Cour d’appel d’Orléans, 24 août 2020
Cour d’appel d’Orléans, 24 août 2020
Type de juridiction : Cour d’appel Juridiction : Cour d’appel d’Orléans Thématique : Dénigrement de marque par un consommateur

Résumé

La liberté d’expression du consommateur mécontent a ses limites, notamment lorsqu’elle devient abusive. Dans une affaire impliquant la marque Rapido, un acheteur a créé un groupe Facebook intitulé « mourir en camping-car Rapido », suite à des problèmes de ventilation et à un tragique accident. La cour a jugé que cette expression constituait un trouble manifestement illicite, dissuadant potentiellement d’autres clients. En insinuant un risque mortel sans preuve judiciaire, l’acheteur a outrepassé les droits garantis par la liberté d’expression, violant ainsi la présomption d’innocence de la société, sans avoir la légitimité d’un juge ou d’un enquêteur.

La liberté de s’exprimer du consommateur mécontent d’un achat a pour limites l’abus dans l’expression.

«Mourir en camping-car Rapido»

Suite à des problèmes de ventilation dont seraient affectés certains véhicules des marques du Groupe Rapido, et en lien avec le décès d’un enfant survenu en avril 2019 (non justifié par une décision judiciaire définitive), l’acheteur d’un camping-car de la marque a ouvert un groupe ‘Facebook’ dénommé « mourir en camping-car Rapido ».

Trouble manifestement illicite

Saisi par la société Rapido, la juridiction d’appel a jugé que cette page ‘Facebook’ constituait un trouble manifestement illicite. L’utilisation d’une expression selon laquelle l’usage d’un camping-car pourrait être mortel est indéniablement de nature à dissuader tout client éventuel de porter son choix sur un tel véhicule.

L’expression « mourir en camping-car Rapido », dont la violence est renforcée par le calembour qu’elle contient, s’agissant du nom de la société, quelquefois utilisé en langage familier comme synonyme de l’adverbe « rapidement », ne peut s’assimiler à une diffamation qui supposerait l’articulation de faits précis, mais plutôt à une injure, laquelle, en droit de la presse, ne supporte pas de preuve contraire.

Abus de la liberté d’expression sanctionné

L’expression employée, et qui fait état d’un risque mortel, en l’absence de toute preuve judiciaire, et alors que l’acheteur s’érige en juge de la causalité en imputant à la société la survenue d’un fait divers dramatique, soit la mort d’un enfant âgé de huit ans, qui n’a à ce jour entraîné aucun jugement défavorable à la société Rapido, excède ce qui est autorisé par la liberté d’expression, en particulier en ce qu’elle est consacrée par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Atteinte à la présomption d’innocence

Par ailleurs l’acheteur avait déclaré, sur les réseaux sociaux, s’agissant des faits concernant le garçon de huit ans, qu’une « enquête judiciaire était en cours ». Tout accident, tout fait divers, en particulier lorsqu’une vie humaine est en cause, justifie normalement l’ouverture d’une enquête judiciaire. En faisant cette affirmation, non seulement l’acheteur n’apprenait rien aux lecteurs des textes dont il est l’auteur, puisqu’il est évident que ce serait plutôt l’absence d’ouverture d’une telle enquête qui pourrait constituer une information choquante, mais reconnaissait en réalité implicitement le droit de son adversaire à bénéficier de la présomption d’innocence, présomption qu’il violait lui-même en indiquant qu’il tenait la société Rapido « pour complice responsable de cette mort », alors même qu’il n’a ni la qualité de juge ni celle d’enquêteur, et que rien ne le qualifie pour tenir, surtout publiquement, de tels propos, puisqu’il ne fait manifestement pas partie de l’entourage de la victime de cet accident.

 

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