Cour d’appel de Versailles, 26 octobre 2017
Cour d’appel de Versailles, 26 octobre 2017

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Versailles

Thématique : Terrorisme : l’erreur sur l’image, un délit de presse  

Résumé

Un particulier a intenté une action en justice contre plusieurs médias après que sa photo ait été erronément associée au terroriste Reda Kriket, suite aux attentats de Paris en 2015 et de Bruxelles en 2016. La question centrale était de savoir si cette action devait se fonder sur le droit à l’image ou sur la diffamation. Les juges ont conclu que la victime tentait de contourner les règles de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, car son assignation était nulle, ayant été délivrée après la prescription de l’action en diffamation.

Vrai faux terroriste

Le droit à l’image réserve encore de belles surprises. Un particulier dont la photographie a été présentée dans les médias à tort, comme celle du terroriste Reda Kriket, a poursuivi plusieurs titres de presse pour être indemnisé de son préjudice. Le portrait photographique en cause a été publié à la suite des attentats de Paris de novembre 2015 et de Bruxelles en mars 2016.

Atteinte à l’image ou diffamation ?

La question était de déterminer si la victime de cette erreur devait agir sur le fondement du droit spécial de la presse ou de l’atteinte à son droit à l’image. En présence d’une diffamation (« allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé »), la citation en justice doit préciser et qualifier  le fait incriminé et indiquer le texte de loi applicable à la poursuite. Si la citation est à la requête du plaignant, elle contient également élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie et doit être notifiée tant au prévenu qu’au ministère public. Toutes ces formalités sont observées à peine de nullité des poursuites (article 53 de la loi du 29 juillet 1881).

La victime lésée ne peut, pour échapper aux contraintes du droit spécial de la presse, recourir au droit commun (article 9 du Code civil). En effet, le principe à valeur constitutionnelle de la liberté d’expression implique qu’il soit exclu de recourir à des qualifications juridiques autres que celles définies à ces dispositions notamment pour échapper aux contraintes procédurales protectrices de la liberté de la presse qu’elles instaurent si les faits à l’origine du préjudice dont il est demandé réparation caractérisent l’un des délits qui y sont prévus. En application de l’article 12 du code de procédure civile, le juge doit restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

La diffamation appliquée

Dans l’exposé des faits de son assignation, la victime soutenait qu’une atteinte à son image avait  été portée en violation de l’article 9 du code civil, mais tendait en réalité à obtenir réparation d’une atteinte à son honneur et à sa réputation par l’imputation, par des propos indissociables de sa photographie par laquelle il est identifiable, de la commission de faits qualifiés d’actes de terrorisme. Les juges ont donc conclu à une tentative de contournement des dispositions impératives de la loi de 1881 relatives à la liberté de la presse, étant relevé qu’à la date de l’assignation, toute action en diffamation était prescrite. L’assignation délivrée était donc nulle pour violation des exigences de l’article 53 de la loi de 1881.

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