Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Toulouse
Thématique : Requalification et licenciement : enjeux de la relation contractuelle dans l’enseignement.
→ RésuméUn enseignant a été recruté par la SASU Grand Sud formation sous plusieurs contrats à durée déterminée de 2013 à 2020, avec des heures de travail variant chaque année. À la fin de son dernier contrat, il a été licencié pour faute simple, ce qui a conduit à une contestation de sa part concernant la légitimité de ce licenciement et la requalification de ses contrats en contrat à durée indéterminée.
Après avoir demandé la requalification de son statut, l’enseignant a été convoqué à un entretien préalable au licenciement, qui a eu lieu en juillet 2020. Suite à son licenciement, il a saisi le conseil de prud’hommes pour obtenir des rappels de salaires, une requalification de son statut, une indemnité pour travail dissimulé, ainsi que des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le conseil de prud’hommes a jugé que le licenciement n’était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse, condamnant la SASU Grand Sud formation à verser des dommages et intérêts à l’enseignant. La société a interjeté appel, contestant la décision et demandant la confirmation de la légitimité de son licenciement. Dans ses conclusions, la SASU a demandé à la cour de juger que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et de débouter l’enseignant de ses demandes. De son côté, l’enseignant a demandé la confirmation du jugement initial et a formulé des demandes supplémentaires, notamment pour la requalification de son statut. La cour a finalement confirmé certaines décisions du jugement initial tout en infirmant d’autres, notamment en ce qui concerne les rappels de salaires et l’indemnité pour travail dissimulé. Elle a également ordonné le remboursement des indemnités de chômage versées à l’enseignant par l’employeur, soulignant l’absence de cause réelle et sérieuse pour le licenciement. |
03/04/2025
ARRÊT N°25/139
N° RG 23/02521 – N° Portalis DBVI-V-B7H-PSLR
MT/FCC
Décision déférée du 31 Mai 2023 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( F 23/00052)
M. DE LUCCHI
S.A.S.U. GRAND SUD FORMATION
C/
[O] [F]
CONFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 2
***
ARRÊT DU TROIS AVRIL DEUX MILLE VINGT CINQ
***
APPELANTE
S.A.S.U. GRAND SUD FORMATION, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Louis-Georges BARRET de la SELARL LIGERA 1, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉ
Monsieur [O] [F]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Glareh SHIRKHANLOO, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Janvier 2025, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C. BRISSET, Présidente et F. CROISILLE-CABROL, conseillère chargée du rapport. Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BRISSET, présidente
F. CROISILLE-CABROL, conseillère
AF. RIBEYRON, conseillère
Greffière, lors des débats : M. POZZOBON
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. BRISSET, présidente, et par M. TACHON, greffière de chambre
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [O] [F] a été embauché selon un premier contrat à durée déterminée et à temps partiel pour l’année scolaire 2013-2014, de septembre 2013 à juin 2014, en qualité d’enseignant, technicien qualifié, niveau D2 coefficient 220 de la convention collective nationale des organismes de formation, par la SASU Grand Sud formation, pour 410 heures de travail annuelles (plus ou moins 10 %). De nouveaux contrats à durée déterminée ont ensuite été conclus pour les années scolaires suivantes, avec plus ou moins 10 % : 2014-2015 (420 heures), 2015-2016 (420 heures), 2016-2017 (250 heures portées à 310 heures par un avenant à effet du 23 janvier 2017 mentionnant comme motif l’accroissement temporaire d’activité), 2017-2018 (460 heures) et 2018-2019 (460 heures). A la fin de chaque contrat à durée déterminée, l’employeur a établi des documents de fin de contrat. Un dernier contrat à durée déterminée a été conclu pour l’année scolaire 2019-2020 (494 heures), prévu du 1er septembre 2019 au 30 juin 2020.
Selon les années, M. [F] enseignait les matières ‘tourisme et territoire’, ‘environnement et développement touristique’, ‘environnement – étude de cas’, ou ‘analyse du territoire’, en BTS, bachelor ou master, et il supervisait les mémoires et thèses.
Suivant procès-verbal du 3 février 2020, la direction de la SASU Grand Sud formation a changé et la SARL Campus Academy, propriétaire de la totalité des actions, a été nommée présidente de la SASU Grand Sud formation.
Par mail du 12 juin 2020, M. [F] a demandé notamment la requalification de la relation contractuelle à durée déterminée en contrat à durée indéterminée. Par mail du 2 juillet 2020, M. [D] (‘brand & academic development – partenaire externe – FBE consulting’) a constaté que M. [F] avait un contrat à durée indéterminée.
Par LRAR du 6 juillet 2020, M. [F] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 22 juillet 2020, puis il a été licencié pour faute simple constitutive d’une cause réelle et sérieuse par LRAR du 27 juillet 2020. Il a été dispensé de l’exécution du préavis de 2 mois, qui a été rémunéré, et a reçu une indemnité de licenciement de 3.423,66 ‘. La SASU Grand Sud formation a établi des documents mentionnant un emploi en contrat à durée indéterminée du 1er septembre 2013 au 27 septembre 2020.
Le 14 octobre 2020, M. [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse aux fins notamment de paiement de rappels de salaires en juillet et août sur les années 2017, 2018 et 2019, de requalification au statut cadre avec rappels de salaires et remise d’un certificat de travail conforme à ce statut, de l’indemnité pour travail dissimulé, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages et intérêts pour mesures vexatoires et déloyales entourant la rupture.
Par jugement du 31 mai 2023, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :
– dit que le licenciement de M. [F] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,
– condamné la SASU Grand Sud formation à régler à M. [F] les sommes suivantes :
* 15.000 ‘ au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 3.000 ‘ nets au titre de dommages et intérêts pour mesures vexatoires et déloyales,
* 2.000 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeté les plus amples demandes,
– rappelé que la présente décision est exécutoire à titre provisoire en ce qu’elle ordonne le paiement des sommes et rémunérations prévues à l’article R 1454-14, 2° du code du travail,
– fixé la moyenne des 3 derniers salaires à la somme de 1.982 ‘,
– rappelé que les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la convocation devant le conseil et que les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement,
– mis les dépens à charge de la SASU Grand Sud formation,
– dit qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et qu’en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire en application des dispositions de l’article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996 devront être supportées par la partie défenderesse.
La SASU Grand Sud formation a interjeté appel de ce jugement le 11 juillet 2023, en énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs critiqués de la décision.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 13 mars 2024, auxquelles il est fait expressément référence, la SASU Grand Sud formation demande à la cour de :
– infirmer le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement de M. [F] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, condamné la société au paiement de sommes et aux dépens, et rejeté les plus amples demandes de la société,
– confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les plus amples demandes de M. [F] et fixé la moyenne des 3 derniers salaires à la somme de 1.982 ‘,
statuant à nouveau,
– juger le licenciement intervenu le 27 juillet 2020 comme reposant sur une cause réelle et sérieuse.
– juger que M. [F] a été intégralement rempli de ses droits liés à l’exécution de son contrat de travail,
– débouter M. [F] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– condamner M. [F] à verser à la SASU Grand Sud formation la somme de 5.000 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [F] aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 mai 2024, auxquelles il est fait expressément référence, M. [F] demande à la cour de :
sur l’appel principal :
– confirmer le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement de M. [F] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, condamné la société au paiement de sommes avec intérêts au taux légal et aux dépens, et fixé la moyenne des salaires,
sur l’appel incident :
– accueillir l’appel incident relevé par M. [F],
– le déclarer recevable et bien fondé,
– infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les plus amples demandes,
statuant à nouveau :
– ordonner le repositionnement de M. [F] au statut cadre coefficient 376 pallier 26 selon la classification de la convention collective nationale des organismes de formation,
– condamner la SAS Grand Sud formation à payer à M. [F] les sommes suivantes :
* 8.686,30 ‘ à titre de rappels de salaire pour les mois de juillet et août 2017, 2018 et 2019,
* 868,63 ‘ de congés payés afférents,
* 50.717,13 ‘ à titre de rappels de salaire au regard du repositionnement de M. [F] au statut cadre, coefficient 376 palier 26,
* 5.071,71 ‘ de congés payés afférents,
* 13.998 ‘ à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
* 3.000 ‘ en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonner à la SAS Grand Sud formation de rectifier le certificat de travail de M. [F] en mentionnant son statut de cadre coefficient 376 pallier 26 du 2 septembre 2013 au 27 juillet 2020,
– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir (sic).
La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 7 janvier 2025 ; le dossier a été fixé à l’audience de plaidoirie du 16 janvier 2025.
Par note transmise par voie électronique le 17 février 2025, le conseil de M. [F] a informé la cour de ce que la SASU Grand Sud formation avait fait l’objet d’un jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 4 février 2025 ouvrant une procédure de redressement judiciaire, et s’est interrogée sur l’éventualité de rouvrir les débats en vue de rendre l’arrêt à intervenir opposable aux organes de la procédure et au CGEA.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement, sauf en ce qu’il a débouté M. [O] [F] de sa demande de rappel de salaires pour les mois de juillet et août des années 2017, 2018 et 2019 et de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé, et en ce qu’il a condamné la SASU Grand Sud formation à lui payer la somme de 3.000 ‘ nets à titre de dommages et intérêts pour mesures vexatoires et déloyales, ces chefs étant infirmés,
Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant,
Condamne la SASU Grand Sud formation à payer à M. [O] [F] les sommes suivantes :
– 8.686,30 ‘ bruts de rappel de salaires pour les mois de juillet et août des années 2017, 2018 et 2019, outre congés payés de 868,63 ‘ bruts,
– 11.892 ‘ d’indemnité pour travail dissimulé,
– 1.500 ‘ en application de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés en appel,
Déboute M. [O] [F] de sa demande de dommages et intérêts pour mesures vexatoires et déloyales,
Ordonne le remboursement par la SASU Grand Sud formation à France travail des indemnités chômage versées à M. [O] [F] du jour du licenciement au jour du jugement à hauteur de 6 mois,
Condamne la SASU Grand Sud formation aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par C. BRISSET, présidente, et par M. TACHON, greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
M. TACHON C. BRISSET.
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