L’Essentiel : La société MODZ, spécialisée dans le déstockage d’articles de mode, a engagé une action contre Monsieur [K] [D] [T] pour contrefaçon de sa marque « MODZ » et concurrence déloyale. Le tribunal a constaté que l’utilisation du nom de domaine modz.com pour promouvoir des produits similaires à ceux de MODZ constituait une contrefaçon. En conséquence, Monsieur [T] a été condamné à verser 8 000 euros pour préjudice patrimonial et 2 000 euros pour préjudice moral. De plus, il doit cesser l’utilisation du nom de domaine et le transférer à MODZ, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
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Un nom de domaine non exploité qui affiche tout de même des publicités pour des services / produits identiques à ceux d’une marque déposée (correspondant exactement au nom de domaine « Modz ») tombe sous la contrefaçon de marque et de la concurrence déloyale.
En l’espèce, le signe MODZ étant utilisé à titre de nom de domaine (modz.com) dans la vie des affaires sous une forme strictement identique au signe déposé pour faire la promotion de produits identiques, la contrefaçon de la marque « MODZ » n° 3 484 351 est établie. En vertu de l’article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, “est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : 1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée”. Le droit de la concurrence déloyale étant fondé sur les articles 1240 et 1241 du code civil, il appartient au demandeur de caractériser la ou les fautes qui auraient été commises par le défendeur. Constitue notamment une faute de concurrence déloyale le fait de susciter un risque de confusion avec les produits ou l’activité d’un autre opérateur économique en adoptant des signes distinctifs identiques ou similaires à ceux utilisés antérieurement par un concurrent. Il s’infère nécessairement de la faute de concurrence déloyale retenue un préjudice, fût-il seulement moral. Toutefois, cette présomption de préjudice ne dispense pas le demandeur d’en démontrer l’étendue. Enfin, en présence d’une condamnation en contrefaçon, la demande en concurrence déloyale formée par la personne au bénéfice de laquelle une telle condamnation a été prononcée ne peut être accueillie qu’à la condition de s’appuyer sur des faits distincts de ceux qualifiés de contrefaisants. A l’inverse, lorsque les demandes en contrefaçon et en concurrence déloyale ne sont pas concentrées entre les mains d’une même personne ou que la demande en contrefaçon n’a pas été accueillie, il n’y a pas lieu d’exiger la caractérisation de faits distincts. En l’espèce, le risque de confusion suscité avec la dénomination sociale et le nom de domaine de la société demanderesse n’a pas été appréhendé au titre de la contrefaçon de marque. Il existe donc des faits distincts pouvant donner prise à une condamnation supplémentaire. La société MODZ, spécialisée dans le déstockage en ligne d’articles de mode, revendique des droits sur la dénomination sociale, le nom commercial, l’enseigne « MODZ », ainsi que sur la marque française nominale « MODZ » et le nom de domaine http://www.modz.fr. Elle a tenté à plusieurs reprises de racheter le nom de domaine modz.com à Monsieur [K] [D] [T], un joueur de poker professionnel, sans succès. Après avoir constaté que le site modz.com renvoyait à des liens en rapport avec le jeu et l’informatique, la société MODZ a engagé une action devant le Centre d’Arbitrage et de Médiation de l’OMPI pour obtenir le transfert du nom de domaine. Cette demande a été rejetée en décembre 2017. En janvier 2022, la société MODZ a assigné Monsieur [K] [D] [T] en justice pour contrefaçon de marque et concurrence déloyale. L’assignation n’ayant pas pu être notifiée à Monsieur [K] [D] [T], l’affaire a été fixée à plaider en septembre 2023. La société MODZ demande notamment la cessation de l’utilisation du nom de domaine modz.com, le transfert de ce dernier à son profit, des dommages-intérêts pour préjudice moral et commercial, ainsi que le remboursement des frais de constats effectués. Les points essentielsMOTIFSEn application de l’article 473 du code de procédure civile, “lorsque le défendeur ne comparaît pas, le jugement est rendu par défaut si la décision est en dernier ressort et si la citation n’a pas été délivrée à personne. Le jugement est réputé contradictoire lorsque la décision est susceptible d’appel ou lorsque la citation a été délivrée à la personne du défendeur”. L’article 472 du code de procédure civile dispose que, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée. En l’espèce, la décision n’est pas rendue en dernier ressort. En conséquence, le jugement sera réputé contradictoire. Sur la demande au titre de la contrefaçon de marqueSur la compétence: Dans la mesure où le juge doit vérifier la régularité de la demande, il convient d’examiner en premier lieu la question de la compétence. Monsieur [T] est résident américain, ce qui résulte de plusieurs pièces produites. Aucuns règlement européen ou convention internationale ne s’appliquant en l’espèce, il convient de se déterminer par application de la règle de compétence territoriale interne. L’accessibilité, dans le ressort de la juridiction saisie, d’un site internet présentant des produits associé à un signe argué de contrefaçon suffit à justifier la compétence territoriale de cette juridiction. Sur la loi applicable: Conformément à l’article 4.1 du règlement (CE) n°864/2007, la loi française est applicable au litige. Sur les autres aspects touchant à la régularité de la demande: Aucun grief ne paraît pouvoir être opposé à l’assignation s’agissant du respect des conditions de forme exigées par la loi. La société MODZ est recevable à agir en contrefaçon de marque. Sur le bien-fondé de la demande: La contrefaçon de la marque « MODZ » est établie pour les produits visés au dépôt de marque. Monsieur [T] sera condamné à verser des dommages-intérêts à la société MODZ. Sur la demande en concurrence déloyaleSur la régularité de la demande: La demande apparaît régulière. Sur la recevabilité de la demande: La société MODZ dispose d’un intérêt à agir contre des actes consistant dans l’utilisation du même signe pour la promotion de produits de même nature. Sur le bien-fondé de la demande: Les actes de concurrence déloyale se trouvent établis. Monsieur [T] sera condamné à verser des dommages-intérêts à la société MODZ. Sur les demandes accessoiresMonsieur [T] supportera les dépens de l’instance et sera condamné à payer des sommes au titre de l’article 700 du code de procédure civile. L’exécution provisoire est de droit. Les montants alloués dans cette affaire: – 8 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de préjudice patrimonial Réglementation applicable– Article 473 du code de procédure civile Texte de l’article 473 du code de procédure civile: Texte de l’article 472 du code de procédure civile: Texte de l’article 46 du code de procédure civile: Texte de l’article D 211-6-1 du code de l’organisation judiciaire: Texte de l’article 4.1 du règlement (CE) n°864/2007: Texte de l’article L. 716-4-2 du code de la propriété intellectuelle: Texte de l’article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle: Texte de l’article L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle: Texte de l’article 31 du code de procédure civile: Texte de l’article 1240 du code civil: Texte de l’article 1241 du code civil: AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Maître Armelle GROLEE Mots clefs associés & définitions– Motifs – Motifs: Raisons ou justifications qui sous-tendent une décision ou une action. REPUBLIQUE FRANÇAISE 30 avril 2024 Chambre 3 cab 03 C N° RG 22/00483 – N° Portalis DB2H-W-B7F-WIWS Jugement du 30 Avril 2024 Notifié le : Grosse et copie à : REPUBLIQUE FRANCAISE Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 30 Avril 2024 devant la Chambre 3 cab 03 C le jugement réputé contradictoire suivant, Après que l’instruction eut été clôturée le 13 Juin 2022, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 05 Septembre 2023 devant : Marc-Emmanuel GOUNOT, Vice-Président, Assistés de Anne BIZOT, Greffier, Et après qu’il en eut été délibéré par les magistrats ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant : DEMANDERESSE S.A.R.L. MODZ, représentée par Maître Armelle GROLEE de l’AARPI DE FACTO, avocats au barreau de LYON DEFENDEUR Monsieur [K] [D] [T], défaillant La société MODZ exerce, depuis près de quinze ans, une activité de déstockage en ligne d’articles de mode issus des fins de séries d’un réseau de plus de 2.000 boutiques multimarques et marques partenaires situées en France et, plus largement, en Europe. Elle se prévaut de droits sur : Monsieur [K] [D] [T] est résident américain et exerce une activité de joueur de poker professionnel. En 2008, la société MODZ a contacté Monsieur [K] [D] [T] dans l’optique de lui racheter le nom de domaine modz.com au prix de 4.000 USD. Ce dernier a décliné son offre. En 2009 puis 2016, après avoir constaté que le site internet www.modz.fr apparaissait sur une page parking accessible à l’adresse modz.com faisant état de liens hypertextes en rapport avec le domaine du jeu et de l’informatique, la société demanderesse a tenté une nouvelle démarche amiable, sans succès. Le 11 avril 2017, la société MODZ a fait réaliser un constat d’huissier portant sur l’exploitation litigieuse du nom de domaine www.modz.com. La société MODZ a ensuite engagé une action extrajudiciaire devant le Centre d’Arbitrage et de Médiation de l’OMPI à l’encontre de Monsieur [K] [D] [T] aux fins d’obtenir le transfert du nom de domaine modz.com à son profit sur le fondement de sa marque antérieure française du même nom n° 3 484 351. Cette procédure a été enregistrée sous le n° D2017-2008. Par décision du 21 décembre 2017, le Centre d’Arbitrage et de Médiation de l’OMPI a débouté la société MODZ de sa demande au motif que : Le 31 janvier 2018 puis les 14 et 21 juin 2021, la société MODZ a fait établir de nouveaux procès-verbaux de constat. Estimant que l’exploitation que faisait Monsieur [K] [D] [T] du nom de domaine www.modz.com était constitutive de contrefaçon de marque et de concurrence déloyale, la société MODZ l’a, par acte d’huissier de justice du 24 janvier 2022, assigné devant la présente juridiction. Monsieur [T] habitant aux Etats-Unis, l’assignation a été transmise à la société ABC LEGAL SERVICES, pour notification, en application de la convention de La Haye. L’acte n’a pas pu être notifié à son destinataire et les diligences effectuées n’ont pas permis de le retrouver. L’huissier de justice a donc constaté que le destinataire de l’acte n’a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, et a dressé un procès-verbal conformémement aux dispositions des articles 659 et 687-1 du code de procédure civile. Une copie de ce procès-verbal a été envoyée au destinataire de l’acte à la dernière adresse connue. * Dans son assignation, la société MODZ demande au tribunal de : Vu les articles L 45-1 et L 45-2 du Code des Postes et des Communications Électronique, – Ordonner à Monsieur [K] [D] [T] de cesser toute utilisation du nom de domaine modz.com sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ; L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 juin 2022 et l’affaire a été fixée à plaider à l’audience du 5 septembre 2023. L’affaire a été mise en délibéré au 28 novembre 2023. Le délibéré a été prorogé. MOTIFS En application de l’article 473 du code de procédure civile, “lorsque le défendeur ne comparaît pas, le jugement est rendu par défaut si la décision est en dernier ressort et si la citation n’a pas été délivrée à personne. Le jugement est réputé contradictoire lorsque la décision est susceptible d’appel ou lorsque la citation a été délivrée à la personne du défendeur”. L’article 472 du code de procédure civile dispose que, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée. En l’espèce, la décision n’est pas rendue en dernier ressort. En conséquence, le jugement sera réputé contradictoire. Sur la demande au titre de la contrefaçon de marque Sur la compétence Dans la mesure où le juge doit vérifier la régularité de la demande, il convient d’examiner en premier lieu la question de la compétence. Monsieur [T] est résident américain, ce qui résulte de plusieurs pièces produites (pièces n° 6-1, 7, 10-3). Aucuns règlement européen ou convention internationale ne s’appliquant en l’espèce, il convient de se déterminer par application de la règle de compétence territoriale interne. En application de l’article 46 du code de procédure civile, lorsqu’il n’y a ni convention internationale ni règlement européen relatif à la compétence judiciaire, la compétence internationale se détermine par extension des règles de compétence territoriale interne, de sorte que le demandeur peut, en matière délictuelle, saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi. L’article D 211-6-1 du code de l’organisation judiciaire fixe « le siège et le ressort des tribunaux judiciaires ayant compétence exclusive pour connaître des actions en matière de propriété littéraire et artistique, de dessins et modèles, de marques et d’indications géographiques » par renvoi au tableau VI qui désigne le tribunal judiciaire de Lyon pour connaître des actions dépendant des ressorts des cours d’appel de Chambéry, Grenoble, Lyon et Riom. L’accessibilité, dans le ressort de la juridiction saisie, d’un site internet présentant des produits associé à un signe argué de contrefaçon suffit à justifier la compétence territoriale de cette juridiction, prise comme celle du lieu de la matérialisation du dommage allégué, pour connaître de l’action en contrefaçon de marque. Les procès-verbaux de constat dressés par Maître [Y] les 14 et 18 juin 2021 à partir de son ordinateur situé en son étude de Caluire-et-cuire établissent que le nom de domaine www.modz.com est exploité pour afficher une page rédigée en français comprenant des liens permettant d’accéder à d’autres sites, tels que maisonbeige.com, shein.com ou encore koker.fr (pièces n° 12 et 13). Il résulte de ces éléments que le tribunal judiciaire de Lyon est matériellement et territorialement compétent pour connaître de cette demande. Sur la loi applicable Conformément à l’article 4.1 du règlement (CE) n°864/2007 du 11 25. juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (dit « Rome II »), la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d’un fait dommageable est en principe celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent. En l’espèce, il résulte des constatations précédentes que le site internet accessible à l’adresse modz.com est accessible depuis la France, qu’il est rédigé en français et qu’il renvoie à des sites internet français ou s’adressant au public francophone. Il s’en infère que le dommage consécutif à l’utilisation du signe MODZ se produit sur le territoire français. La loi française est donc applicable au présent litige. Sur les autres aspects touchant à la régularité de la demande Aucun grief ne paraît pouvoir être opposé à l’assignation s’agissant du respect des conditions de forme exigées par la loi et aucun élément ne paraît remettre en cause la capacité ou le pouvoir d’agir en justice de la société MODZ ou de son représentant. Sur la recevabilité de la demande L’article L. 716-4-2 du code de la propriété intellectuelle dispose que l’action est engagée par le titulaire de la marque. Il résulte de la notice INPI produite aux débats que la marque MODZ a été déposée par Monsieur [P] agissant pour le compte de la société MODZ n° 3484351 et qu’elle a été renouvelée par cette dernière en 2017 pour l’intégralité des produits et services visés (pièce n° 3). En conséquence, la société MODZ est recevable à agir en contrefaçon de marque. Sur le bien-fondé de la demande S’agissant la matérialité de la contrefaçon En vertu de l’article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, “est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : En l’espèce, il résulte des nombreuses pièces versées aux débats, et notamment de la procédure ayant opposé les parties devant l’organisation mondiale de la propriété intellectuelle (pièce n° 10-3), que le nom de domaine “modz.com” appartient à Monsieur [T]. La marque « MODZ » n° 3 484 351 est enregistrée pour les produits et services suivants : Il résulte des deux procès-verbaux produits respectivement dressés les 8 et 14 juin 2021 (pièces n° 12 et 13) que le site internet accessible à l’adresse “modz.com” propose d’accéder à d’autres sites internet en faisant la promotion des produits qui s’y trouvent présentés. Le lien vers le site de vente “shein.com” se trouve par exemple précédé du descriptif suivant : “site d’habit pas cher en ligne – Grand sold nouveautés – Garantie qualité à 100%” (pièce n° 12, p. 12). La dénomination MODZ est donc utilisée pour des services de publicité en ligne sur un réseau informatique, de publication de textes publicitaires et de diffusions d’annonces publicitaires. Par ailleurs, les annonces présentes sur ces pages et les sites internet vers lesquels sont opérés les renvois se rattachent à l’univers de la mode. La première page qui s’affiche en consultant le site litigieux contient par exemple les termes suivants : “Mode femme, vetement femme, ikks femme, prive boutique, ventes privées, boutiquement vetement femme” (pièce n° 12, p. 10). De manière directe, mais également à travers les renvois opérés, la dénomination MODZ se trouve en conséquence exploitée pour les produits suivants visés au dépôt de marque : “Vêtements, chaussures, chapellerie ; chemises ; vêtements en cuir ou en imitation du cuir ; ceintures (habillement) ; foulards ; bonneterie ; chaussettes ; chaussons ; chaussures de plage, de ski ou de sport ; sous-vêtements”. En conséquence, les produits sont identiques. S’agissant des signes, la même conclusion s’impose, dès lors qu’ils ne présentent aucune différence. Le signe MODZ étant utilisé à titre de nom de domaine dans la vie des affaires sous une forme strictement identique au signe déposé pour faire la promotion de produits identiques, la contrefaçon de la marque « MODZ » n° 3 484 351 est établie pour les produits susmentionnés. S’agissant des demandes d’interdiction et de réparation En application de l’article L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : En l’espèce, le demandeur ne distingue aucun poste de préjudice, de sorte qu’il y a lieu de considérer qu’il sollicite une indemnisation forfaitaire de son préjudice. Quand bien même la demanderesse ne livre aucune indication relative au montant des redevances axquelles elle aurait pu prétendre pour l’exploitation de sa marque, il convient de retenir que la contrefaçon de marque porte nécessairement atteinte au droit exclusif de son propriétaire et au pouvoir distinctif de la marque et que, dans le cas présent, ses effets ont été négatifs du fait de l’utilisation du signe pour exploiter une page parking permettant de faire la promotion de produits concurrents. Monsieur [T] sera donc condamné à verser à la société MODZ la somme forfaitaire de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts. Cette somme n’étant pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral subi par la société MODZ, il convient également de condamner Monsieur [T] à verser à la société MODZ la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts. Dès lors que la mesure d’interdiction prononcée doit être corrélée au périmètre de la contrefaçon, il convient d’ordonner à Monsieur [T] de cesser toute utilisation du nom de domaine modz.com pour faire la promotion des services suivants : services de publicité en ligne sur un réseau informatique, de publication de textes publicitaires et de diffusions d’annonces publicitaires,Vêtements, chaussures, chapellerie ; chemises ; vêtements en cuir ou en imitation du cuir ; ceintures (habillement) ; foulards ; bonneterie ; chaussettes ; chaussons ; chaussures de plage, de ski ou de sport ; sous-vêtements, et ce sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard passé le délai d’un mois à compter de la signification du présent jugement. Il n’y a pas lieu de se réserver la liquidation de l’astreinte ainsi prononcée. Monsieur [T] ayant choisi, postérieurement à la procédure UDRP, de faire évoluer le site exploité à l’adresse www.modz.com pour se rapprocher des produits et services pour lesquels la marque MODZ est enregistrée alors qu’il en avait nécessairement connaissance, sa mauvaise foi est caractérisée et il doit être mis définitivement un terme à la possibilité de contrefaire la marque de la demanderesse. Il convient en conséquence de faire droit à la demande de transfert du nom de domaine modz.com au profit de la société MODZ, et ce sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard passé le délai de 8 jours à compter de la signification du présent jugement. Il appartiendra à la partie la plus diligente de procéder à la notification de la présente décision auprès de l’ICANN et du bureau d’enregistrement du nom de domaine modz.com. La demande que cette mesure soit ordonnée aux frais du défendeur sera rejetée comme excédant la réparation justement due à la demanderesse. Sur la demande en concurrence déloyale Sur la régularité de la demande La demande apparaît régulière. Sur la recevabilité de la demande L’article 31 du code de procédure civile dispose que “l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé”. L’intérêt à agir doit être apprécié au moment de l’engagement de l’action. En l’espèce, la société MODZ, qui exploite le signe MODZ à titre de nom de domaine et de dénomination sociale, dispose nécessairement d’un intérêt à agir contre des actes consistant dans l’utilisation de ce même signe pour faire la promotion de produits de même nature. En conséquence, les demandes en concurrence déloyale formées par la société MODZ doivent être regardées comme recevables. Sur le bien-fondé de la demande Le droit de la concurrence déloyale étant fondé sur les articles 1240 et 1241 du code civil, il appartient au demandeur de caractériser la ou les fautes qui auraient été commises par le défendeur. Constitue notamment une faute de concurrence déloyale le fait de susciter un risque de confusion avec les produits ou l’activité d’un autre opérateur économique en adoptant des signes distinctifs identiques ou similaires à ceux utilisés antérieurement par un concurrent. Enfin, en présence d’une condamnation en contrefaçon, la demande en concurrence déloyale formée par la personne au bénéfice de laquelle une telle condamnation a été prononcée ne peut être accueillie qu’à la condition de s’appuyer sur des faits distincts de ceux qualifiés de contrefaisants. A l’inverse, lorsque les demandes en contrefaçon et en concurrence déloyale ne sont pas concentrées entre les mains d’une même personne ou que la demande en contrefaçon n’a pas été accueillie, il n’y a pas lieu d’exiger la caractérisation de faits distincts. En l’espèce, le risque de confusion suscité avec la dénomination sociale et le nom de domaine de la société demanderesse n’a pas été appréhendé au titre de la contrefaçon de marque. Il existe donc des faits distincts pouvant donner prise à une condamnation supplémentaire. La société MODZ rapporte la preuve de son immatriculation le 8 février 2007 pour du négoce de produits (pièce n° 1) et l’exploitation de sa dénomination sociale et de son nom de domaine modz.fr notamment pour des vêtements (pièce n° 2-1). Dans ces conditions, l’exploitation du nom de domaine modz.com pour faire la promotion d’articles de mode et notamment de vêtements crée un risque de confusion avec les signes distinctifs exploités par la société MODZ. Les actes de concurrence déloyale se trouvent donc établis. Il s’infère nécessairement des actes de concurrence déloyale retenus un trouble commercial constitutif de préjudice. En conséquence, Monsieur [T] sera condamné à verser à la société MODZ la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts. Sur les demandes accessoires Monsieur [T] supportera les dépens de l’instance, dont distraction au profit de Maître Armelle GROLEE, avocat sur son affirmation de droit, étant rappelé que les dépens ne comprennent pas les frais de constats réclamés. Monsieur [T] sera également condamné à payer à la société MODZ la somme totale de 5 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile. Il convient de rappeler que l’exécution provisoire est de droit et aucun élément ne justifie de l’écarter. Le tribunal, statuant par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition de la présente décision au greffe du tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, – DIT qu’en exploitant le nom de domaine modz.com, Monsieur [K] [D] [T] a commis des actes de contrefaçon de la marque « MODZ » n° 3 484 351 pour les produits et services suivants : services de publicité en ligne sur un réseau informatique, de publication de textes publicitaires et de diffusions d’annonces publicitaires,Vêtements, chaussures, chapellerie ; chemises ; vêtements en cuir ou en imitation du cuir ; ceintures (habillement) ; foulards ; bonneterie ; chaussettes ; chaussons ; chaussures de plage, de ski ou de sport ; sous-vêtements ; – CONDAMNE en conséquence Monsieur [K] [D] [T] à payer à la société MODZ la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice patrimonial consécutif à la contrefaçon de marque et 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ; – ORDONNE à Monsieur [K] [D] [T] de cesser toute utilisation du nom de domaine modz.com pour faire la promotion des services suivants : services de publicité en ligne sur un réseau informatique, de publication de textes publicitaires et de diffusions d’annonces publicitaires,Vêtements, chaussures, chapellerie ; chemises ; vêtements en cuir ou en imitation du cuir ; ceintures (habillement) ; foulards ; bonneterie ; chaussettes ; chaussons ; chaussures de plage, de ski ou de sport ; sous-vêtements, et ce sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard passé le délai d’un mois à compter de la signification du présent jugement ; – ORDONNE à Monsieur [K] [D] [T] de procéder, à ses frais, au transfert du nom de domaine modz.com au profit de la société MODZ, sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard passé le délai de huit jours à compter de la signification du présent jugement ; – DIT qu’il n’y a pas lieu de se réserver la liquidation des astreintes ainsi prononcées ; – DIT que le présent jugement sere notifié à l’ICANN et au bureau d’enregistrement du nom de domaine modz.com à l’initiative de la partie la plus diligente ; – DEBOUTE la société MODZ de sa demande visant à ce que le présent jugement soit notifié à l’ICANN et au bureau d’enregistrement du nom de domaine modz.com aux frais de Monsieur [T] ; – DIT que l’exploitation du nom de domaine modz.com par Monsieur [K] [D] [T] pour faire la promotion d’articles de mode créé un risque de confusion avec les signes distinctifs exploités par la société MODZ constitutif de concurrence déloyale ; – CONDAMNE en conséquence Monsieur [K] [D] [T] à payer à la société MODZ la somme de 5 000 euros au titre de la concurrence déloyale ; – CONDAMNE Monsieur [K] [D] [T] à verser à la société MODZ la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; – CONDAMNE Monsieur [K] [D] [T] aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Armelle GROLEE, avocat sur son affirmation de droit ; – REJETTE le surplus des demandes ; – RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit ; Remis au greffe en vue de sa mise à la disposition des parties, le présent jugement a été signé par le Président, M. GOUNOT, et le Greffier, Mme BIZOT. Le Greffier,Le Président, |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le contexte de l’affaire MODZ ?La société MODZ, spécialisée dans le déstockage en ligne d’articles de mode, revendique des droits sur la dénomination sociale, le nom commercial, l’enseigne « MODZ », ainsi que sur la marque française nominale « MODZ » et le nom de domaine http://www.modz.fr. Elle a tenté à plusieurs reprises de racheter le nom de domaine modz.com à Monsieur [K] [D] [T], un joueur de poker professionnel, sans succès. Après avoir constaté que le site modz.com renvoyait à des liens en rapport avec le jeu et l’informatique, la société MODZ a engagé une action devant le Centre d’Arbitrage et de Médiation de l’OMPI pour obtenir le transfert du nom de domaine. Cette demande a été rejetée en décembre 2017. En janvier 2022, la société MODZ a assigné Monsieur [K] [D] [T] en justice pour contrefaçon de marque et concurrence déloyale. L’assignation n’ayant pas pu être notifiée à Monsieur [K] [D] [T], l’affaire a été fixée à plaider en septembre 2023. La société MODZ demande notamment la cessation de l’utilisation du nom de domaine modz.com, le transfert de ce dernier à son profit, des dommages-intérêts pour préjudice moral et commercial, ainsi que le remboursement des frais de constats effectués. Quels sont les motifs de la décision du tribunal concernant la contrefaçon de marque ?Le tribunal a statué que la contrefaçon de la marque « MODZ » était établie pour les produits visés au dépôt de marque. En vertu de l’article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, l’usage dans la vie des affaires d’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou services identiques est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque. Dans cette affaire, le signe MODZ était utilisé à titre de nom de domaine dans la vie des affaires sous une forme strictement identique au signe déposé pour faire la promotion de produits identiques. Le tribunal a également noté que le site modz.com proposait des services de publicité en ligne et des produits liés à la mode, ce qui correspondait aux classes de produits pour lesquelles la marque MODZ était enregistrée. Ainsi, le tribunal a condamné Monsieur [K] [D] [T] à verser des dommages-intérêts à la société MODZ pour le préjudice patrimonial et moral causé par cette contrefaçon. Quelles sont les conclusions du tribunal concernant la concurrence déloyale ?Le tribunal a également examiné la demande de la société MODZ au titre de la concurrence déloyale. Il a constaté que la société MODZ avait un intérêt légitime à agir contre l’utilisation du même signe pour la promotion de produits similaires. En vertu des articles 1240 et 1241 du code civil, la concurrence déloyale est caractérisée par le fait de susciter un risque de confusion avec les produits ou l’activité d’un autre opérateur économique en adoptant des signes identiques ou similaires. Le tribunal a noté que l’exploitation du nom de domaine modz.com pour faire la promotion d’articles de mode créait un risque de confusion avec les signes distinctifs de la société MODZ. En conséquence, Monsieur [K] [D] [T] a été condamné à verser à la société MODZ la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour concurrence déloyale. Quels montants ont été alloués à la société MODZ par le tribunal ?Le tribunal a alloué plusieurs montants à la société MODZ en réparation de ses préjudices. Les montants alloués sont les suivants : – 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice patrimonial lié à la contrefaçon de marque. – 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral. – 5 000 euros pour la concurrence déloyale. – 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, qui permet au juge d’allouer une somme d’argent à la partie gagnante pour compenser ses frais de procédure. Ces montants reflètent les conséquences économiques négatives de la contrefaçon et du trouble commercial causé par les actes de concurrence déloyale. Quelles sont les réglementations applicables dans cette affaire ?Plusieurs articles de loi et règlements ont été appliqués dans cette affaire. Parmi les réglementations pertinentes, on trouve : – L’article 473 du code de procédure civile, qui traite des jugements par défaut. – L’article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, qui interdit l’usage d’un signe identique à une marque pour des produits ou services identiques sans autorisation. – L’article 1240 du code civil, qui définit la concurrence déloyale et les conditions de sa caractérisation. – Le règlement (CE) n°864/2007, qui détermine la loi applicable aux obligations non contractuelles. Ces textes législatifs ont été essentiels pour établir la compétence du tribunal, la recevabilité des demandes et le fondement juridique des décisions rendues. |
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