Type de juridiction : BTP / Construction
Juridiction : Cour d’appel de Versailles
Thématique : Responsabilité contractuelle et gestion des retards dans un projet de construction
→ RésuméContexte de l’AffaireLa société M&S développement immobilier (ci-après désignée comme le maître d’ouvrage) a lancé en 2016 plusieurs projets de construction, incluant la réalisation de cinq programmes immobiliers. Pour chaque projet, une Société Civile de Construction Vente (SCCV) a été créée, et les travaux ont été confiés à des entreprises spécialisées, notamment la société Jean Letuvé pour les travaux de peinture et de revêtement de sol. Contrat et EngagementsUn contrat a été signé entre le maître d’ouvrage et la société Jean Letuvé, stipulant un prix global de 910 000 euros HT pour l’ensemble des travaux. La SCCV Villa Marceau a engagé la société Jean Letuvé pour un montant de 49 000 euros HT, avec des ajustements ultérieurs portant le total à 61 017,15 euros HT. La société Jean Letuvé a ensuite soumis une situation de travaux, qui a été contestée par le maître d’ouvrage en raison de retards et de pénalités. Litige et AssignationEn mars 2018, la société Jean Letuvé a mis en demeure le maître d’ouvrage de régler un solde impayé de 7 490,96 euros TTC. Face à l’absence de paiement, la société Jean Letuvé a assigné le maître d’ouvrage devant le tribunal judiciaire de Nanterre. Le tribunal a rendu un jugement en mars 2021, condamnant le maître d’ouvrage à payer une somme de 5 430,93 euros TTC à la société Jean Letuvé, tout en déboutant le maître d’ouvrage de ses demandes. Appels et Demandes RéciproquesSuite à ce jugement, le maître d’ouvrage a interjeté appel, demandant l’infirmation du jugement et la reconnaissance de sa qualité d’appelant. De son côté, la société Jean Letuvé a également interjeté appel incident, cherchant à confirmer le jugement initial tout en demandant des dommages et intérêts pour résistance abusive. Arguments des PartiesLe maître d’ouvrage a soutenu que l’arrêt des travaux était dû à la faute de la société Jean Letuvé, qui n’aurait pas respecté ses obligations contractuelles. En revanche, la société Jean Letuvé a affirmé que l’arrêt des travaux était causé par des problèmes de chauffage et d’électricité, qui relevaient de la responsabilité du maître d’ouvrage. Les deux parties ont également contesté les pénalités appliquées pour retard et absence aux réunions. Décision du TribunalLe tribunal a confirmé que la société Jean Letuvé ne pouvait être tenue responsable de l’arrêt des travaux, en raison des conditions de chantier inadéquates. Les pénalités pour retard de démarrage des travaux ont été jugées non fondées, et le tribunal a statué en faveur de la société Jean Letuvé pour le paiement d’une somme de 5 214,93 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure. Conclusion et ConséquencesLa cour a confirmé la décision du tribunal de première instance, tout en ajustant le montant dû à la société Jean Letuvé. Le maître d’ouvrage a été condamné à payer les dépens de la procédure et une indemnité pour les frais engagés. Cette affaire souligne l’importance de respecter les obligations contractuelles et les conditions de chantier pour éviter des litiges coûteux. |
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 54D
Ch civ. 1-4 construction
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 27 JANVIER 2025
N° RG 21/02518
N° Portalis DBV3-V-B7F-UOMF
AFFAIRE :
SCCV [Localité 12] VILLA MARCEAU
C/
S.A.S. ENTREPRISE DE PEINTURE JEAN LETUVE,
S.A.S. M&S DEVELOPPEMENT IMMOBILIER, venant aux droits de la SCCV [Localité 12] VILLA MARCEAU
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Mars 2021 par le tribunal judiciaire de Nanterre
N° RG : 18/04315
Expéditions exécutoires, Copies certifiées conforme délivrées le :
à :
Me Anne-laure DUMEAU
Me Franck LAFON
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SEPT JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
APPELANTE
SCCV [Localité 12] VILLA MARCEAU
[Adresse 2]
[Localité 10]
Représentant : Me Anne-laure DUMEAU de la SELASU ANNE-LAURE DUMEAU, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628
Plaidant : Me Charles GUIEN de la SCP GUIEN LUGNANI & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0488
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INTIMÉE
S.A.S. ENTREPRISE DE PEINTURE JEAN LETUVE
[Adresse 7]
[Localité 8]
Représentant : Me Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618
Plaidant : Me Frédérick DUTTER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0546
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PARTIE INTERVENANTE
S.A.S. M&S DEVELOPPEMENT IMMOBILIER, venant aux droits de la SCCV [Localité 12] VILLA MARCEAU
[Adresse 9]
[Localité 11]
Représentant : Me Anne-laure DUMEAU de la SELASU ANNE-LAURE DUMEAU, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628
Plaidant : Me Charles GUIEN de la SCP GUIEN LUGNANI & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0488
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Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 25 Novembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Fabienne TROUILLER, Présidente, et Madame Séverine ROMI, Conseillère chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Fabienne TROUILLER, Présidente,
Madame Séverine ROMI, Conseillère,
Madame Marie-Cécile MOULIN-ZYS, Conseillère,
Greffière, lors des débats : Madame Jeannette BELROSE,
FAITS ET PROCÉDURE
La société M&S développement immobilier (ci-après M&S) a entrepris la réalisation de cinq programmes de construction en 2016 :
– l’opération « [Localité 13] l’Avenue » portant sur l’édification d’un immeuble collectif de 54 logements situés au [Adresse 6] [Localité 13] (93),
– l’opération « [Localité 15] Villa Vogue » portant sur l’édification d’un immeuble collectif de 35 logements avec parkings situé au [Adresse 5] à [Localité 15] (78),
– l’opération « [Localité 13] Les Jardins de l’Avenue » portant sur l’édification d’un immeuble collectif de 62 logements situé au [Adresse 3] à [Localité 13] (93)
– l’opération « [Localité 12] Villa Marceau » portant sur l’édification d’un immeuble collectif de 54 logements situé au [Adresse 1] à [Localité 12] (77),
– l’opération « [Localité 14] C’ur de ville » portant sur l’édification d’un immeuble collectif de 43 logements situé au [Adresse 4] à [Localité 14] (77).
Pour chacune de ces opérations, une SCCV ad hoc a été constituée. Les opérations ont été réalisées par corps d’état distincts. La maîtrise d »uvre de conception a été confiée à la société Cadences architectes et la maîtrise d »uvre d’exécution à la société Art ingénierie.
La société Atalian a conclu avec la société M&S un accord de travaux pour deux entreprises du groupe, les sociétés Entreprise de peinture Jean Letuvé (ci-après « la société Jean Letuvé ») , Germot et Crudenaire IDF pour l’ensemble des 5 opérations et un prix dit global de 910 000 euros HT.
La ventilation du prix a été fixée à 165 000 euros HT pour les deux lots peinture et parquet/sols souples, 116 000 euros correspondant au lot peinture selon mail rédigé par M. [R] le 24 octobre 2016.
La SCCV [Localité 12] villa Marceau (ci-après la société Villa Marceau) a établi un acte d’engagement de la société Jean Letuvé pour le lot parquet/sols souples du programme de 36 logements situé à [Localité 12], pour un montant global et forfaitaire de 49 000 euros HT, outre un ordre de service complémentaire le 7 novembre 2017 pour la somme de 12 017,15 euros HT, soit un montant total de 61 017,15 euros HT (73 220,58 euros TTC).
La société Jean Letuvé a établi le 30 novembre 2017 une situation de travaux qui a été modifiée par le maître d »uvre d’exécution, tant quant à l’avancement des travaux que sur l’application de pénalités de retard et retenues.
La société Villa Marceau a payé la somme de 7 574,20 euros TTC sur cette situation.
Le 23 mars 2018, la société Jean Letuvé a adressé à la société Villa Marceau une mise en demeure d’avoir à lui payer le solde de 7 490,96 euros TTC, sans effet.
Suivant exploit des 20 et 25 avril 2018, la société Jean Letuvé a fait assigner la société Villa Marceau devant le tribunal judiciaire de Nanterre.
Par jugement contradictoire du 25 mars 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
– condamné la société Villa Marceau à payer à la société Jean Letuvé la somme de 5 430,93 euros TTC portant intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2018,
– débouté la société Villa Marceau de l’ensemble de ses demandes, à l’exception de celles relatives aux pénalités pour retard de transmission de pièces et pour absence aux réunions,
– débouté la société Jean Letuvé de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,
– condamné la société Villa Marceau aux dépens et à payer à la société Jean Letuvé la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution provisoire.
Le tribunal a condamné la société Villa Marceau à payer à la société Jean Letuvé la somme de 5 430,93 euros TTC au titre du solde de la situation de travaux, aux motifs que les parties s’accordaient sur le montant de 13 4999,25 euros HT (16 199,10 euros TTC) pour le prix de l’avancement des travaux à la date du 30 novembre 2017 et que la somme de 7 574,20 euros avait été payée par la société Villa Marceau.
Le tribunal a condamné la société Jean Letuvé à payer à la société Villa Marceau des pénalités pour retard de transmission de pièces et pour son absence aux réunions.
Le tribunal a rejeté les demandes de la société Villa Marceau, s’agissant des pénalités de retard de démarrage des travaux appliquées par cette dernière à l’encontre de la société Jean Letuvé en ce que de telles pénalités étaient légitimement contestées et que l’impossibilité de continuer les travaux à compter du 4 décembre 2016 et jusqu’aux constats du 20 mars 2018, sauf à risquer la détérioration de l’ouvrage, était fondée et répondait aux stipulations du CCAP.
Il a retenu que l’exception d’inexécution opposée sans forme par la société Jean Letuvé, du fait du non-paiement du solde de la situation de travaux, était fondée au regard du dépassement des pénalités possibles aux termes du CCAP et du caractère contestable du retard de travaux appliqué.
Le tribunal a dit que les motifs d’insuffisance de la caution n’étaient pas fondés.
Il a jugé que le refus d’émission d’un ordre de service reprenant le montant des travaux liés à la remise en état des parquets était fondé s’agissant d’une charge incombant à une tierce entreprise, d’une possibilité, non d’une obligation, pour le maître de l’ouvrage de supporter le coût de ces travaux.
Le tribunal a retenu que la société Villa Marceau avait quant à elle choisi d’assumer un surcoût de mise en régie, plus onéreux que le solde de la situation de travaux de la société Jean Letuvé, et privé cette dernière de la possibilité de poursuivre sa prestation dans les délais convenus en lui appliquant immédiatement des pénalités en partie indues.
Par déclaration du 16 avril 2021, la société Villa Marceau a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions du 8 octobre 2021, la société Jean Letuvé a interjeté appel incident.
Aux termes de ses conclusions n°5 remises au greffe le 27 juin 2024 (60 pages), la société M&S, venant aux droits de la société Villa Marceau, demande à la cour de :
– in limine litis, constater qu’elle vient aux droits de la société Villa Marceau par l’effet de la transmission universelle de patrimoine intervenue en cours d’instance et qu’elle a donc la qualité d’appelante à l’instance,
– sur le fond, infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Villa Marceau à payer à la société Jean Letuvé la somme de 5 430,93 euros TTC portant intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2018, débouté la société Villa Marceau de l’ensemble de ses demandes, à l’exception de celles relatives aux pénalités pour retard de transmission de pièces et pour absence aux réunions et condamné la société Villa Marceau à payer à la société Jean Letuvé la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
– dire et juger que la suspension des travaux par la société Jean Letuvé est irrégulière et fautive,
– fixer le montant des travaux de la société Jean Letuvé à une somme de 12 214,10 euros TTC, après déduction des frais de prorata et des pénalités de retard contractuelles,
– dire que les frais et surcoûts suite à la mise en régie des travaux de la société Jean Letuvé s’élèvent à la somme de 23 912,39 euros TTC et, subsidiairement, celle de 13 212,32 euros TTC,
– constater que la société Jean Letuvé a perçu un acompte de 7 574,20 euros TTC,
– condamner la société Jean Letuvé à lui verser la somme de 19 272,49 euros TTC (12 214,10 euros TTC – [23 912,39 euros TTC + 7 574,20 euros TTC]) et, subsidiairement, la somme de 8 572,42 euros TTC (12 214,10 euros TTC – [13 212,32 euros TTC + 7 574,20 euros TTC]), après établissement des comptes entre les parties,
– débouter la société Jean Letuvé de l’ensemble de ses demandes,
– la condamner à lui verser une somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Aux termes de ses conclusions n°5 remises au greffe le 16 février 2023 (36 pages), la société Letuvé demande à la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Villa Marceau aux dépens et à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– infirmer le jugement en ce qu’il a (sic) :
– débouté la société Villa Marceau de l’ensemble de ses demandes, à l’exception de celles relatives aux pénalités pour retard de transmission de pièces et pour absence aux réunions,
– condamné la société Villa Marceau à lui payer la somme de 5 430,93 euros TTC portant intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2018, l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,
– débouté la société M&S venant aux droits de la société Villa Marceau de l’ensemble de ses demandes au titre des frais et surcoûts de mise en régie du chantier, au titre des pénalités contractuelles pour retard d’exécution, pour retard dans la transmission de pièces et pour absence aux réunions de chantier,
– condamner la société M&S à lui verser la somme de 8 300,92 euros TTC pour solde des comptes entre elles, avec intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2018, date de la mise en demeure qui lui a été adressée,
– condamner la société M&S à lui verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive à paiement,
– condamner la société M&S à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
– condamner la même aux entiers dépens d’appel dont distraction au profit de Me Lafon, par application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 10 septembre 2024. L’affaire a été fixée à l’audience de plaidoirie du 25 novembre 2024 et elle a été mise en délibéré au 27 janvier 2025.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,
Prend acte de l’intervention volontaire de la société M&S développement immobilier venant aux droits de la SCCV [Localité 12] villa Marceau ;
Confirme le jugement sauf sur le quantum de la condamnation en principal qui est porté à la somme de 5 214,93 euros TTC ;
Condamne la société M&S développement immobilier à payer à la société Entreprise de peinture Jean Letuvé la somme de 5 214,93 euros TTC avec les intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2018 ;
Y ajoutant,
Condamne la société M&S développement immobilier à payer les entiers dépens de première instance et d’appel, qui pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l’article 699 du code de procédure civile ;
Condamne la société M&S développement immobilier à payer à la société Entreprise de peinture Jean Letuvé une indemnité de 5 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Fabienne TROUILLER, Présidente et par Madame Jeannette BELROSE, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
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