Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel d’Orléans
Thématique : Ambiance grivoise au sein des rédactions
→ RésuméDans une rédaction de presse, une salariée a obtenu la condamnation de son employeur pour « harcèlement d’ambiance » après avoir subi des propos sexistes et des affichages inappropriés. Les juges ont reconnu que les blagues vulgaires et les photographies suggestives avaient altéré son état de santé. Bien que l’employeur ait tenté de minimiser ces actes en les qualifiant de blagues potaches, il a échoué à prouver qu’ils n’étaient pas constitutifs de harcèlement. Cette affaire souligne la nécessité de protéger les salariés contre des comportements qui, bien que perçus comme humoristiques par certains, peuvent être profondément blessants pour d’autres.
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Attention au harcèlement sexuel
Dans l’affaire soumise, une salariée de rédaction de presse a obtenu la condamnation de son employeur au titre d’un « harcèlement d’ambiance » et de propos « sexistes et outrageants de la part de ses collègues, des affichages de photographies à connotation sexuelle sur les ordinateurs et sur un mur de l’open space » (10 000 euros à titre de dommages-intérêts).
La salariée a établi l’existence matérielle de faits précis et concordants qui pris dans leur ensemble permettaient de présumer l’existence d’un harcèlement sexuel à son encontre. Au soutien de ses allégations, la salariée avait produit des certificats médicaux établissant la réalité de sa souffrance psychologique. Un rapport d’un cabinet indépendant désigné par le CHSCT de la société avait également constaté une forme de communication violente à la rédaction « ne permettant pas à une personne ayant un autre avis de l’exprimer». Le jour prévu pour les entretiens, les journalistes de la rédaction ont fait lire par l’un d’entre eux une déclaration indiquant qu’il n’y avait pas de harcèlement sexuel à la rédaction, avant de quitter collectivement la salle. Des salariés avaient aussi reconnu la réalité des propos à connotation sexuelle bien qu’ils ne les qualifiaient pas de faits de harcèlement sexuel, « on ne peut nier les blagues grivoises entre nous, même les filles y participaient ».
Les juges ont retenu que les éléments versés aux débats établissaient que la salariée avait été « soumise à des blagues vulgaires, à connotation sexuelle avec apposition de photographies suggestives et que son état de santé a été considérablement altéré par ces événements ».
Frontière entre harcèlement sexuel et blagues potaches
En défense, l’employeur a fait valoir en vain que les faits invoqués n’étaient pas constitutifs de harcèlement sexuel mais reconnaissait l’existence de blagues potaches à connotation sexuelle. Il affirmait être intervenu sur la question du harcèlement sexuel d’abord oralement en conférence de rédaction, puis en réunion avec les représentants du personnel.
Ce que certains individus trouvent humoristique et ne portant pas atteinte à la dignité peut être blessant et humiliant pour d’autres et notamment en ce qui concerne les plaisanteries à connotation sexuelle dirigées à l’encontre des collègues de sexe féminin. Le harcèlement sexuel peut ainsi consister en un harcèlement environnemental ou d’ambiance, où, sans être directement visée, la victime subit les provocations et blagues obscènes ou vulgaires qui lui deviennent insupportables. C’était le cas en l’espèce. L’employeur a échoué à démontrer que les faits matériellement établis étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Conditions du harcèlement sexuel
En vertu de l’article L.1153-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des faits i) soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ; ii) soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
De façon plus générale, l’employeur a l’obligation de prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral (article L.1152-4 du code du travail). A ce titre, l’employeur est tenu envers ses salariés d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, notamment de harcèlement moral ; l’absence de faute de sa part ou le comportement fautif d’un autre salarié de l’entreprise ne peuvent l’exonérer de sa responsabilité à ce titre.
Intervention volontaire des associations
A noter que les associations habilitées peuvent aussi se porter partie civile. En l’occurrence, une association dont les statuts prévoient qu’elle agit pour faire disparaître les violences patriarcales de toute nature, notamment sexuelles, dont les femmes sont les principales victimes, a été jugée recevable à intervenir volontairement dans l’instance (2 500 euros à titre de dommages-intérêts).
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