Type de juridiction : Cour d’appel.
Juridiction : Cour d’appel de Toulouse
Thématique : Concurrence déloyale et enjeux de confidentialité dans le secteur de la construction.
→ RésuméUne société par actions simplifiée, dénommée Villas Sud Création, a été fondée par une présidente, sa fille et un associé. Cette société, active dans la maîtrise d’œuvre, a employé une salariée jusqu’à la rupture de son contrat en avril 2016. Un conflit a éclaté entre l’associé et la société concernant les conditions de rupture de son propre contrat de travail, entraînant des procédures judiciaires. Un protocole d’accord a été signé en décembre 2018, homologué par le tribunal de commerce en février 2019.
En novembre 2016, l’associé et la salariée ont créé une nouvelle société, JL&Co Construction, à proximité de Villas Sud Création. En juin 2020, Villas Sud Création et ses associées ont assigné JL&Co Construction et ses dirigeants pour concurrence déloyale. Le tribunal judiciaire de Toulouse a rendu un jugement en mars 2023, déboutant Villas Sud Création de ses demandes et condamnant ses associées aux dépens. En avril 2023, les associées ont interjeté appel, demandant l’infirmation du jugement et la reconnaissance de la concurrence déloyale. Elles ont sollicité la production d’une liste de clients de JL&Co Construction et une expertise judiciaire pour prouver leurs allégations. Cependant, la cour a constaté que les appelantes ne justifiaient pas la nécessité de ces demandes, ayant déjà accès à certaines informations. Concernant la concurrence déloyale, les appelantes ont accusé les intimés de détournement de clientèle, parasitisme économique, dénigrement et débauchage. La cour a jugé que les preuves de détournement de clientèle et de parasitisme n’étaient pas établies, et que les allégations de dénigrement n’étaient pas prouvées. Le débauchage d’un salarié n’a pas été considéré comme fautif, car il n’y avait pas de clause de non-concurrence. En conséquence, la cour a confirmé le jugement initial, déboutant les appelantes de leurs demandes et les condamnant aux dépens. |
08/04/2025
ARRÊT N°148
N° RG 23/01510 – N° Portalis DBVI-V-B7H-PM6D
SM AC
Décision déférée du 09 Mars 2023
TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE
( 20/01947)
Monsieur [X]
[S] [I]
[NX] [B] épouse [I]
S.A.S. VILLAS SUD CREATION
C/
[Y] [AL] [M] épouse [J] épouse [J]
[G] [J]
S.A.S.U. SASU JL&CO CONSTRUCTION
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
Me Béatrice LAUNOIS-CHAZALON
Me Regis DEGIOANNI
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
2ème chambre
***
ARRÊT DU HUIT AVRIL DEUX MILLE VINGT CINQ
***
APPELANTES
Madame [S] [I]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentée par Me Béatrice LAUNOIS-CHAZALON de l’AARPI LAUNOIS-ROCA, avocat au barreau de TOULOUSE
Madame [NX] [B] épouse [I]
[Adresse 9]
[Localité 4]
Représentée par Me Béatrice LAUNOIS-CHAZALON de l’AARPI LAUNOIS-ROCA, avocat au barreau de TOULOUSE
S.A.S. VILLAS SUD CREATION
[Adresse 8]
[Localité 3]
Représentée par Me Béatrice LAUNOIS-CHAZALON de l’AARPI LAUNOIS-ROCA, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEES
Madame [Y] [AL] [M] épouse [J]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Regis DEGIOANNI de la SCP DEGIOANNI – PONTACQ – GUY-FAVIER, avocat au barreau d’ARIEGE
Monsieur [G] [J]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représenté par Me Regis DEGIOANNI de la SCP DEGIOANNI – PONTACQ – GUY-FAVIER, avocat au barreau d’ARIEGE
S.A.S.U. JL&CO CONSTRUCTION
[Adresse 10]
[Localité 6]
Représentée par Me Regis DEGIOANNI de la SCP DEGIOANNI – PONTACQ – GUY-FAVIER, avocat au barreau d’ARIEGE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Janvier 2025, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant S. MOULAYES, Conseillère chargée du rapport et V.SALMERON, présidente. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
V. SALMERON, présidente
S. MOULAYES, conseillère
M. NORGUET, conseillère
Greffier, lors des débats : A. CAVAN
ARRET :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par V. SALMERON, présidente, et par A. CAVAN, greffier de chambre
Faits et procédure
Madame [NX] [I] a constitué avec sa fille, Madame [S] [I], et Monsieur [G] [J], une société par actions simplifiée dénommée Villas Sud Création, immatriculée au registre du commerce et des sociétés depuis le 11 mai 2015 et dont elle est la présidente.
La Sas Villas Sud Création a pour objet social principal la réalisation de missions de maîtrise d »uvre tant au stade de la conception que de l’exécution des travaux.
Madame [M] épouse [J] était salariée de cette société depuis le 1er septembre 2015.
Madame [M] a émis le souhait de rompre son contrat de travail, qui a pris fin le 26 avril 2016 par l’effet d’une rupture conventionnelle.
Monsieur [J], qui était associé mais également salarié de la société, est entré en conflit avec la société sur les conditions de la rupture de son propre contrat de travail en octobre 2016.
Il a par ailleurs sollicité, en vain, en date du 6 septembre 2017 le remboursement de son compte courant.
Monsieur [J] a saisi les juridictions prud’homales et commerciales de ses demandes, et un protocole d’accord transactionnel a été signé le 21 décembre 2018, donnant lieu à homologation par le tribunal de commerce de Toulouse le 21 février 2019.
Monsieur [J] et Madame [M] ont créé la Sasu JL&Co Construction le 4 novembre 2016, le siège social de cette société étant situé à 3 kilomètres du siège social de Villas Sud Création.
Par acte d’huissier de justice du 4 juin 2020, la Sas Villas Sud Création ainsi que Mesdames [NX] [B] épouse [I] et [S] [I] ont fait délivrer assignation devant le tribunal judiciaire de Toulouse à la société JL&Co Construction, Madame [Y] [XY] [D] [M] épouse [J] et Monsieur [G] [J], afin d’obtenir l’indemnisation d’actes de concurrence déloyale.
Par jugement du 9 mars 2023, le tribunal judiciaire de Toulouse a :
– débouté la société Villas Sud Création, Madame [NX] [B] épouse [I] et Madame [S] [I] de leurs demandes,
– les condamné in solidum aux dépens et à payer à la société Jl&Co Construction ou à Monsieur [G] [J] ou à Madame [Y] [XY] [D] [M] épouse [J] la somme de 7 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté la société Jl&Co Construction, Monsieur [G] [J] et Madame [Y] [XY] [D] [M] épouse [J] de leurs demandes au titre de l’abus de procédure.
Par déclaration en date du 25 avril 2023, Madame [S] [I], Madame [NX] [B] et la Sas Villas Sud Création ont relevé appel des dispositions du jugement les déboutant de leurs demandes, et les condamnant in solidum à payer à la société Jl&Co Construction ou à Monsieur [G] [J] ou à Madame [Y] [XY] [D] [M] épouse [J] la somme de 7 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
La clôture est intervenue le 16 décembre 2024, et l’affaire a été appelée à l’audience du 21 janvier 2025.
Prétentions et moyens
Vu les conclusions d’appelantes notifiées le 20 juin 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la société Villas Sud Création, Madame [NX] [B] épouse [I], Madame [S] [I] demandant, au visa de l’article 1241 du code civil, de :
– déclarer recevable l’appel interjeté par la société Villas Sud Création, Madame [NX] [B] épouse [I] du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Toulouse le 09/03/2023 ;
– infirmer le jugement entrepris en l’intégralité de ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
– débouter la société Jl&Co Construction, Madame [Y] [M] épouse [J] et Monsieur [G] [J] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
– avant dire-droit :
– à titre principal, ordonner à la société Jl&Co Construction, Madame [Y] [M] épouse [J] et Monsieur [G] [J] de produire une liste de l’ensemble des clients de la société Jl&Co Construction depuis sa création et jusqu’au 31/12/2019 ;
– à titre subsidiaire, désigner tel expert qui lui plaira avec pour mission de :
– convoquer les parties,
– entendre les parties et tout sachant et recueillir leurs observations,
– se faire remettre par la société Jl&Co Construction la liste, certifiée conforme par son expert-comptable, de ses prospects et clients sur la période du 04/11/2016 au 31/12/2019,
– se faire remettre par la société Villas Sud Creation la liste de ses prospects et clients sur la période du 01/01/2016 au 02/12/2016,
– se faire remettre par les parties tout document utile à l’exercice de sa mission, et en particulier les correspondances, fiches de renseignements, documents contractuels et techniques,
– procéder à une comparaison entre les listes des prospects et clients des parties, et identifier les prospects et clients de la société Villas Sud Creation qui ont été détournés par la société Jl&Co, Monsieur [G] [J] et Madame [Y] [M] épouse [J],
– donner son avis sur l’existence d’actes de concurrence déloyale commis par la société Jl&Co, Monsieur [G] [J] et Madame [Y] [M] épouse [J] à l’encontre de la société Villas Sud Creation, Madame [NX] [B] épouse [I] et Madame [S] [I],
– donner son avis sur les préjudices subis par la société Villas Sud Création, Madame [NX] [B] épouse [I] et Madame [S] [I] consécutifs aux actes de concurrence déloyale,
– se rendre en tous lieux utiles pour exécuter sa mission,
– s’adjoindre au besoin tout sapiteur de son choix,
– recevoir les observations des parties par voie de dire et y répondre par écrit dans le cadre de notes adressées aux parties,
– dresser un pré-rapport à l’issue de ses opérations à l’issue duquel un délai suffisant devra être laissé aux parties afin de faire valoir leurs observations récapitulatives par écrit,
– dresser un rapport définitif reprenant la réponse à l’ensemble des chefs de mission ci-dessus énumérés ainsi que les réponses aux dires récapitulatifs et observations des parties,
– dire que l’expert devra déposer son rapport définitif dans un délai de six mois à compter de la consignation de la provision pour frais d’expertise,
– dire que la provision à valoir sur les frais d’expertise sera mise à la charge solidaire de la société Jl&Co Construction, Monsieur [G] [J] et Madame [Y] [M] épouse [J],
Au fond :
– dire et juger que la société Jl&Co Construction, Madame [Y] [M] épouse [J] et Monsieur [G] [J] ont commis des actes de concurrence déloyale à l’encontre de la société Villas Sud Creation, Madame [NX] [B] épouse [I] et Madame [S] [I] ;
En conséquence,
– condamner solidairement la société Jl&Co Construction, Madame [Y] [M] épouse [J] et Monsieur [G] [J] au paiement de la somme totale de 131 958 euros au profit de la société Villas Sud Creation à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices causés par les actes de concurrence déloyale commis à son encontre, décomposée comme suit :
– 7 333 euros (correspondant au ht de la perte de 8 000 euros de chiffre d’affaires ttc) au titre de la perte du solde des honoraires dus par Monsieur et Madame [V] suite à la résiliation provoquée de leur contrat de maîtrise d »uvre,
– 108 000 euros correspondant à la perte de marge nette comme conséquence de la perte de chance de conclure un contrat de maîtrise d »uvre avec les 9 clients et prospects détournés, (somme à parfaire au vu du nombre réel de clients détournés qui résultera de l’expertise judiciaire sollicitée),
– 4 200 euros au titre des économies réalisées grâce aux actes de concurrence déloyale ;
– 7 425 euros au titre du coût lié au recrutement d’un nouveau dessinateur suite au débauchage de Monsieur [F] [N],
– 5 000 euros au titre du trouble commercial,
– condamner solidairement la société Jl&Co Construction, Madame [Y] [M] épouse [J] et Monsieur [G] [J] au paiement de la somme de 3 000 euros au profit de Madame [NX] [B] épouse [I] à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral en leur qualité d’associée de la société Villas Sud Création causés par les agissements fautifs commis à son encontre,
– condamner solidairement la société Jl&Co Construction, Madame [Y] [M] épouse [J] et Monsieur [G] [J] au paiement de la somme de 1 500 euros au profit de Madame [S] [I] à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral en leur qualité d’associés de la société Villas Sud Creation causés par les agissements fautifs commis à son encontre,
– déclarer irrecevables toutes fins, prétentions et conclusions évoquant le différend ayant opposé la société Villas Sud Création à Monsieur [G] [J] à propos de retards de salaire, commissions impayées et remboursement de compte courant d’associé, et les écarter des débats,
– condamner Monsieur [G] [J] à payer à la société Villas Sud Création la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de la clause de confidentialité stipulée à l’article 5 du protocole d’accord transactionnel signé le 21/12/2018,
– condamner solidairement la société Jl&Co Construction, Madame [Y] [M] épouse [J] et Monsieur [G] [J] au paiement de la somme de 7 000 euros au profit de la société Villas Sud Creation, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– en tant que de besoin et sur le même fondement, condamner solidairement la société Jl&Co Construction, Madame [Y] [M] épouse [J] et Monsieur [G] [J] à payer à la société Villas Sud Creation les honoraires proportionnels résultant des dispositions de l’article 10 du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 modifié portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale qu’elle serait amenée à régler dans l’hypothèse d’un recours à l’exécution forcée de la décision à intervenir,
– dire et juger que les condamnations pécuniaires susvisées prononcées à l’encontre de la société Jl&Co Construction, Madame [Y] [M] épouse [J] et Monsieur [G] [J] seront augmentées des intérêts au taux légal à compter de la date de signification de l’arrêt à intervenir ;
– assortir les condamnations pécuniaires susvisées prononcées à l’encontre de la société Jl&Co Construction, Madame [Y] [M] épouse [J] et Monsieur [G] [J] d’une astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard à compter de la date de signification de l’arrêt à intervenir ;
– condamner solidairement la société Jl&Co Construction, Madame [Y] [M] épouse [J] et Monsieur [G] [J] aux entiers dépens de l’instance, en ce compris les frais relatifs aux constats d’huissier et rapports d’expert informatique et détectives privés diligentés par la société Villas Sud Création pour les besoins de la cause, pour une somme de 5 809,47 euros (somme à parfaire), avec distraction au profit de Maître Béatrice Launois-Chazalon, Avocat, sur ses affirmations de droit.
Vu les conclusions n°2 devant la cour d’appel de Toulouse notifiées le 16 novembre 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de Monsieur [G] [J], Madame [Y] [XY] [D] [M] épouse [J] et la société Jl&Co Construction demandant, au visa des articles 1241 du code civil, de :
– confirmer purement et simplement le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 9 mars 2023 en ce qu’il a :
– débouté la société Villas Sud Création, Madame [NX] [B] épouse [I] et Madame [S] [I] de leurs demandes,
– a condamné in solidum Société Villas Sud Création, Madame [NX] [B] épouse [I] et Madame [S] [I] au dépens et à payer à la société Jl & Co Construction ou à Madame [Y] [M] épouse [J] ou à Monsieur [G] [J] la somme de 7 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Y ajoutant,
– condamner in solidum la société Villas Sud Création, Madame [NX] [B] épouse [I] et Madame [S] [I] à payer à la société JL & Co Construction, à Monsieur [G] [J] et à Madame [Y] [M] épouse [J] une somme de 7 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant dans les limites de sa saisine, en dernier ressort, de manière contradictoire, par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré ;
Y ajoutant,
Déboute la société Villas Sud Création, Madame [NX] [B] épouse [I] et Madame [S] [I] de leur demande de voir ordonner la communication par Monsieur [G] [J], Madame [Y] [XY] [D] [M] épouse [J] et la société Jl&Co Construction de la liste de l’ensemble de leurs clients depuis la création de la société et jusqu’au 31 décembre 2019 ;
Condamne in solidum la société Villas Sud Création, Madame [NX] [B] épouse [I] et Madame [S] [I] à payer la somme globale de 2 000 euros à Monsieur [G] [J], Madame [Y] [XY] [D] [M] épouse [J] et la société Jl&Co Construction, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d’appel ;
Déboute la société Villas Sud Création, Madame [NX] [B] épouse [I] et Madame [S] [I] de leur demande formée en application de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d’appel ;
Condamne in solidum la société Villas Sud Création, Madame [NX] [B] épouse [I] et Madame [S] [I] aux entiers dépens d’appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile;
La Greffière La Présidente
.
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