiciaire.
La banque a déclaré sa créance auprès du mandataire judiciaire, et le montant total de la créance a été arrêté à 204.116,13 euros. Suite à cela, la banque a mis en demeure le dirigeant de régler la somme due dans la limite de son engagement de caution. Pour garantir sa créance, la banque a obtenu une hypothèque judiciaire sur un bien immobilier appartenant au dirigeant. Le tribunal a condamné le dirigeant à payer la somme de 184.800 euros, ainsi qu’une indemnité de 1.000 euros et les dépens. Le dirigeant a alors interjeté appel, contestant la disproportion de son engagement par rapport à ses capacités financières et alléguant un manquement de la banque à son obligation de conseil. Dans ses conclusions, le dirigeant a demandé la réformation du jugement, arguant que son engagement était manifestement disproportionné et que la banque n’avait pas respecté ses obligations d’information. Il a également souligné que le prêt était garanti par le Fonds européen d’investissement. En réponse, la banque a soutenu que l’engagement du dirigeant était justifié et que celui-ci avait renoncé au bénéfice de division, ce qui lui permettait d’agir pour la totalité de la créance. La cour a confirmé le jugement initial, considérant que le dirigeant était une caution avertie et que la banque avait respecté ses obligations. Le dirigeant a donc été condamné à supporter les dépens et à verser une somme à la banque au titre des frais de justice. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique de la disproportion manifeste de l’engagement de caution ?L’article L341-4 du code de la consommation, devenu l’article L332-1, stipule qu’un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. La disproportion manifeste doit être évaluée lors de la conclusion du contrat, en tenant compte du montant de l’engagement, des revenus et du patrimoine de la caution, ainsi que de son endettement global. Il est précisé que la caution doit prouver la disproportion alléguée, tandis que le créancier peut se fier aux informations fournies dans la fiche de renseignements. Dans cette affaire, il a été établi que la caution disposait d’un patrimoine mobilisable de plus de 1.500.000 euros pour un engagement de 184.800 euros, ce qui ne présentait pas de disproportion manifeste. Quel est le devoir de conseil et d’information de la banque envers la caution ?La banque a une obligation de mise en garde envers la caution non avertie, qui découle de ses capacités financières et du risque d’endettement lié à l’octroi du prêt. Cette obligation ne se limite pas à la disproportion manifeste de l’engagement. Pour établir que la banque était tenue d’un devoir de mise en garde, la caution doit prouver que son engagement n’était pas adapté à ses capacités financières ou qu’il existait un risque d’endettement. Le caractère averti d’une caution ne se déduit pas uniquement de sa qualité de dirigeant, mais dépend de son implication personnelle et de sa compétence à évaluer le risque. En l’espèce, la caution, en tant que directeur général, était considérée comme avertie et n’a pas prouvé que la banque disposait d’informations qu’elle ignorait. Quel est l’impact de la garantie du fonds européen d’investissement sur le cautionnement ?Le contrat de cautionnement stipule que l’obligation garantie est un prêt de 770.000 euros, et la garantie offerte couvre 80 % du risque de chaque opération de financement. Cette garantie est destinée à l’établissement bancaire et n’est pas actionnée en lieu et place de la caution. Ainsi, le cautionnement intervient à hauteur de 20 % du prêt, ce qui signifie que la garantie ne diminue pas l’obligation de la caution. La décision de première instance a confirmé que la garantie ne modifie pas la responsabilité de la caution, et cette position a été maintenue en appel. Quel est le montant dû par la caution en cas de plusieurs cautions ?Selon l’article 2302 du code civil, lorsque plusieurs personnes se portent cautions d’un même débiteur pour une même dette, elles sont chacune obligées à toute la dette. L’article 2303 précise que chaque caution peut exiger que le créancier divise son action, sauf si elle a renoncé au bénéfice de division. Dans cette affaire, l’acte de cautionnement stipule que la caution renonce aux bénéfices de discussion et de division, permettant à la banque de réclamer la totalité de la dette à une seule caution. Ainsi, la banque a le droit de rechercher le paiement de sa créance pour le tout, et la demande de division a été rejetée. Quel est le cadre légal pour demander des délais de paiement ?L’article 1343-5 du code civil permet au juge de reporter ou d’échelonner le paiement des sommes dues, en tenant compte de la situation du débiteur et des besoins du créancier, dans la limite de deux années. Cependant, dans cette affaire, l’évaluation de la situation personnelle et professionnelle de la caution était impossible en raison de l’absence de documents actualisés et complets. Par conséquent, la demande de délais de paiement a été rejetée, et la caution a été condamnée à supporter les dépens de l’instance. |
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°72
N° RG 23/00338 – N° Portalis DBVH-V-B7H-IWIG
YM
PRESIDENT DU TC D’AVIGNON
16 décembre 2022 RG :21/03298
[W]
C/
S.A. BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE (CHAIX)
Copie exécutoire délivrée
le 14/03/2025
à :
Me Roland MARMILLOT
Me Anne HUC-BEAUCHAMPS
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
4ème chambre commerciale
ARRÊT DU 14 MARS 2025
Décision déférée à la cour : Jugement du Président du TC d’AVIGNON en date du 16 Décembre 2022, N°21/03298
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
M. Yan MAITRAL, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Christine CODOL, Présidente de Chambre
Agnès VAREILLES, Conseillère
Yan MAITRAL, Conseiller
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière à la Chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 24 Février 2025, où l’affaire a été mise en délibéré au 14 Mars 2025.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANT :
M. [I] [W]
né le [Date naissance 2] 1944 à [Localité 5]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Roland MARMILLOT de la SELARL SOCIETE D’AVOCAT ROLAND MARMILLOT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D’AVIGNON
INTIMÉE :
S.A. BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE, société anonyme coopérative de banque au capital variable régie par les articles L 512-2 et suivants du code monétaire et financier et l’ensemble des textes relatifs au BANQUE POPULAIRE et aux établissements de crédit, immatriculée au RCS de NICE sous n° B 058801481, n° d’immatriculation auprès de l’Organisme pour le registre des Intermédiaires en Assurance (ORIAS) 07005622, venant aux droits de la SA BANQUE CHAIX selon traité de fusion absorption approuvé le 22 novembre 2016 par Assemblée Générale de la société absorbante et de la société absorbée,
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège,
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représentée par Me Anne HUC-BEAUCHAMPS de la SELARL ROCHELEMAGNE-GREGORI-HUC.BEAUCHAMPS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D’AVIGNON
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 13 Février 2025
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 14 Mars 2025, par mise à disposition au greffe de la cour
Vu l’appel interjeté le 27 janvier 2023 par M. [I] [W] à l’encontre du jugement rendu le 16 décembre 2022 par le tribunal de commerce d’Avignon dans l’instance n° RG 21/03298 ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 13 avril 2023 par M. [I] [W], appelant, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 4 juillet 2023 par SA Banque populaire méditerranée venant aux droits de la SA banque Chaix, intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu l’ordonnance du 9 décembre 2024 de clôture de la procédure à effet différé au 13 février 2025.
***
Selon acte sous seing privé du 16 septembre 2013, la banque Chaix, a consenti à la SA Deltisol, représentée par M. [Z] [W], président, un prêt professionnel d’un montant de 770.000 euros au taux contractuel fixe de 3,5 %, remboursable en 90 échéances mensuelles, dont les 6 premières à hauteur de 2.245,83 euros et les 84 suivantes à hauteur de 10.348,68 euros.
Selon acte sous seing privé du même jour, M. [I] [W] s’est rendu caution personnelle et solidaire de ce prêt, dans la limite de la somme de 184.800 euros.
Selon courrier recommandé avec demande d’avis de réception du 24 janvier 2020, la société de crédit a régulièrement mis en demeure la société Deltisol de lui régler une échéance impayée.
Par jugements des 19 février 2020 et 23 septembre 2020 rendus par le tribunal de commerce d’Avignon, la société Deltisol a été placée respectivement en redressement, puis en liquidation judiciaire.
Selon courrier recommandé avec demande d’avis de réception du 31 mars 2020, la banque a régulièrement déclaré sa créance, au titre du prêt, auprès de la SELARL [T], prise en la personne de Me [K] [T], ès qualités de mandataire judiciaire, et ce, de la manière suivante :
échéances impayées du 10/01/2020 au 10/02/2020 : 20.697,38 euros outre intérêts au taux de 3.50 % à déterminer
capital restant dû après échéance impayée de février 2020 : 171.393,36 euros outre intérêts au taux de 3.50 %, intérêts de retard au taux contractuel majoré de 3 points et indemnités contractuelles de 5 % sur le capital restant dû à déterminer
Selon courrier recommandé avec demande d’avis de réception du 31 mars 2020, la Banque populaire méditerranée a informé M. [I] [W] de sa déclaration de créance.
Le 7 décembre 2020, la créance revendiquée du prêteur était arrêtée à la somme de 204.116,13 euros, outre intérêts, et s’établissant comme suit :
en principal : 192.090,74 euros
intérêts au taux contractuel majoré de 3 points, soit 6,50 % : 3.455,73 euros
indemnité forfaitaire de 5% sur le capital restant dû : 8.569,66 euros.
Selon courrier recommandé avec demande d’avis de réception du 18 décembre 2020, la banque a mis en demeure M. [I] [W] de lui régler, dans la limite de son cautionnement, la somme de 184.800 euros.
Afin de garantir sa créance, la Banque populaire méditerranée a été autorisée par ordonnance du 18 janvier 2021 rendue par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Avignon à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur le bien immobilier situé à Le Ponte et appartenant à M. [I] [W].
Par jugement du 16 décembre 2022, le tribunal de commerce d’Avignon a statué et rendu la décision suivante :
« Condamne Monsieur [I] [W], ès qualités de caution de la société Deltisol, à payer à la Banque populaire Méditerranée la somme de 184.800 euros dans la limite de son engagement,
Condamne Monsieur [I] [W], ès qualités de caution de la société Deltisol, à payer à la Banque populaire Méditerranée la somme de 1.000 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [I] [W], ès qualités de caution de la société Deltisol, aux dépens, dont ceux de greffe, liquidés à la somme de 69,59 euros TTC,
Rappelle que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire ».
M. [I] [W] a relevé appel le 27 janvier 2023 « limité aux chefs de jugement expressément critiqués » :
« Condamne Monsieur [I] [W], ès qualités de caution de la société Deltisol, à payer à la Banque populaire Méditerranée, la somme de 184.800 euros dans la limite de son engagement,
Condamne Monsieur [I] [W], ès qualités de caution de la société Deltisol, à payer à la Banque populaire Méditerranée la somme de 1.000 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [I] [W], ès qualités de caution de la société Deltisol, aux dépens, dont ceux de greffe, liquidés à la somme de 69,59 euros TTC ».
Dans ses dernières conclusions notifiées par rpva le 13 avril 2023, M. [I] [W], appelant, demande à la cour, au visa des articles 2288 et suivants du code civil, de l’article 1343-5 du même code, et de l’article L343-4 du code de la consommation, de :
« Déclarer recevables les demandes formulées par Monsieur [I] [W],
Réformer le jugement contesté dans son intégralité en ce qu’il a :
Condamné Monsieur [I] [W] ès qualité de caution de la société Deltisol à payer à la BPM la somme de 184.800 euros dans la limite de son engagement,
Condamné Monsieur [I] [W] ès qualité de caution de la société Deltisol à payer à la BPM la somme de 1.000 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,
Statuer à nouveau et :
A titre principal :
Juger que l’engagement de Monsieur [I] [W] est manifestement disproportionné au regard de ses capacités financières et de son taux d’endettement,
Juger que la BPM a violé ses obligations de conseil et d’information,
Juger que l’acte de cautionnement visé est inefficace,
Constater que le prêt est garanti par le fonds européen d’investissement,
Condamner la BPM à payer à Monsieur [I] [W] la somme de 184.800 euros en réparation du préjudice subi, somme qui se compensera avec les sommes dues au titre de l’engagement de caution,
Déclarer la BPM irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes, et l’en débouter.
A titre subsidiaire :
Juger que la BPM est irrecevable à engager des poursuites à l’encontre des deux cautions pour la même, créance,
Fixer la créance de la BPM à l’égard de Monsieur [I] [W] à la somme de 92.400 euros (184.800 : 2),
Accorder un report de deux années à Monsieur [I] [W] pour honorer sa dette.
En tout état de cause :
Condamner la BPM à payer à Monsieur [I] [W] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens ; ».
Au soutien de ses prétentions, M. [I] [W], appelant, expose que l’acte de cautionnement du 16 septembre 2013 est disproportionné au regard de ses revenus, ses charges, son patrimoine immobilier et son endettement puisqu’il a fait état au jour de la signature de l’acte de 3 actes de cautionnement à hauteur respectivement de 125.000 euros, 75.000 euros et 75.000 euros. Il fait également valoir qu’il a souscrit d’autres actes de cautionnement auprès d’autres établissements de crédit et que, par voie de conséquence, la banque n’a pas respecté son obligation de conseil, d’information et de mise en garde. Selon lui, ce manquement entraîne l’inopposabilité de l’acte et la condamnation de la banque au paiement de dommages et intérêts d’un montant égal aux demandes adverses avec lesquelles ils se compenseront.
De plus, il précise que le prêt, objet du cautionnement, est garanti par le Fonds européen d’investissement à hauteur de 80% du montant du prêt et qu’il revenait à la banque de se rapprocher de l’organisme pour obtenir le paiement du solde du crédit garanti.
Enfin, à titre subsidiaire, il sollicite, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et patrimoniale des délais de paiement, après avoir indiqué préalablement que la banque, ayant engagé des poursuites distinctes à l’égard de chacune des deux cautions à l’acte, à savoir M. [I] [W] et M. [Z] [W], ne peuvent être condamnées chacune qu’à hauteur de 92 400 euros.
Dans ses dernières conclusions notifiées par rpva le 4 juillet 2023, la Banque populaire méditerranée, intimée, demande à la cour, au visa de l’article L 622-28 du code de commerce, de l’article 2288 du code civil, et de l’article R 511-1 du code des procédures civiles d’exécution, de :
« Confirmer le jugement du tribunal de commerce d’Avignon en toutes ses dispositions ;
En conséquence,
Débouter Monsieur [I] [W] de l’intégralité de ses moyens, fins et conclusions ;
Condamner Monsieur [I] [W] à payer à la Banque populaire Méditerranée la somme de 184.800 euros dans la limite de son cautionnement personnel et solidaire de la SA Deltisol.
Condamner Monsieur [I] [W] à payer à la Banque populaire Méditerranée la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner Monsieur [I] [W] aux entiers dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais inhérents à l’inscription d’hypothèque judiciaire. ».
Au soutien de ses prétentions, la Banque populaire méditerranée, intimée, expose qu’il ne peut lui être reproché le caractère disproportionné de l’engagement au regard des revenus, de l’épargne, du patrimoine immobilier de M. [I] [W] ainsi que ses parts sociales dans l’entreprise emprunteuse. Elle fait valoir, en ce qui concerne ses charges, que les cautionnements invoqués auprès d’autres organismes bancaires n’ont pas été déclarés dans la fiche patrimoniale et que, par ailleurs, ils ont tous été souscrits postérieurement à l’acte de cautionnement du 16 décembre 2013.
Concernant le devoir de mise en garde, la banque indique qu’elle n’était pas tenue d’une telle obligation dès lors que M. [I] [W] est une caution avertie en raison de ses fonctions de directeur général et associé de la SA Deltisol et que, subsidiairement, l’appelant n’apporte aucune démonstration de la violation d’un risque d’endettement excessif.
Concernant la division de la caution, l’intimé fait valoir que la banque est fondée à agir sur la base de deux engagements distincts dès lors que M. [I] [W] et M. [Z] [W] ont renoncé au bénéfice de division.
Concernant la garantie [F] [E], la banque rappelle qu’elle ne bénéficie pas directement à l’emprunteur et à ses garants dès lors qu’il s’agit d’une sûreté personnelle donnée à l’établissement bancaire par un organisme institutionnel venant se cumuler avec les autres garanties ainsi que cela ressort des conditions générales.
Enfin, s’agissant de la demande de délais, la Banque populaire méditerranée estime qu’elle doit être rejetée, au regard de l’ancienneté de la procédure et en raison du fait que le débiteur n’a jamais envisagé une solution amiable.
Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
Sur la décharge des cautions en raison de la disproportion de l’engagement des cautions
L’article L341-4 du code de la consommation applicable au jour de la conclusion du cautionnement et devenu l’article L 332-1 dispose qu’un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
La disproportion manifeste du cautionnement doit être évaluée lors de la conclusion du contrat, au regard du montant de l’engagement et en fonction des revenus et du patrimoine de la caution, en prenant également en considération l’endettement global de celle-ci. Il ne peut cependant être tenu compte d’un cautionnement antérieur que le juge aurait déclaré nul, car il est ainsi anéanti rétroactivement.
Si en vertu de ces dispositions, la sanction d’une disproportion manifeste entre la situation patrimoniale de la caution au moment de son engagement et le montant de celui-ci est l’impossibilité pour le créancier professionnel de se prévaloir du cautionnement souscrit, il incombe à la caution de rapporter la preuve de la disproportion qu’elle allègue. Le créancier est quant à lui en droit de se fier aux informations qui lui ont été fournies dans la fiche de renseignements et de les opposer à la caution quand il est en possession d’une fiche certifiant exacts les renseignements donnés.
En l’espèce, il ressort de l’acte de cautionnement contesté que M. [I] [W] se porte caution de la SAS Deltisol « dans la limite de la somme de 184 800,00 euros [‘] couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou des intérêts de retard pour la durée de 114 mois ».
Il est fourni par la banque une « déclaration de situation patrimoniale » signée le 29 mai 2013. Elle est en droit de se fier aux renseignements qui y sont portés d’autant qu’aucune anomalie n’y est relevé, et c’est au regard des éléments mentionnés que la disproportion manifeste alléguée doit donc être appréciée.
Il est indiqué que M. [I] [W] dispose de revenus annuels de 95 084 euros au titre de ses salaires nets, de ses retraites et des valeurs mobilières qu’il détient. Son épouse, Mme [N] [W], perçoit au titre des retraites la somme annuelle de 2 107 euros.
Par ailleurs, il est mentionné dans la déclaration, une assurance vie d’une valeur de 212 « K EUR » que la cour, en l’absence de contestation, traduit par 212 000 euros, un PEA de 100 « K EUR » (100 000 euros) et de 114 « K EUR » (114 000 euros), un FIP de 14 « K EUR » (14 000 euros) et une autre assurance-vie de 221 « K EUR » (221 000 euros).
La résidence principale est estimée à 800 « K EUR » (800 000 euros).
Il est mentionné outre des impôts à hauteur de 12 000 euros, 3 cautionnements : pour une échéance à l’année 2020, 125 « K EUR » (125 000 euros) et 75 « K EUR » (75 000 euros) et une échéance fixée à l’année 2027 75 « K EUR » (75 000 euros).
Il apparaît ainsi, à ce stade, que la caution dispose d’un patrimoine mobilisable de plus de 1 500 000 euros pour un cautionnement de 184 800 euros outre 3 cautionnements de 275 000 euros et des impôts de 12 000 euros.
Par ailleurs, la banque établit, en produisant devant la cour le rapport du commissaire aux comptes sur l’exercice clos le 31 décembre 2013, que pour l’année 2012 le capital social est composée de 2500 actions évaluées nominalement à 400 euros, étant précisé que M. [I] [W] est détenteur de 803 actions.
En revanche, la banque ne peut se référer à la distribution des dividendes de la société Deltisol mentionnées dans l’assemblée du 23 juin 2014 dès lors que, d’une part, seules les années d’exercice 2010 et 2011 sont mentionnées et que, d’autre part, il n’est pas démontré qu’elle doit s’ajouter au patrimoine de la caution lors de son engagement le 16 septembre 2013.
Inversement, M. [I] [W] ne peut invoquer, au titre de ses charges, un engagement à titre de caution auprès de la banque CIC Lyonnaise de banque à hauteur de 60 000 euros conclu le 28 août 2013, de 75 000 euros auprès de la caisse d’épargne selon acte du 2 février 2015, de 150 000 euros auprès de la banque Monte Paschi conclu le 22 juillet 2015, de 500 000 euros selon acte du 26 octobre 2016 et de 200 000 euros conclu auprès de la Banque Palatine le 31 octobre 2018 alors que pour le premier, il n’est pas établi qu’il a été déclaré à la banque Chaix préalablement à l’engagement du 16 septembre 2013 et que, pour les suivants, ils lui sont postérieurs.
Ainsi, le solde des revenus et des charges déclarés de la caution, outre les parts sociales ainsi que ses placements et son patrimoine immobilier, lui permettent de couvrir l’engagement consenti le 16 septembre 2013 et ne présentait aucune disproportion manifeste.
La décision déférée sera en conséquence confirmée.
Sur l’obligation de conseil et d’information de la banque
La caution peut rechercher la responsabilité de l’établissement de crédit. A ce titre, la banque est tenue à l’égard de la caution non avertie d’un devoir de mise en garde à raison de ses capacités financières et du risque de l’endettement né de l’octroi du prêt et cette obligation n’est pas limitée au caractère manifestement disproportionné de son engagement au regard de ses biens et revenus.
Pour établir que le banquier dispensateur de crédit était tenu, à son égard, d’un devoir de mise en garde, la caution non avertie doit établir qu’à la date à laquelle son engagement a été souscrit, celui-ci n’était pas adapté à ses capacités financières ou qu’il existait un risque d’endettement né de l’octroi du prêt, lequel résultait de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur.
Le caractère averti d’une caution ne peut être déduit de sa seule qualité de dirigeant et associé de la société débitrice principale mais résulte de critères tenant à l’implication personnelle du dirigeant dans l’activité exercée, plus particulièrement dans le financement obtenu qui est justement garanti, et à la compétence et l’expérience permettant de mesurer le risque pris. Il appartient à la banque lorsqu’elle est tenue d’une obligation de mise en garde, de démontrer qu’elle l’a exécutée. A défaut elle engage sa responsabilité.
Ce devoir diffère selon que la caution peut être qualifiée d’avertie ou de profane.
La caution avertie n’est pas créancière de ce devoir de mise en garde, sauf si elle démontre que la banque disposait d’informations qu’elle-même ignorait, notamment sur la situation financière et les capacités de remboursement du débiteur principal.
En l’espèce, il n’est pas contesté que M. [I] [W], né le [Date naissance 2] 1944, est le directeur général de la société Deltisol qui est immatriculée depuis le 1er novembre 1981 et qu’il a en conséquence, au moment de l’engagement contesté, une solide expérience du monde des affaires. De plus, il était à même de connaître la portée de son engagement pour avoir été la caution, ainsi qu’il l’a déclaré, dans 3 actes précédant celui du 16 septembre 2013.
M. [I] [W] a par conséquent la qualité de caution avertie et il ne rapporte pas la preuve que la banque disposait d’informations que lui-même ignorait, notamment sur la situation financière et les capacités de remboursement du débiteur principal.
Par conséquent, la décision déférée sera confirmée sur ce point.
Sur le la garantie du fonds européen d’investissement
Il est indiqué sur le contrat de cautionnement que l’obligation garantie est un « PRET [F] [E]’de 770 000 euros ».
Il ressort du document produit par la banque que le prêt s’inscrit dans le cadre d’un financement à dimension régionale profitant à des micro, petites et moyennes entreprises tout en réduisant le taux d’intérêt ainsi que le niveau de garantie exigé, sous réserve pour ces structures de remplir certaines conditions.
La garantie qui est offerte couvre « les pertes encourues par l’intermédiaire financier » étant précisé que la couverture concernera 80 % du risque de chaque opération de financement (page 28 « les conditions spécifiques des opérations de financement de PME »).
Ces mêmes informations figurent dans la fiche informative qui a été remise aux représentants de la société Deltisol (pièce n° 8 de l’appelant).
Ainsi que l’a relevé à juste titre la juridiction de première instance, cette garantie couvre 80 % du prêt accordé par l’organisme bancaire et le cautionnement intervient à hauteur de 20 % outre les intérêts, frais et pénalités éventuels.
Par conséquent, dès lors que la garantie [F] [E], qui bénéficie à l’établissement bancaire, n’a pas vocation à être actionnée en lieu et place de la caution, la décision déférée sera confirmée.
Sur le montant dû par la caution
Selon l’article 2302 du code civil dans sa version applicable au présent litige « lorsque plusieurs personnes se sont rendues cautions d’un même débiteur pour une même dette, elles sont obligées chacune à toute la dette ».
Selon l’article 2303 du code civil dans sa version applicable au présent litige « néanmoins chacune d’elles peut, à moins qu’elle n’ait renoncé au bénéfice de division, exiger que le créancier divise préalablement son action, et la réduise à la part et portion de chaque caution ».
En l’espèce, il ressort de l’acte de cautionnement du 16 septembre 2013 qu’en « raison du caractère solidaire de son engagement LA CAUTION renonce aux bénéfices de discussion et de division [‘] LA CAUTION accepte que LA BANQUE puisse lui réclamer, au cas où d’autres personnes se seraient portées cautions de L’EMPRUNTEUR, la totalité de ce que ce dernier lui doit, dans la limite de son cautionnement ».
Par conséquent, dès lors que la banque est en droit de rechercher le paiement de sa créance pour le tout à l’égard d’une caution sans que celle-ci puisse lui opposer le bénéfice de division, la demande sera rejetée, sans qu’il y ait lieu d’examiner l’acte de cautionnement de M. [Z] [W], et la décision déféré confirmée.
Sur les délais de paiement
Selon l’article 1343-5 du code civil « le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital. Il peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette. La décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.
En l’espèce, sans qu’il soit nécessaire de procéder à un examen détaillé des pièces fournies, il apparaît que l’évaluation de la situation personnelle et professionnelle de la caution est rendue impossible faute de documents actualisés et complets.
Par conséquent, la demande sera rejetée.
M. [I] [W], qui succombe, devra supporter les dépens de l’instance, comprenant les frais inhérents à l’inscription de l’hypothèque judiciaire qui sont des frais antérieurs à l’engagement de l’instance mais qui présentent un rapport étroit avec elle, et payer à la banque populaire méditerranée une somme équitablement arbitrée à 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La Cour,
Confirme le jugement déféré rendu par le tribunal de commerce d’Avignon le 16 décembre 2022 en toutes ses dispositions ;
Dit que M. [I] [W] supportera les dépens de première instance et d’appel comprenant les frais inhérents à l’inscription de l’hypothèque judiciaire et payera à la banque populaire méditerranée une somme de 2 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
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