Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion
Thématique : Question prioritaire de constitutionnalité sur l’application des règles de sécurité sociale à Mayotte.
→ RésuméLa caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse (C.I.P.A.V) a émis une contrainte le 9 juin 2022, signifiée à un associé de deux sociétés, pour le recouvrement de 25.910,64 euros au titre des cotisations de sécurité sociale et des majorations de retard pour l’année 2021. L’associé a formé opposition à cette contrainte le 22 août 2022 devant le tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion.
Par jugement du 25 octobre 2023, le tribunal a déclaré l’opposition recevable mais non fondée, validant la contrainte pour un montant réduit à 18.060,60 euros. L’associé a été condamné à payer cette somme à l’URSSAF Île de France, ainsi qu’une indemnité de 500 euros pour frais irrépétibles et aux dépens de l’instance. Le tribunal a estimé que la législation sur l’activité principale des travailleurs indépendants était inapplicable à Mayotte, en raison des principes de territorialité établis par le code de la sécurité sociale. Le 14 décembre 2023, l’associé a interjeté appel de cette décision. En parallèle, il a déposé des conclusions le 25 avril 2024 pour transmettre une question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation, contestant la conformité de plusieurs articles du code de la sécurité sociale avec les droits garantis par la Constitution. Il soutient que ces dispositions portent atteinte aux principes d’égalité, de liberté d’entreprendre et de sécurité juridique, notamment en raison de l’exclusion de Mayotte des régimes applicables aux travailleurs indépendants. À l’audience du 10 février 2025, la cour a retenu la question prioritaire de constitutionnalité, renvoyant l’affaire sur le fond au 14 avril 2025. L’URSSAF n’a pas conclu, et le procureur général a reconnu la pertinence de la question soulevée. La cour a décidé de surseoir à statuer jusqu’à la décision de la Cour de cassation ou du Conseil constitutionnel. |
AFFAIRE : N° RG 24/00491 – N° Portalis DBWB-V-B7I-GBPS
Code Aff. :CJ
ARRÊT N°
ORIGINE :JUGEMENT du Pole social du TJ de SAINT DENIS DE LA REUNION en date du 25 Octobre 2023, rg n° 22/00449
COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS
DE LA RÉUNION
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 10 AVRIL 2025
APPELANT :
Monsieur [R] [U]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Natalia SANDBERG de l’AARPI AFFEJEE SANDBERG ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
INTIMÉE :
URSSAF ILE DE FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Eloïse ITEVA, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
DÉBATS : En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 février 2025 en audience publique, devant Corinne JACQUEMIN, présidente de chambre chargée d’instruire l’affaire, assistée de Monique LEBRUN, greffière, les parties ne s’y étant pas opposées.
Ce magistrat a indiqué à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 10 AVRIL 2025;
Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Président : Corinne JACQUEMIN
Conseiller : Agathe ALIAMUS
Conseiller : Anne-Charlotte LEGROIS
Qui en ont délibéré
ARRÊT : mis à disposition des parties le 10 AVRIL 2025
* *
*
LA COUR :
EXPOSÉ DU LITIGE
La caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse (C.I.P.A.V) a émis une contrainte1e 9 juin 2022, signifiée le 9 août 2022 à Monsieur [R] [U], associé dans deux sociétés, pour le recouvrement de la somme de 25.910,64 euros, au titre des cotisations de sécurité sociale et majorations de retard pour la période allant du ler janvier au 31 décembre 2021.
M. [U] a régularisé opposition à cette contrainte le 22 août 2022 devant le pôle social du tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion.
Par jugement du 25 octobre 2023 le pôle social du tribunal de Sierre de Saint-Denis de la Réunion, a :
– déclaré recevable l’opposition à contrainte en litige,
– jugé l’opposition non-fondée,
– validé la contrainte précitée pour un montant ramené à 18.060,60 euros,
– condamné M. [U] à payer à l’URSSAF Île de France, venant aux droits de la CIPAV, la somme de 18.060;60 euros au titre des cotisations de sécurité sociales (16.830,80 euros) et majorations de retard (1.230, 60euros) de l’année 2021,
– condamné M. [U] à payer à l’URSSAF Île de France , venant aux droits de la CIPAV, une indemnité de 500 euros au titre des frais irrépétibles,
– condamné M. [U] aux dépens de l’instance, incluant les frais de signification de la contrainte et, le cas échéant, les frais de son exécution forcée.
Le tribunal a considèré que la disposition législative sur l’activité principale des travailleurs indépendants était inapplicable au territoire Mahorais en vertu des articles du ccode de la Sécurité sociale posant le principe de territorialité.
Le 14 décembre 2023, M. [U] a interjeté appel de cette décision.
Parallèlement à cette procédure, M. [U] a, par saisine du 25 avril 2024, déposé devant la cour par voie électronique, des conclusions spéciales tendant à la transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité.
Aux termes de ces conclusions, M. [U] requiert de la cour, sur sur le fondement des articles 23-1 à 23-3 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel de :
– transmettre à la Cour de cassation pour que cette dernière renvoie au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ainsi formulée :
« Les dispositions des articles L751-1, L756-1, L111-2 et L171-6-1 du Code de la sécurité sociale portent-elles atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, précisément :
1° Les principes d’égalité de tous les citoyens devant la loi et devant les charges publiques
garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen de 1789.
2° La liberté d’entreprendre garantie par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789.
3° Le principe de sécurité juridique trouvant son fondement dans les articles 2 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. »
– ordonner le sursis à statuer jusqu’à réception de la décision de la Cour de cassation ou, s’il
a été saisi, du Conseil constitutionnel.
À l’audience du 10 février 2025, la cour a retenu les questions prioritaires de constitutionnalité, l’affaire sur le fond étant renvoyée le 14 avril 2025.
L’URSSAF, représentée à l’audience par son avocat n’a pas conclu.
Madame la procureur générale a émis le 18 septembre 2024 un avis dans lequel elle conclut que le requérant invoque bien la méconnaissance d’une liberté garantie par la Constitution et que le point soulevé n’a pas fait objet d’une déclaration conforme à la Constitution par le Conseil Constitutionnel ; concernant l’examen du caractère sérieux de la question, le Parquet général s’en rapporte à l’appréciation souveraine des magistrats composant la chambre sociale de la cour d’appel.
Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu’aux développements ci-dessous.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par décision insusceptible de recours,
Déclare recevable la question prioritaire de constitutionnalité posée par M. [R] [U] ;
Ordonne la transmission à la Cour de cassation de cette question ainsi rédigée :
Les dispositions des articles L751-1, L756-1, L111-2 et L171-6-1 du code de la sécurité
sociale portent-elles atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, précisément :
1° Les principes d’égalité de tous les citoyens devant la loi et devant les charges publiques
garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen de 1789.
2° La liberté d’entreprendre garantie par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et
du citoyen du 26 août 1789.
3° Le principe de sécurité juridique trouvant son fondement dans les articles 2 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Dit que les parties et le ministère public seront avisés par le greffe, par tout moyen et sans délai, du présent arrêt qui sera adressé à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou conclusions des parties ;
Surseoit à statuer jusqu’à réception de la décision de la Cour de cassation ou, s’il a été saisi, de celle du Conseil constitutionnel.
Réserve les dépens.
Le présent arrêt a été signé par Madame Corinne JACQUEMIN, présidente de chambre, et par Madame Monique LEBRUN, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
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