Règle de droit applicableL’article 835, alinéa 1er, du code de procédure civile permet au président du tribunal judiciaire de prescrire des mesures conservatoires ou de remise en état pour faire cesser un trouble manifestement illicite, même en présence d’une contestation sérieuse. Le trouble manifestement illicite est défini comme une perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui constitue une violation évidente de la règle de droit. Violation des règles d’urbanismeL’article L.480-14 du code de l’urbanisme stipule que la commune peut saisir le tribunal judiciaire pour ordonner la démolition d’un ouvrage édifié sans autorisation requise. De plus, l’article R.421-1 impose qu’une construction nouvelle soit précédée d’un permis de construire, sauf exceptions prévues par les articles R.421-2 à R.421-8-2. En l’espèce, les constructions réalisées sur les parcelles en zone agricole ont été effectuées sans autorisation, en violation des dispositions légales. Proportionnalité des mesuresLe juge doit évaluer si la mesure de démolition est proportionnée au regard du droit au respect de la vie privée et familiale, garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. La jurisprudence exige une appréciation in concreto, prenant en compte l’attitude du propriétaire et les circonstances familiales des occupants. Application des articles de procédureL’article 562 du code de procédure civile précise que l’appel ne déferre à la cour que les chefs de jugement critiqués expressément. En l’espèce, l’absence de critique des chefs relatifs au sursis à statuer et à la fin de non-recevoir a conduit à l’irrecevabilité de ces demandes en appel. Expulsion et droits des occupantsL’article 480-9 du code de l’urbanisme prévoit que, si la démolition ordonnée n’est pas achevée dans le délai fixé, le maire peut faire procéder d’office aux travaux nécessaires, y compris l’expulsion des occupants. Toutefois, cette disposition ne s’applique pas en l’absence de droits acquis par des tiers, et l’expulsion des occupants n’est pas requise avant la démolition. |
L’Essentiel : L’article 835, alinéa 1er, du code de procédure civile permet au président du tribunal judiciaire de prescrire des mesures conservatoires pour faire cesser un trouble manifestement illicite. L’article L.480-14 du code de l’urbanisme stipule que la commune peut saisir le tribunal pour ordonner la démolition d’un ouvrage édifié sans autorisation. Les constructions sur les parcelles en zone agricole ont été réalisées sans autorisation, en violation des dispositions légales. Le juge doit évaluer la proportionnalité de la mesure de démolition au regard des droits des occupants.
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Résumé de l’affaire : Un acheteur a acquis des parcelles cadastrées en zone agricole, mais s’est vu refuser un permis de construire. Malgré ce refus, des constructions ont été réalisées sur ces parcelles. En conséquence, la commune a assigné le propriétaire et les occupants devant le tribunal judiciaire, demandant la démolition des constructions illégales et le rétablissement des lieux dans leur état antérieur. Le juge des référés a ordonné la démolition de la plupart des constructions, tout en condamnant les parties à des astreintes en cas de retard.
Les parties ont fait appel de cette décision, contestant plusieurs points, notamment la légalité du classement des parcelles en zone agricole et la recevabilité de l’action de la commune. Dans leurs conclusions, elles ont demandé à la cour de renvoyer la question préjudicielle au tribunal administratif et de débouter la commune de ses demandes. La commune, de son côté, a demandé la confirmation de l’ordonnance initiale et l’augmentation des frais à la charge des appelants. La cour a examiné les chefs de l’ordonnance et a constaté que l’appel ne portait pas sur certains points, ce qui a conduit à leur irrecevabilité. Elle a également évalué le caractère manifestement illicite des constructions, qui avaient été édifiées sans autorisation, en violation des règles d’urbanisme. La cour a jugé que la démolition était proportionnée, mais a accordé un délai supplémentaire de quatre mois pour permettre aux occupants de trouver un relogement, en tenant compte de la présence d’enfants. Finalement, la cour a confirmé le principe de la démolition, mais a modifié le délai d’exécution et a condamné les appelants aux dépens, tout en rejetant les demandes de la commune concernant l’expulsion des occupants avant la démolition. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique du refus de permis de construire ?Le refus de permis de construire est fondé sur l’article L.480-14 du code de l’urbanisme, qui stipule que la commune peut saisir le tribunal judiciaire pour ordonner la démolition d’un ouvrage édifié sans autorisation. Cet article précise que toute construction doit être précédée d’un permis de construire, conformément à l’article R. 421-1, sauf exceptions prévues par les articles R. 421-2 à R. 421-8-2. Dans ce cas, les constructions réalisées sur les parcelles en zone A, classées agricoles, n’ont pas respecté ces exigences, ce qui justifie le refus de permis. Quel est le caractère des constructions édifiées sans autorisation ?Les constructions édifiées sans autorisation sont considérées comme un trouble manifestement illicite, selon l’article 835, alinéa 1er du code de procédure civile. Cet article permet au président du tribunal judiciaire de prescrire des mesures conservatoires pour faire cesser un trouble qui constitue une violation évidente de la règle de droit. Les constructions sur les parcelles litigieuses, réalisées sans permis, violent les dispositions du code de l’urbanisme, ce qui les rend manifestement illicites. Quel est le principe de la démolition ordonnée par le juge ?Le principe de la démolition est fondé sur la nécessité de respecter les règles d’urbanisme, en vertu de l’article L.480-14 du code de l’urbanisme. Le juge doit également prendre en compte le droit au respect de la vie privée et familiale, garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Dans ce cas, le juge a constaté que le propriétaire avait agi en connaissance de cause, ce qui justifie la démolition des constructions illégales. Quel est le délai accordé pour la démolition des constructions ?Le délai accordé pour la démolition des constructions est de quatre mois à compter de la signification de la décision, conformément à la décision de la cour. Ce délai a été accordé pour permettre aux occupants de trouver une solution de relogement, tenant compte de la présence d’enfants dans les lieux. L’astreinte de 100 euros par jour de retard commencera à courir après l’expiration de ce délai. Quelle est la portée de l’effet dévolutif de l’appel ?L’effet dévolutif de l’appel, selon l’article 562 du code de procédure civile, ne s’applique qu’aux chefs de jugement critiqués expressément. Dans ce cas, les appelants n’ont pas contesté certains chefs de l’ordonnance, ce qui signifie que la cour n’est pas saisie de ces demandes. Ainsi, la cour ne peut statuer sur les chefs non critiqués, limitant l’effet de l’appel. Quel est le sort des demandes accessoires et des dépens ?Les demandes accessoires des appelants ont été rejetées, et ils ont été condamnés aux dépens de l’appel. Conformément à l’article 700 du code de procédure civile, ils doivent également payer 3 000 euros à la commune de [Localité 6] pour ses frais irrépétibles. Cette décision souligne la responsabilité des parties perdantes dans le cadre de la procédure. |
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 3
ARRÊT DU 03 AVRIL 2025
(n° , 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 24/10182 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CJRGD
Décision déférée à la cour : ordonnance du 07 mai 2024 – président du TJ de Meaux – RG n° 24/00239
APPELANTS
M. [O] [L]
[Adresse 5]
[Localité 6]
Mme [R] [U]
[Adresse 5]
[Localité 6]
Mme [M] [P]
[Adresse 5]
[Localité 6]
M. [N] [L]
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représentés par Me Pierre BOUSQUET de la SELARL ROCHE BOUSQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : D2052
INTIMÉ
COMMUNE DE [Localité 6], prise en la personne de son maire en exercice
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représenté par Me Henri GERPHAGNON, avocat au barreau de MEAUX, toque : D3479
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 11 février 2025, en audience publique, rapport ayant été fait par Anne-Gaël BLANC, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s’y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Michel RISPE, président de chambre
Anne-Gaël BLANC, conseillère
Valérie GEORGET, conseillère
Greffier lors des débats : Jeanne PAMBO
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Michel RISPE, président de chambre et par Jeanne BELCOUR, greffier, présent lors de la mise à disposition.
Selon acte notarié du 15 janvier 2021, M. [O] [L] a acquis les parcelles cadastrées section ZN n° [Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] situées [Adresse 7] à [Localité 6] qui sont classées en zone agricole aux termes du plan local d’urbanisme.
Il s’est vu refuser un permis de construire le 1er juin 2021.
Par ordonnance contradictoire du 7 mai 2024, le juge des référés a :
rejeté la demande de sursis à statuer sur une question préjudicielle au tribunal administratif de Melun ;
déclaré recevable l’action de la commune [Localité 6] ;
condamné MM. [L] et Mmes [U] et [P] à procéder ou à faire procéder à la démolition des chalets, clôtures, et toute construction édifiée sur les parcelles cadastrées section ZN n° [Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 3], exception faite du chalet autorisé par arrêté du 10 avril 2015 et identifié sur la photographie n° PCMI7 dans les pièces de la demande de permis de construire déposée le 7 mai 2021 par M. [O] [L] et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé un délai de trois mois à compter de la présente ordonnance, et pendant une période de six mois ;
condamné MM. [L] et Mmes [U] et [P] à procéder ou à faire procéder à l’enlèvement du mobil-home installé sur les parcelles cadastrées section ZN [Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de trois mois à compter de la présente ordonnance, et pendant une période de six mois;
s’est réservé la liquidation de l’astreinte ;
débouté la commune de [Localité 6] de sa demande de rétablissement des lieux dans leur état antérieur de terre agricole ;
dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de délai pour procéder à l’expulsion ;
condamné MM. [L] et Mmes [U] et [P] aux dépens ;
condamné MM. [L] et Mmes [U] et [P] à payer à la commune de [Localité 6] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 31 mai 2024, MM. [L] et Mmes [U] et [P] ont relevé appel de cette décision en critiquant l’ensemble de ses chefs sauf le rejet du sursis à statuer et de la fin de non-recevoir.
Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 15 janvier 2025, ils demandent à la cour de :
dire recevables et bien fondés MM. [L] et Mmes [U] et [P] en leur appel;
infirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :
in limine litis, au visa de l’article 49 du code de procédure civile, renvoyer dans le cadre d’une question préjudicielle au tribunal administratif de Melun, pour ce qui est de la légalité du classement de la parcelle en zone A au plan local d’urbanisme, et surseoir à statuer dans l’attente de la décision du tribunal administratif de Melun;
dire l’action de la commune de [Localité 6] irrecevable en ce qu’elle n’a pas attrait à la cause l’ensemble des occupants et notamment les enfants qui ne sont pas représentés par le seul fait que les parents soient attraits dans la cause ;
à titre principal, débouter la commune de [Localité 6] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
à titre subsidiaire, rejeter la demande de la commune, à tout le moins en tant qu’elle concerne également le ou les bâtiments à usage d’habitation, la clôture, les dispositifs de viabilisation, qui ont été soit légalement édifiés, soit l’ont été depuis plus de 10 ans ;
dire que les mesures sollicitées pourront avoir lieu qu’une fois qu’après que la commune de [Localité 6] a diligenté une procédure d’expulsion à l’encontre de l’ensemble des occupants ;
faire application des articles L.412-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution ;
accorder aux familles [L], les plus larges délais afin de leur permettre de trouver une solution de relogement ;
en tout état de cause,
condamner la commune de [Localité 6] à verser à l’ensemble des exposants la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamner la commune de [Localité 6] aux entiers dépens d’instance.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 1er août 2024, la commune de [Localité 6] demande à la cour de :
confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance du 7 mai 2024 ;
y ajoutant :
condamner MM. [L] et Mmes [U] et [P] à payer à la commune de [Localité 6] la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 30 janvier 2025.
Par message transmis le 27 mars précédent, les observations des parties ont été sollicitées sur l’étendue de l’effet dévolutif de leur appel en l’absence de critique des chefs de l’ordonnance par lesquels le premier juge a statué sur leur demande de voir sursis à statuer dans l’attente de la réponse à une question préjudicielle au tribunal administratif de Melun ainsi que sur la fin de non-recevoir tirée du fait que l’ensemble des occupants et notamment les enfants n’ont pas été attraits dans la cause.
La commune a adressé ses observations par note du 28 mars 2025.
Les appelants n’ont pas répondu dans le délai qui leur était imparti.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
Sur ce,
Sur les chefs de l’ordonnance non dévolus à la cour
Dans sa version applicable au litige, l’article 562 du code de procédure civile dispose que l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
Or, au cas présent, la déclaration d’appel du 31 mai 2024 ne mentionne pas les chefs de l’ordonnance litigieuse par lesquels le premier juge a rejeté la demande de sursis à statuer dans l’attente de la réponse à une question préjudicielle au tribunal administratif de Melun et écarté la fin de non-recevoir. Elle n’a pas été complétée par la suite par un autre acte d’appel.
Dès lors, l’effet dévolutif n’a pas joué sur ces deux chefs de sorte que la cour n’en est pas saisie et ne peut statuer à nouveau sur les demandes subséquentes.
Sur l’existence d’un trouble manifestement illicite
L’article 835, alinéa 1er, dispose que le président du tribunal judiciaire peut toujours, dans les limites de sa compétence, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. Le caractère illicite de l’acte peut résulter de sa contrariété à la loi, aux stipulations d’un contrat ou aux usages.
L’article L.480-14 du code de l’urbanisme dispose que la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme peut saisir le tribunal judiciaire en vue de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d’un ouvrage édifié ou installé sans l’autorisation exigée par le présent livre, en méconnaissance de cette autorisation ou, pour les aménagements, installations et travaux dispensés de toute formalité au titre du présent code, en violation de l’article L. 421-8.
En outre, l’article R. 421-1 du même code prévoit que les constructions nouvelles doivent être précédées de la délivrance d’un permis de construire, à l’exception des constructions mentionnées aux articles R. 421-2 à R. 421-8-2, qui sont dispensées de toute formalité, et des constructions mentionnées aux articles R. 421-9 à R. 421-12, qui doivent faire l’objet d’une déclaration préalable.
Enfin, en application de l’article R*421-12 d) du même code, l’édification d’une clôture doit être précédée d’une déclaration préalable lorsqu’elle est située dans un secteur délimité par le plan local d’urbanisme en application de l’article L. 151-19 ou de l’article L. 151-23 ou dans une commune ou partie de commune où le conseil municipal ou l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme a décidé de soumettre les clôtures à déclaration.
La commune de [Localité 6] prévoit une telle autorisation pour les terrains classés en zone A (‘L’édification des clôtures est soumise à déclaration, conformément à l’article R.421-12d du code de l’urbanisme à l’exception des clôtures nécessaires à l’activité agricole et forestière conformément à l’article R 421-2 g.’) (pièce n° 8 de l’intimée).
Or, il est acquis que, conformément à ce qui résulte du constat du commissaire de justice du 9 février 2024, les constructions suivantes ont été réalisées sur le terrain dont M. [L] est propriétaire :
Sur la parcelle ZN [Cadastre 1] :
– deux murs et un portail ;
– une aire de stationnement ;
– une fosse sceptique ;
– un bâtiment sanitaire en dur ;
Sur la parcelle ZN [Cadastre 2] :
– un chalet à ossature en bois d’une superficie de 68m2 environ ;
– une terrasse en béton ;
Sur la parcelle ZN [Cadastre 3] :
– un portail ;
– un mobil-home ;
– une fosse sceptique ;
– un bâtiment de 20 m2 ;
– un abri de jardin avec structure métallique ;
– un chalet de 15 m2.
À l’exception du petit chalet de 15 m2, qui est exclu du périmètre de la démolition ordonnée par le premier juge et donc de la saisine de la cour en l’absence d’appel incident, l’ensemble de ces installations ont été réalisées sans autorisation, ni permis de construire alors que ceux-ci étaient requis, les installations concernées ne faisant pas partie des exceptions listées par les articles R. 421-2 à R. 421-8-2, et R. 421-9 à R. 421-12 du code de l’urbanisme susmentionnés.
Elles contreviennent au surplus à la destination agricole des sols, les parcelles litigieuses étant situées en secteur A du plan local d’urbanisme.
Leur existence caractérise dès lors un trouble manifestement illicite.
Sur le caractère proportionné des mesures demandées
Le juge, saisi d’une demande de démolition d’une construction illégale, doit rechercher, lorsque le moyen lui est soumis, par une appréciation in concreto si la mesure est proportionnée au regard du droit au respect de la vie privée et familiale, garanti par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentale.
Pour opérer la balance entre les intérêts en cause, le juge peut notamment prendre en considération l’attitude du propriétaire du terrain s’il a fait preuve d’obstination coupable ou de mauvaise foi.
Au cas présent, comme l’a pertinemment indiqué le premier juge, le 15 janvier 2021, M. [L] a acquis ce terrain en toute connaissance de son caractère non constructible et de son inscription en zone agricole. Il a procédé à des travaux d’aménagement malgré un refus de permis de construire le 1er juin 2021, un arrêté municipal interruptif de travaux le 27 août suivant et un nouveau procès-verbal de constatation d’infraction à la législation sur l’urbanisme le 22 août 2022. Ainsi, malgré une action constante de la commune pour faire respecter les règles d’urbanisme, M. [L] a persisté dans son projet et ce, sans jamais contester le refus de permis de construire ni la légalité du plan local d’urbanisme et la destination agricole du terrain.
Par ailleurs, les délais de la procédure ont d’ores et déjà permis aux appelants de bénéficier de près d’une année pour organiser leur relogement. Or, ceux-ci ne justifient d’aucune démarche effective en ce sens y compris depuis la décision du premier juge.
Il ressort de ce qui précède que le principe de la démolition ordonnée n’emporte pas de conséquences disproportionnées au regard du droit au respect de la vie privée et familiale des appelants.
Cependant, leur situation familiale et la présence dans les lieux litigieux de deux enfants de 5 et 7 ans, dont au moins la plus jeune est scolarisée dans la commune (pièce 16) conduit à leur accorder un délai supplémentaire de quatre mois à compter de la signification de la présente décision pour procéder à la démolition ordonnée.
La décision sera dès lors confirmée sur le principe de la démolition des constructions litigieuses et l’enlèvement du mobil-home mais infirmée sur son caractère immédiat.
Le principe de l’astreinte et son montant seront confirmés. Celle-ci, par infirmation de l’ordonnance, courra uniquement à compter de l’expiration du délai de quatre mois fixé par la présente décision pour procéder à la démolition.
Sur la nécessité d’ordonner l’expulsion des appelants
L’article 480-9 du code de l’urbanisme prévoit que :
Si, à l’expiration du délai fixé par le jugement, la démolition, la mise en conformité ou la remise en état ordonnée n’est pas complètement achevée, le maire ou le fonctionnaire compétent peut faire procéder d’office à tous travaux nécessaires à l’exécution de la décision de justice aux frais et risques du bénéficiaire des travaux irréguliers ou de l’utilisation irrégulière du sol.
Au cas où les travaux porteraient atteinte à des droits acquis par des tiers sur les lieux ou ouvrages visés, le maire ou le fonctionnaire compétent ne pourra faire procéder aux travaux mentionnés à l’alinéa précédent qu’après décision du tribunal judiciaire qui ordonnera, le cas échéant, l’expulsion de tous occupants.
Cependant, ces dispositions n’ont pas vocation à s’appliquer en l’espèce aucune atteinte aux droits acquis par des tiers n’étant caractérisée.
En tout état de cause, dans la mesure où M. [L] conserve la propriété des lieux litigieux, son expulsion et celle des seuls occupants de son chef n’a pas à être ordonnée en préalable de la démolition.
Dès lors, en l’absence de décision d’expulsion, les dispositions des articles L.412-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution ne sont pas applicables, étant souligné que le droit au logement et à une vie familiale normale ont d’ores et déjà être pris en considération dans le cadre du contrôle de proportionnalité effectué pour octroyer un délai supplémentaire aux appelants.
La décision sera confirmée de ces chefs.
Sur les demandes accessoires
MM. [O] et [N] [L], Mmes [U] et [P], parties perdantes, seront tenus aux dépens de l’appel. Ils seront condamnés à payer 3 000 euros à la commune de [Localité 6] au titre de ses frais irrépétibles.
Constate l’absence d’effet dévolutif de l’appel sur les chefs de l’ordonnance ayant rejeté la demande de sursis à statuer et déclaré recevable l’action de la commune [Localité 6] ;
Confirme l’ordonnance en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu’elle ordonne la démolition et l’enlèvement immédiats des constructions et du mobil-home litigieux ainsi que sur le point de départ de l’astreinte et l’infirme de ces chefs ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Dit que la démolition ordonnée devra intervenir dans les quatre mois de la signification de la présente décision ;
Fixe au premier jour suivant l’expiration de ce délai de quatre mois pour démolir le point de départ de l’astreinte fixée par l’ordonnance ;
Condamne MM. [O] et [N] [L] et Mmes [U] et [P] aux dépens de l’appel ;
Condamne MM. [O] et [N] [L] et Mmes [U] et [P] à payer 3 000 euros à la commune de [Localité 6] en application de l’article 700 du code de procédure.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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