Type de juridiction : Cour de cassation
Juridiction : Cour de cassation
Thématique : Clarification des critères tarifaires pour les extraits aromatiques importés.
→ RésuméLa société Safram France a formé un pourvoi contre un arrêt de la cour d’appel de Montpellier, dans un litige l’opposant à la direction régionale des douanes et droits indirects ainsi qu’à la direction générale des douanes et droits indirects. Ce litige découle d’une importation d’extraits aromatiques par la société Safram, agissant en tant que déclarant en douane pour la société Tradall, qui fabrique ces extraits en Suisse pour les boissons spiritueuses produites en France par la société Bacardi Martini production.
En 2013, l’administration des douanes a effectué des contrôles et a conclu que les marchandises importées étaient soumises à des droits de douane de 17,3 %, en raison de fausses déclarations concernant leur classification tarifaire. Suite à cela, un avis de mise en recouvrement a été émis, que la société Safram a contesté. Après le rejet de sa contestation, elle a assigné l’administration douanière pour obtenir l’annulation de cet avis et la décharge des droits de douane. La cour d’appel a confirmé que les droits de douane et la TVA étaient dus, rejetant les demandes de la société Safram. Cette dernière a soutenu que la classification tarifaire des produits importés était incorrecte, arguant que les extraits aromatiques ne constituaient qu’une partie des agents aromatisants de la boisson finale, qui incluait également la vodka. La cour a cependant statué que les extraits importés étaient bien classés sous la position tarifaire relative aux substances odoriférantes, et que la vodka ne pouvait pas être considérée comme un agent aromatisant au sens du tarif douanier. La société Safram a contesté cette décision, affirmant que la cour n’avait pas correctement pris en compte les définitions des agents aromatisants selon les instruments communautaires. Elle a également soutenu que la cour avait omis de réaliser une analyse comparative des propriétés aromatiques des produits importés et des produits finis, ce qui aurait été nécessaire pour établir la présence de tous les agents aromatisants. Toutefois, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi, considérant que les arguments de la société Safram n’étaient pas de nature à entraîner la cassation. |
Cour de cassation, 2 avril 2025, N° Pourvoi 23-22.096
Chambre commerciale financière et économique
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Formation restreinte hors RNSM/NA
COMM.
JB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 2 avril 2025
Rejet
M. PONSOT, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 187 F-D
Pourvoi n° T 23-22.096
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 AVRIL 2025
La société Safram France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° T 23-22.096 contre l’arrêt n°RG 21/04853 rendu le 5 septembre 2023 par la cour d’appel de Montpellier (Chambre commerciale), dans le litige l’opposant :
1°/ à la direction régionale des douanes et droits indirects de [Localité 5], dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la direction générale des doaunes et droits indirects, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Gauthier, conseiller, les observations de la SAS Hannotin Avocats, avocat de la société Safram France, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la direction régionale des douanes et droits indirects de [Localité 5], et de la direction générale des doaunes et droits indirects, après débats en l’audience publique du 11 février 2025 où étaient présents M. Ponsot, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Gauthier, conseiller rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Montpellier, 5 septembre 2023, n° RG 21/04853), la société Tradall fabrique en Suisse des extraits aromatiques, destinés à être incorporés dans la composition de boissons spiritueuses, fabriquées en France par la société Bacardi Martini production. A cette fin, elle importe, par l’intermédiaire de la société Safram France (la société Safram), en qualité de déclarant en douane sous mandat de représentation indirecte, ces extraits en France qui doivent être ajoutés, notamment, à de la vodka. Ils ont été déclarés à la sous-position tarifaire 3302 10 40, exemptés de droits de douane.
2. A la suite de contrôles opérés en 2013, l’administration des douanes a retenu que les marchandises importées par la société Tradall et la société Safram, relevant de la sous-position tarifaire 3302 10 10, étaient soumises à des droits de douane de 17,3 % et lui a notifié des infractions de fausses déclarations d’espèces.
3. L’administration des douanes a émis un avis de mise en recouvrement (AMR) que la société Safram a contesté. Après rejet de sa contestation, elle a assigné celle-ci afin d’obtenir l’annulation de l’AMR et la décharge de ces droits.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
4. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
5. La société Safram fait grief à l’arrêt de dire que les droits de douanes et la TVA incidente sont dus et de confirmer le jugement, notamment en ce qu’il a rejeté ses demandes tendant au prononcé de la nullité de la décision de redressement de l’administration des douanes du 13 août 2019 et à ce que soit ordonnée l’annulation de l’AMR, alors :
« 1°/ que l’espèce tarifaire d’un produit importé est déterminée au regard de la nomenclature combinée, laquelle définie des positions et des sous-positions ; qu’au cas particulier de la position relative aux substances odoriférantes et de la sous position définie au regard de la présence, dans le produit importé, de tous les agents aromatisants caractéristiques de la boisson finale, par hypothèse, ces agents aromatisants ne sont pas nécessairement des substances odoriférantes mais peuvent relever d’autres positions, sans quoi les substances odoriférantes importées présenteraient toujours l’ensemble des agents aromatisants du produit fini ; qu’au cas présent, la société Safram soulignait, dans ses conclusions d’appel, que les Flavor Keys importées ne constituaient qu’une partie des agents aromatisants entrant dans la composition de la boisson finale dans la mesure où la vodka, à laquelle ces Flavor Keys étaient mélangées, présentait elle aussi des agents aromatisants propres ; qu’en réponse, la cour d’appel a affirmé que les Flavor Keys litigieux faisant partie de la position relative aux substances odoriférantes (3302) cependant que la vodka correspondrait à une autre position (2208), ladite vodka, dont elle reconnaissait par ailleurs l’arôme propre, ne pourrait constituer un des agents aromatisants caractéristiques de la boisson finale (ici obtenue par un mélange de vodka et des Flavor Keys en question) ; qu’on lit ainsi dans l’arrêt attaqué : « Selon les notes explicatives du système harmonisé de la position 3302, les substances odoriférantes servent ‘principalement à conférer aux boissons arôme, et dans une moindre mesure, saveur’. Ce classement ne comprend pas les alcools, classées au SH 2208, dont relève la vodka [ ] qui peut être aromatisée, annexe I-31, étant dans ce cas, une vodka à laquelle a été conféré un arôme prédominant autre que celui des matières premières utilisées pour produire la vodka. L’article 5 b) de ce règlement précise que l’alcool éthylique d’origine agricole utilisé ne présente aucun goût détectable autre que celui de la matière première. [ ] Il s’ensuit que l’arôme de la matière première de la vodka, qui ne peut être dénié (et ne l’est pas par l’administration douanière), ne constitue pas, au sens du tarif douanier, un agent aromatisant » ; qu’en statuant ainsi, en assimilant la notion d’agent aromatisant à celle de substances odoriférantes cependant que ni la nomenclature combinée, ni le système harmonisé, n’opèrent une telle assimilation, la cour d’appel a violé l’article 56 du code des douanes de l’Union, ensemble l’annexe I du règlement n° 2658/87 du Conseil du 23 juillet 1987 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, dans sa rédaction issue du règlement d’exécution n° 927/2012 de la Commission du 9 octobre 2012 ;
2°/ que les termes et l’objet du litige sont déterminés par les conclusions des parties ; qu’au cas présent, la société Safram soulignait, dans ses conclusions d’appel, que la notion d’agents aromatisants n’étant pas définie par la nomenclature combinée (comme par le système harmonisé), il convenait d’en apprécier le sens au regard des instruments communautaires qui définissaient notamment les notions voisines d’arômes et d’aromatisation, et, par conséquent, qu’au regard de ces définitions, la vodka, qui présentait un arôme propre, était un agent aromatisant ; qu’en réponse, la cour d’appel s’est bornée à affirmer que « L’absence de définition par les instruments communautaires [le tarif douanier commun] de la définition d’un agent aromatisant n’est pas utile à la solution du litige en ce que les parties ne s’opposent pas sur une telle définition, mais sur l’existence ou pas, d’un arôme dans la vodka au sens du tarif douanier » ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui n’a pas respecté les termes du litige tels que définis par l’appelante, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
3°/ que la notion d’agents aromatisants n’est pas définie par la nomenclature combinée, pas plus que par le système harmonisé ; que la notion d’arômes, comme celle d’aromatisation, sont cependant définies par les instruments communautaires – nonobstant que lesdits instruments portent sur des denrées alimentaires brutes, leur intérêt résidant non dans leur objet mais dans les définitions consacrées –, de sorte que c’est au regard de ces définitions que doit être entendue la notion d’agent aromatisant déterminante de l’espèce tarifaire du produit importé ; qu’au cas présent, la société Safram soulignait, dans ses conclusions d’appel, que la notion d’agent aromatisant, définie par renvoi aux définitions consacrées par d’autres instruments communautaires, concernait tant les substances odoriférantes de la position 3302 que l’arôme propre de la vodka – arôme reconnu par ces mêmes instruments communautaires –, de sorte que les Flavor Keys litigieuses ne pouvaient présenter tous les agents aromatisants du produit fini (encore une fois, obtenu par un mélange entre la vodka et lesdits Flavor Key) ; qu’en réponse, la cour d’appel, pour exclure toute idée de définition de la notion d’agent aromatisant par renvoi aux instruments communautaires, seuls instruments à proposer des définitions de la notion d’arôme ou du procédé d’aromatisation, a uniquement affirmé que « le règlement 1334/2008 du 16 décembre 2008 relatif, notamment, aux arômes, ne s’applique pas aux denrées alimentaires brutes » ; qu’en statuant ainsi, cependant que la notion d’agent aromatisant, ici déterminante du classement des produits importés, n’est pas définie par la nomenclature combinée (comme par le système harmonisé) mais que celles d’arômes et d’aromatisation font l’objet de définitions par les instruments communautaires – peu important que ces définitions soient utilisées par des textes relatifs à des denrées –, la cour d’appel a violé l’article 56 du code des douanes de l’Union, ensemble l’annexe I du règlement n° 2658/87 du Conseil du 23 juillet 1987 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, dans sa rédaction issue du règlement d’exécution n° 927/2012 de la Commission du 9 octobre 2012 ;
4°/ que si le fait qu’une sous-position tarifaire soit définie par la présence de tous les agents aromatisants qui caractérisent le produit fini implique la connaissance de la destination des produits importés (leur mélange à un autre produit pour obtenir le produit fini), la seule connaissance de cette destination ne suffit pas à déterminer que le produit importé présente tous les agents aromatisants du produit fini ; que pour trancher le question de la présence ou non de tous ces agents aromatisants, la douane doit procéder à une analyse comparative des propriétés aromatiques des produits importés et des produits finis, sans que la simple lecture des composants de chacun des produits permette d’atteindre ce résultat, celui-ci nécessitant la réalisation d’analyses sensorielles ; qu’au cas présent, la société Safram soulignait, dans ses conclusions d’appel, que, la destination du produit importé faisant partie de la définition de la sous-position douanière litigieuses, il fallait apprécier la prétendue présence de la totalité des agents aromatisants dans le produit importé par rapport au produit fini, ce que ne permet pas le recours à un « avis » établi par simple lecture comparative des composants des produits importés et finis ; qu’en réponse, la cour d’appel a retenu que, chacun des Flavor Keys litigieux étant associé à un unique produit fini, la destination des produits importés pouvait être déterminée avant tout dédouanement, de sorte que ces Flavor Keys présenteraient « tous les agents aromatisants de chaque vodka concernée » ; qu’on lit ainsi dans l’arrêt attaqué : « Chaque flavor key correspond spécifiquement à une boisson du groupe Bacardi ; le nom commercial des flavor keys, qui figure sur les factures, indique le type de boisson finale élaborée avec chaque flavor key et les extraits de la comptabilité matière de la société Tradall confirment que chaque flavor key, utilisée seule ou combinée avec une autre, est associée à un seul type de produit final, de sorte que la destination des dites flavor keys, bien qu’appréciée au moment du dédouanement, est connue à ce moment-là. En l’occurrence, les quatre flavor keys [ ] comprennent tous les agents aromatisants de chaque vodka concernée. [ ] Cette analyse est confirmée par les rapports techniques du laboratoire de [Localité 4] en date des 2 et 5 septembre 2016 pour les flavor keys ERILPCF PCFLTR AT + 63,91 % 781-262 et Grey FLC LTR CA 60,3 % 440-5-93 » ; qu’en statuant ainsi, en déduisant de la connaissance de la destination des produits importés leur composition, à savoir la prétendue présence de la totalité des agents aromatisants caractéristiques du produit fini, sans qu’aucune analyse comparative des propriétés aromatiques des produits importés et des produits finis ne soit réalisée, la cour d’appel a violé l’article 56 du code des douanes de l’Union, ensemble l’annexe I du règlement n° 2658/87 du Conseil du 23 juillet 1987 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, dans sa rédaction issue du règlement d’exécution n° 927/2012 de la Commission du 9 octobre 2012 ;
5°/ que le juge ne peut statuer par pure affirmation ; que le juge, saisi d’une action tendant à l’annulation d’un AMR en raison de l’absence de preuve de la réalité de l’infraction alléguée, doit vérifier qu’au regard des éléments de preuve produits aux débats, le déclassement opéré par la douane était justifié ; qu’au cas présent, la cour d’appel, après avoir affirmé que les Flavor Keys litigieuses auraient contenus tous les agents aromatisants caractéristiques du produit fini, a considéré que cette affirmation serait confirmée par « les rapports techniques du laboratoire de Lyon en date des 2 et 5 septembre 2016 pour les flavor keys ERILPCF FK LTR AT + 63,91 % 781-262 et Grey FLC LTR CA 60,3 % 440-5-93″ ; qu’en statuant ainsi, cependant que l’infraction de fausse déclaration douanière portait sur quatre Flavor Keys et que les rapports techniques » n’en concernaient que deux, la cour d’appel a violé les articles 342 du code des douanes et 56 du code des douanes de l’Union, ensemble l’annexe I du règlement n° 2658/87 du Conseil du 23 juillet 1987 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, dans sa rédaction issue du règlement d’exécution n° 927/2012 de la Commission du 9 octobre 2012. »
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