Type de juridiction : Cour de cassation
Juridiction : Cour de cassation
Thématique : Responsabilité notariale et devoir de conseil : enjeux d’une succession complexe
→ RésuméDans cette affaire, une veuve a formé un pourvoi contre un arrêt de la cour d’appel de Bordeaux concernant la succession de son époux décédé en 2008. Le couple était marié sous le régime de la communauté universelle, et le défunt avait deux filles issues d’une précédente union. Un acte de partage amiable de la succession a été établi par un notaire associé à une société notariale en 2009. La veuve a contesté cet acte, arguant que le notaire avait manqué à son devoir de conseil, notamment en ce qui concerne l’indemnité de réduction qui lui était imposée.
La veuve a d’abord tenté d’annuler l’acte de partage, mais sa demande a été rejetée par un arrêt de la cour d’appel en 2017. Par la suite, elle a assigné le notaire et la société notariale en responsabilité, soutenant que le notaire ne l’avait pas correctement informée des conséquences de la renonciation à certains droits liés aux contrats d’assurance-vie, qui avaient été intégrés dans l’actif successoral. Elle a également affirmé que le notaire n’avait pas respecté son devoir de conseil en ne lui fournissant pas d’informations claires sur les implications de cette renonciation. La cour d’appel a rejeté les demandes de la veuve, considérant que le notaire avait fourni plusieurs courriers explicatifs et que la veuve avait été informée des différentes options possibles. Toutefois, la veuve a contesté cette décision, arguant que les informations fournies n’étaient pas suffisantes pour lui permettre de prendre une décision éclairée. La Cour de cassation, après avoir examiné les arguments, a décidé de ne pas statuer sur les moyens présentés, considérant qu’ils n’étaient pas de nature à entraîner la cassation de l’arrêt. |
Cour de cassation, 2 avril 2025, N° Pourvoi 23-18.930
Première chambre civile
–
Formation restreinte hors RNSM/NA
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 2 avril 2025
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 212 F-D
Pourvoi n° B 23-18.930
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 AVRIL 2025
Mme [E] [D], veuve [H], domiciliée [Adresse 1], [Localité 3], a formé le pourvoi n° B 23-18.930 contre l’arrêt rendu le 6 juin 2023 par la cour d’appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige l’opposant :
1°/ à M. [M] [N], domicilié avenue du [Adresse 4], [Localité 2],
2°/ à la société [M] [N] notaire associé, société civile professionnelle titulaire d’un office notarial, anciennement dénommée la société [P] [R] et [M] [N] notaires associés, dont le siège est avenue du [Adresse 4], [Localité 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Bruyère, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de Mme [D], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [N] et de la société [M] [N] notaire associé, après débats en l’audience publique du 11 février 2025 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Bruyère, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Bordeaux, 6 juin 2023), statuant sur renvoi après cassation (1re Civ., 9 novembre 2022, pourvoi n° 21-11.810), [L] [H] est décédé le 27 juin 2008, en laissant pour lui succéder son épouse, Mme [D], avec laquelle il était marié sous le régime de la communauté universelle, et ses deux filles issues d’une précédente union.
2. Par acte du 29 juin 2009, reçu par M. [N] (le notaire), notaire associé au sein de la société civile professionnelle [P] [R] et [M] [N] devenue la société civile professionnelle [M] [N] (la société notariale), il a été procédé au partage amiable de la succession.
3. Un arrêt du 19 juin 2017 a rejeté la demande de Mme [D] tendant à l’annulation de cet acte.
4. Reprochant au notaire d’avoir manqué à son devoir de conseil sur l’indemnité de réduction mise à sa charge, Mme [D] l’a assigné, ainsi que la société notariale, en responsabilité et indemnisation.
Examen du moyen
Sur le moyen pris en ses troisième et cinquième branches
5. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches
Enoncé du moyen
6. Mme [D] fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes contre le notaire, alors :
« 1°/ que devant les juges du fond, Mme [D] soulignait que le notaire avait manqué à son devoir de conseil parce que la totalité des primes versées sur les cinq contrats d’assurance-vie avait pourtant été intégrée, qu’il était inconcevable que le notaire lui conseille de renoncer au bénéfice des articles L. 132-12 et L. 132-13 du code des assurances quand l’analyse de l’arrêt du 19 juin 2017, selon laquelle les primes étaient potentiellement rapportables, ne reposait sur rien et au contraire l’importante fortune de M. [H] révélait l’inexistence d’un risque de rapport et réduction, la circonstance qu’il avait consacré 58 % de ses avoirs à abonder les contrat d’assurance-vie ne caractérisant pas des primes manifestement exagérées, que le notaire n’avait même jamais informé Mme [D] sur les articles L. 132-12 et L. 132-13 du code des assurances, en quoi elle ne pouvait avoir transigé de manière éclairée, et avait encore moins fait d’analyse concrète démontrant l’intérêt pour elle de renoncer au bénéfice de ces articles du code des assurances, que sur ce point le notaire avait négocié avec les notaires des belles-filles de Mme [D] dans le dos de cette dernière qui, interrogée par le notaire, avait spontanément répondu qu’elle refusait de transiger et d’accepter l’intégration des contrats d’assurance-vie dans l’actif successoral, ce qui résultait d’un courrier du 3 février 2009 adressé par le notaire à son confrère Me [I], qu’ainsi le notaire a rédigé l’acte de partage du 29 juin 2009 contre la volonté de Mme [D] mais ne démontrait pas qu’il l’aurait éclairée sur le régime des contrats d’assurance-vie litigieux ni ne lui aurait laissé le temps de la réflexion, qu’à cet égard il ne produisait aucune consultation, aucun courrier circonstancié, aucune instruction donnée par Mme [D] de négocier l’intégration des contrats d’assurance-vie dans les actifs de la succession, aucune lettre informant Mme [D] de l’avancement des négociations, que le courrier du 4 mai 2009 ne lui fournissait ni information ni éclairage sur les éléments de ce dossier et les dispositions du code des assurances, et que ledit courrier ne faisait pas mention de ce que les primes d’assurances vie étaient intégrées dans l’actif successoral à hauteur de 923.536,15 € au préjudice des droits de Mme [D], de sorte que ce courrier ne répondait pas aux exigences de l’arrêt de la Cour de cassation du 9 novembre 2022 (pourvoi n° W 21-11.810) imposant au notaire de précisément attirer l’attention de Mme [D] sur la réintégration à la masse successorale d’un montant de primes d’assurance-vie de 923.536,15 € portant l’indemnité de réduction de 167.101,34 € à 884.404,14 €, que la déclaration fiscale de succession signée par Mme [D] et ses belles-filles mentionnait un montant d’indemnité de réduction due par Mme [D] de 164.l01,34 € tandis qu’avant la signature de cette déclaration de succession le notaire avait adressé à Mme [D], le 17 décembre 2008, un courrier indiquant que le projet de déclaration de succession reprenait des chiffres définitifs, de sorte qu’il résultait des propres déclarations du notaire que lesdits chiffres étaient définitifs et devaient être retenus pour le règlement civil de la succession, et que le notaire ne produisait aucun élément établissant que les belles-filles de Mme [D] auraient menacé de diligenter des procédures en l’absence d’accord transactionnel ; qu’en écartant la responsabilité du notaire sans s’expliquer sur aucun de ces points déterminants, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1240 du code civil ;
2°/ que, devant les juges du fond, Mme [D] faisait valoir que le notaire avait violé son devoir de conseil en ne l’alertant pas sur les conséquences de l’adoption d’une transaction comportant sa renonciation au bénéfice des articles L. 132-12 et L. 132-13 du code des assurances non plus que sur l’intégration de cette transaction dans le partage amiable, lors-même que par son arrêt du 19 juin 2017 la cour d’appel de Pau avait refusé d’annuler ladite transaction défavorable à l’exposante au motif qu’elle était établie par acte notarié et que lorsque Mme [D] l’a acceptée elle était assistée du notaire ; qu’en ne s’expliquant pas davantage sur ce point déterminant, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1240 du code civil ;
4°/ que pour écarter le manquement du notaire à son devoir de conseil, les juges du fond ont retenu qu’il avait adressé à Mme [D] plusieurs courriers, à savoir, le 15 décembre 2008, une copie de l’inventaire mobilier, un exemplaire de la liquidation de communauté et de succession chiffré, le montant de l’indemnité de réduction évalué à 220.107,24 €, puis le 17 décembre 2008, un courrier qui rectifiait trois erreurs et précisait que cela ramenait l’indemnité de réduction à 167 101,34 €, puis le 4 mai 2009, la copie de sa réponse à Me [I], faisant suite à des échanges entre les notaires évoquant plusieurs solutions possibles, selon laquelle Mme [D] se proposait de retenir, à titre transactionnel, la solution n° 2 avec une évaluation de son usufruit à 33% et dans cette hypothèse une valorisation de ses droits à 2.861.927,11 € avec à sa charge une indemnité de réduction de 884.703.89 €, et enfin, le 12 juin 2009, le projet d’acte de partage chiffrant le solde de l’indemnité de réduction à 717.602,80 € ; qu’en statuant par ces motifs, relatifs à des informations multiples et évolutives, impropres à caractériser que le notaire avait exécuté son devoir de conseil en éclairant Mme [D], de manière complète et circonstanciée, sur la portée, les effets et les risques de l’acte de partage en projet, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1240 du code civil. »
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