Règle de droit applicableL’article L1132-1 du Code du travail prohibe toute discrimination à l’égard d’un salarié en raison de son activité syndicale, interdisant ainsi l’écartement d’une procédure de recrutement, de nomination ou d’accès à une formation. Cette disposition est renforcée par l’article L2141-5, qui stipule qu’il est interdit à l’employeur de prendre en compte l’appartenance à un syndicat pour ses décisions en matière de recrutement, d’avancement ou de formation. Éléments de preuve et charge de la preuveEn cas de litige, l’article L1134-1 impose au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination. Il incombe alors à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Conséquences de la discriminationLa reconnaissance d’une discrimination syndicale peut entraîner des réparations financières, comme le préjudice matériel et moral, conformément aux principes de réparation intégrale du préjudice. Les articles 1240 et 1241 du Code civil, relatifs à la responsabilité délictuelle, peuvent également être invoqués pour justifier l’indemnisation des préjudices subis par le salarié. Jurisprudence pertinenteLa jurisprudence a établi que la discrimination syndicale peut se manifester par des entraves à l’accès à des formations ou à des promotions, comme le souligne la décision de la Cour de cassation qui a affirmé que l’employeur doit démontrer l’absence de lien entre ses décisions et l’activité syndicale du salarié. Conclusion sur l’application de la règleDans le cas présent, les éléments fournis par M. [G] [Z] laissent supposer une discrimination en raison de son activité syndicale, ce qui a conduit à une décision de la cour d’appel reconnaissant cette discrimination et ordonnant des réparations financières. |
L’Essentiel : L’article L1132-1 du Code du travail prohibe toute discrimination à l’égard d’un salarié en raison de son activité syndicale, interdisant ainsi l’écartement d’une procédure de recrutement, de nomination ou d’accès à une formation. Cette disposition est renforcée par l’article L2141-5, qui stipule qu’il est interdit à l’employeur de prendre en compte l’appartenance à un syndicat pour ses décisions en matière de recrutement, d’avancement ou de formation.
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Résumé de l’affaire : Un conducteur de trains a été employé par la société SNCF Voyageurs depuis 1997 et a exercé des fonctions syndicales depuis 2004. Il a saisi le conseil de prud’hommes d’Avignon, alléguant une discrimination syndicale qui aurait entravé son avancement professionnel, notamment l’accès à la formation TGV. Le conseil a débouté le demandeur de ses prétentions par un jugement du 29 mars 2023. En appel, le conducteur conteste cette décision, demandant l’infirmation du jugement et la reconnaissance de sa discrimination, ainsi que des réparations financières.
Dans ses conclusions, le conducteur soutient qu’il a été empêché d’accéder à la formation TGV en raison de sa position syndicale. Il évoque des refus d’accès à des oraux de pré-requis, des erreurs de programmation et un traitement inéquitable par rapport à ses collègues. Il demande un repositionnement au poste de conducteur TGV, des indemnités pour la prime de traction, ainsi que des dommages-intérêts pour préjudice moral. De son côté, la société SNCF Voyageurs demande la confirmation du jugement initial, arguant que le conducteur a été traité de manière équitable et que ses échecs aux oraux sont justifiés par des insuffisances professionnelles. Elle conteste les allégations de discrimination, affirmant que le conducteur a eu des opportunités de formation et que ses performances n’ont pas été à la hauteur des exigences. La cour d’appel, après examen des éléments de preuve, conclut que le conducteur a effectivement subi une discrimination syndicale, entravant son accès à la formation TGV. Toutefois, elle reconnaît également que le conducteur n’a pas satisfait aux exigences des épreuves nécessaires pour accéder à cette formation. En conséquence, la cour condamne la société SNCF Voyageurs à verser des indemnités pour le préjudice matériel et moral, tout en déboutant le conducteur de ses autres demandes. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique de la discrimination syndicale invoquée par le salarié ?Le salarié invoque la discrimination syndicale sur le fondement de l’article L1132-1 du code du travail, qui stipule : « Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de nomination ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d’horaires de travail, d’évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d’un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, de sa qualité de lanceur d’alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d’alerte. » Cet article établit clairement que toute mesure discriminatoire à l’égard d’un salarié en raison de son activité syndicale est prohibée. Quel est le rôle de la preuve dans le cadre d’une allégation de discrimination ?L’article L1134-1 du code du travail précise : « Lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. » Ainsi, le salarié doit d’abord établir des éléments de fait laissant supposer une discrimination, après quoi il incombe à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs. Quel est l’impact de l’absence d’entretien professionnel sur la situation du salarié ?L’article L6315-1 du code du travail stipule que : « L’entretien professionnel est un échange entre le salarié et son employeur, qui a pour objet d’examiner les perspectives d’évolution professionnelle du salarié, notamment en termes de qualifications et d’emploi. Cet entretien doit avoir lieu tous les deux ans. » Dans le cas présent, l’absence d’entretien professionnel en 2019 a été soulevée par le salarié, qui a affirmé que cela a eu un impact sur son avancement. Cependant, la SNCF a soutenu que le salarié avait bénéficié d’entretiens en 2020 et 2021, et que l’absence d’entretien en 2019 ne lui avait pas causé de préjudice, car il avait été admis à participer au bilan de compétences cette même année. Quel est le critère d’évaluation des compétences professionnelles selon la jurisprudence ?La jurisprudence rappelle que l’appréciation des compétences professionnelles relève du pouvoir de l’employeur, qui doit justifier ses décisions par des éléments objectifs. En effet, l’article L2141-5 du code du travail interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière d’avancement ou de formation. Ainsi, même si le salarié a produit des éléments laissant supposer une discrimination, l’employeur doit démontrer que ses décisions sont fondées sur des critères objectifs et non discriminatoires. Quel est le montant des dommages-intérêts accordés au salarié pour préjudice moral et matériel ?La cour a condamné la SA SNCF Voyageurs à verser au salarié la somme de 60.000,00 euros pour son préjudice matériel et financier, ainsi que 5.000,00 euros pour son préjudice moral. Ces montants sont justifiés par la reconnaissance de la discrimination subie par le salarié en raison de son activité syndicale, qui a entravé ses démarches pour accéder à la formation TGV. L’article 700 du code de procédure civile a également été appliqué, condamnant la SA SNCF Voyageurs à verser 1.500,00 euros au salarié pour couvrir ses frais de justice. |
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 23/01166 – N° Portalis DBVH-V-B7H-IYVE
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’AVIGNON
29 mars 2023
RG :21/00325
[Z]
C/
S.A. SNCF VOYAGEURS
Grosse délivrée le 31 MARS 2025 à :
– Me FAVIER
– Me VEZIAN
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 31 MARS 2025
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’Avignon en date du 29 Mars 2023, N°21/00325
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
GREFFIER :
Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 5ème chambre sociale, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l’audience publique du 28 Février 2025, où l’affaire a été mise en délibéré au 31 Mars 2025.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANT :
Monsieur [G] [K] [Z]
né le 14 Avril 1974 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Sabrina FAVIER, avocat au barreau de CARPENTRAS
INTIMÉE :
S.A. SNCF VOYAGEURS
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Aurore VEZIAN de la SELARL LEONARD VEZIAN CURAT AVOCATS, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Nicolas FRANCOIS de la SELAS FIDAL DIRECTION PARIS, avocat au barreau de MARSEILLE
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 31 Mars 2025, par mise à disposition au greffe de la cour.
M. [G] [Z] a été engagé par la société Sncf Voyageurs à compter du 20 janvier 1997, en qualité de conducteur de trains. Il exerçait également une activité syndicale en qualité de délégué du personnel, depuis 2004.
Estimant avoir été victime de discrimination syndicale ayant empêché son avancement de carrière, M. [G] [Z] a saisi le conseil de prud’hommes d’Avignon en paiement d’indemnités lequel, par jugement contradictoire du 29 mars 2023, a débouté le demandeur de l’intégralité de ses prétentions.
Par acte du 04 avril 2023, M. [G] [Z] a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 29 mars 2023.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 28 janvier 2025, M. [G] [Z] demande à la cour de :
– Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Avignon le 29 mars 2023 en ce qu’il a :
– dit les demandes de M. [Z] sont non fondées,
– débouté M. [Z] de l’ensemble de ses demandes,
– mis les dépens de l’instance ainsi que les éventuels frais d’exécution à la charge de M. [Z],
Et statuant à nouveau :
– dire et juger que M. [Z] a été victime de discrimination syndicale en étant empêché d’accéder à la formation TGV,
Par conséquent,
A titre principal :
– ordonner le repositionnement de M. [Z] au poste de conducteur TGV, après l’avoir intégré en école TGV et lui avoir permis de passer ladite formation TGV, et cela sous astreinte de 250 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir,
– condamner la Sncf Voyageurs venant aux droits de Sncf Mobilité à payer à M. [G] [Z] la somme de 31 636.12 euros au titre du redressement de la prime de traction depuis le mois de novembre 2019 et arrêtée au 13 janvier 2025 complétée de 510.26 euros par mois jusqu’à la décision à intervenir,
– condamner la Sncf Voyageurs venant aux droits de Sncf Mobilité à payer à M. [G] [Z] la somme de 510.26 euros par mois correspondant à la prime de traction à compter de la décision à intervenir et jusqu’à son repositionnement au poste de conducteur TGV,
A titre subsidiaire : Si la cour décidait de ne pas repositionner M. [Z] au poste de conducteur TGV :
– condamner la Sncf Voyageurs venant aux droits de Sncf Mobilité à payer à M. [G] [Z] la somme de 31 636.12 euros au titre du redressement de la prime de traction depuis le mois de novembre 2019 et arrêtée au 13 janvier 2025 complétée de 510.26 euros par mois jusqu’à la décision à intervenir,
– condamner la Sncf Voyageurs venant aux droits de Sncf Mobilité à payer à M. [G] [Z] la somme de 38 269.50 euros correspondant à la prime de traction à compter de la décision à intervenir jusqu’à son départ à la retraite,
– condamner la Sncf Voyageurs venant aux droits de Sncf Mobilité à payer à M. [G] [Z] la somme de 97 094.60 euros au titre du préjudice de retraite,
En tout état de cause, que la cour de céans décide ou non de repositionner M. [Z] au poste de conducteur TGV :
– condamner la Sncf Voyageurs venant aux droits de Sncf Mobilité à payer à M. [G] [Z] la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,
– condamner la Sncf Voyageurs venant aux droits de Sncf Mobilité à délivrer à M. [G] [Z] un bulletin de paie rectificatif reprenant le paiement du redressement de la prime de traction qu’elle sera condamnée à lui verser, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
– condamner la Sncf Voyageurs venant aux droits de Sncf Mobilité à payer à M. [G] [Z] la somme de 3500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Il soutient que :
– il n’a pas pu accéder à la formation TGV en raison de la discrimination dont il fait l’objet de la part de sa hiérarchie eu égard à son activité syndicale, en effet, il dispose des qualités professionnelles lui permettant de suivre la formation TGV, l’inverse n’étant pas démontré par la SNCF, qui n’apporte aux débats aucun élément objectif de nature à justifier sa décision d’évincer son agent,
– il considère que l’oral des pré-requis, préalable au processus d’examen pour accéder à la formation de conducteur des TGV, ne se déroule pas dans des conditions d’impartialité, qu’il s’est vu refuser l’accès à la formation contrairement à ses collègues présentant des profils (roulement et ancienneté) équivalents et présentant même des lacunes dans leurs compétences professionnelles par rapport aux siennes,
– ainsi à l’issue de trois passages à l’oral des pré-requis, en 2021, en 2022 et en 2024, il se verra refusé, en 2019 il n’a pu bénéficier d’un bilan de compétence dans les temps, il a été informé par SMS le 1er juillet pour un oral fixé au 4 juillet pour lequel il n’était finalement pas convoqué, il prenait son service pour conduire un train à 10h06 pour apprendre ensuite que son service avait été modifié pour prendre un train à 7h30 et qu’il était attendu à 9h00 pour son oral, n’ayant pu se rendre à cet oral, aucune session de rattrapage ne lui était proposée,
– il n’est pas justifié du prétendu refus qu’on lui oppose à passer l’oral en 2019, la SNCF a prétendu une erreur qu’elle n’a pourtant pas souhaité corriger,
-en 2019 il n’a pas bénéficié d’entretien professionnel de la part de son responsable des ressources humaines,
– en 2021, on ne lui remettait pas le carnet d’accompagnement en mains propres mais par voie postale contrairement à ses collègues proposés à la formation, à nouveau on lui annonçait une date pour les oraux qui ne figurait pas sur le logiciel Pacific, en outre son service commandé ce jour-là (18 novembre 2021) ne lui permettait pas de se présenter à l’oral, finalement il passera cet oral pour être écarté sans aucune raison valable,
– la SNCF ne justifie pas de manière objective de son échec à l’oral des pré-requis de 2022, de même en 2024 alors qu’ayant une formation en électrotechnique, la SNCF prétend qu’il ne disposerait pas des connaissances théoriques suffisantes pour suivre une formation de quelques mois pour accéder à la formation TGV, alors que plusieurs agents positionnés après lui sur le listing et ne présentant pas un cursus scolaire tel que le sien, disposeraient quant à eux desdites connaissances alors qu’ils ont connu, de surcroît, des événements de conduite majeurs,
– l’étude du listing d’accès à la formation TGV produit en pièce n°3 laisse apparaître qu’il a été doublé par de nombreux agents pour l’accès à la formation TGV alors qu’ils avaient rencontré des événements majeurs de conduite et ceux situés bien après lui sur le listing, ont réussi leur oral des pré-requis et vont accéder à la formation TGV,
– sa compétence professionnelle ne fait aucun doute ainsi que l’a explicitement reconnu la SNCF dans la mesure où d’une part elle lui a confié une mission de formation des élèves conducteurs de TER et d’autre part où le chef d’UP Traction Ouest Provence lui a confié que rien ne justifiait
qu’il n’accède pas à la formation TGV,
– le bilan de l’oral de 2024 n’est pas révélateur des insuffisances reprochées,
– la SNCF ne peut valablement se retrancher derrière une évolution de carrière qui est automatique et à l’ancienneté,
– les agissements de la SNCF justifient la réparation de son préjudice telle que sollicitée.
En l’état de ses dernières écritures en date du 28 janvier 2025 la société Sncf Voyageurs demande à la cour de :
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Avignon en date du 29 mars 2023 sur les chefs de jugement critiqués, en ce qu’il a intégralement débouté M. [Z] de ses pretentions ;
Statuant a nouveau
– juger les demandes de M. [Z] non fondées ;
– débouter M. [Z] l’ensemble de ses demandes ;
– condamner M. [Z] à payer a la SNCF la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [Z] aux entiers dépens.
Elle fait valoir que :
– si une erreur dans la programmation initiale pour la journée du 04 juillet 2019 est intervenue, elle a proposé à M. [G] [Z] de reprogrammer le bilan de compétences, ce que ce dernier a refusé compte tenu de l’échec de son collègue, M. [S],
– M. [Z] se compare à des agents avec lesquels il avait une similitude de carrière ne démontrant aucune distorsion de traitement,
– le 18 novembre 2021 M. [Z] a été libéré de la production pour pouvoir se rendre à l’épreuve des pré-requis,
– les entretiens professionnels doivent être mis en place tous les deux ans et M. [Z] a bien bénéficié de ses entretiens professionnels pour les années 2020 et 2021, même si l’entretien professionnel de 2019 n’a pas pu être formalisé, au cours de cette année l’entreprise a recueilli les desiderata de l’agent en termes d’évolution de carrière, et lui a permis de se préparer au bilan de compétence, avant de l’inviter à s’y présenter en juillet 2019, M. [Z] n’a donc subi aucun préjudice,
– le dirigeant de proximité (DPX) de M. [Z] lui a proposé, à plusieurs reprises, de l’aider dans le cadre de la préparation en 2019, ce que l’agent a refusé à chaque fois,
– M. [Z] a été traité de la même manière que ses collègues auxquels il se compare,
– M. [Z] a connu un déroulement de carrière tout à fait normal, il est positionné sur la qualification TB niveau de rémunération 03 avec la position de rémunération 19 soit le maximum pour sa catégorie,
– M. [G] [Z] a été parfaitement accompagné avant le passage de son examen en 2022,
– le compte-rendu des pré-requis d’avril 2024 démontre que M. [G] [Z] n’a pas répondu correctement à l’ensemble des questions posées, en effet M. [G] [Z] a échoué à l’oral par manque de connaissance de la réglementation portant sur des sujets éminemment sécuritaires, principalement sur le sondage frein, qui n’ont donc pas permis de retenir définitivement la candidature de M. [G] [Z] aux fins d’accéder à l’école de formation de conduite des TGV, étant rappelé que l’appréciation de l’aptitude professionnelle des salariés relève bien du pouvoir de l’employeur,
– en dehors des échelons d’ancienneté, le déroulement de carrière à la SNCF est un avancement au choix, en fonction de la qualité des services de l’agent et de ses aptitudes professionnelles, M. [G] [Z] n’ a subi aucun impact sur le déroulé de sa carrière,
– les propos de M. [F] dont l’attestation est produite par M. [G] [Z] sont contestés par M. [P] [H],
– concernant la demande de concertation immédiate en novembre 2021, celle-ci n’a pas été suivie d’un préavis de grève en sorte qu’aucune mesure discriminatoire ne se justifiait,
– M. [G] [Z] ne peut critiquer utilement l’impartialité du jury d’autant que M. [H] n’y figurait plus en 2024,
– en cas de rattachement à la BU de l’Axe TGV Sud-Est, M. [G] [Z] aurait perdu ses mandats d’élu au sein du CSE du TER PACA et de délégué syndical au sein de cette même instance en sorte que son activité syndicale ne pouvait être redoutée,
– en tout état de cause il ne peut être fait droit à la demande de repositionnement de M. [G] [Z] car seul l’employeur est apte à juger des capacités de ses salariés en vue d’accéder à un poste de qualification différente ou à une promotion professionnelle.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 18 octobre 2024, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 28 janvier 2025. L’affaire a été fixée à l’audience du 28 février 2025
L’article L1132-1 du code du travail dispose : « Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de nomination ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d’horaires de travail, d’évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d’un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, de sa qualité de lanceur d’alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur
d’alerte, au sens, respectivement, du I de l’article 6 et des 1° et 2° de l’article 6-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. »
Aux termes de l’article L2141-5 du code du travail : « Il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail. »
L’article L1134-1 du code du travail prévoit : « Lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. »
En l’espèce, M. [G] [Z], dont il n’est pas discuté qu’il poursuit une activité syndicale depuis 2004, produit au soutien de ses allégations les éléments suivants :
– l’attestation de M. [M] [F] qui déclare que le chef d’UP TGV PACA, M. [H], lui a affirmé qu’il ne « prendrait jamais Monsieur [Z] dans son service au TGV car il ne souhaitait pas que celui-ci lui dépose des DCI (demande de concertation immédiate) dans le cadre de son mandat syndical. »
– le listing d’accès TGV mentionnant les noms des personnes susceptibles de suivre une formation TGV par ordre d’ancienneté,
– des courriels en date du 15.11.2019 et du 11.03.2020 par lesquels il demande un changement de DPX (dirigeant de proximité)
– l’attestation de M. [I] : ‘je soussigné certifie avoir été informé et commandé pour le passage des pré-requis TGV le 2 juillet 2019 10 jours avant la date du 2 juillet 2019. Et que M. [Z] ayant fait les mêmes démarches que les miennes n’a jamais été informé et commandé’ – une copie d’écran de la commande du 4 juillet 2019
– une copie d’écran de la modification de la commande du 4 juillet 2019
– une capture d’écran de la commande du 18 novembre 2021
– une attestation de formation qualité de formateur moniteur conducteur de ligne TA TB
– un courriel de M. [G] [B] (directeur UP TER Ouest Provence) du 10 janvier 2025 confirmant qu’à la lecture de son dossier sécurité, de son suivi et de ses qualités de service il avait validé sa candidature pour suivre et réussir une formation grande vitesse
– le relevé de conclusion concerté suite à une DCI du 08 novembre 2021,
– le procès-verbal de classement à l’oral.
Ces éléments laissent supposer l’existence d’une discrimination, il incombe à la SA SNCF Voyageurs de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
La SA SNCF Voyageurs fournit les explications suivantes :
– Sur l’attestation de témoignage de M. [M] [F] qui déclare que le chef d’UP TGV PACA, M. [H], lui a affirmé qu’il ne « prendrait jamais Monsieur [Z] dans son service au TGV car il ne souhaitait pas que celui-ci lui dépose des DCI (demande de concertation immédiate) dans le cadre de son mandat syndical. », la société intimée produit le témoignage de M. [H] qui déclare : ‘je soussigné [P] [H] déclare ne pas avoir indiqué à M. [F] que je n’accepterai pas M. [G] [Z] en formation TGV sur l’Unité de production TGV Provence Côte d’Azur pour éviter que ce dernier puisse déposer des demandes de concertation immédiate.
En effet, le processus d’accès au service Grande Vitesse est défini dans le cadre des référentiels d’entreprise (TT00877 ET TGV SE EF 04010 et NDC 2021 0 03). Le suivi des étapes de ce processus a permis à M. [G] [Z] sur la proposition de sa hiérarchie de se présenter à un bilan de compétence professionnelle réalisé par son manager avec en appui le référent formation TGV de l’Unité de production TGV Provence Côte d’Azur’.
Ce témoignage de la part de l’auteur de propos compromettants plaçant l’employeur en délicatesse n’emporte pas la conviction.
– Sur l’oral prévu le 4 juillet 2019 : M. [G] [Z] rappelle qu’il a été informé par SMS le 1er juillet pour un oral fixé au 4 juillet pour lequel il n’était finalement pas convoqué, qu’il était prévu pour prendre son service pour conduire un train à 10h06 pour apprendre ensuite que son service avait été modifié pour prendre un train à 7h30 et qu’il était attendu à 9h00 pour son oral, que n’ayant pu se rendre à cet oral, aucune session de rattrapage ne lui était proposée.
La SNCF prétexte une erreur et produit aux débats l’attestation de M. [J] qui relate :
‘En tant que responsable hiérarchique de M. [Z] au moment des faits, j’atteste lui avoir transmis les informations suivantes dans le cadre de son parcours professionnel et de l’accès à la grande vitesse :
– mon SMS du 28/05/2019 à 13h49 lui demandant d’exprimer son souhait d’accéder au TGV. Je précise qu’à 13h54 ce même jour je reçois un SMS de M. [Z] confirmant son intérêt pour l’accès TGV.
– mon SMS du 28/05/2019 à 18h07 lui confirmant que la préparation aux prérequis de juillet se fera également avec son collègue M. [S]. Dans ce SMS je lui signifie ma disponibilité pour l’accompagner dans ses révisions et pour répondre à toute question. Je n’ai pas eu de réponse de M. [Z].
Mon SMS du 07/06/2019 à 10h18 pour lui confirmer que les oraux pour l’accès TGV auront lieu la semaine du 1er juillet, je l’informe que la date exacte lui sera confirmée ultérieurement. Je lui demande s’il a besoin de document pour réviser et lui rappelle être à sa disposition pour cette préparation; je n’ai pas eu de réponse de M. [Z];
Mon SMS du 01/07/2019 à 12h51 lui confirmant que l’oral se déroulera le 04./07/2019 à l »UP Voyages à [Localité 7]. A 14h51 ce même jour M. [Z] accuse réception de ce SMS par ces mots : ‘Ok pour jeudi’.
Le 15/06/2019 avoir échangé avec M. [Z] , M. [S] et M. [I] présents ensemble en salle de formation à [Localité 5] sur les dates des épreuves orales. M. [S] m’avait dit : ‘ on suit tous à un jour différent, pourquoi on ne passe pas tous le même jour’.
J’atteste que le 04/07/2019 constatant l’absence de M. [Z] j’ai tenté de le joindre à plusieurs reprises sur son téléphone portable. A 10h08 j’atteste avoir eu M. [Z] au téléphone et lui avoir indiqué qu’il était attendu à [Localité 7] pour passer les épreuves. Je lui propose de fixer une nouvelle date pour passer les épreuves. M. [Z] a refusé au motif que son ami M. [S] avait échoué et qu’il ne souhaitait pas entrer en formation et intégrer l’école TGV avant lui’.
Pour autant il n’est pas démontré autrement que par les seuls propos de M. [J] que cette difficulté proviendrait d’une erreur alors que M. [G] [Z] constate qu’aucun horaire de passage à l’oral ne lui a été communiqué, ce que ne dément pas l’attestation sus-visée, qu’il était commandé ( programmé) sur le logiciel PACIFIC WEB afin d’effectuer un train à 10h06 au départ d'[Localité 5] centre le lendemain, que sa journée avait été modifiée sur le logiciel postérieurement à sa commande de la veille, en dehors des heures réglementaires pour ce faire, avec une prétendue prise de service à 7h30 à [Localité 5] suivie d’un trajet à [Localité 7] afin de passer le bilan de compétences.
La SA SNCF Voyageurs, qui ne conteste pas l’existence d’une erreur, soutient que d’autres dates pour passer cet oral auraient été proposées à M. [G] [Z] sans toutefois le démontrer autrement que par la seule attestation de M. [J] et que dément l’intéressé.
M. [G] [Z] prend l’exemple de deux agents admis à une session de rattrapage dont M. [W] pour lequel la société intimée explique que le 18 novembre 2021, M. [W] s’est bien présenté à l’oral mais que seul le cadre traction -CTT- de l’activité Voyages était présent alors que le jury doit être impérativement composé de deux examinateurs (un de la structure prenante, à savoir l’activité Voyages et un autre de l’activité cédante, à savoir TER), qu’un des deux examinateurs TER prévus pour cette épreuve ayant eu un imprévu (raison de production) dans son planning et n’ayant pu être présent, cette circonstance a obligé le report de l’examen de M. [W] au 24 novembre 2021, ce qui explique cette reprogrammation.
Or, M. [G] [Z] se trouvait dans la même situation que M. [W] dans la mesure où il n’était pas à l’origine de la difficulté qui est survenue en sorte qu’il aurait dû lui aussi bénéficier d’une reprogrammation ce qui n’est pas établi.
– Concernant l’absence d’entretien professionnel de la part de son responsable des ressources humaines en 2019, la SNCF rappelle que la loi n°2014-288 du 05 mars 2014 prévoit que les entretiens professionnels doivent être mis en place tous les deux ans ce qui était rappelé à M. [Z] dans un courrier du 1er décembre 2020. Il n’est pas discuté que M. [G] [Z] a bien bénéficié de ses entretiens professionnels pour les années 2020 et 2021 et l’absence d’entretien en 2019 ne peut lui avoir nui dans la mesure où précisément il a été admis à participer au bilan de compétence lui permettant l’accès à la formation TGV cette année là.
M. [G] [Z] rétorque que la société employeur a pourtant réalisé un entretien professionnel tous les ans depuis son intégration hormis sur la seule année 2019 ce qui n’est pas contesté.
– Sur l’oral de 2021 :
– sur la circonstance que le carnet d’accompagnement ait été remis, non en mains propres mais par voie postale contrairement à ses collègues proposés à la formation en 2021 et sur l’absence d’accompagnement, la SNCF produit l’attestation de M. [X] qui déclare : ‘ Le 1er juin j’atteste que je voulais remettre le livret à M. [G] [Z] mais ce dernier était en réunion à [Localité 5] et ne s’est pas présenté à la résidence traction.
Le 7 juin, l’agent était en congés, j’atteste de l’envoi du questionnaire prérequis Accès TGV à M. [G] [Z] par courriel et la mise d’une copie du livret dans son casier à la résidence d'[Localité 5].
Le 03 août 2021, j’atteste avoir rencontré M. [G] [Z] dans le cadre de son accompagnement , l’agent déclare vouloir se préparer de manière autonome. Je me mets à sa disposition s’il y a des questions ou des souhaits de préparation en salle.
Le 04 août 2021, j’atteste que M. [G] [Z] a bénéficié de réunions réglementaires effectuées en salle à la résidence de [Localité 8]. Je lui propose une rencontre le 24/08 mais l’agent n’a pas donné suite.
Le 17 septembre 2021, j’atteste d’un échange sur les prérequis TGV avec M. [G] [Z], ce dernier souhaite continuer sa préparation d’une manière assidue autonome.
Le 26 octobre 2021 j’atteste de la rencontre de l’agent à l’UP traction d'[Localité 5] et qu’une communication des dates et heure de l’oral TGV est faite à cette occasion.
Le 27,octobre 2021, j’atteste avoir envoyé un message par courriel aux candidats dont M. [G] [Z] sur les dates de préparation aux prérequis TGV avec le cadre traction de service TGV.
Le 28 octobre 2021, j’atteste avoir pris contact avec M. [G] [Z] suite à son courriel sur sa discrimination syndicale dans le cadre de la préparation des prérequis TGV pour une rencontre le 8 novembre 2021.
Le 8 novembre 2021, j’atteste que M. [Z] ne s’est pas présenté à l’entretien déclarant avoir oublié ce RDV’
La SA SNCF Voyageurs relève que sa pièce n°16 ( commande de M. [Z] du 18-11 transmise par son dirigeant) confirme que M. [G] [Z] n’était pas programmé pour effectuer une tournée, mais bien pour se rendre aux épreuves des prérequis, la société appelante explique que la mention « EXPB » figure bien sur la journée de travail du 18 novembre, ainsi que « Utilisation EXPB : Examen prérequis TB » mentionné sous le tableau à gauche en sorte que M. [G] [Z] a donc bien été libéré de la production pour pouvoir se rendre à l’épreuve des pré-requis.
Néanmoins il demeure incontournable que lors de l’envoi du courriel du 27 octobre 2021, la plage du planning de M. [G] [Z] était vierge de toute indication. Par la suite, la capture d’écran de la journée du 18 novembre 2021 (pièce n°19 du salarié ‘capture d’écran de la commande du 18 novembre 2021″) indiquait une prévision de prise de service (mais non une commande) à [Localité 5] à 6h30 et une fin de service à 13h13 à [Localité 5]. C’est de sa propre initiative que M. [G] [Z] pourra passer son oral.
Il résulte de ce qui précède que, sur les trois entretiens oraux que peuvent passer les agents, M. [G] [Z] a été victime de deux erreurs dont la SNCF ne justifie pas de l’origine étant observé que l’entretien de 2019 n’a donc pas été comptabilisé.
– Sur le résultat des pré-requis du 5 décembre 2022, M. [G] [Z] conteste la pertinence du compte rendu de l’épreuve ( pièce n°20) et déplore que le compte rendu de M. [S], qui a été admis à la formation TGV, ne soit pas produit. Toutefois, il est justement rappelé par la société intimée que l’appréciation des compétences professionnelles relève, hors mauvaise foi manifeste, des prérogatives de l’employeur. L’attestation de M. [B] confirme que M. [G] [Z] présentait les qualités pour être proposé à la formation TGV mais que la décision finale appartenait à l’unité d’accueil, ici l’UP Voyages.
– S’agissant de l’oral de 2024, M. [G] [Z] constate que des agents ayant un moindre niveau de formation que le sien ont réussi là où il a échoué. Il relève une incohérence de la SNCF à ne pas mettre en place une reprise de formation et à le renvoyer à la conduite des TER.
La SNCF rétorque que la reprise de formation est mise en place par l’entreprise dans les cas où une erreur de conduite est constatée par la hiérarchie d’un agent de conduite, à savoir un cadre traction, et lorsque cette reprise de formation s’avère nécessaire, ce qui n’est donc pas le cas dans l’hypothèse de connaissances insuffisantes lors d’un oral des pré-requis, cette explication n’étant pas démentie par M. [G] [Z].
La circonstance que M. [G] [Z] se soit vu confier une mission de formation des élèves conducteurs TER n’apparaît pas contradictoire avec son échec aux oraux pour conduire des TGV s’agissant de deux fonctions différentes.
Le compte rendu du prérequis 2024 indique ‘Malgré une aisance à l’oral, certains points de réglementation sont perfectibles avec une note éliminatoire sur le sondage frein.’ il est notamment relevé que :
‘Le Sondage frein sur une rame de parc ordinaire n’est pas maitrisé : L’ADC oublie de retirer le FEP et part immédiatement sur une fuite CG sans observer la CP. Il déclare ensuite que l’action sur ZNFPB sépare la CG du RE. Sans sollicitation de son DPx, l’ADC ne pense pas à observer son train avec les risques associés.’
Et que
‘L’ADC n’a pas connaissance du nouveau formulaire de communication OLV de la TT00065. Problème d’organisation de l’UP selon l’ADC.’
M. [H] ne participait pas au jury de cet oral.
Rien ne permet de remettre en cause l’appréciation portée par le jury et la circonstance que M. [B] ne partage pas cet avis ne peut suffire à considérer que l’échec de M. [G] [Z] résulterait d’une discrimination bien que dans son courriel M. [B] rapporte que :
‘(…) Le sondage frein a été laborieux. Il n’a pas évoqué l’observation de la CP après avoir commandé le neutre. Le FEP également n’a pas été évoqué dans un premier temps.
Concernant les présomptions de déraillement, cela a été correct. Il a cependant oublié l’observation du train (dû au stress je pense car il en a parlé par la suite sans s’en rendre compte).
C’est d’autant plus dommage que la résolution par la suite a été vraiment très bien restituée.
Le futur adjoint sécu a noté le sondage en rouge sur son cahier de notes. Il était à côté de moi et mes yeux se sont posées par inadvertance dessus.
(…)
Un débrief a été effectuée à l’issu de l’oral en l’absence d'[G].
[Y] a relevé les difficultés sur le sondage frein et les mesures de protections prises par l’agent sur la cascade de feux.
Le reste étant satisfaisant.
[Y] a également fait preuve de transparence en montrant son cahier de notes et en disant à [G] qu’il pouvait le consulter s’il le souhaitait.
J’ai insisté à la fin, sur les dates des résultats car au départ ils voulaient donner les résultats à l’issue de tous les passages sauf que le dernier passage est prévu début juin 2024′
[Y] [A] n’avait pas en tête cette date lointaine et s’est engagé à donner les résultats dans une dizaine de jours’.
– Concernant les agents admis à l’accès à la formation TGV alors qu’ils avaient rencontré des événements majeurs de conduite, la SNCF explique que la proposition des dossiers à la formation TGV se fait par l’expert sécurité et soumis à la validation des recruteurs TGV, que les agents se voient proposer un contrat d’engagement mutuel lorsqu’il est constaté des écarts, que ce dispositif permet l’évaluation des conducteurs et d’apporter des mesures correctives pour éviter la récidive, qu’ainsi :
– pour M. [V], l’agent avait signé le contrat d’engagement mutuel afin d’apporter les mesures correctives (contrat terminé fin 2021) ; cet accompagnement a permis un important saut de performance et la proposition du candidat aux prérequis de novembre 2021,
– pour M. [W] : le franchissement d’un arrêt s’est produit sur le chantier de Pautrier (en début d’exploitation), un complément de formation a permis une meilleure acquisition des gestes métier sur ce nouveau site.
– pour M. [S] : écarté en novembre 2021 suite à 5 événements conduite sur 12 mois glissants nécessitant un contrat d’engagement mutuel a pu par la suite être présenté au prérequis.
Pour autant la SA SNCF Voyageurs n’explique pas comment des agents à l’origine d’événements majeurs de conduite seraient admis à l’accès à la formation de conduite de TGV alors que l’appelant, exempt de tout antécédent de ce type, ne disposerait pas des compétences et connaissances suffisantes pour accéder cette formation.
Il résulte de tout ce qui précède que M. [G] [Z] a fait l’objet d’une discrimination en raison de ses activités syndicales en ce que ses démarches pour participer aux oraux de prérequis ont été entravées et en ce que l’un des examinateurs a déclaré faire obstacle à sa formation TGV.
Par contre, faute pour l’appelant d’avoir satisfait aux épreuves lui permettant d’accéder à la formation de conducteur de TGV, la juridiction ne pouvant se substituer aux organes habilités pour apprécier les compétences et les aptitudes de l’agent, il ne peut être fait droit aux demandes présentées à titre principal par M. [G] [Z].
La SA SNCF Voyageurs sera condamnée à verser à l’appelant la somme de 60.000,00 euros au titre de son préjudice matériel et financier constitué par la perte d’une chance de bénéficier du positionnement sur un poste de conducteur TGV pour lequel il réclame le paiement des sommes de 31 636.12 euros et 38 269.50 euros représentant le manque à gagner au titre de la prime de traction qu’il aurait pu percevoir depuis le mois de novembre 2019 jusqu’à son départ à la retraite et l’incidence sur sa pension de retraite qu’il évalue à la somme de 97.094,60 euros.
La discrimination subie par M. [Z] en raison de son activité syndicale est à l’origine d’un préjudice moral qui sera réparé par l’allocation de dommages et intérêts qu’il convient de fixer à la somme de 5.000,00 euros.
L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner la SA SNCF Voyageurs à payer à M. [G] [Z] la somme de 1.500,00 euros à ce titre.
LA COUR,
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort
Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau,
Juge que M. [G] [Z] a été victime de discrimination syndicale,
Condamne la SA SNCF Voyageurs à payer à M. [G] [Z] la somme de 60.000,00 euros à titre de dommages et intérêts au titre de son préjudice matériel et financier et celle de 5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts en raison de son préjudice moral,
Déboute M. [G] [Z] pour le surplus de ses demandes,
Condamne la SA SNCF Voyageurs à payer à M. [G] [Z] la somme de 1.500,00 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SA SNCF Voyageurs aux dépens de première instance et d’appel.
Arrêt signé par le président et par le greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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