Cour d’appel de Versailles, 28 janvier 2020, N° RG 16/08903
Cour d’appel de Versailles, 28 janvier 2020, N° RG 16/08903

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Versailles

Résumé

La Cour d’appel de Versailles, au nom du peuple français, a rendu son arrêt le 28 janvier 2020 dans l’affaire opposant M. I Y à la société O P. Cette décision fait suite à un renvoi de la Cour de cassation, qui a annulé un précédent jugement. La cour a constaté que la société O P avait commis des fautes au préjudice de M. Y, notamment en ce qui concerne les droits d’auteur. Elle a condamné la société à verser à M. Y la somme de 374 240,60 euros, ainsi qu’une indemnité de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

1re chambre 1re section

ARRÊT DU 28 JANVIER 2020

N° RG 16/08903

N° Portalis DBV3-V-B7A-RFDP

AFFAIRE :

E B

G C

SARL O P

C/

X-K Y

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Octobre 2010 par le Tribunal judiciaire de PARIS

N° Chambre : 3

N° Section : 2

N° RG : 09/10168

LE VINGT HUIT JANVIER DEUX MILLE VINGT,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

DEMANDEURS devant la cour d’appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d’un arrêt de la Cour de cassation (1re chambre) du 09 avril 2014 cassant et annulant l’arrêt rendu par la cour d’appel de PARIS le 09 mars 2012

Maître E B ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de la SARL O P

[…]

[…]

Monsieur G C ès qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la SARL O P

[…]

[…]

SARL O P

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[…]

[…]

représentés par Me Oriane DONTOT de l’AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633

Me Charlotte PEYRELONGUE substituant Me Michel RASLE de la SELARL CARBONNIER LAMAZE RASLE, avocat plaidant – barreau de PARIS, vestiaire : P0298

****************

DÉFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

M. I Y

né le […] à […]

Madame X-K Y ès qualités de curatrice à la curatelle renforcée de M. I Y

née le […] à […]

de nationalité Française

demeurant ensemble au […]

[…]

représentés par Me Claire RICARD, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622,

Me Gérald BIGLE, avocat plaidant – barreau de PARIS, vestiaire : B0498

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 18 Novembre 2019 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie LAUER, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Alain PALAU, Président,

Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,

Madame Nathalie LAUER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

Vu le jugement rendu le 15 octobre 2010 par le Tribunal judiciaire de Paris qui a :

— déclaré irrecevables les demande de MM. Y, Z et Q-T tendant à voir payer des rémunérations proportionnelles, à voir remettre des bordereaux de comptes avec leur répartition et indemniser un préjudice résultant d’un « gel d’exploitation » ;

— condamné in solidum la société O-P et la société Accent investment & Finance NV à payer :

*à M. Y la somme de 522 126 euros au titre de sa rémunération participative et 20 000 euros au titre des prétendues exploitations non déclarées,

*à M. Z la somme de 5 000 euros et 3 000 euros à M. Q-R au titre des mêmes prétendues exploitations non déclarées.

Vu l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 9 mars 2012 qui a :

— confirmé le jugement qui lui était déféré sur le principe du préjudice résultant de l’exploitation non déclarée ;

— condamné la société O à payer au titre des exploitations non déclarées et des rémunérations perdues, à :

*M. Y, la somme de 300 452 euros au titre des P 1,2,3,

*M. L Z, la somme de 33 633 euros au titre des P 2 et 3,

*M. S Q T, la somme de 21 878 euros au titre du film 3,

— infirmé le jugement s’agissant des demandes relatives à la rémunération participative, en déboutant

M. Y de ses demandes à ce titre ;

— infirmé le jugement s’agissant des rémunérations proportionnelles, de la remise des bordereaux de compte et du préjudice résultant d’un gel d’exploitation, en considérant que ces demandes formées par M. Y, L Z et S Q T étaient recevables,

— condamné la société O P à payer au titre de la rémunération proportionnelle, à :

M. Y, la somme de 772.617 € au titre des P 1, 2 et 3,

L Z , la somme de 8.436 € au titre des P 2 et 3,

S Q T , la somme de 6.343 € au titre du film 3.

— condamné la société O P sur le fondement d’un préjudice moral (à M. Y la somme de 50.000 €, à L Z la somme de 9.000 € et à S Q T la somme de 4.000€).

Vu le pourvoi en cassation formé par la société O P et l’arrêt de la Cour de cassation du 9 avril 2014 qui a :

— cassé et annulé mais seulement en ce qu’il a condamné la société O P à payer M. Y au titre de la rémunération proportionnelle de la somme de 772 617 euros au titre des exploitations non déclarées et des rémunérations perdues la somme de 300 452 euros et au titre du préjudice moral la somme de 50 000 euros, l’arrêt rendu le 9 mars 2012, entre les parties, par la cour d’appel de Paris,

— remis en conséquence sur ces points la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, et pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d’appel de Versailles,

Vu l’arrêt de cette cour du 19 janvier 2018 qui a statué ainsi :

Dit que la saisine de la cour d’appel de Versailles, statuant sur renvoi de cassation, est limitée aux demandes formées par M. I Y,

En conséquence,

Met hors de cause Messieurs L Z et S Q-T

Dit n’y avoir lieu à écarter des débats la consultation établie par M. Migeot à la demande de M. I Y et M. L Z et M. S Q-T,

Dit que la société O P a commis des fautes au préjudice de M. I Y au titre des droits d’auteur sur la période antérieure à 1995/1998 et du gel de l’exploitation des trois P à compter de cette période,

Dit que la rémunération de l’auteur doit être assise sur les recettes publiques hors-taxes des trois P tels qu’elle résulte des relevés mécanographiques du centre national de la cinématographie édités le 6 juillet 2005,

Ordonne une mesure d’expertise judiciaire confiée à M. U V-W, 36, […], […], Tel’: 06.07.03.47.26 avec pour mission de’:

— entendre les parties,

— Se faire communiquer les rapports de Messieurs A et Migeot en date du 31 mars

2009 et LEDOUBLE en date du 13 septembre 2011 ainsi que tous documents et pièces qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission ainsi que tous les éléments comptables, techniques et de fait de nature à permettre à la Cour de fixer les sommes dues à M. Y,

Précise en particulier que l’expert devra :

— déterminer le taux de rémunération résultant des différents contrats de cession de droits d’auteur conformément aux usages de la profession et dans le respect de la volonté contractuelle exprimée dans ces contrats,

— chiffrer le préjudice résultant de l’exploitation vidéo pour la période antérieure aux années 1995/1998 puis pour la période postérieure,

— chiffrer le préjudice résultant de l’exploitation à l’étranger,

— investiguer sur les exploitations dissimulées alléguées et en chiffrer le préjudice en tant que de besoin,

— chiffrer en toutes ses formes le préjudice résultant du gel de l’exploitation à compter des années 1995/1998,

— chiffrer le montant des intérêts de retard à compter du 4 novembre 2009 et de la capitalisation des intérêts dus sur plus d’une année inclue,

— établir le compte d’Auteur complet de M. Y ainsi que (rémunération proportionnelle, indemnité relative au gel des droits, aux exploitations cachées et perdues et à l’évaluation du préjudice moral, etc.),

Rappelle que l’expert n’a pas à investiguer sur la rémunération participative de M. I Y,

dit que :

— l’expert devra faire connaître sans délai son acceptation au magistrat chargé du contrôle de l’expertise et devra commencer ses opérations dès l’avis de consignation,

— en cas d’empêchement ou de refus de l’expert, il sera procédé à son remplacement par ordonnance du magistrat chargé du contrôle de l’expertise sur simple requête,

— l’expert devra accomplir sa mission conformément aux articles 232 et suivants du code de procédure civile, notamment en ce qui concerne le caractère contradictoire des opérations,

— l’expert devra tenir le magistrat chargé du contrôle de l’expertise informé du déroulement de ses opérations et des difficultés rencontrées dans l’accomplissement de sa mission,

— l’expert est autorisé à s’adjoindre tout spécialiste de son choix, dans un secteur de compétence différent du sien, sous réserve d’en informer le magistrat chargé du contrôle de l’expertise et les parties et à charge de joindre son avis au rapport d’expertise,

‘l’expert devra remettre un pré-rapport aux parties et répondra à leurs observations (dires) formulées par écrit dans le délai préalablement fixé par l’expert,

— l’expert devra déposer son rapport définitif et sa demande de rémunération au greffe de la cour dans le délai de quatre mois à compter de la date de l’avis de consignation (sauf prorogation dûment autorisée par le magistrat chargé du contrôle de l’expertise), et communiquer ces deux documents

aux parties,

— les frais d’expertise seront provisoirement avancés par M. I Y qui sollicite ladite mesure qui devra consigner la somme de 3000 € à valoir sur la rémunération de l’expert, auprès du régisseur d’avances et de recettes de la cour, avant le 31 janvier 2018, étant précisé qu’à défaut de consignation dans le délai imparti, la désignation de l’expert sera caduque (sauf décision contraire du magistrat chargé du contrôle de l’expertise en cas de motif légitime), l’affaire pourra être rappelée à l’audience de mise en état et l’instance poursuivie sans que l’expertise ait été réalisée, et il sera tiré toutes conséquences de l’abstention ou de refus de consigner,

‘lors de la première réunion ou au plus tard lors de la deuxième réunion des parties, l’expert dressera un programme de ses investigations et évaluera d’une manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours,

Constate que la cour d’appel de Paris est saisie de la demande de détermination de la nature de la créance de M. I Y dans le cadre de la procédure collective de la société O P,

Dit que cette demande est irrecevable dans le cadre de la présente instance visant à déterminer le principe et l’étendue de cette créance,

Déboute M. I Y de sa demande de provision,

Invite les parties à fournir leurs observations sur la recevabilité devant la cour de renvoi des demandes indemnitaires pour procédure abusive,

Dit que cette demande sera examinée après dépôt du rapport d’expertise,

Condamne la société O P à payer à Messieurs L Z et S Q-T à chacun une somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en complément des dépens les concernant,

Réserve toute autre demande,

Renvoie l’affaire à une audience ultérieure à fixer après le dépôt du rapport d’expertise

Vu les dernières conclusions notifiées le 8 octobre 2019 par lesquelles la société O P, Me E B et M. G C demandent à la cour de :

Vu l’article 1134 ancien du code civil,

À titre principal,

— débouter M. I Y de toutes ses demandes, fins et conclusions formulées à l’encontre de la société O P ;

À titre subsidiaire,

— constater que la société O P n’est tenue envers M. I Y au titre des droits d’auteur qu’à hauteur des sommes retenues par l’Expert, M. M N, dans son rapport définitif en date du 29 mars 2019 ;

En tout état de cause,

— débouter M. I Y de ses demandes de condamnation de la société O P au titre

des pertes d’exploitation et du préjudice moral ;

— débouter M. I Y de ses demandes de condamnation de la société O P pour résistance fautive et abusive ;

— condamner M. I Y à verser à la société O P la somme de 30 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner M. I Y aux entiers dépens dont le recouvrement sera effectué, pour ceux la concernant, par l’AARPI JRF Avocats représentée par Me Oriane Dondot, avocat au Barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 16 octobre 2019 par lesquelles M. I Y et Mme X-K Y demandent à la cour de :

Vu le jugement du Tribunal judiciaire de Paris en date du 15 octobre 2010,

Vu l’arrêt de la cour d’appel de paris du 9 mars 2012

Vu l’arrêt de la Cour de cassation du 9 avril 2014,

Vu les articles L.132-28 et L 131-8 du code de la propriété intellectuelle

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

Vu les articles 467, 472 et 1240 du code civil,

— donner acte à Mme X-K Y de son intervention volontaire en sa qualité de curateur à la curatelle renforcée de M. I Y, fonction à laquelle elle a été nommée par jugement rendu le 26 mars 2019 par le tribunal d’Instance de Courbevoie. Elle reprend à ce titre toutes les demandes formulées au nom de M. I Y,

— débouter les appelants des fins et moyens de toutes leurs demandes et écritures,

— condamner O P (et M. B et C chacun es qualité) à régler à M. I Y.

A titre principal à la somme de 374 240,60 euros, ventilée comme suit :

‘ Rémunérations non versées (exploitation salle) 353 411,33 euros

‘ Perte d’exploitation 70 682,27 euros

‘ Préjudice moral 50 000,00 euros

‘ Sommes déjà perçues 89 853,00 euros

Total 374 240,60 euros

Somme à parfaire au jour du règlement ;

— ordonner à O P d’effectuer toutes les déclarations et régularisations auprès des Caisses sociales de Monsieur I Y pour la quote part des droits soumis à l’administration de ces caisses. A savoir AGESSA, IRCERC, RACD, et autres.

— A titre de dommages-intérêts, pour résistance fautive et abusive, la somme de 100 000 euros,

— Au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la somme 204 658,57 euros,

— Assortir toutes ces condamnations des intérêts de droits à compter de l’arrêt de la Cour de cassation rendu le 9 avril 2014 et ordonner la capitalisation des intérêts à compter de cette même date,

— condamner O P (et Maître D et C chacun ès qualités) en tous les dépens, en ce compris les frais d’expertise qui se montent à 14 400 euros (facture du 14.2.19).

— ordonner l’exécution provisoire de l’arrêt à intervenir,

SUR CE , LA COUR,

La procédure

Considérant que pour un rappel des faits et de la procédure, il est expressément référé à l’arrêt avant-dire droit du 19 janvier 2018 ;

Considérant que Mme X-K Y intervient volontairement en sa qualité de curateur à la curatelle renforcée de M. I Y, nommée par jugement du 26 mars 2019 du tribunal d’instance de Courbevoie ;

La rémunération de l’auteur et le préjudice moral

La société O P ainsi que son commissaire à l’exécution du plan et son mandataire judiciaire concluent principalement au rejet des demandes de M. Y. À l’appui, ils font valoir que seule la société Babel productions peut être tenue envers celui-ci.

Mais considérant que l’arrêt avant-dire droit du 19 janvier 2018 retient que la société O P a commis des fautes au préjudice de M. Y dans l’exécution des contrats de cession en particulier de droits d’auteur et qu’elle devait verser à M. Y sa rémunération telle que prévue par les contrats de cession de droits d’auteur quand bien même celle-ci devait être prélevée sur les profits revenant à la société Babel productions ; que ce point ayant déjà été jugé, il n’y a pas lieu d’y revenir plus avant, la cour se référant expressément aux motifs de l’arrêt du 19 janvier 2018 ;

À titre subsidiaire, les appelants demandent de limiter les sommes revenant à M. Y au montant retenu par l’expert judiciaire et s’opposent en tout état de cause à toute indemnisation au titre du préjudice moral et des pertes d’exploitation. À l’appui, ils font valoir que l’expert a estimé qu’à son sens le préjudice moral était inexistant pour être de fait repris dans l’application de la règle de l’anatocisme. Ils ajoutent que si finalement l’expert a chiffré le préjudice moral à la somme de 50’000 €, cette demande n’est absolument pas justifiée ni chiffrée concrètement et a été fixée de manière arbitraire par l’expert, lequel a en cela outrepassé les fonctions qui lui étaient attribuées, ce que celui-ci relève d’ailleurs par lui-même dans son rapport définitif.

M. Y réplique que toutes les juridictions précédentes sans exception ont retenu son préjudice moral. Il observe que les appelants placent dans leurs écritures des citations tronquées du rapport de l’expert qui, si ce dernier réfute le montant originel réclamé, accepte et approuve néanmoins la réparation à hauteur de 50’000 €. En ce qui concerne ses rémunérations, il dit s’incliner sur les chiffres arrêtés par l’expert judiciaire.

Considérant ceci exposé que l’expert judiciaire a évalué les rémunérations non versées au titre de l’exploitation en salles, notamment pour les années postérieures à 1995 et 1998 à la somme de 353’411,33 €, en ce inclus les intérêts de retard, le préjudice résultant d’une exploitation négligée et de l’absence de reddition des comptes d’auteurs à la somme de 70’682,27 € ; que ces chiffres ne sont pas contestés par les parties ; qu’il y a donc lieu de les entériner ;

Que conformément à la mission qui lui avait été confiée, il a évalué le préjudice moral de l’auteur et l’a estimé à la somme de 50’000 € ; que le préjudice moral est caractérisé selon la cour dès lors que M. Y a été frustré du fruit de son travail durant de longues années si bien qu’il est parfaitement justifié de lui allouer en réparation la somme de 50’000 € ; qu’il sera rappelé que le juge justifie le montant des dommages et intérêts par l’évaluation qu’il en fait ;

Considérant que , d’après les calculs de l’expert non contestés par les parties, la société O P est redevable à l’égard de M. Y de la somme de 374’093,60 € ; tenant compte des sommes déjà perçues ;

Considérant que les régularisations de cotisations sociales s’imposent du fait des sommes mises à la charge de la société O P ; qu’il n’y a donc pas lieu de la condamner à y procéder ;

La demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

Au soutien de cette demande, M. Y fait valoir que l’accumulation de la quasi-totalité des recettes extrêmement importantes par la société O P sans rendre les contreparties légitimes à son auteur, a permis au producteur délégué de se constituer ainsi une très importante trésorerie afin de financer d’autres productions sans bourse délier. Il juge sans raison la retenue des sommes qui lui étaient dues et invoque l’ensemble des manigances et manoeuvres de la société O P pour refuser de régler la créance alimentaire de son auteur tout en finançant des procédures qui n’avaient que le but de différer le paiement le plus longtemps possible en lui confisquant ses redevances. Il estime que cet acharnement procédural, permettant à la société O P de se soustraire jusqu’au plus tard à ses obligations, a été forgé avec une malice dilatoire.

La société O P réplique que l’expert a estimé que cette procédure ne pouvait être qualifiée d’abusive et n’a retenu aucun préjudice à ce titre. Elle oppose d’ailleurs à M. Y son propre acharnement procédural.

Considérant que la complexité des relations contractuelles ainsi que des comptes à faire entre les parties ne permet pas de retenir une résistance abusive à l’encontre de la société O P ; qu’il y a lieu d’ajouter que le retard dans le versement des sommes revenant à l’auteur est compensé par les intérêts de retard et l’anatocisme ; que la dégradation des relations entre le producteur délégué est l’auteur est indemnisée au titre du préjudice moral ; que M. Y sera donc débouté de cette demande ;

Les demandes accessoires

Considérant que, en tant que partie perdante, les appelants seront condamnés aux dépens, en ce compris les frais d’expertise s’élevant à la somme de 14’400 €, et verseront à M. Y la somme de 20’000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; qu’il sera rappelé que cette disposition revêt un caractère indemnitaire ; qu’il ne peut donc être fait droit au surplus des demandes de M. Y à ce titre ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition ;

INFIRME le jugement rendu le 15 octobre 2010 par le Tribunal judiciaire de Paris en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes au titre des rémunérations proportionnelles, des remises des bordereaux de compte et du gel d’exploitation,

Statuant à nouveau dans les limites de la cassation prononcée le 9 avril 2014,

Vu et ajoutant à l’arrêt avant-dire droit du 19 janvier 2018,

CONDAMNE la société O P, en la personne de ses représentants légaux, à payer à M. Y la somme de 374’240,60 €,

DÉBOUTE M. Y du surplus de ses demandes,

CONDAMNE la société O P, en la personne de ses représentants légaux à payer à M. Y la somme de 20’000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société O P, en la personne de ses représentants légaux, aux dépens en ce compris les frais d’expertise s’élevant à la somme de 14’400 €,

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

— signé par Madame Anne LELIEVRE, conseiller pour le président empêché, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Conseiller

Questions / Réponses juridiques

Quel est le contexte de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles ?

L’arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles le 28 janvier 2020 concerne une affaire impliquant plusieurs parties, dont M. I Y, Madame X-K Y, et la société SARL O P. Cette décision fait suite à un renvoi de la Cour de cassation, qui avait annulé un précédent arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 9 mars 2012.

Ce renvoi a été motivé par des questions relatives à des rémunérations non versées, des préjudices liés à des exploitations non déclarées, ainsi que des demandes de dommages-intérêts pour préjudice moral. La cour d’appel de Versailles a donc été saisie pour examiner ces demandes dans le cadre d’une procédure de renvoi, ce qui implique une réévaluation des faits et des décisions antérieures.

Quelles étaient les principales demandes des parties dans cette affaire ?

Les principales demandes des parties dans cette affaire concernaient des rémunérations dues à M. I Y pour des exploitations de ses œuvres, ainsi que des indemnités pour préjudice moral. M. I Y, représenté par sa curatrice Madame X-K Y, a demandé à la cour de condamner la société O P à lui verser des sommes significatives, notamment :

– 374 240,60 euros, ventilés en rémunérations non versées, pertes d’exploitation et préjudice moral.
– Des dommages-intérêts pour résistance fautive et abusive.
– La régularisation des cotisations sociales auprès des caisses concernées.

La société O P, quant à elle, a demandé le déboutement de M. I Y de toutes ses demandes, arguant que seule la société Babel productions pouvait être tenue responsable.

Quels ont été les résultats de l’arrêt de la cour d’appel de Versailles ?

La cour d’appel de Versailles a rendu une décision qui a infirmé le jugement précédent du Tribunal judiciaire de Paris, en ce qui concerne la recevabilité des demandes de rémunérations proportionnelles et des remises de bordereaux de compte.

Elle a condamné la société O P à payer à M. I Y la somme de 374 240,60 euros, tout en déboutant M. I Y du surplus de ses demandes. De plus, la cour a également condamné la société O P à verser 20 000 euros à M. I Y au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à couvrir les frais d’expertise s’élevant à 14 400 euros.

Quelles étaient les implications de l’expertise judiciaire ordonnée par la cour ?

L’expertise judiciaire ordonnée par la cour avait pour but de déterminer les montants dus à M. I Y au titre de ses droits d’auteur, ainsi que d’évaluer les préjudices subis en raison de l’exploitation de ses œuvres. L’expert devait notamment :

– Évaluer les rémunérations non versées pour l’exploitation en salles.
– Chiffrer le préjudice résultant de l’exploitation à l’étranger et des exploitations dissimulées.
– Estimer le préjudice moral et les intérêts de retard.

Cette expertise était déterminante pour établir les bases des indemnités à verser à M. I Y et pour clarifier les responsabilités de la société O P dans cette affaire. L’expert devait également rendre un rapport définitif dans un délai de quatre mois, ce qui permettrait à la cour de statuer sur les demandes d’indemnisation.

Comment la cour a-t-elle justifié le montant des dommages et intérêts accordés à M. I Y ?

La cour a justifié le montant des dommages et intérêts accordés à M. I Y en se basant sur les évaluations fournies par l’expert judiciaire, qui avait chiffré les rémunérations non versées à 353 411,33 euros et les pertes d’exploitation à 70 682,27 euros.

De plus, le préjudice moral a été évalué à 50 000 euros, un montant que la cour a jugé justifié en raison de la frustration subie par M. I Y, qui n’avait pas perçu les fruits de son travail pendant de nombreuses années. La cour a souligné que le juge a le pouvoir d’évaluer les dommages et intérêts en fonction des éléments présentés, et a donc entériné les chiffres fournis par l’expert, considérant qu’ils n’étaient pas contestés par les parties.

 


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