Cour d’appel de Rouen, 8 avril 2025, RG n° 23/03793
Cour d’appel de Rouen, 8 avril 2025, RG n° 23/03793

Type de juridiction : Cour d’appel.

Juridiction : Cour d’appel de Rouen

Thématique : Harcèlement moral et licenciement : enjeux de la relation employeur-salarié.

Résumé

Un salarié a été engagé par une société en tant qu’employé polyvalent en avril 2017, sous un contrat à durée indéterminée. En août 2020, l’hôtel géré par cette société a été mis en location-gérance à une autre entité, entraînant le transfert du contrat de travail du salarié. En octobre 2021, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes pour obtenir le paiement de salaires dus, ce qui a été accordé par ordonnance en janvier 2022. En décembre 2021, le salarié a été convoqué à un entretien préalable et licencié pour motif économique en janvier 2022.

La location-gérance a pris fin en mars 2022, et peu après, la société exploitant l’hôtel a été placée en liquidation judiciaire. En mars 2022, le salarié a de nouveau saisi le conseil de prud’hommes, mais ses demandes ont été rejetées en septembre 2023. En novembre 2023, le salarié a interjeté appel, demandant l’infirmation du jugement et la reconnaissance de divers droits, y compris des dommages et intérêts pour harcèlement moral.

L’association Unedic AGS CGEA a également interjeté appel, contestant la décision sur la continuité du contrat de travail et demandant la confirmation du jugement initial. Le tribunal a examiné les allégations de harcèlement moral, constatant que le salarié avait subi des pressions et des menaces de la part de son employeur, ce qui a été jugé constitutif de harcèlement. Le licenciement a été déclaré sans cause réelle et sérieuse, et le tribunal a accordé des indemnités au salarié, y compris pour le harcèlement moral.

Le jugement a été infirmé en partie, et des sommes ont été fixées au passif de la liquidation judiciaire de la société exploitante. Les dépens et frais d’instance ont été mis à la charge de la société.

N° RG 23/03793 – N° Portalis DBV2-V-B7H-JQEV

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 08 AVRIL 2025

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE BERNAY du 01 Septembre 2023

APPELANT :

Monsieur [S] [H]

Chez Monsieur [T] [H] – [Adresse 1]

[Localité 7]

représenté par Me Olivier COTE de la SELARL COTE JOUBERT PRADO, avocat au barreau de l’EURE

INTIMEES :

S.C.P. MANDATEAM ès qualités de liquidateur judiciaire de la SASU LE NOUVEAU DRAKKAR

[Adresse 6]

[Localité 2]

non comparante ni représentée bien que régulièrement assignée par acte d’huissier

S.A.S. LE DRAKKAR

[Adresse 8]

[Localité 3]

non comparante ni représentée bien que régulièrement assignée par acte d’huissier

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA [Localité 5]

[Adresse 4]

[Localité 5]

représentée par Me Linda MECHANTEL de la SCP BONIFACE DAKIN & ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 13 Février 2025 sans opposition des parties devant Madame POUGET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame POUGET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DUBUC, Greffière

DEBATS :

A l’audience publique du 13 février 2025, où l’affaire a été mise en délibéré au 08 avril 2025

ARRET :

REPUTE CONTRADICTOIRE

Prononcé le 08 Avril 2025, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par M. GUYOT, Greffier.

***

EXPOSE DU LITIGE

M. [S] [H] (le salarié) a été engagé par la SAS Le Drakkar (la société) en qualité d’employé polyvalent par contrat à durée indéterminée du 25 avril 2017.

La relation contractuelle était soumise à la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurant.

A compter du 1er août 2020, l’hôtel exploité par la SAS Le Drakkar a été mis en location-gérance au bénéfice de la SASU Le Nouveau Drakkar et le contrat de travail du salarié transféré à cette dernière société.

Par assignation le 29 octobre 2021, M. [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Rouen, en sa formation référé, afin d’obtenir le paiement de ses salaires d’août et septembre 2021, des congés payés afférents et la remise de ses bulletins, ce à quoi la juridiction a fait droit par ordonnance du 20 janvier 2022.

Par lettre du 21 décembre 2021, M. [H] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 30 décembre suivant puis licencié pour motif économique par lettre du 8 janvier 2022.

Le contrat de location-gérance a pris fin le 1er mars 2022.

Par jugement du 24 mars 2022, le tribunal de commerce de Bernay a prononcé la liquidation judiciaire de la SASU Le Nouveau Drakkar et désigné la SCP Mandateam, représentée par M. [Z], en qualité de liquidateur judiciaire.

Entre-temps, par requête du 21 mars 2022, M. [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Bernay, lequel par jugement du 1er septembre 2023, a :

– ordonné la jonction du dossier enrôlé sous le RG 22/00046 avec celui enrôlé sous le RG 22/00022 dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice,

– débouté M. [H] de l’ensemble de ses demandes,

– donné acte à l’Unedic AGS CGEA de [Localité 5] de son intervention dans l’instance au titre des dispositions de l’article L625-3 du code de commerce,

– débouté la SAS Le Drakkar de l’ensemble de ses demandes.

Le 15 novembre 2023, M. [H] a interjeté appel de ce jugement et par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 9 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, il demande à la cour de :

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de toutes ses demandes,

Statuant à nouveau,

– fixer la somme de 15 000 euros au titre des dommages et intérêts en réparation du harcèlement au passif de la liquidation judiciaire de la SASU Le nouveau Drakkar,

– à titre principal, déclarer nul le licenciement,

– à titre subsidiaire, déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement,

– fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SASU Le Nouveau Drakkar les sommes suivantes :

– indemnité compensatrice de préavis : 6 566 euros brut

– congés payés y afférents : 656,66 euros brut

– indemnité légale de licenciement : 3 898,56 euros

à titre principal, dommages intérêts pour licenciement nul : 32 830 euros,

à titre subsidiaire, dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 20 000 euros,

– ordonner à la liquidation judiciaire de la SASU Le Nouveau Drakkar, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à l’issue du délai d’un mois suivant la notification du jugement, de remettre une attestation pôle emploi conforme aux dispositions du jugement ainsi que la remise des bulletins de paie d’août et septembre 2021, conformes aux condamnations de l’ordonnance de référé du 20 janvier 2022 ainsi que le bulletin d’affiliation à la mutuelle complémentaire souscrite par l’entreprise,

– déclarer opposable au CGEA de [Localité 5] – AGS l’ensemble des sommes fixées au passif de la liquidation judiciaire de la SASU Le Nouveau Drakkar,

– condamner M. [Z], ès qualités, à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Très subsidiairement,

– condamner la SAS Le Drakkar à lui payer la somme de 15 000 euros de dommages et intérêts en réparation du harcèlement dont il a été victime,

– à titre principal, déclarer nul le licenciement,

– à titre subsidiaire, déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement,

– condamner la SAS Le Drakkar à lui verser les sommes suivantes :

– indemnité compensatrice de préavis : 6 566 euros brut

– congés payés y afférents : 656,66 euros brut

– indemnité légale de licenciement : 3 898,56 euros

à titre principal, dommages intérêts pour licenciement nul : 32 830 euros,

à titre subsidiaire, dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 20 000 euros,

– ordonner la condamnation de la SAS Le Drakkar sous astreinte de 300 euros par jour de retard à l’issue du délai d’un mois suivant la notification du jugement la remise d’une attestation pôle emploi conforme aux dispositions du jugement ainsi que la remise des bulletins de paie d’août et septembre 2021 conformes aux condamnations de l’ordonnance de référé du 20 janvier 2022 ainsi que le bulletin d’affiliation à la mutuelle complémentaire souscrite par l’entreprise

– condamner la SAS Le Drakkar à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile

– condamner la SAS Le Nouveau Drakkar et la SCP Mandateam, ès qualités, ainsi que la SAS Le Drakkar aux dépens de l’instance.

Le 11 janvier 2024, M. [H] a signifié sa déclaration d’appel et ses conclusions à la SCP Mandateam, ès qualités, ainsi qu’à la SAS Le Drakkar, lesquelles n’ont pas constitué avocat.

Par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 13 mars 2024, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens, l’association Unedic AGS CGEA de [Localité 5] demande à la cour de :

A titre principal,

– infirmer le jugement en ce qu’il a dit que le contrat de travail n’était plus en cours à la date du 1er mars 2022,

Statuant à nouveau,

– constater que la SASU Le Nouveau Drakkar n’était plus l’employeur de M. [H] depuis le 1er mars 2022, date d’échéance du contrat de location gérance,

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [H] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire,

– limiter l’inscription au passif de la liquidation judiciaire aux sommes suivantes :

– indemnité compensatrice de préavis : 6 566 euros

– congés payés sur préavis : 656,60 euros

– indemnité de licenciement : 3 898,56 euros

– confirmer le jugement pour le surplus,

En tout état de cause,

– juger que n’entre pas dans le champ d’application des garanties du régime de l’AGS, les demandes de remise de documents sous astreinte et d’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

– lui donner acte de ses réserves et statuer ce que de droit quant à ses garanties,

– déclarer que la décision à intervenir lui est opposable, ainsi qu’à l’AGS, dans les limites de la garantie légale,

– dire que l’AGS ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253-6 et L.3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-18, L. 3253-19, L. 3253-20, L. 3253-21, L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail

– dire qu’en tout état de cause la garantie de l’AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l’article D. 3253-5 du code du travail

– statuer ce que de droit quant aux dépens et frais d’instance sans qu’ils puissent être mis à sa charge.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 janvier 2025.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Bernay du 1er septembre 2023 sauf en ce qu’il a donné acte au CGEA de son intervention et a débouté M. [H] de sa demande de nullité du licenciement,

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Dit que le licenciement de M. [H] est dénué de cause réelle et sérieuse,

Fixe au passif de la SASU Le Nouveau Drakkar la créance de M. [H] aux sommes suivantes :

6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

6 566 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés y afférents pour la somme de 656,66 euros,

3 898,56 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dit que les intérêts au taux légal ne courent pas sur ces créances ;

Ordonne à la SCP Mandateam, ès qualités, de remettre à M. [H] un bulletin de salaire, les documents de fin de contrat rectifiés conformément à l’arrêt et le bulletin d’affiliation à la mutuelle complémentaire souscrite par l’employeur ;

Dit n’y avoir lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte ;

Déclare le présent arrêt opposable à l’AGS-CGEA de [Localité 5] qui sera tenue dans les limites des plafonds légaux,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Fixe au passif de la société les dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


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