Type de juridiction : Cour de cassation
Juridiction : Cour de cassation
Thématique : Inaptitude et protection des salariés : enjeux de compétence et de droits.
→ RésuméEngagement et évolution professionnelleM. [F] a été engagé par la société Inveho Ufo le 3 mai 1993 en tant qu’aide-réparateur, avec une ancienneté reconnue depuis le 1er janvier 1991. Il a été promu responsable planning ordonnancement le 16 mars 2016 et détient un mandat de représentation du personnel depuis le 22 décembre 2014. Signalement de harcèlement et changement d’affectationLe 19 février 2020, M. [F] a alerté son employeur concernant un comportement qu’il considérait comme harcelant de la part d’un supérieur hiérarchique. En réponse, la société l’a informé de son changement d’affectation le 25 mai 2020. M. [F] a ensuite été en arrêt de travail à partir du 5 juin 2020. Actions judiciaires et licenciementLe 19 novembre 2020, M. [F] a saisi la juridiction prud’homale, alléguant avoir subi une discrimination liée à son mandat et un harcèlement moral. Il a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail ainsi que diverses indemnités. Le 25 mai 2022, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement, après avis du comité social et économique et autorisation du ministre du travail. Incompétence du juge judiciaireM. [F] a contesté la décision de la cour d’appel qui a jugé que le juge judiciaire était incompétent pour statuer sur ses demandes concernant la nullité de son licenciement et les dommages-intérêts associés. Il a soutenu que l’autorisation de licenciement ne devait pas empêcher le juge de considérer les manquements de l’employeur. Réponse de la CourLa Cour a précisé que l’autorisation de licenciement ne faisait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir ses droits devant les juridictions judiciaires. Cependant, elle a également souligné que le ministre du travail avait exclu tout lien entre le licenciement et le mandat de M. [F], ce qui a conduit à la décision de la cour d’appel de ne pas statuer sur les demandes de dommages-intérêts et de nullité du licenciement. Conclusion de la CourLa cour d’appel a déclaré irrecevables les demandes de M. [F], considérant qu’elles se heurtaient à l’autorité de la chose décidée par le ministre du travail. La Cour a ainsi conclu que le moyen soulevé par M. [F] n’était pas fondé. |
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 22 janvier 2025
Rejet
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 66 F-D
Pourvoi n° B 23-13.226
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 JANVIER 2025
M. [G] [F], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 23-13.226 contre l’arrêt rendu le 25 novembre 2022 par la cour d’appel de Bourges (chambre sociale), dans le litige l’opposant à la société Inveho Ufo, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bérard, conseiller, les observations de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de M. [F], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Inveho Ufo, après débats en l’audience publique du 11 décembre 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bérard, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué et les productions (Bourges, 25 novembre 2022), M. [F] a été engagé le 3 mai 1993 par la société Inveho Ufo (la société), en qualité d’aide-réparateur avec reprise d’ancienneté au 1er janvier 1991, puis a été promu responsable planning ordonnancement le 16 mars 2016.
2. Il est titulaire d’un mandat de représentation du personnel depuis le 22 décembre 2014.
3. Il a alerté le 19 février 2020 son employeur du comportement estimé harcelant de la part d’un supérieur hiérarchique.
4. La société l’a informé de son changement d’affectation le 25 mai 2020.
5. Le salarié a été en arrêt de travail à compter du 5 juin 2020.
6. Soutenant avoir subi une discrimination à raison de son mandat et un harcèlement moral, le salarié a saisi la juridiction prud’homale le 19 novembre 2020 d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ainsi que de demandes de condamnation de la société à lui payer diverses sommes à titre de maintien de salaire, d’indemnité compensatrice de préavis, d’indemnité de licenciement, d’indemnité pour violation du statut protecteur, ainsi que de dommages-intérêts pour licenciement nul, pour harcèlement moral et pour discrimination en raison de son mandat électif.
7. Le 25 mai 2022, le salarié a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement après avis du comité social et économique et autorisation de licenciement délivrée par décision du ministre du travail en date du 9 mai 2022.
Réponse de la Cour
9. En premier lieu, l’autorisation de licenciement donnée par l’inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l’origine de l’inaptitude lorsqu’il l’attribue à un manquement de l’employeur à ses obligations. A cet égard, si le juge ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire postérieurement au prononcé du licenciement notifié sur le fondement d’une autorisation administrative de licenciement accordée à l’employeur, il lui appartient, le cas échéant, de faire droit aux demandes de dommages-intérêts au titre de l’absence de cause réelle et sérieuse ou de la nullité du licenciement ainsi que d’ordonner le remboursement par l’employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage.
10. Les motifs par lesquels le ministre du travail exclut tout lien avec le mandat pour autoriser le licenciement d’un salarié protégé sont le soutien nécessaire de sa décision et s’imposent, en vertu de la séparation des pouvoirs, au juge judiciaire.
11. Ayant retenu que la décision du ministre du travail autorisant le licenciement du salarié pour inaptitude avait expressément conclu que le comportement du supérieur hiérarchique ayant fait l’objet de l’alerte effectuée par le salarié n’était pas constitutif d’un harcèlement et que la rétrogradation invoquée par le salarié comme mesure de rétorsion à la suite de cette alerte n’était pas constituée et relevé que le salarié se fondait exclusivement sur ces éléments au soutien de ses demandes au titre de la discrimination syndicale et du harcèlement moral, la cour d’appel en a déduit exactement, ces motifs étant le soutien nécessaire de la décision du ministre autorisant le licenciement en l’absence de tout lien avec le mandat, que le juge judiciaire ne pouvait, en vertu du principe de la séparation des pouvoirs, statuer sur les manquements allégués par le salarié au soutien de ses demandes de dommages-intérêts et de nullité du licenciement.
12. En second lieu, en déclarant irrecevables les demandes du salarié comme se heurtant à l’autorité de la chose décidée par le ministre du travail, la cour d’appel, qui n’a pas statué au fond, n’a pas excédé ses pouvoirs.
13. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé.
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