Désignation d’un commissaire de justice : enjeux et limites – Questions / Réponses juridiques

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Désignation d’un commissaire de justice : enjeux et limites – Questions / Réponses juridiques

Le 3 octobre 2023, la société civile familiale [T] a saisi le tribunal judiciaire de Paris pour désigner un commissaire de justice afin de vérifier l’occupation d’un appartement loué par Madame [J] [Y]. Le juge a ordonné des constatations, mais Madame [J] [Y] a contesté cette ordonnance, arguant qu’elle avait été obtenue sans contradictoire. Lors de l’audience du 10 octobre 2024, elle a demandé la rétractation de l’ordonnance, tandis que la société civile [T] a réclamé des dommages et intérêts pour recours abusif. Le tribunal a finalement rétracté l’ordonnance initiale, déclarant nulles les opérations de constat.. Consulter la source documentaire.

Sur la communication des pièces

En vertu de l’article 16 du Code de procédure civile, le juge doit en toutes circonstances faire observer le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.

Dans cette affaire, Madame [J] [Y] ne peut soutenir ne pas être en possession des pièces visées à l’appui de la requête. En effet, il résulte du bordereau de communication qu’elle produit elle-même, établi dans le cadre de la procédure devant la cour d’appel, qu’elle a été destinataire de la part du conseil de la société civile familiale [T] d’un certain nombre de documents, dont ceux visés à l’appui de la requête.

Elle a par ailleurs refusé, en violation flagrante et volontaire du respect du principe du contradictoire, que son adversaire puisse à l’audience examiner les pièces qu’elle a remises au tribunal. Ces pièces comprennent des documents de la bailleresse, ainsi qu’une attestation et un procès-verbal de constat dont il n’est pas établi que la société civile familiale [T] ait eu connaissance.

Il convient donc d’écarter ces deux dernières pièces des débats, car leur admission violerait le principe fondamental de la contradiction.

Sur la demande en rétractation de l’ordonnance sur requête

Selon l’article 493 du Code de procédure civile, l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse. L’article 845 du même code précise que le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection peut ordonner sur requête toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu’elles ne soient pas prises contradictoirement.

En l’espèce, la société civile familiale [T] a obtenu l’autorisation de réaliser un constat des conditions d’occupation des lieux loués. Cette requête, qui a pour objet la désignation d’un commissaire de justice, relève des dispositions de l’article 845 alinéa 1er et de l’article 145 du Code de procédure civile, bien que ce dernier ne soit pas expressément mentionné.

Cependant, les mesures d’instruction prévues à l’article 145 ne peuvent être ordonnées que lorsque les circonstances exigent qu’elles ne soient pas prises contradictoirement. Il est également nécessaire qu’il n’existe pas de procès en cours.

Or, un litige est déjà en cours entre la société civile familiale [T] et Madame [J] [Y], ayant un objet identique. Par conséquent, la condition tenant à l’absence d’un procès engagé pour pouvoir obtenir de façon non contradictoire la désignation d’un commissaire de justice fait défaut.

En conséquence, l’ordonnance sur requête du 4 décembre 2023 doit être rétractée, et les mesures réalisées en exécution de cette décision sont dénuées de tout fondement juridique.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Conformément à l’article 1240 du Code civil, l’exercice d’une action en justice constitue en principe un droit. Il ne dégénère en abus que dans des conditions équivalentes au dol. En l’espèce, la société civile familiale [T] a demandé des dommages et intérêts pour procédure abusive.

Cependant, la procédure abusive n’est pas caractérisée, car la demande de Madame [J] [Y] est reconnue fondée. La société civile familiale [T] sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur les demandes accessoires

En application de l’article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens. Dans cette affaire, la société civile familiale [T], ayant perdu, sera condamnée aux dépens.

Elle sera également déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, qui prévoit la possibilité d’une indemnisation pour les frais irrépétibles.

Enfin, l’exécution provisoire est de droit et sera rappelée, conformément aux dispositions légales en vigueur.


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