Cour d’appel de Rouen, 4 avril 2025, RG n° 25/00379
Cour d’appel de Rouen, 4 avril 2025, RG n° 25/00379

Type de juridiction : Cour d’appel.

Juridiction : Cour d’appel de Rouen

Thématique : Élections prud’homales : Validité des votes en période d’arrêt maladie.

Résumé

Le 17 janvier 2025, le conseil de prud’hommes de Louviers a tenu une assemblée générale pour élire son président, vice-président et les membres de la formation de référé. Lors de cette réunion, le collège salarié a élu une présidente, qui a obtenu 11 voix contre 10 pour son concurrent. Les membres de la formation de référé ont également été élus, avec plusieurs conseillers obtenant des voix à différents tours. Cependant, un conseiller a contesté ces élections par un recours enregistré le 31 janvier 2025, arguant que deux conseillers étaient en arrêt maladie et ne pouvaient donc pas participer aux élections.

Lors de l’audience du 19 mars 2025, le demandeur a soutenu que les conseillers en arrêt maladie ne pouvaient pas exercer leurs fonctions, y compris le droit de vote, et a demandé l’annulation des élections. Il a cité des articles du code du travail et une circulaire de 2014 pour appuyer sa position. En réponse, la présidente du conseil a affirmé que le droit de vote était inaliénable et que les conseillers en arrêt maladie avaient voté par procuration, ce qui était conforme aux règles.

Le tribunal a examiné les arguments des deux parties. Il a reconnu que, bien que les conseillers en arrêt maladie ne puissent pas exercer leurs fonctions, ils conservent le droit de voter par procuration. En conséquence, l’élection de la présidente a été validée, tandis que l’élection des membres de la formation de référé a été annulée en raison de la participation d’un conseiller en arrêt maladie. Enfin, la demande d’annulation de l’élection de la vice-présidence de la section activités diverses a été déclarée irrecevable, car le demandeur n’était pas membre de cette section. De nouvelles élections pour la formation de référé devront être organisées.

N° RG 25/00379 – N° Portalis DBV2-V-B7J-J32C

COUR D’APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 4 AVRIL 2025

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Procès-verbaux des 17 janvier 2025 du conseil de prud’hommes de Louviers concernant les élections de la présidente du conseil et la formation des référés collège salariés et la vice-présidente du collège activités diverses

APPELANT :

Monsieur [EA] [GT]

né le 19 février 1961 à [Localité 15]

[Adresse 1]

[Localité 14]

comparant en personne

INTIMES :

Monsieur [G] [V]

[Adresse 26]

[Localité 19]

comparant en personne

Madame [N] [CY] née [H]

au conseil de prud’hommes de Louviers

[Adresse 2]

[Localité 15]

comparante en personne

Monsieur [Z] [OP]

au conseil de prud’hommes de Louviers

[Adresse 2]

[Localité 15]

comparant en personne

Madame [LP] [O]

au conseil de prud’hommes de Louviers

[Adresse 2]

[Localité 15]

comparante en personne

Madame [KN] [TD]

au conseil de prud’hommes de Louviers

[Adresse 2]

[Localité 15]

comparante en personne

Madame [K] [B]

[Adresse 25]

[Localité 10]

comparante en personne

Monsieur [S] [E]

[Adresse 7]

[Localité 18]

comparant en personne

Monsieur [S] [LX]

[Adresse 24]

[Localité 13]

comparant en personne

Madame [R] [T]

[Adresse 21]

[Localité 11]

comparante en personne

Monsieur [D] [Y]

[Adresse 4]

[Localité 17]

comparant en personne

Monsieur [L] [U]

[Adresse 23]

[Localité 9]

non comparant

Monsieur [EH] [W]

au conseil de prud’hommes de Louviers

[Adresse 2]

[Localité 15]

non comparant

Monsieur [Z] [YH]

au conseil de prud’hommes de Louviers

[Adresse 2]

[Localité 15]

non comparant

Madame [IC] [J]

au conseil de prud’hommes de Louviers

[Adresse 2]

[Localité 15]

non comparante

Madame [PS] [CG]

au conseil de prud’hommes de Louviers

[Adresse 2]

[Localité 15]

non comparante

Monsieur [NG] [C]

au conseil de prud’hommes de Louviers

[Adresse 2]

[Localité 15]

non comparant

Madame [FJ] [P]

[Adresse 22]

[Localité 27]

non comparante

Madame [BO] [JE]

[Adresse 20]

[Localité 16]

non comparante

Monsieur [X] [TK]

[Adresse 6]

[Localité 8]

non comparant

Madame [M] [I]

[Adresse 3]

[Localité 12]

non comparante

Madame [F] [A]

[Adresse 5]

[Localité 9]

non comparante

Le ministère public

en la personne de M. François Pucheus, avocat général

non comparant

COMPOSITION DE LA COUR  :

lors des débats et du délibéré :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre

Mme Fabienne POUGET, conseillère

Mme Magali DEGUETTE, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER

DEBATS :

A l’audience publique du 19 mars 2025, où l’affaire a été mise en délibéré au 4 avril 2025

ARRET :

REPUTE CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 4 avril 2025, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Sur convocations du 26 décembre 2024, les conseillers prud’hommes du conseil de prud’hommes de Louviers se sont réunis en assemblée générale le vendredi 17 janvier 2025 pour procéder à :

– l’élection du président et du vice-président,

– l’élection des membres de la formation de référé,

– l’élection des présidents et vice-présidents de section.

Les différents procès-verbaux de ce jour portent notamment les mentions suivantes :

‘1- ELECTION DU PRESIDENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES

L’alternance respectée entre les collèges attribue la fonction de Président du Conseil pour 2025 au collége salarié.

Au 1er tour : Candidats : 2 Madame [KN] [TD]

Monsieur [EA] [GT]

Nombre de votants : 21

Nombre de bulletins : 21

Nombre de bulletins blancs ou nuls : 0

Nombre de suffrages exprimés : 21

Résultat : Madame [KN] [TD] obtient 11 voix et Monsieur [EA] [GT] obtient 10 voix.

Madame [KN] [TD] a été élue au 1er tour à la majorité absolue par 11 voix.

…/…

3- ELECTION DES MEMBRES DE LA FORMATION DE REFERE

…/…

COLLEGE SALARIE :

…/…

Sont élus membres de la formation de référé, collège salarié, au 1er tour et à la majorité absolue : Madame [LP] [O], Madame [KN] [TD], Madame [N] [CY] et Monsieur [Z] [OP].

Est élue membre de la formation de référé, collège salarié, au 2ème tour et à la majorité absolue : Monsieur [EH] [W].

Est élue membre de la formation de référé, collège salarié, au 3ème tour et au bénéfice de l’ancienneté : Madame [R] [T].’

Par procès-verbal distinct du 17 janvier 2025, ont été actés les résultats de l’assemblée élective de la section activités diverses :

…/…

‘2- ELECTION DU VICE-PRESIDENT DE LA SECTION

L’alternance respectée entre les collèges attribue la fonction de Vice-Président de la section pour 2025 au collège salarié.

Candidat : 2 Madame [PS] [CG]

Madame [FJ] [P]

Nombre de votants : 5

Nombre de bulletins : 5

Nombre de bulletins blancs ou nuls : 0

Nombre de suffrages exprimés : 5

Madame [PS] [CG] a été élue au 1er tour à la majorité absolue par 3 voix.’

Par lettre enregistrée au greffe le 31 janvier 2025, comprenant des conclusions et des pièces, M. [GT] a formé un recours contre les trois élections susvisées en appelant à l’instance l’ensemble des membres du collège salariés (21 personnes).

Les membres du collège salariés, demandeur et défendeurs au recours, ont été convoqués par le greffe, par lettre recommandée avec avis de réception comprenant les conclusions de M. [GT], pour l’audience du 19 mars 2025.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

A l’audience du 19 mars 2025, M. [GT] reprend les termes de son recours reçu le 31 janvier et le 7 mars 2025 par lettre recommandée et demande à la cour de :

– dire et juger que conformément à l’ordonnance (circulaire) du 31 juillet 2014, un conseiller prud’homme en arrêt de travail pour maladie ou accident ne peut plus exercer ses fonctions pendant cette période,

– dire et juger que le vote de l’assemblée générale élective est directement attaché aux fonctions d’un conseiller prud’homme,

en conséquence,

– dire et juger que M. [OP] [Z] en arrêt maladie ne pouvait plus exercer ses fonctions de conseiller prud’homme, qu’en tout état de cause il ne devait pas participer aux élections de l’assemblée générale du conseil liées à ses fonctions de conseiller sous quelque forme que ce soit,

– dire et juger que M. [YH] [Z] en arrêt maladie ne pouvait plus exercer ses fonctions de conseiller prud’homme, qu’en tout état de cause il ne devait pas participer aux élections de l’assemblée générale du conseil liées à ses fonctions de conseiller sous quelque forme que ce soit,

– dire et juger que M. [YH] était présent lors de l’élection de la présidence du conseil,

en conséquence,

– annuler l’élection concernant la présidence générale salariée du conseil de prud’hommes de Louviers,

– annuler l’élection des conseillers salariés appelés à tenir les audiences de référé,

– dire recevable sa demande en contestation de l’élection de la vice-présidence des activités diverses,

en conséquence,

– annuler l’élection de la vice-présidence salariée de la section activités diverses,

– dire que de nouvelles élections devront être organisées lors d’une assemblée générale concernant la présidence salariés du conseil, les référés salariés et la vice-présidence salariés des activités diverses.

En substance, il se référe aux termes de son recours en visant les articles R.1423-19 à R.1423-22 du code du travail et la circulaire du 31 juillet 2014. Il expose que lors de la tenue des assemblées générales visées, MM. [YH] et [OP] étaient en arrêt maladie ; que M. [YH] était présent lors de l’assemblée générale mais avait donné un pouvoir pour l’élection à la présidence générale en renvoyant aux constatations portées dans le procès-verbal. Il précise que les circulaires de 2009 et de 2014 sont identiques :’un conseiller prud’homme en arrêt de travail pour maladie ou accident ne peut exercer ses fonctions durant cette période ‘ ; qu’en l’espèce, les services du greffe n’était pas avisé des arrêts de travail et a donc procédé à la convocation de

M. [YH] et M. [OP].

Il reprend les réponses apportées dans le cadre d’un échange entre la CFDT et la direction des services judiciaires confirmant l’impossibilité pour un conseiller prud’homme d’exercer ses fonctions de juge pendant un arrêt maladie et indique qu’il n’y a pas lieu de dissocier les fonctions du juge des fonctions exercées dans le cadre des élections telles que définies dans le code du travail. Il considère que le droit de vote est un droit fondamental mais qu’il est encadré par la loi et le droit de vote pour un conseiller prud’homme n’est pas un droit absolu du fait qu’il est attaché directement à la fonction de conseiller prud’homme. Il débat de la question du droit à indemnisation des conseillers. Ils critiquent les pièces produites par les défendeurs.

Il soutient qu’il a la faculté de contester l’élection au sein de la section activités diverses même s’il n’en est pas membre.

A l’audience du 19 mars 2025, Mme [KN] [TD], présidente du conseil de prud’hommes, reprend les explications développées par écrits des 11 février 2025 et 18 mars 2025. Elle précise donc que les deux conseillers étaient effectivement en arrêt maladie, M. [YH] depuis le 22 décembre 2024, M. [OP] depuis plus longtemps et demande à la cour de :

– dire que le droit de vote à l’assemblée générale élective d’un conseiller prud’homme est un droit inaliénable,

– constater que M. [OP] et M. [YH] étaient absents lors de l’élection à la présidence générale,

– constater que ces derniers ont voté par procuration à cette élection à la présidence générale,

– constater que M. [OP] a voté par procuration pour les référés et en personne pour la présidence de la section commerce,

– constater que M. [YH] a voté en personne pour les référés et pour la présidence de la section activités diverses

– constater que M. [GT], conseiller section industrie ne peut contester l’élection de la vice-présidente de la section activités diverses, faute d’appartenir à ladite section,

par conséquent,

– dire qu’un conseiller prud’homme empêché en arrêt maladie peut voter par procuration,

– dire qu’un conseiller prud’homme en arrêt maladie peut voter en personne,

– dire que l’élection à la présidence générale est conforme et valide, les deux conseillers en arrêt maladie étant absents à l’audience au moment du vote et ayant voté par procuration,

– dire que l’élection à la vice-présidence section activités diverses est valide, faute de contestation dans le délai de 15 jours par un des membres de la section concernée,

– dire que l’élection pour les audiences de référé est conforme et valide les deux conseillers en arrêt maladie ayant droit de voter en personne,

– débouter M. [GT] de l’ensemble de ses prétentions tendant à l’annulation des élections concernant la présidence générale, les audiences de référé et la vice-présidence de la section activités diverses.

Elle se référe à l’article 3 de la Déclaration des droits de l’homme et à la Constitution de la République française du 4 octobre 1958, la Déclaration universelle des droit de l’homme et aux articles L. 1423-3 et suivants, L.1441-1 et suivants du code du travail, l’article 76 du code électoral.

M. [Z] [OP] reprend les termes de son écrit reçu le 5 février 2025 : il souligne l’interdiction faite d’évoquer sa maladie et ses droits sur ce point ; il soutient que le droit de vote est un droit fondamental. Dans sa note, il expose qu’il convient de dissocier l’exercice du juge de l’activité élective et qu’il a effectivement donner pouvoir pour l’élection générale mais a voté dans la section commerce puisqu’il présentait sa candidature. Il se réfère à la Constitution de la République française et à la jurisprudence admettant qu’un salarié en arrêt de travail puisse exercer son mandat. Il produit un certificat médical du 30 avril 2024 indiquant qu’il lui est permis de se rendre ‘au conseil prudhommal durant son arrêt maladie’.

Par courriel du 7 février 2025, Mme [CG] indique qu’elle avait un pouvoir pour M. [YH] pour l’élection à la présidence du conseil, un pouvoir de Mme [J] pour la représenter pour l’élection des membres de la formation des référés et de la vice-présidence de la section activités diverses et s’interroge sur la possibilité qu’aurait M. [GT] de contester l’élection au sein de la section activités diverses dont il n’est pas membre.

Par courriel du 8 février 2025, Mme [O] indique qu’elle est arrivée en retard et n’a pu participer à l’élection de la présidence du conseil mais était présente pour l’élection des membres de la formation des référés.

Par lettre recommandée reçue le 10 février 2025, Mme [CY] expose que :

– s’agissant de l’élection à la présidence du conseil, MM. [YH] et [OP] n’étaient pas dans la salle et ne pouvaient pas voter comme étant en arrêt maladie, n’ont pas pris part au vote et ont voté par procuration ; que la circulaire du 31 juillet 2014 a été respectée ;

– s’agissant de l’élection des conseillers de la formation des référés du collège salariés, il en était de même ;

– s’agissant de l’élection à la vice-présidence du collège salariés de la section activités diverses, M. [YH] a pris part au vote.

Elle sollicite le débouté des demandes en précisant que le droit de vote est un droit fondamental, que lorsqu’un conseiller participe aux élections, il n’est pas dans ses fonctions de juge de sorte que rien ne lui interdit de bénéficier de ce droit lorsque le conseiller est en arrêt maladie.

Par lettre du 11 février 2025, Mme [CG], Mme [UM] (non partie à l’instance), Mme [TD] et M. [OP] ont adressé un dossier comprenant des textes, de la jurisprudence et des attestations.

Par lettre reçue le 24 février 2025, Mme [FJ] [P] soutient la demande d’annulation des élections susvisées en indiquant que MM. [YH] et [OP] étaient en arrêt maladie ; que M. [YH] était présent dès le début de l’assemblée et a donné une procuration à Mme [CG] ne pouvant voter lui-même à cause d’un accident au niveau d’un bras ; qu’il est ensuite sorti de la salle ; qu’elle demande le respect du droit en rappelant les valeurs auxquelles elle tient avec M. [GT].

A l’audience du 19 mars 2025, ont comparu sans faire d’observations : M. [G] [V], Mme [N] [CY], Mme [LP] [O], Mme [K] [B], M. [S] [E], M. [S] [LX], Mme [R] [T],

M. [D] [Y].

Bien que régulièrement convoqués, n’ont pas comparu : M. [L] [U],

M. [EH] [W], M. [Z] [YH], Mme [IC] [J], Mme [PS] [CG], M. [NG] [C], Mme [FJ] [P], Mme [BO] [JE], Mme [X] [TK] (malade), Mme [M] [I], Mme [F] [A].

Par écrit du 4 février 2025, le ministère public, en la personne de M. François Pucheus, avocat général, s’en rapporte sur le recours.

PAR CES MOTIFS,

Statuant par arrêt réputé contradictoire, mis à disposition au greffe,

Sur l’élection de la présidente du conseil de prud’hommes du 17 janvier 2025

Déboute M. [EA] [GT] de sa demande d’annulation de l’élection,

Sur l’élection des membres de la formation des référés du collège salariés du 17 janvier 2025

Annule l’élection des conseillers prud’hommes de la formation des référés, collège des salariés, comprenant Mme [O], Mme [TD], Mme [CY], M. [OP],

M. [W], Mme [T],

Dit que de nouvelles élections devront être organisées dans les meilleurs délais,

Sur l’élection de la vice-présidente de la section activités diverses du 17 janvier 2025

Déclare M. [EA] [GT] irrecevable en sa demande d’annulation de cette élection,

Dit n’y avoir lieu à statuer sur des dépens.

Le greffier, La présidente de chambre,

 


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