Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion
Thématique : Question prioritaire de constitutionnalité sur la territorialité des cotisations sociales à Mayotte.
→ RésuméLa Cour a été saisie d’un litige concernant un gérant de sociétés, qui a reçu une contrainte émise par l’URSSAF pour le recouvrement de cotisations de sécurité sociale et de majorations de retard, s’élevant à 25 910,64 euros pour l’année 2021. Après avoir contesté cette contrainte, le gérant a vu son opposition déclarée non-fondée par le tribunal, qui a validé la contrainte pour un montant réduit à 18 072,64 euros, incluant des frais supplémentaires.
Le gérant a interjeté appel de cette décision et a également déposé une question prioritaire de constitutionnalité, soutenant que certaines dispositions du Code de la sécurité sociale portaient atteinte aux droits garantis par la Constitution, notamment en matière d’égalité devant la loi, de liberté d’entreprendre et de sécurité juridique. Il a mis en avant le fait que les articles en question excluaient le territoire de Mayotte des dispositions applicables aux travailleurs indépendants, créant ainsi une inégalité de traitement entre ceux exerçant à Mayotte et ceux dans d’autres départements. La Cour a jugé recevable la question prioritaire de constitutionnalité et a ordonné sa transmission à la Cour de cassation. Elle a également décidé de surseoir à statuer jusqu’à ce qu’une décision soit rendue par la Cour de cassation ou, le cas échéant, par le Conseil constitutionnel. Le ministère public a reconnu la pertinence des arguments soulevés par le gérant, laissant à la cour d’appel le soin d’apprécier le caractère sérieux de la question. Les dépens de l’instance ont été réservés, et la décision a été signée par les magistrats compétents. |
AFFAIRE : N° RG 24/00490 – N° Portalis DBWB-V-B7I-GBPR
Code Aff. :CJ
ARRÊT N°
ORIGINE :JUGEMENT du Pole social du TJ de [Localité 9] DE [Localité 8] en date du 25 Octobre 2023, rg n° 22/00404
COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS
DE [Localité 8]
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 10 AVRIL 2025
APPELANT :
Monsieur [K] [T]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Natalia SANDBERG de l’AARPI AFFEJEE SANDBERG ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
INTIMÉE :
[12]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Eloïse ITEVA, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
DÉBATS : En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 février 2025 en audience publique, devant Corinne JACQUEMIN, présidente de chambre chargée d’instruire l’affaire, assistée de Monique LEBRUN, greffière, les parties ne s’y étant pas opposées.
Ce magistrat a indiqué à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 10 AVRIL 2025;
Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Président : Corinne JACQUEMIN
Conseiller : Agathe ALIAMUS
Conseiller : Anne-Charlotte LEGROIS
Qui en ont délibéré
ARRÊT : mis à disposition des parties le 10 AVRIL 2025
* *
*
LA COUR :
EXPOSÉ DU LITIGE
La [5] ([6]) a émis une contrainte1e 9 juin 2022, signifiée le 25 juillet 2022 à Monsieur [K] [T], gérant de sociétés, pour le recouvrement de la somme de 25.91 0,64 euros, au titre des cotisations de sécurité sociale et majorations de retard pour la période allant du ler janvier au 31 décembre 2021.
M. [T] a régularisé opposition à cette contrainte le 29 juillet 2022 devant le pôle social du tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion.
Il a également régularisé un recours, le 24 novembre 2022, devant la même juridiction à l’encontre de la décision rendue le 22 septembre 2022 par commission de recours amiable de la [6], laquelle avait rejeté sa contestation de la mise en demeure qui lui avait été décernée 14 mars 2022 en la réactualisant à la somme due à 14 124,85 ‘.
Les actions ont été jointes.
Par jugement du 25 octobre 2023 le pôle social du tribunal de Sierre de Saint-Denis de la Réunion, a :
– déclaré recevable l’opposition à contrainte en litige,
– jugé l’opposition non-fondée,
– validé la contrainte précitée pour un montant ramené à 18.072,64 euros,
– condamné M. [T] à payer à l'[12], venant aux droits de la [6], la somme de 18.072,64 euros au titre des cotisations de sécurité sociales (16.838,80 euros) et majorations de retard (1.233,84 euros) de l’année 2021,
– condamné M. [T] à payer à l'[12] , venant aux droits de la [6], une indemnité de 500 euros au titre des frais irrépétibles,
– condamné M. [T] aux dépens de l’instance, incluant les frais de signification de la contrainte et, le cas échéant, les frais de son exécution forcée.
Le tribunal a considèré que la disposition législative sur l’activité principale des travailleurs indépendants était inapplicable au territoire Mahorais en vertu des articles du ccode de la Sécurité sociale posant le principe de territorialité.
Le 14 décembre 2023, M. [T] a interjeté appel de cette décision.
Parallèlement à cette procédure, M. [K] [T] a, par saisine du 25 avril 2024, déposé devant la cour par voie électronique, des conclusions spéciales tendant à la transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité.
Aux termes de ces conclusions, M. [T] requiert de la cour, sur le fondement des articles 23-1 à 23-3 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel de :
– transmettre à la Cour de cassation pour que cette dernière renvoie au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ainsi formulée :
« Les dispositions des articles L751-1, L756-1, L111-2 et L171-6-1 du Code de la sécurité sociale portent-elles atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, précisément :
1° Les principes d’égalité de tous les citoyens devant la loi et devant les charges publiques
garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen de 1789.
2° La liberté d’entreprendre garantie par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789.
3° Le principe de sécurité juridique trouvant son fondement dans les articles 2 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. »
– ordonner le sursis à statuer jusqu’à réception de la décision de la Cour de cassation ou, s’il
a été saisi, du Conseil constitutionnel.
À l’audience du 10 février 2025, la cour a retenu les questions prioritaires de constitutionnalité, l’affaire sur le fond étant renvoyée le 14 avril 2025.
L’URSSAF, représentée à l’audience par son avocat n’a pas conclu.
Madame la procureur générale a émis le 18 septembre 2024 un avis dans lequel elle conclut que le requérant invoque bien la méconnaissance d’une liberté garantie par la Constitution et que le point soulevé n’a pas fait objet d’une déclaration conforme à la Constitution par le Conseil Constitutionnel ; concernant l’examen du caractère sérieux de la question, le Parquet général s’en rapporte à l’appréciation souveraine des magistrats composant la chambre sociale de la cour d’appel.
Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu’aux développements ci-dessous.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par décision insusceptible de recours,
Déclare recevable la question prioritaire de constitutionnalité posée par [K] M. [T]
Ordonne la transmission à la Cour de cassation de cette question ainsi rédigée :
Les dispositions des articles L751-1, L756-1, L111-2 et L171-6-1 du code de la sécurité
sociale portent-elles atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, précisément :
1° Les principes d’égalité de tous les citoyens devant la loi et devant les charges publiques
garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen de 1789.
2° La liberté d’entreprendre garantie par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et
du citoyen du 26 août 1789.
3° Le principe de sécurité juridique trouvant son fondement dans les articles 2 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Dit que les parties et le ministère public seront avisés par le greffe, par tout moyen et sans délai, du présent arrêt qui sera adressé à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou conclusions des parties ;
Surseoit à statuer jusqu’à réception de la décision de la Cour de cassation ou, s’il a été saisi, de celle du Conseil constitutionnel.
Réserve les dépens.
Le présent arrêt a été signé par Madame Corinne JACQUEMIN, présidente de chambre, et par Madame Monique LEBRUN, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
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