Cour d’appel de Rouen, 8 avril 2025, RG n° 24/00188
Cour d’appel de Rouen, 8 avril 2025, RG n° 24/00188

Type de juridiction : Cour d’appel.

Juridiction : Cour d’appel de Rouen

Thématique : Résiliation du contrat de travail : obligations de l’employeur et comportement déloyal.

Résumé

À partir du 23 mars 2015, la société Ouest Isol & Ventil a engagé un salarié en qualité de tôlier, qui a ensuite occupé le poste de chef d’atelier. Ce dernier a été placé en arrêt de travail pour maladie à partir du 27 mai 2022, puis a déclaré un accident du travail survenu le 30 mai 2022. L’employeur a émis des réserves sur la déclaration de l’accident, soulignant l’absence de témoins et d’incidents signalés. Une enquête a été menée par la caisse primaire d’assurance maladie, qui a reconnu le caractère professionnel de l’accident le 6 septembre 2022.

Le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Louviers le 9 janvier 2023, demandant la résiliation judiciaire de son contrat de travail et diverses indemnités. Le jugement du 12 décembre 2023 a prononcé la résiliation judiciaire, fixé le salaire moyen mensuel, et condamné la société à verser plusieurs indemnités, y compris des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. L’employeur a fait appel de cette décision le 12 janvier 2024.

Dans ses conclusions, la société a demandé l’infirmation du jugement, arguant de l’incompétence du conseil de prud’hommes et contestant les montants des indemnités. Le salarié a, quant à lui, demandé la confirmation du jugement sur le principe, mais avec des montants révisés.

La cour a statué sur l’incompétence du conseil de prud’hommes pour certaines demandes, mais a confirmé sa compétence pour d’autres. Elle a également débouté le salarié de ses demandes d’indemnités pour comportement déloyal de l’employeur, considérant que les réserves émises par l’employeur étaient justifiées. En conséquence, le jugement a été infirmé, et le salarié a été débouté de toutes ses demandes, condamné aux dépens.

N° RG 24/00188 – N° Portalis DBV2-V-B7I-JRVG

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 08 AVRIL 2025

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE LOUVIERS du 12 Décembre 2023

APPELANTE :

Société INDUSTRIELLE DE L’OUEST DES PRODUITS ISOLANTS – OUEST ISOL &VENTIL

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Simon MOSQUET-LEVENEUR de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Mehdy ATOUI, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

Monsieur [W] [U]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Aurélien WULVERYCK de l’AARPI OMNES AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 12 Février 2025 sans opposition des parties devant Madame DE BRIER, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame DE BRIER, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Monsieur GUYOT, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 12 février 2025, où l’affaire a été mise en délibéré au 08 avril 2025

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 08 Avril 2025, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Monsieur GUYOT, Greffier.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

A partir du 23 mars 2015, la société Ouest Isol & Ventil a engagé M. [W] [U] en qualité de tôlier par contrat de travail à durée indéterminée, avec reprise d’ancienneté au 1er avril 2006.

En dernier lieu, M. [U] occupait les fonctions de chef d’atelier.

Les relations contractuelles entre les parties sont soumises à la convention collective nationale du négoce des matériaux de construction du 8 décembre 2015.

M. [U] a été placé en arrêt de travail pour maladie simple à partir du 27 mai 2022, l’arrêt courant jusqu’au 17 juin.

Il a ensuite adressé à son employeur un certificat médical initial daté du 9 juin 2022 faisant état d’un accident du travail du 30 mai précédent et prescrivant un arrêt de travail jusqu’au 24 juin 2022.

L’employeur a établi le 13 juin 2022 une déclaration d’accident du travail faisant référence au 30 mai 2022, accompagné d’une lettre contenant de « vives réserves sur le caractère professionnel de ce dit accident du travail » évoquant l’absence de témoin, l’absence de déclaration de cet accident à l’employeur le jour supposé de sa survenue le 30 mai 2022, l’absence de lésion ou d’incident sur le lieu de travail signalé depuis cette date, et le fait que M. [U] était alors en arrêt de travail.

La caisse primaire d’assurance maladie a procédé à une enquête.

Par lettre recommandée du 4 juillet 2022, l’employeur lui a indiqué constater son absence à son poste de travail depuis le 27 juin 2022 sans justificatif et l’a mis en demeure d’en produire un et de reprendre son poste.

Par lettre du 1er août 2022, l’avocat de M. [U] a reproché à son employeur un parti pris pour M. [H] [E], son agresseur sur le lieu de travail le 13 mai 2022, et lui a reproché l’absence d’enquête ou de mesure prise pour le protéger et sanctionner l’agresseur.

La société y a répondu par lettre du 1er septembre 2022.

Le 6 septembre 2022, la caisse primaire d’assurance maladie de Bayonne a reconnu le caractère professionnel d’un sinistre survenu le 13 mai 2022.

Par requête reçue au greffe le 9 janvier 2023, M. [U] a saisi le conseil de prud’hommes de Louviers qui, par jugement du 12 décembre 2023, a :

prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail au 12 décembre 2023,

fixé le salaire moyen mensuel du salarié à la somme de 2 201,40 euros brut,

condamné la société Ouest Isol à verser à M. [U] les sommes suivantes :

4 402,80 euros brut : indemnité compensatrice de préavis,

440,28 euros brut : congés payés afférents,

4 402,80 euros : indemnité de licenciement,

30 000 euros : dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

2 000 euros : indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

ordonné la remise d’un bulletin de paie, d’un certificat de travail et de l’attestation pôle emploi, conformes à la décision sous astreinte de 50 euros par jour à compter du 21ème jour suivant la notification du jugement,

dit que le conseil pourrait liquider ladite astreinte,

débouté M. [U] de l’ensemble de ses autres demandes,

dit qu’il y avait lieu à exécution provisoire de l’ensemble du jugement,

débouté la société Ouest Isol de sa demande reconventionnelle,

condamné la société Ouest Isol aux dépens et frais d’exécution par commissaire de justice.

Le 12 janvier 2024, la société Ouest ISOL a fait appel de ce jugement.

Par dernières conclusions du 4 octobre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la société Ouest ISOL demande à la cour de :

– infirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail au 12 décembre 2023, fixé le salaire moyen mensuel, l’a condamnée au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, d’une indemnité de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité procédurale, lui a ordonné de remettre à M. [U] un bulletin de paie et une attestation Pôle emploi conformes au jugement, l’a déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et a mis les dépens à sa charge,

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [U] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat,

Statuant à nouveau :

– à titre principal, déclarer le conseil de prud’hommes de Louviers incompétent « pour connaître de ces demandes » au profit du tribunal judiciaire d’Evreux,

– à titre subsidiaire, débouter M. [U] de ses demandes,

– à titre plus subsidiaire, si la résiliation judiciaire devait être prononcée et emporter les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse :

– limiter le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 5 907,96 euros, ainsi que le montant de l’indemnité compensatrice de préavis à la somme de 3 938,64 euros outre 393,86 euros au titre des congés payés afférents,

– débouter M. [U] du surplus de ses demandes,

– en tout état de cause :

– fixer le salaire mensuel brut de référence à la somme de 1 969,32 euros,

– condamner M. [U] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens,

– confirmer le jugement entrepris pour le surplus.

Par dernières conclusions du 5 juillet 2024, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens, M. [U] demande à la cour de :

à titre principal :

confirmer le jugement sur le principe mais l’infirmer s’agissant des quantums,

prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur,

fixer la moyenne des rémunérations à la somme de 2 337,10 euros brut,

condamner la société Ouest ISOL à lui verser les sommes suivantes :

20 000 euros : indemnité pour exécution déloyale du contrat,

13 208,40 euros : indemnité de rupture résultant du caractère illicite du licenciement,

4 474,20 euros brut : indemnité compensatrice de préavis, outre 447, 42 euros brut au titre des congés payés afférents,

10 272,20 euros brut : indemnité légale de licenciement,

40 000 euros : indemnité de licenciement nul, 

40 000 euros : indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

ordonner la remise d’un bulletin de paie, d’un certificat de travail et d’une attestation pôle emploi conformes sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard,

à titre subsidiaire :

condamner la société Ouest ISOL à verser les salaires correspondant à la période du 12 décembre 2023 jusqu’à sa réintégration ainsi qu’à reconstituer sa carrière,

en tout état de cause :

condamner la société Ouest ISOL à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à supporter les dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 janvier 2025.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant dans les limites de l’appel, publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement, sauf en ce qu’il a débouté M. [U] de sa demande de dommages et intérêts au titre d’un manquement de l’employeur à son obligation de loyauté et de sa demande « d’indemnité de rupture résultant du caractère illicite du licenciement »,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit que le conseil de prud’hommes de Louviers était compétent pour statuer sur les demandes,

Déboute M. [U] de toutes ses demandes,

Condamne M. [U] aux dépens, tant de première instance que d’appel,

Déboute tant M. [U] que la société Ouest Isol de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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