Cour d’appel de Rouen, 8 avril 2025, RG n° 24/00876
Cour d’appel de Rouen, 8 avril 2025, RG n° 24/00876

Type de juridiction : Cour d’appel.

Juridiction : Cour d’appel de Rouen

Thématique : Rupture contractuelle et requalification : enjeux de la démission et de la sanction disciplinaire.

Résumé

Un salarié a été engagé par une société en qualité d’équipier de collecte par contrat à durée déterminée, puis a vu son contrat transformé en contrat à durée indéterminée. En janvier 2019, il a demandé une rupture conventionnelle, qui a été refusée par la société. En mai 2019, il a été convoqué à un entretien préalable et a reçu un avertissement en juillet 2019. Le 30 septembre 2019, le salarié a démissionné, mais a ensuite tenté de revenir sur sa décision, invoquant un surmenage et une pression professionnelle.

La société a pris acte de sa démission, précisant qu’il ne ferait plus partie des effectifs à partir du 1er novembre 2019. Le salarié a alors saisi le conseil de prud’hommes, qui a jugé que la rupture du contrat s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamnant la société à verser diverses indemnités au salarié.

La société a interjeté appel, demandant l’infirmation du jugement et la requalification de la démission en une prise d’acte. Le salarié a également formé un appel incident pour contester l’avertissement reçu. La cour a confirmé la justification de l’avertissement, mais a requalifié la démission en prise d’acte, considérant qu’elle était équivoque en raison des circonstances entourant sa décision.

Finalement, la cour a infirmé le jugement initial, déclarant que la prise d’acte devait s’analyser en une démission, déboutant le salarié de toutes ses demandes et le condamnant à payer des frais à la société. Les dépens ont été mis à la charge du salarié, qui a également été débouté de ses demandes d’indemnités.

N° RG 24/00876 – N° Portalis DBV2-V-B7I-JTEU

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 08 AVRIL 2025

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE ROUEN du 19 Février 2024

APPELANTE :

S.A.S.U. COLLECTES VALORISATION ENERGIE DECHETS – COVED

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Simon MOSQUET-LEVENEUR de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Jean DUFFOUR, avocat au barreau de PARIS

INTIME :

Monsieur [S] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Emilie PIETRZYK de la SELARL PIETRZYK AVOCAT, avocat au barreau de DIEPPE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 76540-2024-004004 du 27/06/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Rouen)

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 13 Février 2025 sans opposition des parties devant Madame POUGET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame POUGET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DUBUC, Greffière

DEBATS :

A l’audience publique du 13 février 2025, où l’affaire a été mise en délibéré au 08 avril 2025

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 08 Avril 2025, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par M. GUYOT, Greffier.

***

EXPOSE DU LITIGE

M. [S] [Y] (le salarié) a été engagé par la SASU Collectes Valorisation Energie Déchets (COVED, la société) en qualité d’équipier de collecte par contrat de travail à durée déterminée à compter du 1er avril 2016.

Le 24 novembre 2016, la relation contractuelle s’est poursuivie sous la forme d’un contrat à durée indéterminée.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des activités du déchet.

Le 8 janvier 2019, M. [Y] a demandé une rupture conventionnelle que la société a refusé.

Par lettre du 27 mai 2019, le salarié a été convoqué à un entretien préalable fixé au 7 juin suivant.

Il lui a été notifié un avertissement par lettre du 5 juillet 2019.

Le 30 septembre 2019, le salarié a démissionné.

Par courrier du 14 octobre 2019, la société a pris acte de sa démission et lui a précisé qu’il ne ferait plus partie des effectifs à compter du 1er novembre 2019.

Par lettre du 28 octobre 2019, M. [Y] est revenu sur sa démission expliquant que celle-ci était intervenue dans un cadre de surmenage et de pression professionnelle et a de nouveau sollicité la mise en place d’une rupture conventionnelle que la société a refusé.

Par requête du 19 juin 2020, il a saisi le conseil de prud’hommes de Rouen, lequel par jugement du 19 février 2024, a :

– jugé que la rupture du contrat de travail s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du 1er novembre 2019,

– condamné la société à lui régler les sommes suivantes :

– dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 4 656 euros

– indemnité de licenciement : 1 358 euros

– indemnité compensatrice de préavis : 1 552 euros

– congés payés afférents : 155,20 euros

– indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile : 1 200 euros

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

– laissé les dépens de la présente instance à la charge de la SASU COVED.

Le 5 mars 2024, la société a interjeté appel de ce jugement et par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 7 octobre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, elle demande à la cour de :

– la déclarer recevable et bien fondée,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce qu’il l’a condamnée à diverses sommes et aux dépens ainsi qu’en ce qu’il a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

– confirmer le jugement en ce qu’il a jugé l’avertissement du 5 juillet 2019 comme étant justifié,

Statuant à nouveau,

– juger que la démission de M. [Y] était sans équivoque,

– débouter M. [Y] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– le condamner à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

– le débouter de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral du fait de l’annulation de l’avertissement du 5 juillet 2019 et de celle formée au titre du quantum des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 19 juillet 2024, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens, M. [Y] demande à la cour de :

Sur l’avertissement,

– le déclarer recevable et bien fondé en son appel incident,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de sa demande d’annulation de l’avertissement du 5 juillet 2019 et de dommages et intérêts afférents,

Statuant à nouveau,

– annuler l’avertissement du 5 juillet 2019

– condamner la SASU COVED à lui verser la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral à ce titre,

Sur la rupture du contrat de travail et ses conséquences

A titre principal,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que la rupture s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse au 1er novembre 2019,

Statuant à nouveau,

– juger que la démission était équivoque,

– juger que la rupture s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse au 30 septembre 2019,

– condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

– dommages et intérêts : 7 123,93 euros

– indemnité de licenciement : 1 595,39 euros

– indemnité compensatrice de préavis : 1 780,93 euros

– congés payés afférents : 178,09 euros

– indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile : 2 000 euros ;

A titre subsidiaire,

– confirmer le jugement dont appel,

Sur l’article 700 code de procédure civile

infirmer le jugement en ce qu’il lui a accordé la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

condamner la société au paiement d’une indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile de 2 000 euros pour la première instance,

En tout état de cause,

– condamner la SASU COVED à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens en cause d’appel.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 janvier 2025.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Rouen du 19 février 2024, sauf en sa disposition relative à l’annulation de l’avertissement et à la demande indemnitaire y afférent,

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Requalifie la démission de M. [Y] en prise d’acte de la rupture du contrat de travail ;

Dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail formée par M. [Y] doit s’analyser en une démission ;

Déboute M. [Y] de toutes ses demandes ;

Le condamne à payer à la société Coved la somme de 300 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne M. [Y] aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés selon les règles de l’aide juridictionnelle.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


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