La loi sur la Sécurité globale qui a fait l’objet d’une saisine du conseil constitutionnel le 20 avril 2021 comporte plusieurs dispositions relatives au droit à l’image des personnes.
Le controversé article 52 (ex 24)
Jean Castex (comme 80 députés de gauche) ont saisi le Conseil constitutionnel sur la loi Sécurité globale. Le texte adopté par le parlement dans sa dernière mouture du 15 avril 2021, toujours très contesté, incrimine pénalement le fait d’aider même indirectement à l’identification des agents de police et de leurs proches, entre autres, sur les réseaux sociaux. Il est projeté d’insérer au Code pénal un nouvel article 226-4-1-1 ainsi rédigé :
« Art. 226-4-1-1. – La provocation, dans le but manifeste qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, à l’identification d’un agent de la police nationale, d’un militaire de la gendarmerie nationale ou d’un agent de la police municipale lorsque ces personnels agissent dans le cadre d’une opération de police, d’un agent des douanes lorsqu’il est en opération, est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
Les mêmes peines sont applicables en cas de provocation à l’identification, dans le même but que celui mentionné au premier alinéa, du conjoint, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité, du concubin, de l’ascendant ou de l’enfant d’une personne mentionnée au même premier alinéa. »
Un nouvel article 226-16-2 incrimine également :
« Le fait de procéder ou de faire procéder à un traitement de données à caractère personnel relatives à des fonctionnaires ou à des personnes chargées d’une mission de service public en raison de leur qualité hors des finalités prévues par le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) et par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende. »
La vidéoprotection, les caméras piétons et les drones
Les services de police pouvant visionner les images de vidéoprotection sont élargis. Les polices municipales pourront visionner les images tirées des caméras aux abords des commerces.
Le Sénat a introduit plusieurs garanties techniques sur ce point et prévu un avis de la Commission nationale de la vidéoprotection sur le projet de décret qui viendra fixer les modalités du dispositif. Afin de sécuriser les transports publics, certains agents de la RATP et de la SNCF auront accès à la vidéoprotection de la voie publique sous la responsabilité de l’État. Un nouvel article, introduit par le Sénat, encadre le dispositif de vidéosurveillance des personnes gardées à vue ou retenues dans un centre de rétention administrative. En vue de développer la vidéoprotection dans les territoires ruraux, les députés ont facilité les dispositifs de centres de supervision urbain.
Les caméras piétons
Les règles encadrant l’usage par les policiers et gendarmes des caméras piétons sont revues. Celles-ci doivent être généralisées d’ici juillet 2021. Lorsque la sécurité des agents est engagée, les images pourront être transmises en direct au poste de commandement ainsi qu’aux agents impliqués dans la conduite et dans l’exécution de l’intervention. La possibilité d’utiliser ces images dans les médias pour l’information du public a été supprimée afin de ne pas risquer d’alimenter une « guerre des images ».
Les drones
L’article 22 de la loi définit le régime juridique de l’usage des drones par les forces de l’ordre, aujourd’hui pratiqué en l’absence de cadre clair. À deux reprises en 2020, le Conseil d’État a ordonné à l’État de cesser la surveillance de Paris. Le texte précise les cas où le recours aux drones est admis. Ces cas ont été limités par le Sénat : constat de certaines infractions graves, surveillance de lieux dangereux ou difficiles d’accès, manifestations en cas de risque de troubles très graves…
Outre les forces de l’ordre, les sapeurs-pompiers et les personnels de la sécurité civile pourront en faire usage. Des garanties sont posées : interdiction d’un recours permanent aux drones, de filmer l’intérieur des domiciles et les entrées, du recours à la reconnaissance faciale, de la captation des sons, obligation d’informer le public.
À l’initiative du Sénat toujours, une autorisation préalable sera nécessaire avant l’usage de drones pour des opérations de police (préfet ou procureur ou juge d’instruction). De plus, le ministère de l’intérieur devra élaborer, puis actualiser régulièrement, des lignes directrices sur l’emploi des drones (une sorte de doctrine d’emploi), après avis de la CNIL.
Sur amendement du gouvernement, à titre expérimental pour cinq ans, les policiers municipaux pourront également recourir à des drones pour « assurer l’exécution des arrêtés de police du maire ».
Les caméras embarquées
Un amendement du gouvernement crée un régime juridique pour autoriser les forces de l’ordre et les services de sécurité civile à disposer de caméras embarquées dans leurs véhicules. Lors de la lecture au Sénat, cette possibilité a été étendue aux policiers municipaux. Il s’agit notamment de faciliter le constat des infractions (agressions, rodéos urbains…). Le public sera informé par une signalétique spécifique.
Les sanctions en cas d’agressions ou de provocation à l’identification des policiers
Les personnes détenues pour des infractions graves à l’encontre d’un élu, policier, magistrat ou toute autre dépositaire de l’autorité publique ne pourront plus bénéficier de crédits de réduction de peine. Sur amendement du Sénat, une exception est prévue pour inciter à la bonne conduite en détention.
L’article 24, dont la rédaction avait été précisée par le gouvernement, modifiait initialement la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse pour créer un délit de diffusion malveillante d’images des forces de l’ordre. Cet article a été réécrit par le Sénat. Il insère dans le code pénal un nouveau délit de provocation à l’identification d’un policier ou gendarme en opération, « dans le but manifeste qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique ». Ce délit, puni de cinq ans de prison, est également applicable en cas de provocation malveillante de la famille d’un policier ou gendarme. L’article permet également de punir la création de fichiers informatiques à des fins d’identification malveillante d’agents publics.
Une disposition introduite par les sénateurs élargit le délit d’embuscade aux agressions commises sur des policiers ou gendarmes en dehors de leurs heures de service ou sur leur famille.
La protection fonctionnelle des agents des forces de l’ordre est étendue sur amendement du gouvernement dans le cadre de l’audition libre.
Le texte prévoit aussi de sanctionner pénalement l’achat, la détention, l’utilisation et la vente de mortiers d’artifices à d’autres personnes que des professionnels. Un amendement du gouvernement encadre le commerce des engins pyrotechniques.