Dénigrement dans l’industrie du Porno : affaire Pierre Woodman

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Dénigrement dans l’industrie du Porno : affaire Pierre Woodman
L’Essentiel : La société Gtflix Tv a intenté une action en justice contre Pierre Woodman pour dénigrement, soulevant des questions de compétence juridictionnelle. Les sites de Woodman étant hébergés en Hongrie, la juridiction compétente devait être déterminée. La CJUE a statué que les demandes de rectification de données et de suppression de contenus en ligne sont indivisibles et doivent être portées devant une juridiction capable de traiter l’intégralité du préjudice. Ainsi, seules les juridictions de la République Tchèque, où Gtflix Tv est établie, ou celles de Hongrie, où Woodman est domicilié, peuvent statuer sur cette affaire.

Une demande judiciaire visant à la rectification des données et à la suppression des contenus mis en ligne sur un site internet (propos dénigrants contre une société concurrente attribués à Pierre Woodman) est une et indivisible et ne peut, par conséquent, être portée que devant une juridiction compétente pour connaître de l’intégralité d’une demande de réparation du dommage en vertu de la jurisprudence résultant des arrêts du 7 mars 1995, Shevill e.a.

Gtflix Tv c/ Pierre Woodman

La société tchèque Gtflix Tv ayant pour activité la production et la diffusion de contenus pour adultes, notamment via son site internet, a poursuivi le réalisateur, producteur et distributeur de films pornographiques Pierre Woodman pour dénigrement.

Le litige a posé une question de compétence juridictionnelle puisque les sites internet du réalisateur sont hébergés en Hongrie où il exerce son activité et où il est domicilié.

Par le passé, la CJUE a déjà considéré (arrêt, grande chambre, du 17 octobre 2017, Bolagsupplysningen OÜ et B… L… contre Svensk Handel AB, C-194/16) que:

1) L’article 7, point 2, du règlement (UE) n° 1215/2012 doit être interprété en ce sens qu’une personne morale, qui prétend que ses droits de la personnalité ont été violés par la publication de données inexactes la concernant sur internet et par la non-suppression de commentaires à son égard, peut former un recours tendant à la rectification de ces données, à la suppression de ces commentaires et à la réparation de l’intégralité du préjudice subi devant les juridictions de l’Etat membre dans lequel se trouve le centre de ses intérêts.

Lorsque la personne morale concernée exerce la majeure partie de ses activités dans un Etat membre autre que celui de son siège statutaire, cette personne peut attraire l’auteur présumé de l’atteinte au titre du lieu de la matérialisation du dommage dans cet autre Etat membre.

2) L’article 7, point 2, du règlement n° 1215/2012 doit être interprété en ce sens qu’une personne qui prétend que ses droits de la personnalité ont été violés par la publication de données inexactes la concernant sur internet et par la non-suppression de commentaires à son égard ne peut pas, devant les juridictions de chaque Etat membre sur le territoire duquel les informations publiées sur internet sont ou étaient accessibles, former un recours tendant à la rectification de ces données et à la suppression de ces commentaires.

Se référant à la nature ubiquitaire des données et contenus mis en ligne sur un site internet et au fait que la portée de leur diffusion est en principe universelle, la CJUE a précisé qu’une demande visant à la rectification des données et à la suppression des contenus mis en ligne sur un site internet est une et indivisible et ne peut, par conséquent, être portée que devant une juridiction compétente pour connaître de l’intégralité d’une demande de réparation du dommage en vertu de la jurisprudence résultant des arrêts du 7 mars 1995, Shevill e.a. (C-68/93, points 25, 26 et 32), ainsi que du 25 octobre 2011, eDate Advertising e.a. (C-509/09 et C-161/10, points 42 et 48), et non devant une juridiction qui n’a pas une telle compétence.

Dénigrement et concurrence déloyale

Cette jurisprudence rendue en matière d’atteinte alléguée aux droits de la personnalité au moyen de contenus mis en ligne sur un site internet est transposable aux actes de concurrence déloyale résultant de la diffusion sur des forums internet de propos prétendument dénigrants.

En l’occurrence, le centre des intérêts de la société Gtflix Tv est établi en République Tchèque et le réalisateur Pierre Woodman est domicilié en Hongrie. Il en résulte que seules les juridictions du premier de ces Etats, compétentes pour connaître de l’intégralité d’une demande de réparation du dommage en vertu de la jurisprudence résultant des arrêts Shevill et eDate Advertising ou celles du second dans lequel le défendeur est domicilié, étaient compétentes pour ordonner le retrait des commentaires prétendument dénigrants imputés au réalisateur et leur rectification par publication d’un communiqué.

Renvoi à la CJUE

Dans cette même affaire, la Cour de cassation a tout de même saisi la CJUE d’une question préjudicielle. Il s’agira de déterminer si la solution consacrée par la CJUE dans l’arrêt du 27 octobre 2017, doit être interprétée en ce sens:

i) Que la personne qui, estimant qu’une atteinte a été portée à ses droits par la diffusion de propos dénigrants sur internet, agit tout à la fois aux fins de rectification des données et de suppression des contenus, ainsi qu’en réparation des préjudices moral et économique en résultant, peut réclamer, devant les juridictions de chaque Etat membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est ou a été accessible, l’indemnisation du dommage causé sur le territoire de cet Etat membre, conformément à l’arrêt eDate Advertising (points 51 et 52) ou si:

ii) En application de l’arrêt Svensk Handel, elle doit porter cette demande indemnitaire devant la juridiction compétente pour ordonner la rectification des données et la suppression des commentaires dénigrants.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature de la demande judiciaire dans l’affaire Gtflix Tv c/ Pierre Woodman ?

La demande judiciaire dans l’affaire Gtflix Tv c/ Pierre Woodman vise à la rectification des données et à la suppression de contenus en ligne jugés dénigrants à l’égard de la société Gtflix Tv. Cette demande est considérée comme une et indivisible, ce qui signifie qu’elle doit être portée devant une juridiction compétente capable de traiter l’intégralité de la demande de réparation du dommage. Cette approche est fondée sur la jurisprudence de la CJUE (CJUE), notamment les arrêts du 7 mars 1995, Shevill e.a., qui établissent des principes clairs concernant la compétence juridictionnelle dans les affaires impliquant des atteintes aux droits de la personnalité sur Internet.

Quels sont les enjeux de la compétence juridictionnelle dans cette affaire ?

Le litige entre Gtflix Tv et Pierre Woodman soulève des questions complexes de compétence juridictionnelle, car les sites internet du réalisateur sont hébergés en Hongrie, où il exerce son activité et est domicilié. La CJUE a déjà statué que lorsqu’une personne morale, comme Gtflix Tv, prétend que ses droits ont été violés par la publication de données inexactes sur Internet, elle peut porter son recours devant les juridictions de l’État membre où se trouve le centre de ses intérêts. Dans ce cas, cela signifie que Gtflix Tv, dont le centre des intérêts est en République Tchèque, pourrait porter l’affaire devant les juridictions tchèques, tandis que Pierre Woodman pourrait être jugé dans son pays de domicile, la Hongrie.

Comment la CJUE interprète-t-elle les demandes de rectification et de suppression de contenus en ligne ?

La CJUE a précisé que les demandes visant à la rectification des données et à la suppression de contenus en ligne sont considérées comme une et indivisible. Cela signifie qu’une personne ne peut pas porter une demande de rectification ou de suppression devant plusieurs juridictions, mais doit le faire devant une seule juridiction compétente pour traiter l’intégralité de la demande de réparation du dommage. Cette interprétation repose sur la nature ubiquitaire des données en ligne et la portée universelle de leur diffusion, ce qui rend nécessaire une approche cohérente et centralisée pour traiter les atteintes aux droits de la personnalité.

Quelles implications cette affaire a-t-elle pour la concurrence déloyale ?

La jurisprudence établie par la CJUE en matière d’atteinte aux droits de la personnalité est également applicable aux actes de concurrence déloyale, notamment ceux résultant de la diffusion de propos dénigrants sur des forums Internet. Dans le cas de Gtflix Tv, la société a le droit de demander la suppression de commentaires dénigrants qui pourraient nuire à sa réputation et à ses activités commerciales. Les juridictions compétentes pour traiter ces demandes sont celles du pays où la société a son centre d’intérêts, en l’occurrence la République Tchèque, ou celles du pays où le défendeur, Pierre Woodman, est domicilié, soit la Hongrie.

Quelle question préjudicielle a été posée à la CJUE par la Cour de cassation ?

La Cour de cassation a saisi la CJUE d’une question préjudicielle pour déterminer si une personne qui estime que ses droits ont été atteints par la diffusion de propos dénigrants sur Internet peut réclamer une indemnisation devant les juridictions de chaque État membre où le contenu a été accessible. La question se divise en deux parties : 1) La première partie interroge si cette personne peut agir pour la rectification des données et la suppression des contenus, ainsi que pour la réparation des préjudices moral et économique, devant les juridictions de chaque État membre. 2) La seconde partie demande si, conformément à l’arrêt Svensk Handel, elle doit porter cette demande indemnitaire devant la juridiction compétente pour ordonner la rectification des données et la suppression des commentaires dénigrants. Cette question est déterminante pour clarifier les droits des personnes et des entreprises face à la diffusion de contenus nuisibles sur Internet.

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