Type de juridiction : Cour de cassation
Juridiction : Cour de cassation
Thématique : Chiffrement des télécommunications Sky ECC à des fins criminelles
→ RésuméEnquête sur Sky ECCL’affaire débute avec une enquête sur l’utilisation criminelle du système de chiffrement des télécommunications Sky ECC. Cette enquête a conduit à l’ouverture d’une information judiciaire auprès de la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Lille, portant sur des chefs d’association de malfaiteurs et de fourniture de prestations de cryptologie. De nombreuses interceptions de communications électroniques ont été réalisées sur commission rogatoire le 20 août 2019. Mesures de captation de donnéesSuite au dessaisissement des juges d’instruction de la JIRS de Lille, la juridiction nationale de lutte contre le crime organisé (JUNALCO) a pris en charge l’affaire. Une ordonnance et une commission rogatoire du 17 décembre 2020 ont permis la mise en œuvre d’une mesure de captation de données informatiques. Un procès-verbal de renseignement, daté du 17 février 2021, a été transmis au procureur de la République, impliquant plusieurs personnes, dont M. [E] [W], dans un trafic de stupéfiants. Ouverture d’une information judiciaireLe 6 mai 2021, une information judiciaire a été ouverte pour des infractions telles que l’importation de stupéfiants en bande organisée, l’association de malfaiteurs et le blanchiment. M. [W] a été mis en examen le 25 novembre 2022 pour ces chefs d’accusation. Le 17 mars 2023, il a déposé un mémoire devant la chambre de l’instruction, soulevant des moyens de nullité concernant des pièces de la procédure. Décision de la chambre de l’instructionLe 7 avril 2023, la chambre de l’instruction a ordonné un supplément d’information en réponse aux demandes de M. [W]. Concernant les moyens soulevés, la chambre a estimé que les premier, deuxième et cinquième moyens ne justifiaient pas l’admission du pourvoi. Critique de la géolocalisationLe troisième moyen contestait l’absence d’annulation d’un acte de la procédure, arguant que des mesures de géolocalisation avaient été effectuées sans autorisation spécifique. La chambre a répondu que la mesure de captation de données informatiques permettait le recueil de diverses données, y compris celles de géolocalisation, et que ces données avaient été obtenues légalement. Conclusion de la chambre de l’instructionLa chambre a conclu qu’aucun détournement de la mesure de captation n’avait eu lieu et que l’exploitation des données informatiques, combinée aux interceptions, avait permis d’établir des indices de faits nouveaux. L’article 706-102-1 du code de procédure pénale autorise le recueil de toutes les données informatiques, y compris celles de géolocalisation, sans qu’une autorisation distincte soit nécessaire. Par conséquent, le moyen soulevé par M. [W] a été écarté. |
N° N 24-81.941 F-D
N° 00042
ODVS
7 JANVIER 2025
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 7 JANVIER 2025
M. [E] [W] a formé un pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Rennes, en date du 8 mars 2024, qui, dans l’information suivie contre lui des chefs d’importation de stupéfiants en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants, contrebande de marchandises prohibées, association de malfaiteurs et blanchiment, en récidive, a prononcé sur sa demande d’annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance du 10 juin 2024, le président de la chambre criminelle a prescrit l’examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Chaline-Bellamy, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [E] [W], et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, après débats en l’audience publique du 10 décembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chaline-Bellamy, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. A la suite d’une enquête portant sur l’utilisation à des fins criminelles du système de chiffrement des télécommunications Sky ECC, une information a été ouverte auprès de la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Lille notamment des chefs d’association de malfaiteurs et de fourniture de prestations de cryptologie. De nombreuses interceptions de communications électroniques ont été mises en oeuvre sur commission rogatoire délivrée le 20 août 2019.
3. Après dessaisissement des juges d’instruction de la JIRS de Lille en faveur de la juridiction nationale de lutte contre le crime organisé (JUNALCO), une mesure de captation de données informatiques a été mise en oeuvre sur ordonnance et commission rogatoire du 17 décembre 2020.
4. Un procès-verbal de renseignement établi le 17 février 2021 a été transmis au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Rennes, relatant des interceptions de nature à impliquer plusieurs personnes dans un trafic de stupéfiants, dont M. [E] [W].
4. Une information a été ouverte le 6 mai 2021 des chefs notamment d’importation de stupéfiants en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs et blanchiment.
5. M. [W] a été mis en examen des chefs susmentionnés le 25 novembre 2022.
6. Par mémoire déposé le 17 mars 2023 devant la chambre de l’instruction, il a présenté des moyens de nullité de pièces de la procédure.
7. Par arrêt du 7 avril 2023, la chambre de l’instruction a ordonné un supplément d’information concernant les demandes de M. [W].
Sur les premier, deuxième et cinquième moyens
8. Ils ne sont pas de nature à permettre l’admission du pourvoi au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Réponse de la Cour
10. Pour écarter le moyen de nullité, selon lequel des mesures de géolocalisation des terminaux utilisés auraient été mises en oeuvre sans autorisation spécifique, l’arrêt attaqué énonce que la mesure de captation de données informatiques autorise le recueil de données très variées et qu’en l’espèce, elle a conduit à récupérer des données, re-dirigées par le dispositif technique autorisé, stockées ou circulant entre les boîtiers IMEI et les serveurs, dont les données de géolocalisation desdits boîtiers.
11. Les juges indiquent que, sur la question posée par l’arrêt avant dire droit précité portant sur les conditions d’obtention de la géolocalisation des équipements téléphoniques visés dans le procès-verbal de renseignement du 27 février 2021, le magistrat instructeur de la JUNALCO a précisé, le 18 septembre 2023, que « les données de géolocalisation résultent des opérations de captation informatique » (D1908/1).
12. Ils en concluent qu’aucun détournement de la mesure de captation aux fins de contourner le dispositif légal prévu pour la géolocalisation ne peut dès lors être sérieusement allégué et que la simple exploitation fine de ces données informatiques, alliées aux interceptions, a conduit, sans autres mesures coercitives ou d’ingérence des enquêteurs ou du magistrat instructeur, à la réunion d’indices de la commission de faits nouveaux distincts et d’éléments d’identification de leurs auteurs qui ont régulièrement conduit à l’établissement du procès-verbal du 27 février 2021.
13. En l’état de ces énonciations, la chambre de l’instruction a fait l’exacte application des textes visés au moyen.
14. En effet, l’article 706-102-1 du code de procédure pénale, qui ne distingue pas selon leur nature, autorise le recueil de toutes les données informatiques captées résultant de l’analyse des flux entre les terminaux, dont les données de géolocalisation des matériels informatiques utilisés.
15. En toute hypothèse, au regard des conditions exigées par les articles 706-95-11 à 706-95-19 du même code pour autoriser la mise en oeuvre de cette technique spéciale d’enquête, le demandeur ne saurait se faire un grief de l’absence d’autorisation spécifique et distincte de géolocalisation de ces matériels.
16. Dès lors, le moyen doit être écarté.
Votre avis sur ce point juridique ? Une actualité ? Une recommandation ?