L’Essentiel : Le 10 septembre 2018, un contrat étudiant a été signé entre la Chambre de Commerce et d’Industrie de Pau Béarn et [G] [W], pour une formation de quatre ans, d’un montant de 26 400 €, avec la caution de [N] [R]. En juillet 2021, la Chambre a réclamé 9 002 € pour des frais de scolarité impayés. Après une assignation en justice en mai 2022, le tribunal a constaté que les défendeurs n’avaient pas prouvé le règlement de la créance. Finalement, ils ont été condamnés à payer 9 002 € avec intérêts, tandis que la demande de dommages et intérêts a été rejetée.
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Contrat et CautionLe 10 septembre 2018, la Chambre de Commerce et d’Industrie de Pau Béarn a signé un contrat étudiant avec [G] [W] pour une formation de quatre ans, d’un montant total de 26 400 €, avec la caution solidaire de [N] [R]. Demande de PaiementLe 2 juillet 2021, la Chambre a informé [G] [W] qu’il devait régler 9 002 € pour ses frais de scolarité de 2020 et 2021 pour passer en année supérieure. Un courriel similaire a été envoyé à [N] [R] le 29 juillet 2021, qui a contesté cette demande tout en proposant de payer la facture de 2020 sous condition. Assignation en JusticeLes 13 et 16 mai 2022, la Chambre de Commerce a assigné [G] [W] et [N] [R] devant le tribunal judiciaire de Poitiers. La clôture des débats a eu lieu le 21 mars 2024, avec un jugement prévu pour le 19 novembre 2024. Demandes des PartiesLa Chambre de Commerce a demandé le paiement de 9 002 € avec intérêts, 1 000 € de dommages et intérêts, et 2 000 € pour les frais de justice. De son côté, [N] [R] a demandé à être déchargé de son engagement de caution et a contesté les demandes de la Chambre. Créance et PreuvesLe tribunal a constaté que les défendeurs n’avaient pas prouvé qu’ils avaient réglé la créance, qui s’élevait donc à 9 002 €. Décharge de la Caution[N] [R] a demandé à être déchargé de son engagement de caution, arguant que la Chambre n’avait pas respecté ses obligations d’information. Cependant, le tribunal a noté que la tardiveté de l’information ne suffisait pas à le décharger de sa responsabilité. Déchéance des Droits et Pénalités[N] [R] a également invoqué un manquement de la Chambre à son devoir d’information, mais le tribunal a jugé que cela ne justifiait pas la déchéance des droits sur le capital réclamé. Demande de Dommages et IntérêtsLa Chambre a demandé des dommages et intérêts pour les démarches de recouvrement, mais le tribunal a rejeté cette demande, la considérant non distincte des frais déjà indemnisables. Dépens et Frais IrrépetiblesLe tribunal a décidé que les défendeurs devaient supporter les dépens et indemniser la Chambre pour les frais irrépétibles, conformément aux articles du code de procédure civile. Décision FinaleLe tribunal a condamné solidairement [G] [W] et [N] [R] à payer 9 002 € avec intérêts, a rejeté la demande de dommages et intérêts, et a ordonné le paiement de 1 700 € pour les frais de justice. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature de la créance de la Chambre de Commerce et d’Industrie Pau Béarn ?La créance de la Chambre de Commerce et d’Industrie Pau Béarn est fondée sur le contrat de scolarité signé avec [G] [W], qui stipule un montant total de 26 400 € pour une formation sur quatre ans. Selon l’article 1353 alinéa 1 du Code civil, « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit prouver celle-ci ». En l’espèce, la demanderesse a produit le contrat de scolarité comme preuve de la créance. L’alinéa 2 de cet article précise que « celui qui se prétend libéré de son obligation doit prouver le fait qui justifie cette libération ». Les défendeurs n’ayant pas apporté la preuve d’un meilleur règlement, la créance de 9 002 € en principal est donc confirmée. Quelles sont les conditions de décharge de la caution selon le Code civil ?La décharge de la caution est régie par l’article 2314 du Code civil, qui stipule que « la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s’opérer en faveur de la caution ». Dans cette affaire, [N] [R] soutient qu’il doit être déchargé de son engagement de caution en raison du manquement de la demanderesse à son devoir d’information. Cependant, l’article 2314 ne prévoit pas de décharge automatique en cas de manquement à l’obligation d’information. Il est également important de noter que la demanderesse n’a pas pu fournir les bulletins de notes pour les années 2020 et 2021, car [G] [W] n’était pas scolarisé. Ainsi, même si la demanderesse a tardé à fournir certaines informations, cela ne suffit pas à justifier la décharge de la caution. Quels sont les droits et obligations de la caution en matière d’information ?Les droits et obligations de la caution sont précisés dans les articles 2302 et 2303 du Code civil. L’article 2302 impose au créancier d’informer annuellement la caution de l’état détaillé de sa créance. L’article 2303 stipule que le créancier doit informer la caution de tout incident de paiement dans un délai d’un mois. En cas de manquement à ces obligations, le créancier peut être déchu de ses droits concernant les intérêts et pénalités, mais cela ne s’applique pas au capital de la créance. Dans cette affaire, bien que [N] [R] ait invoqué un manquement à ces obligations, la demanderesse ne réclame que le capital de l’arriéré, sans pénalités. Par conséquent, la demande de déchéance des droits sur le capital n’est pas pertinente. À partir de quand les intérêts légaux peuvent-ils être réclamés ?L’article 1231-6 alinéa 1 du Code civil précise que « les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure ». Dans cette affaire, le courriel du 29.7.2021 adressé à [N] [R] ne constitue pas une mise en demeure, car il ne contient pas d’intention claire de réclamer le paiement. Ainsi, les intérêts légaux ne pourront être appliqués qu’à compter de l’assignation, soit le 13 mai 2022, date à laquelle la créance a été formellement réclamée devant le tribunal. Les demandes de dommages et intérêts sont-elles justifiées ?La demande de dommages et intérêts formulée par la Chambre de Commerce et d’Industrie Pau Béarn repose sur les démarches entreprises pour recouvrer sa créance. Cependant, le tribunal a jugé que ce préjudice n’est pas distinct de celui indemnisable au titre des frais irrépétibles. En vertu de l’article 700 du Code de procédure civile, « le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles ». Dans ce cas, la demande de dommages et intérêts a été rejetée, car elle ne constitue pas un préjudice distinct des frais engagés pour le recouvrement de la créance. Quelles sont les conséquences en matière de dépens et de frais irrépétibles ?Les articles 696 et 700 du Code de procédure civile prévoient que les dépens sont à la charge de la partie perdante. Dans cette affaire, le tribunal a condamné solidairement [G] [W] et [N] [R] aux dépens. De plus, en vertu de l’article 700, les défendeurs doivent indemniser la demanderesse pour les frais irrépétibles qu’elle a engagés. Le tribunal a ainsi condamné les défendeurs à payer 1 700 € au titre de cet article, en plus des dépens. |
DOSSIER : N° RG 22/01272 – N° Portalis DB3J-W-B7G-FV3C
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE POITIERS
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
JUGEMENT DU 19 Novembre 2024
DEMANDERESSE :
CHAMBRE DE COMMERCE ET D’INDUSTRIE PAU BEARN
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Nicolas BRIAND, avocat au barreau de POITIERS
DEFENDEURS :
Monsieur [G] [W]
demeurant [Adresse 3]
défaillant
Monsieur [N] [R]
demeurant [Adresse 2]
représenté par Maître Fatiha NOURI de la SELARL JURICA, avocats au barreau de POITIERS,
LE :
Copie simple à :
-Me BRIAND
-Me NOURI
M [W]
Copie exécutoire à :
–
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
PRÉSIDENT : Carole BARRAL, Vice-président
Statuant par application des articles 812 à 816 du Code de Procédure Civile, avis préalablement donné aux avocats.
GREFFIER lors des débats : Thibault PAQUELIN
GREFFIER lors du délibéré : Sandrine ROY
Débats tenus à l’audience du 17 Septembre 2024.
Le 10.9.2018, la Chambre de Commerce et d’Industrie de Pau Béarn a consenti à [G] [W] un contrat étudiant pour suivre une formation diplômante sur quatre ans au prix de 26 400 € faisant l’objet d’un échéancier.
Dans ce cadre et à concurrence de ce montant, elle a recueilli la caution solidaire de [N] [R].
Le 02.7.2021, elle a adressé à [G] [W] un courriel lui indiquant notamment que son passage en année supérieure ou redoublement ne pourra être effectif que moyennant paiement de 9 002 € au titre de ses frais de scolarité 2020 et 2021.
Le 29.7.2021, elle a adressé à [N] [R] un courriel dans le même sens lui rappelant sa qualité de garant financier.
Le 20.8.2021, ce dernier (son avocat) s’est opposé à cette demande de paiement tout en offrant de régler la facture de 2020 à condition d’être libéré du surplus.
Les 13 et 16.5.2022, la Chambre de Commerce et d’Industrie Pau Béarn a assigné [G] [W] et [N] [R] devant le tribunal judiciaire de Poitiers.
Le 21.3.2024, la clôture des débats a été prononcée et l’affaire inscrite à l’audience du 20.02.2024 puis le délibéré fixé par mise à disposition au greffe le 19.11.2024, date à laquelle le présent jugement est rendu.
PRÉTENTIONS, MOYENS et ARGUMENTS
La Chambre de Commerce et d’Industrie Pau Béarn demande au tribunal, selon dernières conclusions du 11.01.2024, de condamner solidairement les défendeurs à lui régler :
– 9 002 € en principal avec intérêts au taux légal à compter du 29.7.2021 et, subsidiairement, du 20.9.2021,
– 1 000 € de dommages et intérêts,
– 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens distraits au profit de son avocat.
Le surplus du dispositif de ces conclusions est composé de moyens qui n’y ont pas place.
[N] [R] demande au tribunal, selon dernières conclusions du 20.3.2023, de :
– à titre principal, le décharger de son engagement de caution à concurrence de 9 002 € en principal,
– à titre subsidiaire, déchoir la demanderesse de tout “droit et pénalités” sur les sommes qu’elle réclame,
– la débouter de toutes ses demandes et la condamner à 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Il fonde sa défense sur les articles 2288, 2302, 2303 et 2314 du code civil.
Il est renvoyé à ces conclusions en vertu de l’article 455 du code de procédure civile pour l’exposé des moyens et arguments des parties qui seront repris en synthèse au fil des motifs.
[G] [W] a été assigné au visa des articles 656 et suivants du code de procédure civile.
Il ne comparaît pas.
I : la créance
1- Les défendeurs ne rapportent pas la preuve prévue à l’article 1353 alinéa 2 du code civil selon laquelle ils auraient mieux réglé que ne l’indique la demanderesse, laquelle rapporte la preuve prévue à l’alinéa 1 de ce texte au moyen du contrat de scolarité (sa pièce 1).
L’arriéré est dès lors de 9 002 € en principal.
II : la décharge de la caution
2- [N] [R] estime devoir être déchargé de son engagement de caution en vertu de l’article 2314 du code civil à défaut pour la demanderesse de lui avoirs communiqué en temps utiles les bulletins de notes, décisions des conseils de classe et de jury ainsi que certificat de scolarité comme le prévoit l’article 8 du contrat.
3- Cet article, dans sa version en vigueur lors de la conclusion du contrat, dispose que “la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s’opérer en faveur de la caution. Toute clause contraire est réputée non écrite.”
4- Il est tout d’abord relevé que, concernant les années 2020 et 2021, la demanderesse ne pouvait pas établir ces pièces car [G] [W] n’a plus été scolarisé ces années là faute d’avoir réglé les frais y afférents.
5- Concernant les années scolaires 2018 et 2019, la demanderesse affirme les avoir transmises à [N] [R] ce dont elle veut pour preuve ses pièces 6 et 7 s’agissant de courriels :
– l’un du 02.7.2021 adressé à [G] [W] mais pas à [N] [R],
– l’autre du 29.7.2021 adressé tant à [G] [W] qu’à [N] [R].
6- Bien que le contrat ne précise pas la périodicité de ces informations dues à la caution, force est de constater qu’elles sont tardives en regard des années de scolarité auxquelles elles se rapportent. De plus, le contrat prévoit que cette information aura lieu par “courrier postal” alors que la demanderesse ne prétend pas que la caution ait consenti à y substituer un courrier électronique.
7- Toutefois, l’article 2314 susdit ne dispose pas que la caution est déchargée lorsque le créancier a manqué à ses obligations, mais seulement lorsque, par son fait, la subrogation “ne peut plus” s’opérer en faveur de la caution. Ce texte ne dispose en effet d’une exception d’inexécution en faveur de la caution.
8- De plus, [N] [R] ne démontre pas comment ni pourquoi il serait privé de se retourner contre [G] [W] à raison des paiements qu’il ferait et ce, nonobstant la tardiveté de l’information qu’il a reçue au titre des années scolaires 2020 et 2021.
III : la déchéance des droit et pénalités
9- [N] [R] invoque le manquement envers lui de la demanderesse au devoir d’information lui incombant en vertu des articles 2302 et 2303 du code civil.
10- Ces textes imposent en effet au créancier d’informer annuellement la caution de l’état détaillé de sa créance ainsi que, sous un mois, de tout incident de paiement et ce à peine de déchéance des intérêts et pénalités.
11- Mais ils ne prévoient pas, au cas de manquement à ce devoir d’information, de déchéance au “droit” du créancier concernant le capital. Or, la demanderesse ne réclame que le capital de l’arriéré à l’exclusion de toutes autres pénalités que les intérêts légaux.
12- Si ce moyen défensif n’est dès lors pas pertinent, il convient de déterminer la date à laquelle les intérêts légaux peuvent assortir la créance à l’aune de l’article 1231-6 alinéa 1 du code civil qui dispose que “les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.”
13- Ainsi qu’il est dit ci-dessus au titre de l’examen de la décharge de la caution, le courriel du 02.7.2021 n’a pas été diffusé à [N] [R] contrairement à celui du 29.7.2021. Cependant, ce second courriel expressément adressé à [G] [W] (“bonjour [G]”) ne contient aucune mise en demeure ni équivalent à son intention ni celle de [N] [R] et ne vaut dès lors pas mise en demeure au sens de l’article 1231-6 alinéa 1 susdit.
Les intérêts au taux légal n’assortiront dès lors la créance qu’à compter de l’assignation.
IV : les dommages et intérêts
14- À ce titre, la demanderesse invoque les vaines démarches qu’elle a faites en vue de recouvrer sa créance y compris par le biais d’une société de recouvrement. Ce préjudice n’est cependant pas distinct de celui indemnisable forfaitairement au titre des frais irrépétibles.
Sa demande indemnitaire doit en conséquence être rejetée.
V : les dépens et les frais irrépétibles
15- En vertu des articles 696 et 700 du code de procédure civile, les défendeurs supporteront les dépens et indemniseront la demanderesse des frais irrépétibles auxquels ils l’ont contrainte.
le tribunal,
statuant publiquement et par mise à disposition au greffe du jugement réputé contradictoire, exécutoire par provision et susceptible d’appel,
condamne solidairement [G] [W] et [N] [R] à payer à la Chambre de Commerce et d’Industrie Pau Béarn 9 002 € avec intérêts au taux légal à compter du 16.5.2022,
rejette la demande de dommages et intérêts,
condamne in solidum [G] [W] et [N] [R] aux dépens et à payer à la Chambre de Commerce et d’Industrie Pau Béarn 1 700 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
En foi de quoi, le président signe avec le greffier.
le greffier, le président,
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