La nullité d’un brevet peut être prononcée lorsque celui-ci ne satisfait pas aux conditions de brevetabilité énoncées par le Code de la propriété intellectuelle, notamment en ce qui concerne l’absence d’invention, le manque de nouveauté ou l’absence d’application industrielle. Selon l’article L. 611-1 du Code de la propriété intellectuelle, une invention est brevetable si elle est nouvelle, implique une activité inventive et est susceptible d’application industrielle. En l’espèce, le tribunal a annulé la partie française du brevet EP 2 493 466, ce qui implique que le brevet ne remplissait pas ces critères de validité.
De plus, l’article L. 613-1 du même code précise que le titulaire d’un brevet a le droit d’interdire à des tiers d’exploiter l’invention sans son consentement. Toutefois, si le brevet est déclaré nul, ce droit d’interdiction ne peut plus être exercé, ce qui a conduit le tribunal à rejeter les demandes des sociétés Sanofi fondées sur la contrefaçon de ce brevet. En ce qui concerne les demandes de publication du jugement, l’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés non compris dans les dépens. Le tribunal a ainsi condamné les sociétés Sanofi à verser une somme aux sociétés Accord au titre de cet article, en reconnaissance des frais engagés dans le cadre de la procédure. Enfin, la décision de transmettre le jugement à l’INPI pour transcription au registre des brevets est conforme à l’article L. 613-12 du Code de la propriété intellectuelle, qui prévoit que les décisions judiciaires relatives à la validité des brevets doivent être notifiées à l’INPI pour mise à jour des registres. |
L’Essentiel : La nullité d’un brevet peut être prononcée lorsque celui-ci ne satisfait pas aux conditions de brevetabilité, notamment en raison de l’absence d’invention, de nouveauté ou d’application industrielle. Le tribunal a annulé la partie française du brevet EP 2 493 466, indiquant qu’il ne remplissait pas ces critères. En conséquence, le droit d’interdiction du titulaire ne peut plus être exercé, ce qui a conduit au rejet des demandes de contrefaçon des sociétés Sanofi.
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Résumé de l’affaire : La société Sanofi mature IP détient le brevet EP 2 493 466, qui concerne l’utilisation du cabazitaxel pour traiter le cancer de la prostate métastatique. Sanofi Winthrop Industrie et Sanofi-Aventis France commercialisent le médicament Jevtana, autorisé en 2011. Accord Healthcare France et Accord Healthcare commercialisent un générique du Jevtana depuis 2021. Le brevet, déposé en 2010 et délivré en 2021, a fait l’objet d’oppositions, mais celles-ci ont été rejetées. Aux États-Unis, un brevet similaire a été partiellement révoqué. En France, Sanofi a tenté d’obtenir des mesures d’interdiction contre Accord, mais cela a été refusé par le tribunal. Accord a ensuite assigné Sanofi en nullité du brevet, tandis que Sanofi a poursuivi Accord pour contrefaçon. Les deux affaires ont été jointes. Le tribunal a finalement annulé la partie française du brevet, rejeté les demandes de Sanofi pour contrefaçon, et condamné Sanofi à payer des dépens et des frais à Accord.
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Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la validité du brevet EP 2 493 466 au regard des oppositions formées ?Le brevet EP 2 493 466 a été délivré le 10 mars 2021 et revendique la priorité de plusieurs demandes de brevet antérieures. L’office européen des brevets a écarté les oppositions le 15 décembre 2023, ce qui indique que la validité du brevet a été reconnue à ce moment-là. Cependant, un recours a été formé, ce qui peut remettre en question cette validité. L’article 138 du Code de la propriété intellectuelle stipule que « le brevet peut être annulé pour défaut de nouveauté, d’activité inventive ou d’application industrielle ». Ainsi, la question de la validité du brevet dépendra de l’issue de ce recours. Quelles sont les conséquences de la nullité du brevet Les sociétés Sanofi ?Le tribunal a annulé la partie française du brevet EP 2 493 466, ce qui a des conséquences directes Les sociétés Sanofi. Selon l’article L613-12 du Code de la propriété intellectuelle, « la nullité d’un brevet entraîne la disparition des droits conférés par celui-ci ». Cela signifie que les sociétés Sanofi ne peuvent plus revendiquer de droits exclusifs L’utilisation de la molécule cabazitaxel dans le cadre de leur médicament Jevtana. De plus, le tribunal a rejeté les demandes de contrefaçon, ce qui signifie que les sociétés Accord peuvent continuer à commercialiser leur spécialité hybride sans crainte de poursuites pour contrefaçon. Les sociétés Accord peuvent-elles revendiquer des dommages et intérêts ?Les sociétés Accord ont demandé la condamnation in solidum des sociétés Sanofi à leur payer 250 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. Cet article prévoit que « le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés ». Cependant, le tribunal a condamné les sociétés Sanofi à payer 150 000 euros aux sociétés Accord, ce qui indique que la demande de dommages et intérêts a été partiellement accueillie. Il est important de noter que la décision de condamner les sociétés Sanofi aux dépens montre que le tribunal a reconnu la légitimité des demandes des sociétés Accord. Quelles sont les implications de l’exécution provisoire dans cette affaire ?Le tribunal a décidé qu’il n’y avait pas lieu à écarter l’exécution provisoire, sauf en ce qui concerne l’inscription au registre des brevets. L’article 514 du Code de procédure civile précise que « l’exécution provisoire peut être ordonnée même en cas d’appel ». Cela signifie que les décisions du tribunal peuvent être mises en œuvre immédiatement, même si elles sont susceptibles d’appel. Dans ce cas, cela permet aux sociétés Accord de continuer à commercialiser leur produit sans interruption, malgré la contestation de la validité du brevet par les sociétés Sanofi. L’exécution provisoire renforce donc la position des sociétés Accord dans cette affaire. |
JUDICIAIRE
DE PARIS
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3ème chambre
2ème section
N° RG 21/06416
N° Portalis 352J-W-B7F-CUMKO
N° MINUTE :
Assignation du :
06 Mai 2021
JUGEMENT
rendu le 06 Septembre 2024
DEMANDERESSES
S.A.S. ACCORD HEALTHCARE FRANCE SAS
[Adresse 2]
[Localité 3]
Société ACCORD HEALTHCARE SLU
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 1] (ESPAGNE)
représentées par Maître Jules FABRE et Maître Marina JONON du PARTNERSHIPS PINSENT MASONS FRANCE LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R020
DÉFENDERESSES
S.A. SANOFI WINTHROP INDUSTRIE
[Adresse 4]
[Localité 5]
S.A. SANOFI-AVENTIS FRANCE
[Adresse 4]
[Localité 5]
S.A.S.U. SANOFI MATURE IP
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentées par Maître Frédéric CHEVALLIER du PARTNERSHIPS HERBERT SMITH FREEHILLS PARIS LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0025
Copies éxécutoires délivrées le :
– Maître FABRE #R020
– Maître CHEVALLIER #J025
Décision du 06 Septembre 2024
3ème chambre 2ème section
N° RG 21/06416 – N° Portalis 352J-W-B7F-CUMKO
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Irène BENAC, Vice-Présidente
Madame VéraZEDERMAN, Vice-présidente
Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge
assistés de Quentin CURABET, Greffier
DEBATS
A l’audience du 25 Janvier 2024 tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 17 Mai 2024, puis prorogé en dernier lieu au 06 Septembre 2024.
JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
1. La société Sanofi mature IP est titulaire du brevet EP 2 493 466 (ci-après le brevet, le brevet litigieux ou le brevet en cause), intitulé « Nouvelle utilisation antitumorale du cabazitaxel », qui porte sur l’utilisation de cette molécule, à visée palliative (c’est-à-dire sans espoir de guérison), dans le cancer de la prostate métastatique après échec de la privation hormonale puis échec d’une première thérapie à base de docétaxel. Les sociétés Sanofi winthrop industrie et Sanofi-aventis France sont respectivement licenciée et sous-licenciée du brevet et commercialisent un médicament qui le met en oeuvre, le Jevtana, dont l’autorisation de mise sur le marché a été accordée le 17 mars 2011.
2. La société Accord healthcare France et la société de droit espagnol Accord healthcare (ensemble, les sociétés Accord) commercialisent en France depuis le 14 juin 2021 une spécialité hybride (un générique différant par certains aspects du médicament princeps) du Jevtana.
3. Ce brevet EP 2 493 466, déposé le 27 octobre 2010, délivré le 10 mars 2021, revendique la priorité de 7 demandes de brevet des États-Unis, dont la plus ancienne (numéro de demande 61/256,160, pièce Accord n°4.4) date du 29 octobre 2009 et la suivante (61/293,903) du 11 janvier 2010. Plusieurs oppositions ont été formées, qui ont été écartées par l’office européen des brevets le 15 décembre 2023. Un recours a été formé.
4. Aux États-Unis, un brevet de la même famille (US 8 972 592) a été révoqué par l’office des brevets, sauf 4 nouvelles revendications limitant la protection s’agissant de l’effet thérapeutique concerné (en limitant cet effet à la seule prolongation de la survie). Le brevet ainsi limité a été jugé valide par les juridictions des États-Unis en 2023.
5. En France, les sociétés Sanofi mature IP, Sanofi winthrop industrie et Sanofi-aventis France (ensemble, les société Sanofi) ont recherché en référé des mesures d’interdiction contre trois génériqueurs dont les sociétés Accord au printemps 2021, ce qui a été refusé par le juge des référé du présent tribunal par décisions des 12 mai, 7 juin (décision concernant les sociétés Accord) et 17 juin 2021, au motif que la contestation de la validité du brevet était sérieuse.
6. Les sociétés Accord ont alors assigné la société Sanofi mature IP en nullité du brevet le 6 mai 2021, puis les sociétés Sanofi ont assigné les sociétés Accord en contrefaçon le 8 septembre 2021. Les deux instances ont été jointes.
7. L’instruction a été close le 22 janvier 2024 (après révocation d’une première clôture) et l’audience tenue le 25.
8. Sur autorisation du tribunal, les parties ont adressé deux notes en délibéré le 7 février 2024 faisant état de la motivation de la décision de la division d’opposition ayant maintenu le brevet litigieux.
Prétentions des parties
9. Les sociétés Accord, dans leurs dernières conclusions (19 janvier 2024), demandent la nullité de la partie française du brevet, la publication de la décision sur le site internet de Sanofi et dans la presse, soulèvent l’irrecevabilité des sociétés Sanofi winthrop et Sanofi-aventis France faute de qualité à agir, résistent à l’ensemble des demandes ainsi qu’à l’exécution provisoire les concernant et demandent enfin la condamnation in solidum des sociétés Sanofi à leur payer 250 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et le recouvrement des dépens par leur avocat. Subsidiairement, elles demandent que les pièces exigées soient communiquées dans le cadre d’un cercle de confidentialité dont seront exclues les sociétés Sanofi winthrop et Sanofi-aventis France (ou à pouvoir saisir le tribunal pour en déterminer les modalités) et que les effets des mesures prononcées contre elles cessent si le brevet est révoqué, maintenu sous une forme modifié ou annulé ou si une demande d’interdiction est rejetée « dans une affaire parallèle ».
10. Les sociétés Sanofi, dans leurs dernières conclusions (23 décembre 2023), résistent aux demandes adverses ainsi qu’à l’exécution provisoire les concernant et demandent elles-mêmes une mesure d’interdiction sous astreinte, la condamnation des sociétés Accord à leur payer une provision de 8 279 775 euros pour la contrefaçon ou subsidiairement la concurrence déloyale, à leur communiquer sous astreinte des informations sur l’origine et les réseaux de distribution des produits litigieux ainsi que l’étendue de la contrefaçon, la publication du jugement sur les sites Internet des sociétés Accord et dans la presse, outre 200 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et le recouvrement des dépens par leur avocat.
Le tribunal :
Annule la partie française du brevet EP 2 493 466
Dit que la présente décision sera transmise à l’INPI, aux fins de transcription au registre des brevets, lorsqu’elle aura force de chose jugée, à l’initiative de la partie la plus diligente
Rejette la demande de publication du jugement
Rejette les demandes fondées sur la contrefaçon de ce brevet (interdiction, dommages et intérêts, communication d’information, publication)
Condamne in solidum les sociétés Sanofi mature IP, Sanofi Winthrop industrie et Sanofi-aventis France aux dépens (avec recouvrement par l’avocat des sociétés Accord de ceux dont il aurait fait l’avance sans en recevoir provision) ainsi qu’à payer 150 000 euros aux sociétés Accord healthcare France et Accord healthcare au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire, sauf en ce qui concerne l’inscription au registre des brevets.
Fait et jugé à Paris le 06 Septembre 2024
Le Greffier La Présidente
Quentin CURABET Irène BENAC
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