Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Toulouse
Thématique : Licenciement contesté pour faute grave et manquements à l’obligation de sécurité.
→ RésuméUne auxiliaire de puériculture a été embauchée par une société de mutualité à temps plein en février 2018. En janvier 2021, elle a été convoquée à un entretien préalable à une sanction disciplinaire suite à un incident survenu le 6 janvier, où elle a servi une soupe trop chaude à des enfants, entraînant des brûlures. Après une mise à pied conservatoire, elle a été licenciée pour faute grave le 5 février 2021. Contestant son licenciement, elle a saisi le conseil de prud’hommes de Montauban en avril 2021, demandant des indemnités et des dommages et intérêts.
Le jugement du 11 juillet 2023 a conclu que le licenciement n’était pas justifié par une cause réelle et sérieuse. Le conseil a ordonné à la société de verser des sommes à l’auxiliaire, y compris des rappels de salaire, une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité légale de licenciement, ainsi que des dommages et intérêts pour le préjudice subi. La société a interjeté appel, contestant plusieurs points du jugement, notamment la qualification de la faute et le respect des temps de pause. Dans ses écritures, la société a soutenu que la faute grave était établie et a demandé la réformation du jugement. L’auxiliaire a également formulé des demandes de réformation, notamment concernant le rejet de certaines attestations et la reconnaissance de manquements de l’employeur à son obligation de sécurité. La cour d’appel a confirmé en partie le jugement de première instance, en retenant que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, mais a infirmé l’allocation de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle a également statué sur les demandes accessoires, confirmant l’obligation de l’employeur de remettre les documents de fin de contrat. |
03/04/2025
ARRÊT N°2025/
N° RG 23/03046
N° Portalis DBVI-V-B7H-PVB3
CB/ND
Décision déférée du 11 Juillet 2023
Conseil de Prud’hommes
Formation paritaire de MONTAUBAN
( 21/00094)
F. FOUQUES HIBERT
SECTION ACTIVITES DIVERSES
MUTUALITE FRANCAISE TARN ET GARONNE
C/
[B] [U]
CONFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
– Me GUYOT
– Me ABRATE-LACOSTE
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 2
***
ARRÊT DU TROIS AVRIL DEUX MILLE VINGT CINQ
***
APPELANTE
MUTUALITE FRANCAISE TARN ET GARONNE
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Amarande-julie GUYOT, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE
INTIMEE
Madame [B] [U]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Céline ABRATE-LACOSTE, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Février 2025, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C. BRISSET, Présidente, chargée du rapport. Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BRISSET, présidente
F. CROISILLE-CABROL, conseillère
AF. RIBEYRON, conseillère
Greffière, lors des débats : N.DIABY
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. BRISSET, présidente, et par N.DIABY, greffière de chambre
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [B] [U] a été embauchée selon contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à compter du 13 février 2018 en qualité d’auxiliaire de puériculture par la Mutualité française union territoriale du Tarn-et-Garonne. Elle était affectée à la crèche mutualiste Le rayon de soleil à [Localité 4].
La convention collective applicable est celle nationale des établissements d’hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif. La Mutualité emploie au moins 11 salariés.
Selon lettre du 8 janvier 2021, Mme [U] a été convoquée à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire fixé au 15 janvier 2021 suite à un incident.
Selon lettre postérieure, datée du 8 janvier 2021, mais en réalité du 25 janvier 2021, elle a été mise à pied à titre conservatoire à compter du 25 janvier 2021 et convoquée à un nouvel entretien préalable fixé au 2 février 2021.
Le 5 février 2021, Mme [U] a été licenciée pour faute grave.
Elle a saisi, le 8 avril 2021, le conseil de prud’hommes de Montauban aux fins de contester son licenciement et obtenir paiement des indemnités afférentes ainsi que des dommages et intérêts au titre des temps de pause et de l’obligation de sécurité.
Par jugement en date du 11 juillet 2023, le conseil de prud’hommes de Montauban a :
Dit et jugé
– que Mme [U] ne motive pas sa demande de voir rejeter le rapport d’incident produit par la Mutualité française union territoriales du Tarn-et-Garonne
– que les attestations de Mme [J] et de Mme [R] ne sont pas conformes aux règles prescrites par l’article 202 du code de procédure civile et qu’elles seront rejetées des débats ;
– que la faute de Mme [U] n’est pas démontrée et que le licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse ;
– que la période de mise à pied conservatoire, du 25 janvier 2021 au 5 février 2021 doit être rémunérée à Mme [U] ;
– que Mme [U] est en droit de prétendre à une indemnité compensatrice de préavis représentant 2 mois de salaire ;
– que Mme [U] est en droit de prétendre à une indemnité légale de licenciement ;
– que le barème prescrit par l’article L1235-3 du code du travail ne répare pas l’entier préjudice de Mme [U], causé par son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;
– que la convention 158 de l’OI et la Charte Sociale Européenne ont une autorité supérieure à la loi nationale ;
– que l’entier préjudice de Mme [U], lié à son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, a été réparé par les dommages et intérêts accordés à ce titre ;
– que la Mutualité française union territoriale du Tarn-et Garonne n’a pas respecté les temps de pause de Mme [U] ;
– que Mme [U] échoue à démonter les manquements de la mutualité française union territoriale du Tarn-et-Garonne à son obligation de protection de la santé et la sécurité des salariés ;
En conséquence :
– condamné la Mutualité française union territoriale du Tarn-et-Garonne prise en la personne de son représentant légal à verser à Mme [U] les sommes ;
– 680,48 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire ;
– 68,05 euros au titre des congés payés afférents ;
– 3 535,40 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
– 353,54 euros au titre des congés payés afférents,
– 1 387,64 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement ;
– 8 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi consécutif au licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– 500 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des temps de pause ;
– 1 650 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé de la décision ;
Ordonné à la Mutualité française union territoriale du Tarn-et-Garonne de délivrer à Mme [U] les documents de fin de contrat conformes à la présente décision ;
Condamné la Mutualité française union territoriale du Tarn-et-Garonne, prise en la personne de son représentant légal, au remboursement à Pôle emploi des indemnités chômage perçues par Mme [U], dans la limite de 6 mois d’indemnités ;
Débouté Mme [U] de ses autres demandes ;
Débouté la Mutualité française union territoriale du Tarn-et-Garonne de ses demandes reconventionnelles ;
Condamné la Mutualité française union territoriale du Tarn-et-Garonne, prise en la personne de son représentant légal, au paiement de tous les frais qui seraient engagés au titre de l’exécution de la présente décision et aux dépens de l’instance ;
Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire sauf pour ce qu’elle est de droit ;
Fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à 1767,70 euros.
La Mutualité française union territoriale de Tarn et Garonne a interjeté appel de ce jugement le 21 août 2023, énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs critiqués de la décision.
Dans ses dernières écritures en date du 17 novembre 2023, auxquelles il est fait expressément référence, la mutualité française union territoriale demande à la cour de :
Il est demandé la réformation du jugement du conseil de prud’hommes de Montauban du 11 juillet 2023 en ce qu’il a :
– dit et jugé
– que les attestations de Mme [J] et de Mme [R] ne sont pas conformes aux règles prescrites par l’article 202 du code de procédure civile et qu’elles seront rejetées des débats ;
– que la faute de Mme [U] n’est pas démontrée et que le licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse ;
– que la période de mise à pied conservatoire, du 25 janvier 2021 au 5 février 2021 doit être rémunérée à Mme [U] ;
– que Mme [U] est en droit de prétendre à une indemnité compensatrice de préavis représentant 2 mois de salaire ;
– que Mme [U] est en droit de prétendre à une indemnité légale de licenciement ;
– que le barème prescrit par l’article L. 1235-3 du code du travail ne répare pas l’entier préjudice de Mme [U], causé par son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;
– que la convention 158 de l’OIT et la charte sociale européenne ont une autorité supérieure à la loi nationale ;
– que la Mutualité française union territoriale du Tarn-et-Garonne n’a pas respecté les temps de pause de madame [U] ;
– et en conséquence,
– a condamné la Mutualité française union territoriale du Tarn-et-Garonne à verser à Mme [U], les sommes de :
– 680,48 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire ;
– 68,05 euros au titre des congés payés afférents ;
– 3 535,40 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
– 353,54 euros au titre des congés payés afférents ;
– 1 387,64 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement ;
– 8 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi consécutif au licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– 500 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des temps de pause ;
– 1 650 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– a ordonné à la Mutualité française union territoriale du Tarn-et-Garonne de délivrer à Mme [U] les documents de fin de contrat conformes à la présente décision ;
– a condamné la Mutualité française union territoriale du Tarn-et-Garonne, prise en la personne de son représentant légal, au remboursement à pôle emploi des indemnités chômage perçues par Mme [U], dans la limite de 6 mois d’indemnités ;
– a débouté la Mutualité française union territoriale du Tarn-et-Garonne de ses demandes reconventionnelles ;
– a condamné la Mutualité française union territoriale du Tarn-et-Garonne, prise en la personne de son représentant légal, au paiement de tous les frais qui seraient engagés au titre de l’exécution de la présente décision et aux dépens de l’instance ;
– a fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à 1 767,70 euros.
Et, statuant de nouveau,
Il est demandé à la cour d’appel de Toulouse de :
– juger que le licenciement à l’origine du licenciement de Mme [U] repose sur une faute grave,
– juger que la Mutualité française union territoriale du Tarn-et-Garonne n’a commis aucune faute à l’endroit de Mme [U],
– juger qu’en cas de condamnation en raison d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’article L 1235-3 du code du travail doit trouver application,
– débouter Mme [U] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– condamner Mme [U] au paiement de la somme de 2 500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
Elle fait valoir qu’il n’y a pas lieu d’écarter le rapport d’incident ou les attestations et que la faute grave est établie. Subsidiairement, elle s’explique sur les indemnités et invoque le barème d’indemnisation. Elle soutient que la salariée a bénéficié de pauses. Elle conteste tout manquement à son obligation de sécurité.
Dans ses dernières écritures en date du 15 février 2024, auxquelles il est fait expressément référence, Mme [U] demande à la cour de :
Réformer le jugement du 11 juillet 2023 (RG n° 21/00094) des chefs suivants, en ce que le conseil de prud’hommes de Montauban a jugé :
– que Mme [U] ne motive pas sa demande de voir rejeter le rapport d’incident produit par la Mutualité française union territoriale du Tarn-et-Garonne ;
– que l’entier préjudice de Mme [U], lié à son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, a été réparé par les dommages et intérêts accordés à ce titre ;
– que Mme [U] échoue à démontrer de la Mutualité française union territoriale du Tarn-et-Garonne à son obligation de protection de la santé et la sécurité des salariés ;
En conséquence :
– condamné la Mutualité française union territoriale du Tarn-et-Garonne, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Mme [U], les sommes de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des temps de pause et 8 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi consécutif au licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– débouté Mme [U] de ses autres demandes ;
– fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à 1 767,70 euros.
Confirmer le surplus,
Puis, statuant à nouveau,
Rejeter toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées,
Rejeter des débats la pièce 8 s’agissant du rapport d’incident produit par l’employeur en en ce qu’il est incomplet, la page 2 dudit rapport n’ayant pas été communiquée à Mme [U], sur le fondement du principe du contradictoire,
Rejeter des débats les attestations de Mme [J] et de Mme [R] du fait de leur parti pris et de leur implication dans les faits reprochés à Mme [U], s’agissant des pièces adverses n° 18 et 19,
Juger que le licenciement de Mme [U] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Ecarter les dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail au moyen d’un contrôle de conventionnalité in abstracto et, le cas échéant, d’un contrôle de conventionnalité in concreto
En jugeant que le barème ne permet pas d’octroyer une réparation adéquate,
Condamner la Mutualité française à payer à Mme [U] les sommes suivantes :
– 680,48 euros brut de rappels de salaire sur mise à pied injustifiée
– 68,05 euros brut de congés payés sur mise à pied injustifiée
– 1 387,64 euros net au titre de l’indemnité légale de licenciement
– 3 535,40 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis
– 353,54 euros brut au titre des congés payés sur préavis
– 15 000 euros net au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif ou, à défaut, 7 070,80 euros net en application des barèmes (4 mois)
– 5 000 euros net au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral lié aux conditions vexatoires du licenciement
– 5 000 euros net au titre de l’irrespect de la pause après 6 heures de travail
– 8 500 euros net au titre des manquements de l’employeur à l’obligation de protection de la santé et la sécurité du salarié
Condamner la Mutualité française aux intérêts au taux légal et à la capitalisation des intérêts,
Condamner la Mutualité française à remettre les documents de fins de contrat rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard pour chaque document, c’est-à-dire pour l’attestation pôle emploi, le certificat de travail et les bulletins de salaire,
Condamner la Mutualité française à supporter les entiers dépends d’instance et à payer la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle conteste être à l’origine de l’incident et soutient que la faute grave n’est pas établie. Elle estime que la lettre de licenciement manque de précision. Elle soutient que le barème d’indemnisation doit être écarté et invoque des conditions vexatoires entourant le licenciement. Elle se prévaut enfin de manquements de l’employeur quant aux temps de pause et à l’obligation de sécurité.
La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 28 janvier 2025.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Montauban du 11 juillet 2023 sauf en ce qu’il a écarté les attestations de Mmes [J] et [R], dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et alloué à Mme [U] des dommages et intérêts à ce titre, et par suite en ce qu’il a ordonné le remboursement des indemnités chômage,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Déboute Mme [U] de sa demande tendant à voir rejeter les attestations de Mmes [J] et [R],
Dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,
Déboute Mme [U] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Ordonne la capitalisation des intérêts par année entière à compter de leur cours,
Ecarte le remboursement des indemnités chômage,
Dit n’y avoir lieu à indemnité au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
Condamne Mme [U] aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par C. BRISSET, présidente, et par N.DIABY, greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
N.DIABY C. BRISSET
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