Cour d’appel de Versailles, 21 novembre 2024, RG n° 23/03596
Cour d’appel de Versailles, 21 novembre 2024, RG n° 23/03596

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Versailles

Thématique : Application de l’abattement professionnel et ses conséquences sur les droits du salarié

Résumé

Engagement et Mandat

M. [P] [J] a été engagé par la société Transports du Val d’Oise en tant que conducteur/receveur à partir du 22 octobre 1990, sous un contrat de travail à durée indéterminée. La relation de travail était régie par la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs. M. [P] [J] a également exercé un mandat d’élu au comité central d’entreprise.

Condamnation de l’Employeur

Le 5 décembre 2013, la cour d’appel de Versailles a condamné l’employeur à verser une indemnité spécifique à M. [P] [J] pour la privation de chèques déjeuners. Le 14 décembre 2015, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Montmorency pour obtenir le paiement de diverses sommes liées à l’exécution de son contrat de travail.

Jugement de Départage

Le jugement de départage du 5 juin 2018 a déclaré M. [J] irrecevable dans ses demandes d’indemnisation pour la période antérieure à décembre 2008, a confirmé la mise en place de l’abattement pour frais professionnels, et a débouté M. [J] de l’ensemble de ses demandes. Ce jugement a été confirmé par la cour d’appel de Versailles le 12 mai 2021, qui a également condamné M. [J] à payer des frais irrépétibles.

Poursuite en Cassation

M. [J] a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel, tandis que la société Transports du Val d’Oise a également formé un pourvoi incident. En janvier 2022, le contrat de travail de M. [J] a été transféré à la société Keolis.

Inaptitude et Licenciement

Le 22 octobre 2022, un médecin du travail a déclaré M. [J] inapte à son emploi, et il a été licencié pour inaptitude le 15 février 2023. La chambre sociale de la cour de cassation a rejeté le pourvoi incident de l’employeur et a cassé partiellement l’arrêt du 12 mai 2021 le 27 septembre 2023.

Demande de Réparation

M. [J] a saisi la cour de renvoi le 20 décembre 2023, demandant diverses réparations, y compris des dommages et intérêts pour la minoration de ses droits à indemnités journalières et à la retraite, ainsi qu’un solde de congés payés.

Réponse de l’Employeur

La société Transports du Val d’Oise a contesté la recevabilité de certaines demandes de M. [J], notamment celle relative aux congés payés, et a demandé à être déboutée de l’ensemble des demandes de M. [J].

Clôture de l’Instruction

L’instruction a été clôturée le 26 septembre 2024, et la cour a demandé des précisions sur la date de départ à la retraite de M. [J], qui a fourni des documents à cet effet.

Motivations de la Cour

La cour a jugé que la demande de M. [J] au titre des congés payés était recevable et a condamné la société Transports du Val d’Oise à verser plusieurs sommes à M. [J] en réparation de préjudices subis, notamment en raison de la minoration de ses droits à indemnités journalières et à la retraite.

Conclusion

La cour a infirmé le jugement précédent sur plusieurs points, condamnant la société Transports du Val d’Oise à verser des indemnités à M. [J] et à supporter les dépens de l’instance.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

Chambre sociale 4-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 21 NOVEMBRE 2024

N° RG 23/03596 – N° Portalis DBV3-V-B7H-WIFS

AFFAIRE :

[P] [J]

C/

S.A.S. TRANSPORTS DU VAL D’OISE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Juin 2018 par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de MONTMORENCY

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : F15/01814

Copies délivrées

à :

Me Vincent LECOURT

Me Arnaud BLANC DE LA NAULTE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

DEMANDEUR devant la cour d’appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d’un arrêt de la Cour de cassation (chambre sociale) du 27 septembre 2023 cassant et annulant partiellement l’arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles le 12 mai 2021

Monsieur [P] [J]

né le 11 Février 1962 à [Localité 5] (ALGÉRIE)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

assisté de Me Vincent LECOURT, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 218

****************

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

S.A.S. TRANSPORTS DU VAL D’OISE

N° SIRET : 314 388 950

[Adresse 1]

[Localité 4]

assistée de Me Arnaud BLANC DE LA NAULTE de l’AARPI NMCG AARPI, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0007

Me Maureen CURTIUS, Plaidant, avocat au barreau de Paris

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 11 Octobre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseillère chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Anne REBOULEAU,

EXPOSE DU LITIGE

M. [P] [J] a été engagé par la société Transports du Val d’Oise suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 22 octobre 1990 en qualité de conducteur / receveur.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs.

M. [P] [J] a exercé un mandat d’élu au comité central d’entreprise.

Par arrêt de la cour d’appel de Versailles du 5 décembre 2013, l’employeur a été condamné à verser au salarié une indemnité spécifique et à l’indemniser au titre de la privation de chèques déjeuners.

Le 14 décembre 2015, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Montmorency afin d’obtenir la condamnation de la société au paiement diverses sommes au titre de l’exécution du contrat de travail.

Par jugement de départage en date du 5 juin 2018, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a :

– dit que M. [J] ne peut valablement se voir opposer le principe de l’unicité de l’instance,

– déclaré M. [J] irrecevable en ses demandes d’indemnisation pour la période de travail antérieure à décembre 2008 qui sont prescrites,

– dit que les conditions de mise en place de l’abattement pour frais professionnels au sein de la société Transports du Val d’Oise ont été respectées,

– débouté M. [J] de l’intégralité de ses demandes de réparation en tant qu’elles sont mal fondées,

– dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire,

– dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et débouté les parties de leurs demandes formulées à ce titre,

– condamné M. [J] aux dépens,

– débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif.

Le 22 juin 2018, M. [J] a interjeté appel à l’encontre de ce jugement.

Par arrêt en date du 12 mai 2021, la cour d’appel de Versailles a :

– confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions,

– y ajoutant, condamné M. [J] à payer à la société Transports du Val d’Oise la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles,

– débouté M. [J] de sa demande au titre des frais irrépétibles,

– condamné M. [J] aux dépens d’appel.

Le 12 juillet 2021, M. [J] a formé un pourvoi en cassation à l’encontre de l’arrêt de la cour d’appel de Versailles.

La société Transports du Val d’Oise a formé un pourvoi incident à l’encontre de cet arrêt.

A compter de janvier 2022, le contrat de travail de M. [J] a été transféré à la société Keolis en application des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail.

Par avis du 22 octobre 2022, le médecin du travail a constaté l’inaptitude de M. [J] à son emploi.

Par lettre du 15 février 2023, l’employeur a licencié le salarié pour inaptitude.

Par arrêt du 27 septembre 2023, la chambre sociale de la cour de cassation a :

– rejeté le pourvoi incident formé par la société Transports du Val d’Oise,

– cassé et annulé, sauf en ce qu’il a dit que M. [J] ne peut se voir opposer le principe de l’unicité de l’instance et en ce qu’il le déclare irrecevable en ses demandes d’indemnisation pour la période antérieure au mois de décembre 2008, l’arrêt rendu le 12 mai 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles,

– remis, sauf sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel de Versailles autrement composée,

– condamné la société Transports du Val d’Oise aux entiers dépens,

– en application de l’article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par la société Transports du Val d’Oise et condamné cette dernière à payer à M. [J] la somme de 3 000 euros.

Par déclaration du 20 décembre 2023, M. [J] a saisi la présente cour, autrement composée, statuant en tant que cour de renvoi.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 22 janvier 2024, M. [J] demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de ses demandes et statuant à nouveau, de:

– dire et juger que la société Transports du Val d’Oise ne peut appliquer l’abattement professionnel forfaitaire spécifique sur les salaires versés,

– condamner la société Transports du Val d’Oise à lui verser la somme de 245,16 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la minoration des indemnités journalières d’octobre 2013 à juin 2016 et des allocations versées au titre du congé paternité pour la période d’octobre 2013,

– condamner la société Transports du Val d’Oise à lui verser la somme de 4 181,49 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la minoration des indemnités journalières du 13 juin 2019 au 22 juin 2020,

– condamner la société Transports du Val d’Oise à lui verser la somme de 8,11 euros par jour tant qu’il sera admis au bénéfice de l’allocation de recherche d’emploi du fait de la minoration de ses droits, dans la limite de 4 509,16 euros,

– condamner la société Transports du Val d’Oise à lui verser la somme de 70 703,75 euros au titre du préjudice subi du fait de la minoration des droits à la retraite de base découlant de l’application injustifiée de l’abattement forfaitaire spécifique,

– condamner la société Transports du Val d’Oise à lui verser la somme de 23 365,76 euros au titre du préjudice subi du fait de la minoration des droits à la retraite complémentaire découlant de l’application injustifiée de l’abattement forfaitaire spécifique,

– dire et juger que l’employeur devra supporter les conséquences des effets de tout redressement qui lui serait appliqué du fait de l’application injustifiée de l’abattement forfaitaire spécifique et à le relever de toute condamnation et notamment de tous frais et pénalités qui pourraient être prononcés à son encontre par l’administration fiscale ou le juge fiscal ou au titre d’un redressement social trouvant son fondement sur le calcul de l’assiette des droits du salarié,

– condamner la société Transports du Val d’Oise à lui verser la somme de 3 004,98 euros au titre du solde de congés payés,

– condamner la société Transports du Val d’Oise à lui verser la somme de 8 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l’appel,

– condamner la société Transports du Val d’Oise aux entiers dépens de l’instance.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 24 septembre 2024, la société Transports du Val d’Oise demande à la cour de :

– juger que la demande de rappel d’indemnité compensatrice de congés payés formulée par M. [J] est irrecevable,

– débouter M. [J] de sa demande d’indemnité compensatrice de congés payés,

– à titre subsidiaire, juger que la cour de cassation a renvoyé les parties et l’affaire dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt de sorte que la demande nouvelle est irrecevable,

– débouter M. [J] de sa demande au titre du solde de congés payés,

– sur le surplus des demandes, confirmer le jugement en ce qu’il a :déclaré M. [J] irrecevable en ses demandes d’indemnisation pour la période de travail antérieure à décembre 2008 qui sont prescrites, dit que les conditions de mise en place de l’abattement pour frais professionnels au sein de la société Transports du Val d’Oise ont été respectées, débouté M. [J] de l’intégralité de ses demandes de réparation en ce qu’elles sont mal fondées,

– en tout état de cause, débouter M. [J] de l’intégralité de ses demandes,

– condamner M. [J] au paiement d’une somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [J] en tous les dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 26 septembre 2024.

Par message Rpva envoyé le 29 octobre 2024, la cour a invité les parties à s’expliquer, par note en délibéré, sur la date à laquelle M. [J] a fait valoir ses droits à la retraite et le cas échéant, à fournir un justificatif sur ce point, sans formuler d’autres observations ou commentaires au plus tard le 12 novembre 2024.

Par message Rpva reçu le 5 novembre 2024, le conseil de M. [J] a produit une note en délibéré comprenant une lettre de demande de retraite à la CRAMIF du 13 mai 2024 pour une date de départ à la retraite au 1er octobre 2024, en pièce numérotée 47 et le bordereau de pièces récapitulatif actualisé.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Vu l’arrêt de la Cour de cassation du 27 septembre 2023 ;

Infirme le jugement sauf en ce qu’il a dit que M. [P] [J] ne pouvait valablement se voir opposer le principe de l’unicité de l’instance et en ce qu’il a déclaré M. [P] [J] irrecevable en ses demandes d’indemnisation pour la période de travail antérieure à décembre 2008 qui sont prescrites,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Déclare recevable la demande nouvelle formée M. [P] [J] au titre d’une indemnité de congés payés,

Condamne la société Transports du Val d’Oise à payer à M. [P] [J] les sommes suivantes:

245,16 euros en réparation du préjudice subi du fait de la minoration des indemnités journalières de sécurité sociale d’octobre 2013 à juin 2016 et d’allocations au titre du congé paternité d’octobre 2013,

4 181,49 euros en réparation du préjudice subi du fait de la minoration des indemnités journalières du 13 juin 2019 au 22 juin 2020,

7,77 euros par jour en réparation du préjudice de perte d’allocation de recherche emploi, tant qu’il sera admis au bénéfice de l’allocation de recherche d’emploi, dans la limite de 4 509,16 euros,

63 633,31 euros en réparation du préjudice de perte de chance de droits à la retraite de base du régime général,

21 633 euros en réparation du préjudice de perte de chance de droits à retraite complémentaire,

2 403,98 euros à titre de solde d’indemnité compensatrice de congés payés,

Dit que les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Déboute M. [P] [J] de sa demande de garantie,

Condamne la société Transports du Val d’Oise aux dépens de première instance et d’appel,

Condamne la société Transports du Val d’Oise à payer à M. [P] [J] une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile1,

Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société Transports du Val d’Oise,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Madame Anne REBOULEAU, Greffière placée, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président

 


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