Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Versailles
Thématique : Communication des documents notariaux : enjeux de secret professionnel et d’intérêt légitime.
→ RésuméL’affaire concerne la succession d’un défunt, un individu décédé en 2022, sans descendance ni conjoint survivant. Sa sœur, une héritière présomptive, a été informée par le notaire en charge de la succession, un professionnel exerçant au sein d’une société notariale, que le défunt avait rédigé un testament en 2021 désignant un institut comme légataire universel, l’excluant ainsi de la succession. En raison de préoccupations concernant l’état de santé mentale du défunt au moment de la rédaction du testament, l’héritière a décidé de contester ce dernier et a demandé la communication de documents relatifs à la succession, y compris des testaments antérieurs.
Le notaire a refusé de transmettre ces documents, invoquant le secret professionnel. En réponse, l’héritière a assigné le notaire et la société notariale en référé, demandant la communication des documents sous astreinte. Le juge des référés a partiellement accédé à sa demande, ordonnant la communication de certains documents, mais a rejeté d’autres demandes, notamment celle concernant les testaments antérieurs. Les appelants, le notaire et la société notariale, ont interjeté appel de cette ordonnance, contestant la décision du juge sur la communication de la déclaration de succession, arguant que celle-ci ne relevait pas des actes soumis à la levée du secret professionnel. L’héritière a également formé un appel incident pour obtenir la communication des testaments antérieurs. La cour a finalement infirmé l’ordonnance en ce qui concerne la communication de la déclaration de succession, considérant que celle-ci ne relevait pas des actes visés par la dérogation au secret professionnel. En revanche, elle a autorisé la communication des testaments antérieurs, reconnaissant l’intérêt légitime de l’héritière à les obtenir en cas d’annulation du testament contesté. Les parties ont conservé la charge de leurs propres dépens. |
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 29E
Chambre civile 1-5
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 27 MARS 2025
N° RG 24/06160 – N° Portalis DBV3-V-B7I-WYLW
AFFAIRE :
[C] [U]
…
C/
[O] [W]
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 29 Août 2024 par le Président du TJ de nanterre
N° RG : 24/00445
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 27.03.2025
à :
Me Barthélemy LACAN, avocat au barreau de PARIS (E0435)
Me Agathe LEVY-SEBAUX, avocat au barreau de PARIS (R138)
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SEPT MARS DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [C] [U]
né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 10]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 8]
S.A.S. [9]
représentée par son Président domicilié en cette qualité audit siège
N° SIRET : [N° SIREN/SIRET 5]
[Adresse 3]
[Localité 8]
Représentant : Me Barthélemy LACAN de la SELAS LACAN AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0435, substitué par Me Maxime BUSSIERE, du barreau de Paris
APPELANTS
Madame [O] [W] épouse [N]
née le [Date naissance 4] 1958 à [Localité 11]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 7]
Représentant : Me Agathe LEVY-SEBAUX de l’AARPI Laude & Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R138, substitué par Me Alexandra BECHEIKH, du barreau de Paris
INTIMEE
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 26 Février 2025 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marina IGELMAN, Conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marina IGELMAN, Conseillère faisant fonction de Présidente,
Madame Fabienne PAGES, Présidente faisant fonction de conseillère,
Monsieur Hervé HENRION, Conseiller chargé du secrétariat général,
Greffière lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,
EXPOSE DU LITIGE
[X] [W] est décédé le [Date décès 2] 2022.
En l’absence de descendance et de conjoint survivant, Mme [O] [W] épouse [N], s’ur de [X] [W], s’est présentée comme l’une des héritières présomptives de ce dernier.
Le notaire en charge de la succession de [X] [W] est Maître [C] [U], exerçant au sein de l’étude de notaires SAS [9] à [Localité 8].
Maître [U] a informé Mme [N], héritière non réservataire, que, par testament en date du 19 août 2021, son frère avait institué l’Institut [12] comme légataire universel, et qu’elle était évincée de la succession par l’effet du testament.
Mme [N] a indiqué envisager contester ce testament compte tenu de l’état de santé mentale de [X] [W] peu de temps avant la rédaction de son testament du 19 août 2021 et, par l’intermédiaire de son conseil, a sollicité la communication de cet acte auprès de Maître [U], ainsi que celle des testaments antérieurs.
Par courriel du 5 janvier 2023, Maître [U] a répondu ne pas pouvoir accéder à cette demande en raison du secret professionnel auquel il était tenu.
Par acte délivré le 7 décembre 2023, Mme [N] a fait assigner en référé Maître [U] et la société [9] aux fins d’obtenir principalement la communication sous quinze jours des documents relatifs à la succession de [X] [W], sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document.
Par ordonnance contradictoire rendue le 29 août 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre a :
– renvoyé les parties à se pourvoir sur le fond du litige,
– autorisé et si besoin enjoint à Maître [U] et à la société [9], de communiquer à Mme [N], dans le délai d’un mois suivant la signification de l’ordonnance, les documents suivants relatifs à la succession [X] [W] :
– le testament du 19 août 2021 et son acte de dépôt,
– l’acte de notoriété de la succession de [X] [W],
– la déclaration de succession,
– dit n’y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes,
– dit n’y avoir lieu à ordonner une astreinte,
– laissé à chaque partie la charge de ses dépens.
Par déclaration reçue au greffe le 22 septembre 2024, M. [U] et la société [9] ont interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition, à l’exception de ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes, n’y avoir lieu à ordonner une astreinte et laissé à chaque partie la charge de ses dépens.
Dans leurs dernières conclusions déposées le 23 octobre 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. [U] et la société [9] demandent à la cour, au visa de l’article 23 de la loi de Ventôse, de :
‘- débouter Mme [O] [W], épouse [N], de sa demande de communication dirigée contre les concluants, de la déclaration de succession de [X] [W].
– condamner Mme [O] [W], épouse [N], aux entiers dépens, de première instance et d’appel, et dire la selas Lacan Avocats, par Me Barthélemy Lacan, avocat, pourra, en application de l’article 699 code de procédure civile, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont elle déclarera avoir fait l’avance sans avoir reçu provision.’
Dans ses dernières conclusions déposées le 19 décembre 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [N] demande à la cour, au visa des articles 145, 1435 et 1436 du code de procédure civile et 23 de la loi du 25 ventôse an XI, de :
‘- recevoir Mme [O] [W] dans ses demandes et de les juger bien fondées
ce faisant,
– confirmer l’ordonnance rendue par le président du tribunal judiciaire de Nanterre le 29 août 2024 en ce qu’elle a :
– autorisé et si besoin enjoint à Maître [C] [U] et à la sas [9], de communiquer à Mme [O] [W] épouse [N], dans le délai d’un mois suivant la signification de l’ordonnance, les documents suivants relatifs à la succession de M. [X] [W] :
– le testament du 19 août 2021 et son acte de dépôt,
– l’acte de notoriété de la succession de [X] [W],
– la déclaration de succession
et sur l’appel incident,
– infirmer l’ordonnance rendue par le président du tribunal judiciaire de Nanterre le 29 août 2024 en ce qu’elle a jugé que :
elle [Mme [W]] aura connaissance par la déclaration de succession des éventuels testaments antérieurs et des éventuelles donation et/ou libéralité intervenues en 2019, 2020, 2021 ou 2022 de sorte que Mme [O] [W] épouse [N] ne justifie pas, en l’état, d’un motif légitime à la communication de tout document antérieur et acte de dépôt au testament du 19 août 2021 et la communication de donation et/ou libéralité intervenue en 2019, 2020, 2021 ou 2022 », et l’a, en conséquence débouté de cette demande en :
– autorisant et si besoin, en enjoignant à Maître [C] [U] et à la sas [9], de communiquer à Mme [O] [W] épouse [N], dans le délai d’un mois suivant la signification de l’ordonnance, les documents suivants relatifs à la succession de M. [X] [W] :
– le testament du 19 août 2021 et son acte de dépôt,
– l’acte de notoriété de la succession de [X] [W],
– la déclaration de succession
et, statuant de nouveau :
– autoriser et au besoin, enjoindre à Maître [U] et à la sas [9], de communiquer à Mme [O] [W] dans le délai d’un mois suivant la signification de l’arrêt à intervenir, les testaments antérieurs à celui du 19 août 2021 souscrits par son défunt frère, [X] [W] et notamment le testament olographe en date du 31 octobre 2018,
– ordonner que cette communication de pièces se fasse sous une astreinte de 300 euros par jour de retard et par document, passé un délai de quinze jours à compter de la date de l’ordonnance à intervenir, et se réserver la liquidation de l’astreinte,
– juger que chaque partie conservera la charge de ses frais et dépens.’
L’ordonnance de clôture a été rendue le 4 février 2025.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,
Infirme l’ordonnance du 29 août 2024 en ce qu’elle a enjoint à Maître [C] [U] et à la société [9] de communiquer à Mme [O] [W] épouse [N] la déclaration de succession ainsi qu’en ce qu’elle a rejeté sa demande concernant les testaments antérieurs à celui du 19 août 2021,
La confirme pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Rejette la demande de communication de la déclaration de succession concernant [X] [W] formulée par Mme [O] [W] épouse [N] à l’égard de Maître [C] [U] et la société [9],
Autorise, et au besoin, enjoint, à Maître [U] et à la sas [9], de communiquer à Mme [O] [W] épouse [N] dans le délai d’un mois suivant la signification du présent arrêt, les testaments antérieurs à celui du 19 août 2021 souscrits par son défunt frère, [X] [W] et notamment le testament olographe en date du 31 octobre 2018,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Dit que chaque partie conservera la charge des dépens par elle exposés.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de président, et par Madame Elisabeth TODINI, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière Le Président
Votre avis sur ce point juridique ? Une actualité ? Une recommandation ?