Type de juridiction : Cour d’appel.
Juridiction : Cour d’appel de Toulouse
Thématique : Engagements de caution : validité et disproportion des obligations financières.
→ RésuméLes époux cautionnaires ont été associés à parts égales dans la société Boucherie Borderouge depuis juillet 2016, avec un gérant désigné. En mars 2016, la Caisse d’Épargne a accordé un prêt à la société, garanti par un nantissement sur le fonds de commerce. Les époux cautionnaires se sont portés cautions personnelles et solidaires pour ce prêt, ainsi qu’un billet à ordre émis en mai 2017. En septembre 2017, la société a été placée en redressement judiciaire, suivi d’une liquidation judiciaire en juin 2018, avec la Caisse d’Épargne déclarant une créance de plus de 222 000 euros.
En juillet 2018, la Caisse d’Épargne a mis les cautions en demeure de payer des sommes dues, mais aucun paiement n’a été effectué. En 2021, la banque a assigné les époux cautionnaires et un associé devant le tribunal de commerce pour le recouvrement des sommes dues. En mars 2022, le tribunal a condamné les époux à payer des montants spécifiques pour leurs engagements de caution, ainsi que des intérêts, tout en déboutant la banque pour d’autres demandes. Les époux ont interjeté appel, contestant la validité de leurs engagements de caution, arguant d’une absence de mention claire des prêts garantis et d’une disproportion manifeste de leurs engagements par rapport à leurs revenus. La Caisse d’Épargne a répliqué en demandant la confirmation du jugement. La cour a confirmé la validité des engagements de caution pour le prêt de mars 2016, mais a reconnu la disproportion des engagements de mai 2017, déchargeant ainsi la banque de son droit de se prévaloir de ces engagements. Les demandes de dommages et intérêts des époux ont été rejetées, tout comme leur demande de délais de paiement. La cour a condamné les époux aux dépens d’appel et a accordé une somme à l’associé pour ses frais. |
08/04/2025
ARRÊT N°142
N° RG 22/01602 – N° Portalis DBVI-V-B7G-OYAT
MN AC
Décision déférée du 16 Mars 2022
Tribunal de Commerce de TOULOUSE
( 2021J00247)
M CHEFDEBIEN
[E] [I] épouse [F] [S]
[F] [S]
C/
[Y] [R]
S.A. CAISSE D’EPARGNE DE MIDI PYRENEES (CEMP)
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
2ème chambre
***
ARRÊT DU HUIT AVRIL DEUX MILLE VINGT CINQ
***
APPELANTS
Madame [E] [I] épouse [F] [S]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Nicolas JAMES-FOUCHER, avocat au barreau de TOULOUSE
Monsieur [F] [S]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Nicolas JAMES-FOUCHER, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMES
Monsieur [Y] [R]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Aurore ANDOUCHE, avocat au barreau de TOULOUSE
S.A. CAISSE D’EPARGNE DE MIDI PYRENEES (CEMP) poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Christophe MORETTO de la SELARL ARCANTHE, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Janvier 2025, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. NORGUET, Conseillère, chargé du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
V. SALMERON, présidente
M. NORGUET, conseillère
S. MOULAYES, conseillère
Greffier, lors des débats : N.DIABY
ARRET :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par V. SALMERON, présidente, et par A. CAVAN, greffier de chambre
Faits et procédure :
[Y] [R], [F] et [E] [S], époux, ont été associés a parts égales, à compter du 4 juillet 2016, dans une Sarl Boucherie Borderouge, créée en 2012. [F] [S] en était le gérant à compter du 4 juillet 2016, en remplacement de [Y] [R].
Le 8 mars 2016, la Caisse d’Épargne et de Prévoyance Midi-Pyrénées (ci-après, la Caisse d’Épargne) a consenti un prêt équipement n° 4640725 à la Sarl Boucherie Borderouge d’un montant de 150 000 euros pour une durée de 84 mois, au taux de 1,60% l’an. Ce prêt a été garanti par un nantissement sur le fonds de commerce de la boucherie.
Le même jour, les époux [S] et [Y] [R] se sont portés cautions personnelles et solidaires de ce prêt à hauteur respectivement de :
17,5% des sommes dues dans la limite de 34 125 euros, sur une durée de 132 mois, pour chacun des époux [S],
et 15% des sommes dues dans la limite de 29 250 euros, sur une durée de 132 mois, pour [Y] [R].
Le 10 mai 2017, la Caisse d’Épargne a émis au profit de la Sarl Boucherie Borderouge un billet à ordre d’un montant de 75 000 euros.
Le même jour, les époux [S] et [Y] [R] se sont portés cautions personnelles et solidaires de ce dernier engagement de la Sarl à hauteur de 32 500 euros chacun, sur une durée de 30 mois.
Par jugement du 28 septembre 2017, le tribunal de commerce de Toulouse a placé la Sarl Boucherie Borderouge en redressement judiciaire. La Caisse d’Épargne a produit sa créance entre les mains du mandataire désigné pour la somme de 222 635,97 euros.
Par jugement du 26 juin 2018, la procédure de redressement judiciaire de la Sarl Boucherie Borderouge a été convertie en liquidation judiciaire.
Par ordonnance du juge commissaire en date du 13 novembre 2018, la créance de la Caisse d’Espagne a été admise pour le montant déclaré.
Par courriers recommandés avec accusé de réception du 27 juillet 2018, la Caisse d’Épargne a mis les cautions en demeure de payer les sommes restant dues au titre du prêt et du billet à ordre, à hauteur de 55 763,63 euros pour chacun des époux [S] et de 52 440,25 euros pour [Y] [R]. Aucun paiement n’est intervenu.
Le 15 octobre 2020, le mandataire liquidateur a adressé à la Caisse d’Épargne des certificats d’irrécouvrabilité s’agissant de ses créances.
Par actes du 6 avril 2021, la Caisse d’Épargne a assigné [F] et [E] [S], ainsi que [Y] [R] devant le tribunal de commerce de Toulouse en paiement des sommes dues au titre de leurs engagements de cautions.
Par jugement du 16 mars 2022, le tribunal de commerce a :
condamné [E] [S] à payer à la Caisse d’Épargne la somme de 24 097,53 euros au titre de son engagement de caution du prêt n° 4640725 augmentée des intérêts au taux contractuel de 1,60 % à compter du 6 mars 2021 et jusqu’à parfait paiement,
condamné [E] [S] à payer à la Caisse d’Épargne la somme de 32 500 euros au titre de son engagement de caution du billet à ordre du 10 mai 2017 augmentée des intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2021 et jusqu’à parfait paiement,
condamné [F] [S] à payer à la Caisse d’Épargne la somme de 24 097,53 euros au titre de son engagement de caution du prêt n° 4640725 augmentée des intérêts au taux contractuel de 1,60 % à compter du 6 mars 2021 et jusqu’à parfait paiement,
condamné [F] [S] à payer à la Caisse d’Épargne la somme de 32 500 euros au titre de son engagement de caution du billet à ordre du 10 mai 2017 augmentée des intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2021 et jusqu’à parfait paiement,
condamné [Y] [R] à payer à la Caisse d’Épargne la somme de 32 500 euros au titre de son engagement de caution du billet a ordre du 10 mai 2017, outre les intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2021 jusqu’à parfait paiement,
dit que les sommes dues se capitaliseront par années entières,
dit autoriser [Y] [R] à s’acquitter de sa dette en 24 mensualités égales, la dernière soldant le tout, à compter du 32e jour suivant la notification du présent jugement. Dans le cas d’une seule échéance impayée, le tout deviendra immédiatement exigible, sans mise en demeure préalable,
débouté la Caisse d’Épargne pour le surplus de ses demandes a l’encontre de [Y] [R],
condamné solidairement [F] [S] et [E] épouse [S] à payer à la Caisse d’Épargne la somme de 800 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
condamné [Y] [R] à payer à la Caisse d’Épargne la somme de 400 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
dit la présente décision exécutoire de plein droit,
condamné solidairement [F] [S], [E] [S] et [Y] [R] aux entiers dépens de l’instance.
Par déclaration en date du 26 avril 2022, [F] et [E] [S] ont relevé appel du jugement du tribunal de commerce aux fins d’en voir réformés les chefs de dispositif ayant :
condamné [E] [S] à payer à la Caisse d’Épargne la somme de 24 097,53 euros au titre de son engagement de caution du prêt n° 4640725 augmentée des intérêts au taux contractuel de 1,60 % à compter du 6 mars 2021 et jusqu’à parfait paiement,
condamné [E] [S] à payer à la Caisse d’Épargne la somme de 32 500 euros au titre de son engagement de caution du billet à ordre du 10 mai 2017 augmentée des intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2021 et jusqu’à parfait paiement,
condamné [F] [S] à payer à la Caisse d’Épargne la somme de 24 097,53 euros au titre de son engagement de caution du prêt n° 4640725 augmentée des intérêts au taux contractuel de 1,60 % à compter du 6 mars 2021 et jusqu’à parfait paiement,
condamné [F] [S] à payer à la Caisse d’Épargne la somme de 32 500 euros au titre de son engagement de caution du billet à ordre du 10 mai 2017 augmentée des intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2021 et jusqu’à parfait paiement,
condamné solidairement [F] [S] et [E] épouse [S] à payer à la Caisse d’Épargne la somme de 800 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
condamné solidairement [F] [S], [E] [S] et [Y] [R] aux entiers dépens de l’instance.
L’ordonnance de clôture a été rendue en date du 16 décembre 2024 puis rabattue sur l’audience, avant l’ouverture des débats, avec l’accord des parties. L’affaire a été fixée à l’audience du 22 janvier 2025.
Prétentions et moyens des parties :
Vu les conclusions d’appelant récapitulatives et responsives notifiées le 29 novembre 2022, auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, et dans lesquelles [F] et [E] [S] sollicitent, au visa des articles 1103, 1231-1 et1343-5 du code civil, les articles L.341 et suivants du Code de la consommation, outre l’article L. 313-22 du Code monétaire et financier, et les articles 552 et 553 du Code de procédure civile :
l’infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau, à titre principal, la reconnaissance de ce que le Caisse d’Épargne a manqué à ses obligations dans ses rapports avec les époux [S],
la reconnaissance de ce que les engagements dont l’exécution est poursuivie par la Caisse d’Épargne à 1’encontre des époux [S] sont nuls et de nul effet ou à défaut, qu’ils leur sont inopposables,
la condamnation de la Caisse d’Épargne à verser aux époux [S] la somme de 10 000 euros a titre de dommages et intérêts en raison des peines et tracas qui leur ont été causés,
à titre subsidiaire, la constatation de la bonne foi des époux [S],
que soit prononcée la déchéance des intérêts réclamés par la Caisse d’Épargne du fait de son manquement à son devoir d’information,
l’octroi aux époux [S] de délais de paiements sur 24 mois à l’effet de se libérer de leur dette,
en tout état de cause, la condamnation de la Caisse d’Épargne à verser aux époux [S] une indemnité de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
le rejet de toutes les demandes présentées par [Y] [R] à l’encontre des époux [S] sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
la condamnation de la Caisse d’Épargne à relever et garantir les époux [S] de toute condamnation qui viendrait à être prononcée a leur encontre au profit de [Y] [R],
la condamnation de la Caisse d’Épargne au paiement des entiers dépens de première et seconde instances.
En réponse, vu les conclusions d’intimé notifiées en date du 17 décembre 2024, auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, et dans lesquelles la Caisse d’Épargne demande, au visa des articles 2288 et suivants du code civil dans leur version applicable, 1343-2, 1343-5 du même code, l’article L341-4 du Code de la consommation dans sa version applicable au litige :
que soit ordonné le rabat de l’ordonnance de clôture et qu’il soit dit que les dernières conclusions sont recevables,
le rejet de l’ensemble des contestations des époux [S],
la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions,
y ajoutant, la condamnation des époux [S] à payer à la Caisse d’Épargne la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
la condamnation de les époux [S] aux dépens d’appel.
En réponse, vu les conclusions récapitulatives notifiées en date du 22 novembre 2022, auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, et dans lesquelles [Y] [R] demande, au visa de l’article 700 du Code de procédure civile :
la confirmation du jugement entrepris à tout le moins en toutes ses dispositions à l’égard de [Y] [R],
y ajoutant, la reconnaissance qu’aucune demande n’est formulée par les consorts [S] à l’encontre de [Y] [R],
la condamnation des consorts [S] à payer à [Y] [R] l’ensemble des frais engagés dans le cadre de la procédure d’appel en l’absence de demandes formées à son encontre soit la somme de 1 980 euros TTC en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
leur condamnation à payer à [Y] [R] l’ensemble des dépens exposés par ses soins dans le cadre de ladite procédure.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant dans les limites de sa saisine,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions relatives à [Y] [R],
Pour le surplus, confirme le jugement entrepris en ce qu’il a :
condamné [E] [S] à payer à la Caisse d’Épargne la somme de 24 097,53 euros au titre de son engagement de caution du prêt n°4640725 augmentée des intérêts au taux contractuel de 1,60 % à compter du 6 mars 2021 et jusqu’à parfait paiement,
condamné [F] [S] à payer à la Caisse d’Épargne la somme de 24 097,53 euros au titre de son engagement de caution du prêt n°4640725 augmentée des intérêts au taux contractuel de 1,60 % à compter du 6 mars 2021 et jusqu’à parfait paiement,
condamné solidairement [F] [S] et [E] épouse [S] à payer à la Caisse d’Épargne la somme de 800 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
condamné solidairement [F] [S], [E] [S] et [Y] [R] aux entiers dépens de l’instance,
L’infirme pour le surplus,
Et, statuant à nouveau des chefs infirmés,
Constate la disproportion à leurs biens et revenus au moment de leur conclusion des engagements de caution consentis par [F] [S] et [E] [S] le 10 mai 2017 à la Caisse d’Épargne et de Prévoyance Midi-Pyrénées en garantie du billet à ordre émis le même jour au bénéfice de la Sarl Boucherie Borderouge,
En conséquence, déchoit la Caisse d’Épargne et de Prévoyance Midi-Pyrénées de son droit de se prévaloir des engagements de caution consentis par [F] [S] et [E] [S] le 10 mai 2017 en garantie du billet à ordre émis le même jour au bénéfice de la Sarl Boucherie Borderouge,
Rejette la demande de dommages et intérêts formulée par [F] [S] et [E] [S] à l’encontre de la Caisse d’Épargne et de Prévoyance Midi-Pyrénées,
Rejette la demande en délais de paiement formulée par [F] [S] et [E] [S],
Y ajoutant,
Condamne [F] [S] et [E] [S], in solidum, aux dépens d’appel,
Condamne [F] [S] et [E] [S], in solidum, à verser à [Y] [R] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute [F] [S] et [E] [S], et la Caisse d’Épargne et de Prévoyance Midi-Pyrénées de leurs demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le greffier, La présidente,
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