Cour d’appel de Versailles, 22 janvier 2025, RG n° 24/04420
Cour d’appel de Versailles, 22 janvier 2025, RG n° 24/04420

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Versailles

Thématique : Clause compromissoire et compétence arbitrale : enjeux d’une relation commerciale internationale.

Résumé

Contexte des sociétés impliquées

La SAS Egis international, spécialisée dans l’ingénierie conseil en travaux publics, opère principalement à l’international, tandis que la SAS Cores Congo, de droit congolais, fournit des services de représentation et d’assistance commerciale en République du Congo. Egis a réalisé des prestations d’ingénierie en République du Congo entre 1982 et 1987 et a renoué des relations d’affaires avec Cores en 2007.

Accords et contrats signés

Le 12 juin 2007, Egis et Cores ont signé un accord cadre de représentation commerciale, stipulant une rémunération fixe mensuelle pour Cores, ainsi qu’une rémunération complémentaire basée sur les encaissements d’Egis. Cet accord incluait également une clause compromissoire pour le règlement des litiges par arbitrage. Un contrat spécifique a été signé le 4 février 2008 pour le recouvrement de créances d’Egis, avec une rémunération de 30% sur les montants récupérés.

Évolution des créances et litiges

Le 19 février 2008, Egis a accepté une décote de 35% sur sa créance. En janvier 2020, elle a perçu un paiement partiel de sa créance, mais le gouvernement congolais a ensuite restructuré sa dette, affectant le montant dû à Egis. En juillet 2022, Cores a mis Egis en demeure de payer sa commission sur la somme récupérée, ce qui a conduit à une assignation devant le tribunal de commerce de Versailles en décembre 2022.

Réactions et décisions judiciaires

Egis a contesté la compétence du tribunal de commerce de Versailles, invoquant la clause compromissoire. Le tribunal a jugé le 15 mars 2024 qu’il était incompétent et a renvoyé Cores à un tribunal arbitral, tout en condamnant Cores à verser 10.000 euros à Egis pour les frais de justice. Cores a interjeté appel de cette décision.

Appel et demandes des parties

Cores a demandé à la cour d’infirmer le jugement initial et de déclarer le tribunal de commerce compétent, tandis qu’Egis a demandé l’infirmation de la décision concernant la nullité de l’assignation. Les deux parties ont présenté leurs arguments respectifs concernant la compétence et la validité des documents juridiques.

Décision de la cour d’appel

La cour a rejeté l’exception de nullité de la déclaration d’appel et a confirmé l’incompétence du tribunal de commerce, tout en infirmant la décision de renvoyer les parties devant un tribunal arbitral. Cores a été condamnée aux dépens d’appel et à verser 5.000 euros à Egis pour les frais irrépétibles.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 57B

Chambre commerciale 3-1

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 22 JANVIER 2025

N° RG 24/04420 – N° Portalis DBV3-V-B7I-WUL2

AFFAIRE :

Société CORES CONGO

C/

S.A.S. EGIS INTERNATIONAL

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Mars 2024 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES

N° RG : 2023F00034

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Véronique BUQUET-ROUSSEL

Me Oriane DONTOT

TC VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Société CORES CONGO

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3] (REPUBLIQUE DU CONGO)

Représentée par Me Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 et Me Théophile TOUNY & Me Alexandre MERVEILLE de la SELARL VERSINI-CAMPINCHI MERVEILLE ET COLIN, Plaidants, avocats au barreau de Paris

APPELANTE

****************

S.A.S. EGIS INTERNATIONAL

RCS Versailles n° 582 132 551

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & TEYTAUD SALEH, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 et Me Clément DUPOIRIER & Me Ouday AL BARAZI du cabinet HERBERT SMITH FREEHILLS PARIS LLP, Plaidants, avocats au barreau de Paris

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 12 Novembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, Conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseillère,

Madame Bérangère MEURANT, Conseillère,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,

EXPOSE DES FAITS

La SAS Egis international, ci-après dénommée la société Egis, exerce une activité d’ingénieur conseil en matière de travaux publics et opère en majeure partie hors de France.

La SAS de droit congolais Cores Congo, ci-après dénommée la société Cores, est une société de prestations de services de représentation et assistance commerciale en République du Congo.

La société Egis a mené des activités de prestations d’ingénierie en République du Congo entre 1982 et 1987.

A l’occasion d’une reprise d’activité en République du Congo en 2007, la société Egis est entrée en relation d’affaires avec la société Cores.

Le 12 juin 2007, les sociétés Cores et Egis ont signé un « accord cadre de représentation commerciale » stipulant d’une part, que la société Cores serait rémunérée par le versement d’une somme fixe mensuelle, outre une rémunération complémentaire définie dans chaque lettre-avenant en fonction du montant encaissé par la société Egis dans le cadre des marchés publics congolais conclus, et d’autre part, une clause compromissoire imposant le respect des procédures de conciliation et d’arbitrage de la chambre de commerce internationale de [Localité 2] et selon le droit français, ainsi que la compétence d’un arbitre nommé conformément à cette procédure pour connaître de tout litige éventuel.

Ce contrat a fait l’objet de douze lettres-avenants signées à l’occasion des différents projets pour lesquels la société Cores a fourni son assistance à la société Egis.

Le 4 février 2008, les sociétés Cores et Egis ont signé un contrat spécifique intitulé « Mandat d’exécution pour remboursement de créance » ayant pour objet le recouvrement de créances inscrites au profit de la société Egis auprès de la Caisse congolaise d’amortissement (CCA) pour ses activités de prestations réalisées entre 1982 et 1987, d’un montant total de 883.241.983 Francs CFA.

Ce mandat fixe d’une part, les modalités d’intervention et de rémunération de la société Cores à hauteur de 30% du montant effectivement versé à la société Egis et d’autre part, contient une clause compromissoire identique à celle stipulée dans l’accord cadre de 2007.

Le 19 février 2008, la société Egis a accepté une décote de 35% de sa créance auprès de la CCA.

Le 27 janvier 2020, la société Egis a perçu une somme de 323.886.894 francs CFA (493.762 euros) au titre du paiement partiel de sa créance, mais face aux difficultés budgétaires de la République du Congo, le gouvernement a souhaité restructurer sa dette publique et dans ce cadre, la créance de la société Egis, qui a été certifiée à hauteur de 16.941.197.733 francs CFA, a fait l’objet d’une titrisation à concurrence de 15.007.470.000 francs CFA, le solde devant être réglé en numéraire.

Le 11 juillet 2022, considérant que la détention d’obligations à l’égard de la République du Congo valait paiement de la créance des contrats d’ingénierie, la société Cores a mis la société Egis en demeure de lui régler sa rémunération au titre de la somme recouvrée.

Le 14 décembre 2022, la société Cores a fait assigner la société Egis devant le tribunal de commerce de Versailles afin notamment de voir fixer sa rémunération, à titre principal, à hauteur de 30% de la créance encaissée par la société Egis, soit 9.364.312 euros et, à titre subsidiaire, à hauteur de 9 %, soit 2.809.294 euros, en application de l’accord cadre de 2007.

La société Egis a soulevé l’incompétence du tribunal de commerce de Versailles en application de la clause compromissoire stipulée au contrat cadre de 2007 réservant la compétence à la juridiction arbitrale.

Par jugement du 15 mars 2024, le tribunal a débouté la société Egis de sa demande de voir jugée nulle l’assignation, s’est déclaré incompétent, a renvoyé la société Cores à mieux se pourvoir devant un tribunal arbitral constitué conformément à la clause compromissoire contenue dans l’accord cadre de représentation commerciale de 2007 et l’a condamnée à payer à la société Egis la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens, dont distraction au profit de la SELARL JRF & Associés représentée par Me Oriane Dontot.

Par déclaration du 10 juillet 2024, la société Cores a interjeté appel de ce jugement et, par ordonnance du 19 juillet 2024, elle a été autorisée à assigner la société Egis à l’audience du 12 novembre 2024. Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 25 octobre 2024, elle demande à la cour de :

– la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;

et y faisant droit,

– infirmer le jugement en ce qu’il a :

– reçu la société Egis en son déclinatoire de compétence et l’a déclarée bien fondée ;

– s’est déclaré incompétent ;

– l’a renvoyée à mieux se pourvoir devant un tribunal arbitral constitué conformément à la clause compromissoire contenue dans l’accord cadre de représentation commerciale de 2007 ;

– l’a condamnée à payer à la société Egis la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens dont distraction ;

– le confirmer en ce qu’il a débouté la société Egis de sa demande de voir jugée nulle l’assignation ;

statuant à nouveau,

– déclarer le tribunal de commerce de Versailles compétent ;

– débouter la société Egis de toutes ses demandes et la condamner au paiement de la somme de 15.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

La société Egis demande à la cour, par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 27 septembre 2024, de :

à titre principal,

– faire droit à son appel incident ;

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de voir constater la nullité de l’assignation qui lui a été délivrée le 14 décembre 2022 ;

statuant à nouveau,

– juger nulles l’assignation délivrée à la société Egis le 14 décembre 2022, la déclaration d’appel du 10 juillet 2024, ainsi que l’assignation à bref délai du 26 juillet 2024 ;

subsidiairement,

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il l’a reçue en son déclinatoire de compétence et a renvoyé la société Cores à mieux se pourvoir devant un tribunal arbitral constitué conformément à la clause compromissoire contenue dans l’accord cadre de représentation commerciale du 12 juin 2007 ;

en tout état de cause,

– condamner la société Cores à lui verser la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens dont distraction au profit de Me Oriane Dontot.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit par l’article 455 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par arrêt contradictoire,

Rejette l’exception de nullité de la déclaration d’appel et de l’assignation à jour fixe délivrée à la société Egis international à la demande de la société Cores Congo ;

Confirme le jugement du 15 mars 2024 en ce qu’il s’est déclaré incompétent, a renvoyé les parties à mieux se pourvoir, a condamné la société Cores Congo à payer à la société Egis international la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens, dont distraction au profit de la SELARL JRF & Associés représentée par Me Oriane Dontot ;

L’infirme par voie de retranchement en ce qu’il a débouté la société Egis de sa demande de voir jugée nulle l’assignation et a renvoyé les parties devant un tribunal arbitral constitué conformément à la clause compromissoire contenue dans l’accord cadre de représentation commerciale de 2007 ;

Y ajoutant,

Condamne la société Cores Congo aux dépens d’appel, dont distraction au profit de Me Oriane Dontot;

Condamne la société Cores Congo à payer à la société Egis international la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par cette dernière en cause d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier La Présidente

 


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