Cour d’appel de Versailles, 27 mars 2025, RG n° 23/00936
Cour d’appel de Versailles, 27 mars 2025, RG n° 23/00936

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Versailles

Thématique : Obligations de sécurité et conséquences d’un manquement en milieu professionnel

Résumé

Dans cette affaire, une salariée, engagée par la société Edentech en tant qu’apprentie puis en contrat à durée indéterminée, a saisi le conseil de prud’hommes d’Argenteuil pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Elle a été déclarée inapte par le médecin du travail, ce qui a conduit à son licenciement pour inaptitude en octobre 2022. Le conseil de prud’hommes a jugé que la salariée ne prouvait pas de manquement de l’employeur justifiant la résiliation judiciaire et a débouté la salariée de ses demandes.

La salariée a interjeté appel, demandant la résiliation judiciaire de son contrat, des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que des dommages-intérêts pour harcèlement moral et manquement à l’obligation de sécurité. De son côté, l’employeur a soulevé une exception d’incompétence, arguant que la demande de dommages-intérêts relevait du tribunal judiciaire.

La cour d’appel a déclaré irrecevable l’exception d’incompétence et a confirmé le jugement sur le harcèlement moral, tout en infirmant le jugement sur d’autres points. Elle a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur, considérant que ce dernier avait manqué à son obligation de sécurité. La cour a condamné l’employeur à verser des indemnités à la salariée, incluant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu’une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés.

En conclusion, la cour a reconnu des manquements de l’employeur, entraînant des conséquences financières significatives pour celui-ci, tout en déboutant la demande reconventionnelle de l’employeur pour procédure abusive.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80O

Chambre sociale 4-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 27 MARS 2025

N° RG 23/00936

N° Portalis : DBV3-V-B7H-VZDL

AFFAIRE :

[W] [X]

C/

S.A.R.L. EDENTECH

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Octobre 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ARGENTEUIL

N° Section : I

N° RG : 21/00128

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me David VAN DER VLIST

MeSabine DE PAILLERETS-MATIGNON

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SEPT MARS DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [W] [X]

Née le 13 novembre 1997 au [Localité 3]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me David VAN DER VLIST de la SELARL L’ATELIER DES DROITS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : W04

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/011970 du 20/02/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de VERSAILLES)

APPELANTE

S.A.R.L. EDENTECH

N° SIRET : 449 779 875

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Sabine DE PAILLERETS-MATIGNON de l’AARPI BCTG AVOCATS, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : T01

Me Tiphaine DUBE, Plaidant, avocat au barreau de Paris

INTIMEE

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 28 Janvier 2025, Monsieur Thierry CABALE, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Agnès PACCIONI, Vice-présidente placée,

qui en ont délibéré,

Greffier lors des débats : Madame Anne REBOULEAU

Greffier lors du prononcé : Madame Caroline CASTRO FEITOSA

EXPOSE DU LITIGE

Mme [W] [X] a été engagée par la société Edentech à compter du 17 octobre 2018 aux termes d’un contrat d’apprentissage en vue de l’obtention d’un brevet technique des métiers de prothèse dentaire, puis à compter du 1er septembre 2019 par contrat de travail à durée indéterminée en qualité de technicienne qualifiée en prothèse dentaire.

La relation de travail était soumise aux dispositions de la convention collective des prothésistes dentaires et personnels de laboratoires de prothèse dentaire.

Par requête reçue au greffe le 26 avril 2021, Mme [X] a saisi le conseil de prud’hommes d’Argenteuil notamment aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Le 3 octobre 2022, le médecin du travail a déclaré la salariée inapte en précisant que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

En référence à cet avis, la salariée a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par courrier du 31 octobre 2022.

Par jugement du 12 octobre 2022, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes d’Argenteuil a :

– dit que Mme [X] ne démontre pas un manquement de son employeur de nature à rendre impossible la poursuite de la collaboration et de fait, de permettre au conseil d’ordonner la résiliation judiciaire du contrat de travail ;

En conséquence,

– déboute Mme [W] [X] de l’ensemble de ses demandes ;

– déboute la société de ses demandes reconventionnelles ;

– met les dépens à la charge de Mme [W] [X].

Par déclaration au greffe du 3 avril 2023, Mme [W] [X] a interjeté appel de ce jugement.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 9 janvier 2025, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, Mme [X] demande à la cour de :

Prononcer l’irrecevabilité de l’exception d’incompétence et subsidiairement la rejeter ;

Infirmer le jugement entrepris :

A titre principal :

– prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail à la date du licenciement ;

– condamner la société Edentech à lui verser :

* 4 437 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, ainsi que 444 euros au titre des congés payés y afférents ;

* 22 185 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse ;

A titre subsidiaire :

– condamner la société Edentech à lui verser :

* 4 437 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, ainsi que 444 euros au titre des congés payés y afférents ;

* 22 185 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En tout état de cause :

– condamner la société Edentech à lui verser

* 13 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du harcèlement ou subsidiairement du manquement à l’obligation de sécurité de résultat ;

* 4 487 euros à titre d’indemnité de congés payés ;

– débouter la société Edentech de son appel incident ;

– condamner la société Edentech aux dépens ;

– condamner la société Edentech à verser la somme de 5 000 euros à Maître David van der Vlist au titre l’article 700 alinéa 2 du code de procédure civile et de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

– dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes avec intérêts se capitalisant dans les conditions de l’article 1154 du code civil.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 8 janvier 2025, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, la société Edentech demande à la cour de :

In limine litis :

– se déclarer incompétente matériellement à trancher la demande indemnitaire formulée par Mme [X] au titre des prétendus manquements à son obligation de sécurité ;

– déclarer et juger que cette demande relève de la compétence exclusive du Tribunal Judiciaire de Pontoise ;

Sur le fond :

Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Argenteuil du 12 octobre 2022 en ce qu’il a :

– dit que Mme [X] ne démontre pas un manquement de son employeur de nature à rendre impossible la poursuite de la collaboration et de fait, de permettre au conseil d’ordonner la résiliation judiciaire du contrat de travail ;

– débouté Mme [X] de l’ensemble de ses demandes ;

– mis les dépens à la charge de Mme [X] ;

Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Argenteuil du 12 octobre 2022 en ce qu’il l’a débouté de ses demandes reconventionnelles ;

En conséquence, et statuant à nouveau :

A titre principal :

– juger qu’aucun fait de harcèlement moral et/ou sexuel n’est établi par Mme [X] ;

– juger qu’elle n’a pas manqué à son obligation de sécurité ;

– juger qu’il n’y a pas lieu à ordonner la résiliation judiciaire ;

– juger que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de Mme [X] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

– débouter Mme [X] de l’ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire :

Si par extraordinaire la cour d’appel estimait qu’un reliquat d’indemnité de congés payés serait dû par la société Edentech à Mme [X] :

– limiter sa condamnation au titre de l’indemnité de congés payés à une somme de 1 109,26 euros bruts correspondant à 11 jours de congés payés ;

En tout état de cause,

– condamner Mme [X] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner Mme [X] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de la procédure abusive ;

– condamner Mme [X] aux dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 16 janvier 2025.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

Déclare irrecevable l’exception d’incompétence soulevée par la société Edentech ;

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il déboute Madame [W] [X] de ses demandes au titre d’un harcèlement moral et d’un harcèlement sexuel, et en ce qu’il statue sur les frais irrépétibles ;

L’infirme pour le surplus et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [W] [X] aux torts de la société Edentech à la date du 31 octobre 2022 ;

Dit que cette résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Edentech à payer à Mme [W] [X] les sommes suivantes :

* 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de prévention et de sécurité ;

* 8 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

* 4 437 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 443,70 euros brut de congés payés afférents,

* 3 267,22 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés ;

Dit que les intérêts légaux courent :

– sur la créance d’indemnité compensatrice de congés payés, à compter de la date de réception par l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d’orientation ;

– sur les autres créances, à compter du présent arrêt ;

Dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt, conformément à l’article 1343-2 du code civil ;

Condamne la société Edentech à payer à Maître David van der Vlist, avocat de Mme [X] bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale, une somme de 2 000 euros en cause d’appel par application de l’article 700 2° du code de procédure civile ;

Déboute les parties pour le surplus ;

Condamne la société Edentech aux dépens de première instance et d’appel lesquels n’incluent pas les frais dus au titre d’une éventuelle exécution par voie légale en application des articles 10 et 11 des décrets du 12 décembre 1996 et du 8 mars 2001 relatifs à la tarification des actes d’huissiers de justice.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Madame Caroline CASTRO FEITOSA, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président

 


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