Cour d’appel d’Orléans, 11 mars 2025, RG n° 23/02062
Cour d’appel d’Orléans, 11 mars 2025, RG n° 23/02062

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel d’Orléans

Thématique : Responsabilité professionnelle et manquements d’un avocat dans la défense d’un client accusé de fraude.

Résumé

Contexte Professionnel

Mme [S] [C] est une avocate inscrite au Barreau de Paris. Elle a été poursuivie pour des faits de falsification de documents médicaux et d’obtention indue d’indemnités journalières.

Accusations et Jugement Initial

Entre le 1er avril 2014 et le 4 avril 2016, l’avocate a été accusée d’avoir altéré frauduleusement des certificats médicaux et d’avoir rédigé de faux arrêts de travail. Ces actes ont permis à l’avocate d’obtenir des indemnités journalières de la part de la caisse nationale des barreaux français (CNBF) et d’être exonérée de charges sociales. Le tribunal correctionnel de Paris a relaxé l’avocate le 18 décembre 2017, mais a déclaré recevables les demandes indemnitaires de la CNBF et d’une société civile, qui ont été rejetées.

Appel et Décision de la Cour d’Appel

Suite à l’appel des parties civiles, la cour d’appel de Paris a confirmé la recevabilité des constitutions de partie civile, a constaté le désistement d’une société, et a infirmé le jugement initial en ce qui concerne les demandes de la CNBF. L’avocate a été condamnée à rembourser des sommes perçues indûment et à payer des frais d’honoraires.

Action en Responsabilité Contre l’Avocat

Estimant avoir perdu une chance de ne pas être condamnée à cause d’une faute de son avocat, l’avocate a assigné ce dernier et ses assureurs devant le tribunal judiciaire d’Orléans. Le tribunal a rejeté ses demandes de responsabilité civile professionnelle, ainsi que ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Appel de la Décision du Tribunal Judiciaire

L’avocate a interjeté appel de la décision du tribunal judiciaire d’Orléans. Elle a demandé à la cour d’infirmer le jugement et de reconnaître la faute de son avocat dans l’exécution de son mandat, ainsi que de lui accorder des indemnités pour préjudice matériel et moral.

Arguments de l’Avocat et Réponse de la Cour

L’avocat a soutenu qu’il n’avait commis aucune faute et que l’absence de conclusions écrites n’était pas constitutive d’une négligence. La cour a confirmé que l’avocate avait connaissance des risques liés à l’appel et qu’elle ne pouvait pas reprocher à son avocat de ne pas avoir soulevé certains moyens.

Conclusion de la Cour

La cour a conclu que l’avocat n’avait pas commis de fautes ayant causé un préjudice à l’avocate. Elle a confirmé le jugement du tribunal judiciaire d’Orléans, déboutant l’avocate de toutes ses demandes et la condamnant aux dépens. L’avocate a également été condamnée à verser une somme aux sociétés d’assurance en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

C H A M B R E C I V I L E

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 11/03/2025

Me Christiane DIOP

Me Jean-Michel LICOINE

ARRÊT du : 11 MARS 2025

N° : – 25

N° RG 23/02062 – N° Portalis DBVN-V-B7H-G3DO

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d’ORLEANS en date du 06 Juillet 2023

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: Exonération

Madame [S] [C]

née le [Date naissance 1] 1987 à [Localité 11]

[Adresse 2]

[Localité 8]

représentée par Me Christiane DIOP, avocat au barreau D’ORLEANS

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2023-003435 du 11/08/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle d’ORLEANS)

D’UNE PART

INTIMÉS : – Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265295133426172

Maître [F] [G]

[Adresse 4]

[Localité 7]

ayant pour avocat postulant Me Jean-Michel LICOINE, avocat au barreau d’ORLEANS

ayant pour avocat plaidant Me Denis DELCOURT POUDENX de la SELEURL DDP AVOCATS, avocat au barreau de PARIS,

S.A. [14] société anonyme inscrite au RCS du Mans sous le n° [N° SIREN/SIRET 5] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité à son siège.

[Adresse 3]

[Localité 6]

ayant pour avocat postulant Me Jean-Michel LICOINE, avocat au barreau d’ORLEANS

ayant pour avocat plaidant Me Denis DELCOURT POUDENX de la SELEURL DDP AVOCATS, avocat au barreau de PARIS,

Société [15] société d’assurances mutuelles inscrite au RCS du Mans sous le n° [N° SIREN/SIRET 9] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité à son siège

[Adresse 3]

[Localité 6]

ayant pour avocat postulant Me Jean-Michel LICOINE, avocat au barreau d’ORLEANS

ayant pour avocat plaidant Me Denis DELCOURT POUDENX de la SELEURL DDP AVOCATS, avocat au barreau de PARIS,

D’AUTRE PART

DÉCLARATION D’APPEL en date du : 07 Août 2023.

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 6 janvier 2025

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l’audience publique du 20 Janvier 2025 à 14h00, l’affaire a été plaidée devant Madame Anne-Lise COLLOMP, présidente de chambre et Monsieur Laurent SOUSA, conseille, en charge du rapport, en l’absence d’opposition des parties ou de leurs représentants.

Lors du délibéré, au cours duquel Madame Anne-Lise COLLOMP, présidente de chambre et Monsieur Laurent SOUSA, conseiller, ont rendu compte des débats à la collégialité, la Cour était composée de:

Madame Anne-Lise COLLOMP, Présidente de chambre,

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,

Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

GREFFIER :

Mme Karine DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé publiquement le 11 mars 2025 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [S] [C] exerce la profession d’avocate, inscrite au Barreau de Paris.

Suivant convocation délivrée par officier de police judiciaire le 20 juillet 2017, Mme [C] a été poursuivie devant le tribunal correctionnel de Paris pour avoir :

– entre le 1er avril 2014 et le 4 avril 2016, par quelque moyen que ce soit, altéré frauduleusement la vérité d’un écrit destiné à établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques, en l’espèce en falsifiant des certificats médicaux et en rédigeant de faux arrêts de travail à l’en-tête du cabinet médical du docteur [H] ;

– entre le 1er avril 2014 et le 4 avril 2017, en employant des manoeuvres frauduleuses, caractérisées par la falsification de certificats médicaux et la rédaction de faux arrêts de travail, obtenu le versement indu d’indemnités journalières par la [13] et l’exonération indue de charges sociales de la part de la Caisse nationale des barreaux français (CNBF).

Par jugement du tribunal correctionnel du 18 décembre 2017, Mme [C], assistée par Maître [G], a été relaxée. Les demandes indemnitaires formulées M. [H], la société [12] et la CNBF, parties civiles, ont été déclarées recevables mais ont été rejetées.

Par arrêt prononcé le 16 novembre 2020 sur appel des parties civiles, la chambre des appels correctionnels de la cour d’appel de Paris a, par arrêt contradictoire à l’égard de Mme [C] :

– confirmé le jugement du 18 décembre 2017 en ce qu’il déclare recevable les constitutions de partie civile de la CNBF et de la société [12] ;

– constaté le désistement de la société [12] ;

– infirmé le jugement en ce qu’il déboute la CNBF de ses demandes ;

Statuant à nouveau,

– condamné Mme [C] à payer à la CNBF les sommes de :

29 442,85 euros au titre d’indemnités journalières perçues entre le 21 mai 2015 et le 24 août 2016 ;

2 846 euros au titre d’exonération de cotisations sociales dont Mme [C] a indûment bénéficié ;

2 500 euros d’indemnité représentative des frais et honoraires exposés par la CNBF en première instance et en cause d’appel, par application de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

Estimant avoir perdu une chance de ne pas être condamnée au paiement au profit de la CNBF par l’effet d’une faute commise par Maître [G], Mme [C] a, par actes d’huissier en date des 30 et 31 mars 2023, fait assigner à jour fixe devant le tribunal judiciaire d’Orléans, M. [G] et ses assureurs, les sociétés [15] et [14].

Par jugement en date du 6 juillet 2023, le tribunal judiciaire d’Orléans a :

– rejeté les demandes indemnitaires formulées par Mme [C] à l’encontre de Maître [F] [G], de la société [15] et la compagnie d’assurance [14], au titré de la responsabilité civile professionnelle de Maître [G] ;

– rejeté les demandes formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné Mme [C] aux dépens, dont distraction au profit de Maître Licoine pour ceux dont il a fait l’avance sans en avoir reçu provision.

Par déclaration en date du 7 août 2023, Mme [C] a interjeté appel de tous les chefs du jugement.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 4 janvier 2025, Mme [C] demande à la cour de :

– la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;

– infirmer le jugement du Tribunal judiciaire d’Orléans du 6 juillet 2023, et statuant à nouveau :

À titre liminaire :

– prendre acte de la décision du tribunal judiciaire d’Orléans confirmant que Maître [G] a commis une faute dans l’exécution de son mandat de nature à engager sa responsabilité civile professionnelle ;

– prendre acte de la décision du tribunal judiciaire d’Orléans relevant que ses pièces médicales étaient utiles devant la cour d’appel de Paris pour l’appréciation de l’existence d’une faute civile :

– prendre acte de la reconnaissance explicite par la compagnie [14] de l’existence d’une « responsabilité contractuelle pour faute prouvée » ;

– écarter les pièces adverses n° 1 et n° 13 en raison de leur violation flagrante du secret professionnel protégeant les correspondances entre avocats et les échanges entre l’avocat et son client ;

À titre principal :

– condamner Maître [F] [G] à lui payer les sommes suivantes :

40 548,85 € au titre de son préjudice matériel

50 000 € au titre de la perte de chance d’obtenir devant la cour d’appel de Paris des dommages et intérêts contre la CNBF pour abus de constitution de partie civile ;

80 000 € au titre de son préjudice moral ;

8 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– ordonner l’exclusion de la pièce 13 produite par Maître [G], constituée d’un échange confidentiel entre avocats, en raison de la violation du secret professionnel entre avocats ;

– le condamner aux dépens ;

À titre subsidiaire,

– condamner les compagnies d’assurance [14] et [15] à lui payer :

40 548,85 € au titre de son préjudice matériel ;

50 000 € au titre de la perte de chance d’obtenir devant la cour d’appel de Paris des dommages et intérêts contre la CNBF pour abus de constitution de partie civile ;

80 000 € au titre de son préjudice moral ;

8 000 € au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;

– les condamner aux dépens ;

À titre très subsidiaire :

– condamner Maître [F] [G] et la compagnie d’assurance [14] et [15] à lui payer solidairement les sommes suivantes :

40 548,85 € au titre de son préjudice matériel ;

50 000 € au titre de la perte de chance d’obtenir devant la cour d’appel de Paris des dommages et intérêts contre la CNBF pour abus de constitution de partie civile ;

80 000 € au titre de son préjudice moral ;

8 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– les condamner aux dépens.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 30 décembre 2024, M. [G] et les sociétés [15] et [14] demandent à la cour de :

– confirmer le jugement du tribunal judiciaire d’Orléans en date du 6 juillet 2023 ;

Par conséquent,

– débouter Mme [C] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l’encontre de Maître [G] et des sociétés [14] et [15] ;

– condamner Mme [C] à verser aux sociétés [14] et [15] la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner Mme [C] aux entiers dépens conformément à l’article 696 du code de procédure civile dont distraction au profit de Maître Licoine conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

Y AJOUTANT :

CONDAMNE Mme [C] aux entiers dépens d’appel ;

AUTORISE les avocats de la cause à recouvrer directement et à leur profit, contre la partie condamnée aux dépens, ceux dont ils ont fait l’avance sans avoir reçu provision ;

CONDAMNE Mme [C] à payer aux sociétés [14] et [15] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Anne-Lise COLLOMP, Présidente de Chambre et Mme Karine DUPONT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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