Règle de droit applicableLa loi n° 2014-529 du 26 mai 2014 institue un dispositif de réduction d’activité pour les moniteurs de ski ayant atteint l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite, afin de favoriser l’insertion professionnelle des jeunes moniteurs diplômés. Selon l’article 1er de cette loi, ce dispositif doit bénéficier exclusivement aux moniteurs âgés de moins de trente ans exerçant en continuité sur la saison. L’article 2 précise que la réduction d’activité ne peut excéder 30 % de l’activité normale pendant une période initiale de trois ans, et que les moniteurs concernés doivent pouvoir valider au moins deux trimestres d’assurance vieillesse par an. L’extension du bénéfice de ce dispositif aux moniteurs en formation, non diplômés, constitue une violation des dispositions légales, entraînant une discrimination illégale fondée sur l’âge, contraire au principe de non-discrimination en vertu du droit de l’Union Européenne. Textes législatifs pertinents– Article 1er de la loi n° 2014-529 du 26 mai 2014 : « Les écoles de ski réunissant des moniteurs de ski exerçant à titre indépendant peuvent instituer un dispositif de réduction d’activité des moniteurs ayant atteint l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite en application de l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, afin de favoriser l’insertion professionnelle des jeunes moniteurs de ski diplômés. » – Article 2 de la loi n° 2014-529 du 26 mai 2014 : « Le dispositif mentionné à l’article 1er doit respecter les règles suivantes : […] 4° La redistribution d’activité garantit aux moniteurs âgés de moins de trente ans un nombre d’heures d’activité qui leur permette de valider au moins deux trimestres d’assurance vieillesse par an dans leur régime de retraite de base. » – Principe de non-discrimination en fonction de l’âge, inscrit dans le droit de l’Union Européenne, qui impose une interprétation stricte des mesures discriminatoires. |
L’Essentiel : La loi n° 2014-529 du 26 mai 2014 institue un dispositif de réduction d’activité pour les moniteurs de ski âgés d’au moins 60 ans, afin de favoriser l’insertion professionnelle des jeunes moniteurs diplômés. Ce dispositif bénéficie exclusivement aux moniteurs de moins de trente ans exerçant en continuité sur la saison. La réduction d’activité ne peut excéder 30 % de l’activité normale pendant trois ans, et les moniteurs concernés doivent valider au moins deux trimestres d’assurance vieillesse par an.
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Résumé de l’affaire : Un moniteur de ski a assigné un syndicat local des moniteurs de ski devant le tribunal judiciaire d’Albertville, réclamant des dommages et intérêts en raison d’une réduction d’activité imposée par le syndicat. Cette réduction était fondée sur la loi du 26 mai 2014, qui permet aux écoles de ski de réduire l’activité des moniteurs ayant atteint l’âge de la retraite pour favoriser l’insertion des jeunes moniteurs diplômés. Le tribunal a rejeté une question prioritaire de constitutionnalité et, dans un jugement du 22 juillet 2022, a condamné le syndicat à verser au moniteur une somme pour préjudice financier et moral, tout en déboutant d’autres demandes.
Le syndicat a interjeté appel, soutenant que son dispositif était conforme à la loi et que les moniteurs en formation, inclus dans le dispositif, avaient également droit à cette réduction. Il a demandé la révision du montant des préjudices et la condamnation du moniteur à des dépens. En réponse, le moniteur a demandé la confirmation du jugement initial, tout en réclamant des montants plus élevés pour ses préjudices. La cour a examiné la légalité du dispositif mis en place par le syndicat, concluant qu’il était illégal d’inclure des moniteurs en formation, ce qui constituait une discrimination fondée sur l’âge. Elle a également évalué le préjudice financier du moniteur, tenant compte des revenus perdus en raison de cette discrimination. Finalement, la cour a condamné le syndicat à verser une somme réduite pour le préjudice financier et a reconnu un préjudice moral, tout en rejetant les demandes du syndicat concernant les frais d’appel. Le jugement a été rendu public, confirmant la responsabilité du syndicat dans cette affaire. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique de la demande de réparation formulée par le moniteur de ski ?La demande de réparation formulée par le moniteur de ski repose sur l’article 1er de la loi n° 2014-529 du 26 mai 2014, qui permet aux écoles de ski d’instituer un dispositif de réduction d’activité pour les moniteurs ayant atteint l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite. Cet article stipule que : ‘Les écoles de ski réunissant des moniteurs de ski exerçant à titre indépendant peuvent instituer un dispositif de réduction d’activité des moniteurs ayant atteint l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite en application de l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, afin de favoriser l’insertion professionnelle des jeunes moniteurs de ski diplômés.’ Il est précisé que la redistribution d’activité doit bénéficier exclusivement aux moniteurs âgés de moins de trente ans exerçant en continuité sur la saison. Le moniteur de ski soutient que le syndicat a élargi ce dispositif aux moniteurs en formation, ce qui constitue une discrimination illégale. Quel est le rôle de l’article 1147 ancien du Code civil dans cette affaire ?L’article 1147 ancien du Code civil est invoqué par le moniteur de ski pour engager la responsabilité du syndicat. Cet article stipule que : ‘Le débiteur est tenu de réparer le préjudice causé par son inexécution, lorsqu’il n’établit pas que cette inexécution provient d’une cause qui ne lui est pas imputable.’ Dans ce contexte, le moniteur de ski argue que le syndicat a manqué à ses obligations en ne respectant pas les dispositions de la loi n° 2014-529, ce qui lui a causé un préjudice financier et moral. La responsabilité du syndicat pourrait donc être engagée sur ce fondement, en raison de la mise en place d’un dispositif non conforme à la loi. Quel est le montant du préjudice financier reconnu par la cour ?La cour a reconnu un préjudice financier total de 5.315,83 euros pour le moniteur de ski. Ce montant a été calculé en tenant compte des pertes de revenus subies en raison de l’extension illégale du dispositif de solidarité inter-générationnelle aux moniteurs stagiaires. La cour a déterminé que, pour l’année 2019, la perte de revenus illégitime s’élevait à 1.201,46 euros, et pour 2020, à 4.114,37 euros, aboutissant à un cumul de 5.315,83 euros. Quel est le montant du préjudice moral accordé au moniteur de ski ?La cour a accordé au moniteur de ski un préjudice moral d’un montant de 800 euros. Ce montant a été déterminé en raison de la discrimination illégale subie par le moniteur, bien que celui-ci n’ait pas apporté de preuves suffisantes pour justifier un préjudice moral plus élevé. La cour a considéré que la seule convocation devant le comité de gestion ne suffisait pas à établir un harcèlement ou des cours moins rémunérateurs. Quel est le fondement des dépens et des frais d’avocat dans cette affaire ?Les dépens et les frais d’avocat sont fondés sur l’article 700 du Code de procédure civile, qui prévoit que : ‘La partie perdante est condamnée aux dépens et peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.’ Dans cette affaire, le syndicat local des moniteurs de ski a été condamné à payer 2.000 euros au titre de l’article 700 pour les frais exposés par le moniteur de ski en cause d’appel. La demande formée par le syndicat pour obtenir des frais a été rejetée. |
N° Minute
1C25/189
COUR D’APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile – Première section
Arrêt du Mardi 01 Avril 2025
N° RG 22/01417 – N° Portalis DBVY-V-B7G-HBXZ
Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d’ALBERTVILLE en date du 22 Juillet 2022
Appelant
SYNDICAT LOCAL DES MONITEURS DE L’ECOLE DU SKI FRANCAIS DE [Localité 1], dont le siège social est situé [Adresse 2]
Représenté par la SELARL BOLLONJEON, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représenté par Me Eric HIRSOUX, avocat plaidant au barreau de HAUTS-DE-SEINE
Intimé
M. [D] [V], demeurant [Adresse 2]
Représenté par la SCP MILLIAND THILL PEREIRA, avocats postulants au barreau d’ALBERTVILLE
Représenté par la SCP MARC BACLET AVOCATS, avocats plaidants au barreau de BEAUVAIS
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Date de l’ordonnance de clôture : 04 Novembre 2024
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 21 janvier 2025
Date de mise à disposition : 01 avril 2025
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Composition de la cour :
– Mme Nathalie HACQUARD, Présidente,
– Mme Myriam REAIDY, Conseillère,
– M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller,
avec l’assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,
Faits et procédure
M. [D] [V] exerce la profession de moniteur de ski au sein du syndicat local des moniteurs de l’école du ski francais de [Localité 1] depuis 1976.
Suivant exploit en date du 20 mai 2020, il a fait assigner ledit syndicat devant le tribunal judiciaire d’Albertville afin d’obtenir sa condamnation à lui payer des dommages et intérêts en raison de la réduction d’activité qui lui a été imposée, découlant de la mise en ‘uvre par le syndicat défendeur des dispositions de la loi du 26 mai 2014 (n° 2014-529), offrant aux écoles de ski la possibilité d’instituer un dispositif de réduction d’activité des moniteurs ayant atteint l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite afin de favoriser l’insertion professionnelle des jeunes moniteurs de ski diplômés.
Par jugement du 15 décembre 2020, le tribunal judiciaire d’Albertville a rejeté la demande de transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité formée par M. [V].
Statuant ensuite au fond, par jugement en date du 22 juillet 2022, le tribunal judiciaire d’Albertville a :
– condamné le syndicat local des moniteurs de ski de l’école de ski français de [Localité 1] à verser à M. [V] la somme de 11.343,33 euros au titre du préjudice financier ayant résulté pour lui de l’absence de limitation du dispositif de réduction de l’activité des moniteurs ayant atteint l’âge légal de la retraite, aux moniteurs de moins de trente ans exerçant en continuité,
– condamné le syndicat local des moniteurs de ski de l’école du ski français de [Localité 1] à verser à M. [V] la somme de 200 euros au titre du préjudice moral ayant résulté pour lui de ce même grief,
– débouté M. [V] de ses autres demandes,
– condamné le syndicat local des moniteurs de ski de l’école de ski français de [Localité 1] aux entiers dépens.
Aux motifs suivants :
‘ c’est de manière régulière que lors de l’assemblée générale du 20 décembre 2018, le syndicat local des moniteurs de ski de l’école de ski français de [Localité 1] a approuvé la mise en place en son sein du dispositif inter-générationnel prévu par la loi du 26 mai 2014 ;
‘ le dispositif mis en place par le syndicat n’apparaît pas conforme aux dispositions légales en ce qu’il a élargi son bénéfice aux moniteurs en formation au lieu de le réserver aux seuls moniteurs de ski diplômés âgés de moins de trente ans ;
‘ M. [V] apparaît ainsi fondé à solliciter la réparation d’un préjudice financier, lié aux pertes de revenus qu’il a subies en 2019 et 2020, ainsi que du préjudice moral qui lui a été causé par cette discrimination illégale.
Par déclaration au greffe en date du 27 juillet 2022, le syndicat local des moniteurs de ski de l’école du ski français de [Localité 1], a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté M. [V] de ses autres demandes.
Prétentions et moyens des parties :
Aux termes de ses dernières écritures du 18 avril 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, le syndicat local des moniteurs de ski de l’école de ski français de [Localité 1] demande à la cour d’infirmer le jugement en ses dispositions entreprises et, statuant à nouveau, de :
– dire et juger que l’application au sein de l’ESF de [Localité 1] du mécanisme légal de réduction progressive d’activité s’est faite dans des conditions pleinement conformes à la loi du 26 mai 2014 et, par voie de conséquence, rejeter toutes les demandes indemnitaires formulées de ce chef par M. [V];
– à titre subsidiaire, pour le cas où la Cour de céans, confirmant le jugement entrepris, viendrait à considérer que l’application dudit mécanisme légal au sein de l’ESF s’est faite dans des conditions non conformes à celles posées par ladite loi, en ce que les moniteurs en formation, âgés de moins de 30 ans et exerçant en continuité sur la saison étaient appelés à bénéficier dudit mécanisme d’insertion dans l’activité de moniteurs de ski, apprécier à sa juste et stricte mesure le préjudice en ayant résulté pour M. [V], et, à ce titre,
– réduire le montant du préjudice financier allégué par M. [V] à sa juste mesure laquelle, quelle que soit la méthode de calcul, ne saurait être à hauteur de 11.343,33 euros comme fixé par le tribunal et ce en prenant en considération, en tout état de cause et en sus de l’impact de la crise sanitaire en 2020, le nombre réel de moniteurs diplômés de moins de 30 ans ayant exercé au sein de l’ESF en 2019 et 2020 ainsi que la part très importante (à hauteur en moyenne de 50%) de la baisse d’activité imputable, en 2019 et 2020, non pas au jeu du mécanisme dénoncé mais à la volonté et à la démarche personnelles de M. [V] de se déclarer en indisponibilité, pour convenances personnelles,
– rejeter la demande indemnitaire de son préjudice moral formulée par M. [V] faute d’une quelconque preuve rapportée de son existence ou de son ampleur ; à défaut n’accorder, pour la même raison, que l’euro symbolique ; à titre infiniment subsidiaire, retenir le même montant de condamnation que le tribunal judiciaire d’Albertville, savoir la somme de 200 euros,
– condamner M. [V] à lui verser la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens avec application pour ceux d’appel des dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile au profit de Maître Audrey Bollonjeon, Avocat Associé de la Selurl Bollonjeon, Avocat associée.
Au soutien de ses prétentions, il fait notamment valoir que :
‘ tant du point de vue social que fiscal, les moniteurs en formation exercent en tant que professionnels libéraux relevant du régime des travailleurs indépendants, de sorte qu’ils ont vocation à bénéficier, comme les moniteurs diplômés âgés de moins de trente ans, du mécanisme inter-générationnel de la loi du 26 mai 2014, dont le premier juge a adopté une vision trop restrictive, non conforme à son esprit, et qui pourrait apparaître elle-même discriminatoire ;
‘ c’est dans cet esprit et pour permettre l’insertion professionnelle des moniteurs diplômés que le syndicat a inclus les stagiaires dans le dispositif ;
‘ la loi ne subordonne nullement le bénéfice de ce dispositif à la possession du diplôme ;
‘ M. [V] ne justifie d’aucun préjudice moral qui lui serait causé de ce chef ;
‘ les pertes financières effectivement subies par le requérant doivent tenir compte de l’impact de la crise sanitaire, du nombre réel de moniteurs diplômés exerçant en continu au sein du syndicat en 2019 et 2020, ainsi que de ses périodes d’indisponibilité.
Aux termes de ses dernières écritures du 19 janvier 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, M. [D] [V] demande de son côté à la présente juridiction de :
– confirmer le jugement rendu le 22 juillet 2022 par le Tribunal Judiciaire d’Albertville en ce qu’il a retenu que le syndicat local des moniteurs de l’école du ski francais de [Localité 1] a manqué à ses obligations en n’appliquant pas les dispositions de la loi 2014-529 du 26 mai 2014,
– l’infirmer en ce qu’il a limité à 11.343,33 le montant du préjudice financier consécutif à l’absence de limitation du dispositif de reduction de l’activité des moniteurs ayant atteint l’age legal de la retraite aux moniteurs de moins de trente ans exercant en continuité, et débouté Monsieur [D] [V] de ses autres demandes,
– condamner le syndicat local des moniteurs de l’école du ski francais de [Localité 1] à lui payer :
– la somme de 2.000 euros a titre de dommages-intérêts en réparation de son prejudice moral,
– la somme de 17.015 euros en réparation de son préjudice financier consécutif à l’absence de limitation du dispositif de réduction de l’activité des moniteurs ayant atteint l’âge legal de la retraite aux moniteurs de moins de trente ans exercant en continuité,
– la somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, il fait notamment valoir que :
‘ les moniteurs en formation ne sont pas des moniteurs au sens de l’arrêté du 11 avril 2012 relatif à la formation spécifique du diplôme d’Etat de ski ;
‘ le dispositif intergénérationnel mis en place par la loi du 26 mai 2014 ne concerne que les moniteurs diplômés âgés de moins de trente ans, comme il se déduit des travaux préparatoires de la loi ;
‘ le syndicat local des moniteurs de l’école du ski francais de [Localité 1] ne justifie nullement que les mesures de réduction d’activité qu’il a subies auraient profité exclusivement à des moniteurs diplômés âgés de moins de trente ans ;
‘ au contraire, neuf moniteurs ont été rayés du tableau, et leurs cours attribués aux moniteurs figurant juste en -dessous, dans l’ordre d’ancienneté, et non à de jeunes moniteurs ;
‘ il a subi des pertes de revenus de 6 308 euros en 2019 et de 14 276 euros en 2020 ;
‘ il conteste avoir sollicité plus de périodes de disponibilité que les autres moniteurs.
Une ordonnance en date du 4 novembre 2024 a clôturé l’instruction de la procédure. L’affaire a été plaidée à l’audience du 21 janvier 2025.
I – Sur la discrimination en raison de l’âge
M. [V] reproche au syndicat local des moniteurs de l’école du ski francais de [Localité 1] d’avoir mis en place d’un dispositif de construction inter-générationnel non conforme à la loi n° 2014-529 du 26 mai 2014, offrant aux écoles de ski la possibilité d’instituer un dispositif de réduction d’activité des moniteurs ayant atteint l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite afin de favoriser l’insertion professionnelle des jeunes moniteurs de ski diplômés.
Il explique que le dispositif voté lors de l’assemblée générale du 20 décembre 2018 excède les possibilités de discrimination fondées sur l’âge qui sont autorisées par la loi susvisée, en ce qu’il étend, contra legem, son bénéfice aux moniteurs en formation, au lieu de le réserver aux seuls moniteurs de ski diplômés.
Il entend ainsi nécessairement, bien qu’il ne le précise nullement dans ses écritures, engager la responsabilité de son contractant sur le fondement de l’article 1147 ancien du code civil.
L’article 1er de la loi n° 2014-529 du 26 mai 2014, visant à mettre en place un dispositif de réduction d’activité des moniteurs de ski ayant atteint l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite, afin de favoriser l’activité des nouveaux moniteurs, prévoit que :
‘Les écoles de ski réunissant des moniteurs de ski exerçant à titre indépendant peuvent instituer un dispositif de réduction d’activité des moniteurs ayant atteint l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite en application de l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, afin de favoriser l’insertion professionnelle des jeunes moniteurs de ski diplômés.
La redistribution d’activité résultant de la mise en ‘uvre de ce dispositif bénéficie exclusivement aux moniteurs âgés de moins de trente ans exerçant en continuité sur la saison’.
L’article 2 de la loi précise quant à lui que ‘le dispositif mentionné à l’article 1er doit respecter les règles suivantes :
1° Pour les moniteurs ayant atteint l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite souhaitant poursuivre leur activité, la réduction ne peut excéder, pendant une période initiale de trois années, 30 % de l’activité à laquelle ils pourraient normalement prétendre en fonction des règles de répartition établies par l’école de ski ;
2° Pour les moniteurs ayant exercé leur activité durant trois années au-delà de l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite souhaitant poursuivre leur activité, la réduction ne peut excéder, pendant les deux années suivantes, 50 % de l’activité à laquelle ils pourraient normalement prétendre ;
3° Le dispositif de réduction d’activité garantit aux moniteurs mentionnés aux 1° et 2° un nombre d’heures d’activité qui leur permette de valider au moins deux trimestres d’assurance vieillesse par an dans leur régime de retraite de base ;
4° La redistribution d’activité garantit aux moniteurs âgés de moins de trente ans un nombre d’heures d’activité qui leur permette de valider au moins deux trimestres d’assurance vieillesse par an dans leur régime de retraite de base ;
5° En tant que de besoin, il peut être fait appel aux moniteurs ayant exercé leur activité durant cinq années au-delà de l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite souhaitant poursuivre leur activité.
II. ‘ Aucune réduction ne s’applique à l’activité des moniteurs de ski faisant suite à une sollicitation à titre personnel par la clientèle soit directement, soit par l’intermédiaire de l’école de ski à laquelle ils appartiennent’.
Il convient d’observer en premier lieu que, contrairement à ce qu’indique l’appelant, il est manifeste que l’alinéa 2 de l’article 1er de la loi susvisée, qui mentionne les ‘moniteurs âgés de moins de trente ans’, est lié de toute évidence à l’alinéa 1er, qui se rapporte aux ‘jeunes moniteurs de ski diplômés’. Ces deux expressions désignent le même public-cible, à savoir les moniteurs de ski diplômés âgés de moins de trente ans, ce qui est conforme aux objectifs affichés par la loi, tendant à favoriser leur insertion sur le marché de l’emploi, après obtention de leur diplôme.
Il ne saurait ainsi être sérieusement argué de ce que le législateur aurait souhaité intégrer les moniteurs en formation, ou stagiaires, non encore diplômés, dans le dispositif de solidarité inter-générationnel dont il a autorisé la mise en place. Etant observé que toute mesure portant atteinte au principe de non-discrimination en fonction de l’âge, qui constitue un principe général du droit de l’Union Européenne, qui s’impose aux Etats, doit nécessairement être interprété de manière stricte.
Il est important de relever, ensuite, que l’arrêté du 11 avril 2012, relatif à la formation spécifique du ‘diplôme d’Etat de ski-moniteur national de ski alpin’, ainsi que les documents extraits du site internet de l’école nationale de ski et d’alpinisme, n’emploient nullement l’appelation de ‘moniteurs en formation’, mais évoquent uniquement des ‘stagiaires’ ou des ‘apprentis moniteurs’. La notion juridique de ‘moniteur’ ne s’applique ainsi qu’aux seules personnes qui ont obtenu leur diplôme d’Etat, et non aux élèves en cours de formation. Et à cet égard, les circonstances que les stagiaires ou apprentis soient autorisés à encadrer contre rémunération, conformément à l’article R 212-4 du code du sport, et qu’ils aient le statut de travailleur indépendant sur les plans social et fiscal, est inopérante.
Par ailleurs, comme l’a constaté à juste titre le premier juge, l’examen des travaux parlementaires qui ont précédé l’adoption de la loi du de la loi n° 2014-529 du 26 mai 2014, et en particulier les rapports Battistel et Labazee, ainsi que les débats en assemblée plénière, mettent clairement en exergue que la volonté du législateur a été de favoriser l’emploi des jeunes moniteurs de ski, après obtention de leur diplôme, et non au stade de leur formation. A aucun moment, au cours de ces travaux parlementaires, il n’a en effet été question d’élargir le dispositif de solidarité inter-générationnel institué par la loi aux stagiaires en cours de formation.
Du reste, cette volonté du législateur se trouve clairement corroborée par le dépôt, le 17 octobre 2023, d’une proposition de loi qui vise précisément à étendre le dispositif aux ‘moniteurs stagiaires’. L’exposé des motifs de cette initiative parlementaire est à cet égard explicite et confirme, si besoin était, que les stagiaires sont actuellement exclus du dispositif, en ces termes:’la loi que nous vous proposons d’adopter aujourd’hui viendrait compléter et conforter le dispositif de compensation progressive qui existe depuis 2014 entre moniteurs en fin et en début de carrière exerçant leur activité de façon permanente, en prévoyant une extension de celui-ci aux moniteurs stagiaires qui en sont jusqu’à présent exclus’.
C’est ainsi à juste titre que M. [V] reproche au syndicat local des moniteurs de l’école du ski francais de [Localité 1] d’avoir mis en place d’un dispositif de construction inter-générationnel non conforme à la loi n° 2014-529 du 26 mai 2014, instituant ainsi une discrimination en raison de l’âge illégale, qui lui porte préjudice.
En outre, la cour relève que le dispositif instauré par l’appelant à compter de l’année 2019 présente un caractère particulièrement imprécis, puisqu’il indique uniquement que les moniteurs ayant atteint l’âge de la retraite ne se verront pas attribuer de cours par l’ESF durant un certain nombre de semaines, sans qu’il soit spécifiquement prévu que les cours non attribués seront affectés à des moniteurs de moins de trente ans.
II – Sur le préjudice financier subi par M. [V]
Le calcul du préjudice financier de M. [V] suppose de déterminer la perte de revenus qui a été subie par ce dernier en raison de la discrimination illégale qui lui a été imposée, c’est à dire suite à l’extension du dispositif de construction inter-générationnelle aux moniteurs stagiaires. L’intéressé ne peut ainsi valablement réclamer l’intégralité de la différence entre les revenus qu’il a perçus au titre de son activité de moniteur de ski au cours des années 2019 et 2020 par rapport à ceux obtenus les années précédentes, puisqu’une partie de la réduction d’activité qui lui a été imposée était légitime, en ce qu’elle a bénéficié à des moniteurs diplômés âgés de moins de trente ans.
Contrairement à ce qu’indique le syndicat local des moniteurs de l’école du ski francais de [Localité 1], la méthode consistant à retenir comme point de comparaison la moyenne des revenus perçus par l’intimé au cours des années 2016 à 2018, comme l’a fait le premier juge, apparaît adaptée au présent litige. Aucun élément ne justifie en effet de se baser, comme le fait l’appelant dans ses calculs, sur les seuls revenus des années 2017 et 2018, alors qu’il n’est fait état d’aucun événement spécifique survenu au cours de l’année 2016 qui serait de nature à fausser les calculs de la juridiction. Au contraire, le choix d’une période de référence plus large, sur trois années, est plus fiable et sera retenu.
Il est constant que la moyenne annuelle des revenus perçus par M. [V] entre 2016 et 2018 s’élève à un montant de 31 769 euros. Un correctif doit cependant être affecté à ce montant, puisqu’il se déduit des explications données par l’appelant dans ses écritures, ainsi que de l’attestation du directeur de l’ESF de [Localité 1], qu’il verse aux débats, que dès lors que l’intimé a exercé les fonctions de directeur technique entre 2012 et 2015, il a bénéficié d’une priorité au planning en 2016 et 2017, ce qui lui a assuré une forte activité et des revenus en proportion.
M. [V] a en effet été placé n°2 au planning 2016 et n°1 en 2017, alors que son activité aurait dû correspondre à la place n°4 au regard de son ancienneté. Ces éléments ne sont pas contestés par l’intimé, ce qui doit conduire la présente juridiction à retenir une moyenne de revenus de 29 140 euros, correspondant aux revenus moyens perçus par un moniteur se trouvant à cette place n°4 au planning au cours de ces deux années-là. Au regard des revenus perçus par l’intéressé en 2018, à hauteur de 27.114 euros, le montant des revenus moyens annuels ‘normaux’ de M. [V] entre 2016 et 2018 s’élève ainsi à la somme de 29 140 x2 + 27 114 /3 = 28.464, 66 euros.
Le moniteur a perçu, suite à l’entrée en application du dispositif de solidarité inter-générationnel, des revenus d’un montant total de 25.461 euros en 2019, et de 17 493 euros en 2020. La perte de revenus subie par M. [V] s’élève ainsi aux montants respectifs de 3.003, 66 euros en 2019 et de 10.971, 66 euros en 2020. Comme l’a retenu le premier juge, et ainsi qu’il n’est pas contesté par les parties, l’année 2020 est cependant spécifique, puisque la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid 19 a amputé la saison d’un mois sur quatre, ce qui justifie d’appliquer un correctif à hauteur d’un quart, aboutissant au calcul suivant : 10.971,66 x 3/4 = 8.228,74 euros.
Il convient de déterminer, ensuite, quelle part de cette perte de revenus subie par l’intimé est imputable à l’extension du dispositif de solidarité inter-générationnel aux moniteurs stagiaires.
Le syndicat local des moniteurs de l’école du ski francais de [Localité 1] justifie, par l’attestation du directeur de l’ESF, et les diplômes des intéressés qu’il verse aux débats en cause d’appel, pièces qui ne sont pas contestées par l’intimé, que trois moniteurs diplômés âgés de moins de trente ans exerçaient en continuité en son sein au cours de l’année 2019 (à savoir Mme [O], M. [S] et M [M]) et deux en 2020 ( à savoir M. [S] et M. [B]). Il se déduit en outre des fiches d’honoraires de ces derniers qu’ils ont connu une augmentation significative de leurs revenus, liée au mécanisme mis en place.
Il est constant, par ailleurs, que deux moniteurs stagiaires ont exercé de façon continue au sein de l’ESF de [Localité 1] en 2019 et 2020, et ont bénéficié, eux aussi, mais de manière illégale, du mécanisme inter-générationnel. En partant du postulat, non contesté, que ces derniers ont bénéficié de ce dispositif dans la même proportion que les moniteurs diplômés, il convient de considérer que la perte de revenus subie de manière illégitime par M. [V] s’élève :
– au titre de l’année 2019, à la somme de 3.003, 66 x 2/5 = 1.201, 46 euros ;
– au titre de l’année 2020, à la somme de 8.228, 74 x2/4 = 4.114, 37 euros.
Aboutissant à un cumul de perte de revenus illégitime de 5.315, 83 euros.
L’appelant ne saurait par contre être suivi, enfin, dans son argumentation consistant à imputer les pertes de revenus subies par M. [V] à des décisions personnelles de mise en indisponibilité qu’il aurait prises. En effet, le syndicat local des moniteurs de l’école du ski francais de [Localité 1] se contente d’alléguer à cet égard, sans le démontrer, que le directeur de l’ESF aurait sollicité à de nombreuses reprises M. [V] en renfort et que ce dernier aurait décliné ces propositions.
D’une manière plus générale, il n’est nullement établi que les périodes d’indisponibilité de M. [V], telles qu’elles figurent sur les plannings qui sont versés aux débats, s’expliquent réellement par un choix qui aurait été effectué par l’intéressé et non, comme il l’explique, par l’absence de cours attribué en début de semaine sur une partie de la journée, conduisant à placer le moniteur en indisponibilité pour le reste de la semaine sur cette partie de la journée.
Du reste, le syndicat local des moniteurs de l’école du ski francais de [Localité 1] ne produit un courrier de M. [V], récapitulant en début de saison ses dates d’indisponibilité, qu’au titre de l’année 2018, et non pour les années 2019 et 2020. La cour relève, en outre, qu’aucun lien clair ne peut être établi entre le nombre de jours d’indisponibilité qui sont déclarés par un moniteur et les revenus qu’il perçoit effectivement au cours d’une année. Ainsi, à titre d’exemple, M. [V] n’a perçu que 27.114 euros en 2018, pour 233 jours d’indisponibilité, et 33.024 euros en 2017, pour 314,50 heures d’indisponibilité.
En définitive, la cour dispose d’éléments suffisants, au vu de ce qui vient d’être exposé, pour évaluer le préjudice financier subi de manière illégitime par M. [V], en raison de l’absence de limitation du dispositif de solidarité inter-générationnelle aux seuls moniteurs diplômés âgés de moins de trente ans, à hauteur d’une somme totale de 5.315, 83 euros, que l’appelant sera condamné à lui payer.
III – Sur le préjudice moral
La discrimination illégale qui a été subie par M. [V] lui a nécessairement causé un préjudice moral dont il est fondé à obtenir la réparation.
L’intimé n’apporte par contre aucun élément qui serait susceptible de démontrer que les moniteurs ayant atteint l’âge de la retraite, comme lui, ne se seraient vus confier que des cours moins rémunérateurs. Il ne justifie pas non plus du harcèlement dont il dit avoir été victime de la part du syndicat local des moniteurs de l’école du ski francais de [Localité 1], la seule convocation devant le comité de gestion, qui lui a été adressée le 26 février 2021, lui reprochant d’avoir donné à plusieurs reprises des cours sur une piste fermée, faits qu’il conteste, ne pouvant suffire à rapporter la preuve d’agissements répétés qui seraient imputables à son contractant.
La cour dispose d’éléments suffisants pour évaluer le préjudice moral subi par M. [V] à hauteur d’une somme de 800 euros.
IV – Sur les mesures accessoires
En tant que partie perdante, le syndicat local des moniteurs de l’école du ski francais de [Localité 1] sera condamné aux dépens d’appel, ainsi qu’à payer à M. [V] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés en cause d’appel. La demande formée de ce chef par l’appelant sera enfin rejetée.
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi, dans les limites de sa saisine :
Infirme le jugement rendu le 22 juillet 2022 par le tribunal judiciaire d’Albertville en ce qu’il a :
– condamné le syndicat local des moniteurs de ski de l’école de ski français de [Localité 1] à verser à M. [D] [V] la somme de 11.343,33 euros au titre du préjudice financier ayant résulté pour lui de l’absence de limitation du dispositif de réduction de l’activité des moniteurs ayant atteint l’âge légal de la retraite aux moniteurs de moins de trente ans exerçant en continuité,
– condamné le syndicat local des moniteurs de ski de l’école de ski français de [Localité 1] à verser à M. [V] la somme de 200 euros au titre du préjudice moral ayant résulté pour lui de ce même grief,
Et statuant à nouveau,
Condamne le syndicat local des moniteurs de ski de l’école de ski français de [Localité 1] à payer à M. [D] [V] la somme de 5.315, 83 euros au titre du préjudice financier ayant résulté pour lui de l’absence de limitation du dispositif de réduction de l’activité des moniteurs ayant atteint l’âge légal de la retraite aux moniteurs de moins de trente ans exerçant en continuité,
Condamne le syndicat local des moniteurs de ski de l’école de ski français de [Localité 1] à payer à M. [D] [V] la somme de 800 euros au titre du préjudice moral ayant résulté pour lui de ce même grief,
Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions,
Y ajoutant,
Condamne le syndicat local des moniteurs de ski de l’école de ski français de [Localité 1] aux dépens d’appel,
Condamne le syndicat local des moniteurs de ski de l’école de ski français de [Localité 1] à payer à M. [D] [V] la somme de de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel,
Rejette la demande formée par le syndicat local des moniteurs de ski de l’école de ski français de [Localité 1] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
et signé par Nathalie HACQUARD, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 01 avril 2025
à
la SELARL BOLLONJEON
la SCP MILLIAND THILL PEREIRA
Copie exécutoire délivrée le 01 avril 2025
à
la SCP MILLIAND THILL PEREIRA
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