Type de juridiction : Cour de cassation
Juridiction : Cour de cassation
Thématique : Indemnisation d’un préjudice reconnu malgré l’insuffisance de preuves chiffrées.
→ RésuméLe 31 décembre 2014, une victime a subi une cécité de l’œil droit à la suite d’un feu d’artifice allumé par un responsable. La caisse générale de sécurité sociale de La Réunion a engagé une procédure pour obtenir une indemnisation des dépenses de santé futures liées à cet accident. Le responsable, assuré auprès de la société Mutuelle assurance des instituteurs de France, a été reconnu coupable de cet incident.
La caisse a interjeté appel d’un jugement qui l’avait déboutée de sa demande d’indemnisation. Elle soutenait que le juge ne pouvait refuser de statuer sur sa demande en se basant sur l’insuffisance des preuves fournies. Selon la caisse, le juge aurait dû reconnaître le principe de la demande d’indemnisation, même si les éléments pour en apprécier le montant étaient jugés insuffisants. La cour d’appel a rejeté la demande de la caisse, arguant que bien que le préjudice soit reconnu, il était impossible de le quantifier. Elle a noté que la caisse se basait sur une attestation de son médecin-conseil, mais n’avait fourni qu’un chiffrage global sans détails sur les différents postes de dépenses. Cette décision a été contestée, car la cour d’appel a refusé d’évaluer un préjudice dont elle reconnaissait l’existence. La Cour de cassation a finalement cassé l’arrêt de la cour d’appel, soulignant que le juge ne pouvait pas refuser d’indemniser un préjudice reconnu en principe en raison d’un manque de preuves. Elle a renvoyé l’affaire devant la cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion, autrement composée, et a condamné le responsable et son assureur aux dépens, tout en rejetant leur demande de remboursement des frais. |
Cour de cassation, 3 avril 2025, N° Pourvoi 23-20.568
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 3 avril 2025
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 326 F-D
Pourvoi n° H 23-20.568
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 AVRIL 2025
La caisse générale de sécurité sociale de La Réunion, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° H 23-20.568 contre l’arrêt rendu le 27 février 2023 par la cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion (chambre civile TGI), dans le litige l’opposant :
1°/ à M. [O] [E], domicilié [Adresse 2],
2°/ à Mme [Z] [P], domiciliée [Adresse 4],
3°/ à la société Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF), dont le siège est [Adresse 1], ayant un établissement [Adresse 5],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Salomon, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion, de la SARL Le Prado – Gilbert, avocat de M. [E] et de la société Mutuelle assurance des instituteurs de France, et l’avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l’audience publique du 26 février 2025 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Salomon, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 27 février 2023) et les productions, le 31 décembre 2014, Mme [P] a reçu dans l’il droit un feu d’artifice allumé par M. [E], qui lui a occasionné une cécité de cet il.
2. La caisse générale de sécurité sociale de La Réunion (la caisse) a interjeté appel du jugement l’ayant déboutée de sa demande au titre des dépenses de santé futures de la victime de cet accident, dont M. [E], assuré auprès de la société Mutuelle assurance des instituteurs de France (la MAIF), a été reconnu responsable.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La caisse fait grief à l’arrêt de la débouter de ses demandes au titre des dépenses de santé futures, alors « que le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l’insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu’à ce titre, le juge ne peut écarter une demande fondée en son principe, motif pris de l’insuffisance des éléments lui permettant d’en apprécier le quantum ; qu’en déboutant la caisse de sa demande au titre des dépenses de santé futures, fondée en son principe, motif pris de l’insuffisance des éléments fournis par la caisse aux fins d’apprécier le chiffrage qu’elle retenait, les juges du fond ont violé l’article 4 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 4 du code civil :
4. Il résulte de ce texte que le juge ne peut refuser d’indemniser un préjudice dont il constate l’existence en son principe, au motif de l’insuffisance des preuves fournies par une partie.
5. Pour débouter la caisse de sa demande d’indemnisation des dépenses de santé futures de Mme [P], l’arrêt retient, par motifs adoptés, que ce poste de préjudice, bien que constitué, est impossible à déterminer et, par motifs propres, que la caisse se fonde sur l’attestation de son médecin-conseil mais ne produit qu’un chiffrage global, à l’exclusion de tout autre élément, pour des postes de dépenses différents non chiffrés et des périodes d’un an pour les consultations, les compresses, solutions et le repolissage et une période de six années pour le renouvellement de la prothèse.
6. En statuant ainsi, la cour d’appel, qui a refusé d’évaluer et d’indemniser un préjudice dont elle constatait l’existence en son principe, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur l’autre grief du pourvoi la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 27 février 2023, entre les parties, par la cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion ;
Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion autrement composée ;
Condamne M. [E] et la MAIF aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [E] et la MAIF et les condamne in solidum à payer à la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille vingt-cinq.
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