Type de juridiction : Cour de cassation
Juridiction : Cour de cassation
Thématique : Divulgation de l’homosexualité d’un tiers
→ RésuméLa divulgation de l’homosexualité d’un ancien secrétaire général du Front national a suscité un débat sur le droit à l’information et le respect de la vie privée. La Cour de cassation a jugé que cette révélation était justifiée par l’intérêt général, compte tenu de l’évolution de la doctrine du parti, souvent perçu comme homophobe. Les juges ont souligné que l’orientation sexuelle de figures politiques peut influencer la perception publique et le débat social. Ainsi, même si la vie privée est protégée, l’exposition en politique peut légitimement soulever des questions d’intérêt public, nécessitant un équilibre entre ces droits.
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Débat d’information applicable
D’aucuns pensaient que la sexualité et les orientations sexuelles faisaient partie de la sphère la plus intime de la vie privée et totalement protégées par l’article 9 du Code civil. Cette protection n’est pas absolue. L’exception de débat d’intérêt général a finalement été retenue par la Cour de cassation dans le cadre de la publication de l’ouvrage « Le Front national des villes et le Front national des champs » (Octave Nitkowski, Jacob-Duvernet Editions).
Homosexualité au FN
A l’origine de l’affaire, l’ancien secrétaire général du Front national dont l’homosexualité avait été dévoilée dans l’ouvrage d’Octave Nitkowski. Les juges du fond ont considéré à tort que cette révélation n’était pas justifiée par le droit à l’information légitime du public. D’une part, les interrogations de l’auteur de l’ouvrage sur l’évolution de la doctrine d’un parti politique, présenté comme plutôt homophobe à l’origine, et l’influence que pourrait exercer, à ce titre, l’orientation sexuelle de plusieurs de ses membres dirigeants, relevaient bien d’un débat d’intérêt général selon les juges suprêmes. D’autre part, l’ancien secrétaire général du Front national était un membre influent de ce parti dans la région Nord-Pas-de-Calais.
Contrôle de proportionnalité
Le droit au respect de la vie privée et le droit à la liberté d’expression revêtent une même valeur normative. Il appartient au juge saisi de rechercher un équilibre entre ces droits et, le cas échéant, de privilégier la solution la plus protectrice de l’intérêt le plus légitime. Pour procéder à la mise en balance des droits en présence, il y a lieu de prendre en considération la contribution de la publication incriminée à un débat d’intérêt général, la notoriété de la personne visée, l’objet de cette publication, le comportement antérieur de la personne concernée, ainsi que le contenu, la forme et les répercussions de la publication (CEDH, arrêt du 10 novembre 2015, Couderc et Hachette associés c. France [GC], n 40454/07, § 93 ; 1 Civ., 21 mars 2018, pourvoi n°16-28.741).
Périmètre du débat d’intérêt général
Il résulte de la jurisprudence de la CEDH que se rapportent à un débat d’intérêt général les questions qui touchent le public dans une mesure telle qu’il peut légitimement s’y intéresser, qui éveillent son attention ou le préoccupent sensiblement, notamment parce qu’elles concernent le bien-être des citoyens ou la vie de la collectivité (arrêt Couderc et Hachette associés c. France, précité, § 103). Tel est le cas également des questions qui sont susceptibles de créer une forte controverse, qui portent sur un thème social important ou encore qui ont trait à un problème dont le public aurait intérêt à être informé (ibid.).
Exposition particulière en politique
Si toute personne, quels que soient son rang, sa naissance, sa fortune, ses fonctions présentes ou à venir, a droit au respect de sa vie privée (1 Civ., 27 février 2007, pourvoi n° 06-10.393, Bull. 2007, I, 85), le fait d’exercer une fonction publique ou de prétendre à un rôle politique expose nécessairement à l’attention du public, y compris dans des domaines relevant de la vie privée, de sorte que certains actes privés de personnes publiques peuvent ne pas être considérés comme tels, en raison de l’impact qu’ils peuvent avoir, eu égard au rôle de ces personnes sur la scène politique ou sociale et de l’intérêt que le public peut avoir, en conséquence, à en prendre connaissance (arrêt Couderc et Hachette associés c. France, précité, § 120).
Indifférence d’une prise de positionnement
A noter que dans cette affaire, l’ancien secrétaire général ne s’était jamais publiquement exprimé sur un sujet lié de près ou de loin à une appartenance sexuelle quelconque et que le seul article de presse qu’il produisait, s’agissant du mariage pour tous, paraissait plutôt démontrer qu’il n’était nullement en faveur du projet de loi.
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