Cour d’appel de Rouen, 4 avril 2025, RG n° 23/01976
Cour d’appel de Rouen, 4 avril 2025, RG n° 23/01976

Type de juridiction : Cour d’appel.

Juridiction : Cour d’appel de Rouen

Thématique : Redressement des cotisations sociales : constatation de travail dissimulé.

Résumé

Le 6 octobre 2020, des inspecteurs de l’URSSAF de Haute-Normandie ont contrôlé l’activité d’une société de construction sur un chantier. À l’issue de ce contrôle, une lettre d’observations a été adressée à la société, signalant des cas de travail dissimulé. En réponse, la société a formulé des observations, mais l’URSSAF a maintenu son redressement. Le 13 octobre 2021, l’URSSAF a mis la société en demeure de payer 16 456 euros, incluant des cotisations et des majorations. La société a contesté cette décision en saisissant la commission de recours amiable, qui a rejeté sa requête.

La société a ensuite porté l’affaire devant le tribunal judiciaire de Rouen, qui a partiellement confirmé le redressement de l’URSSAF, condamnant la société à payer 4 126,80 euros. L’URSSAF a fait appel de cette décision, demandant la confirmation du redressement initial de 16 456 euros. Elle a justifié sa demande par des constats effectués lors du contrôle, des auditions et des analyses des comptes bancaires, soulignant des incohérences entre les rémunérations déclarées et celles réellement versées aux travailleurs.

De son côté, la société a contesté le jugement, arguant qu’elle n’avait pas dissimulé d’emploi salarié et que les erreurs commises étaient de bonne foi. Elle a également remis en question le montant du redressement, affirmant que l’URSSAF n’avait pas fourni de justification suffisante pour les sommes réclamées. Le tribunal a finalement infirmé le jugement de première instance, validant le redressement dans son intégralité et condamnant la société à payer la somme de 16 456 euros, ainsi qu’aux dépens.

N° RG 23/01976 – N° Portalis DBV2-V-B7H-JMJK

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 04 AVRIL 2025

DÉCISION DÉFÉRÉE :

22/00178

Jugement du POLE SOCIAL DU TJ DE ROUEN du 09 Mai 2023

APPELANTE :

URSSAF NORMANDIE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Mme [W] [S] en vertu d’un pouvoir spécial

INTIMEE :

S.A.S.U. [8]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Ahmed AKABA de la SELARL ADVOCARE, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 06 Février 2025 sans opposition des parties devant Madame DE BRIER, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame DE BRIER, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme WERNER, Greffière

DEBATS :

A l’audience publique du 06 février 2025, où l’affaire a été mise en délibéré au 04 avril 2025

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 04 Avril 2025, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

* * *

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 6 octobre 2020, deux inspecteurs de l’URSSAF de Haute-Normandie ont procédé au contrôle de l’activité de l’entreprise et du personnel présent sur le chantier de construction d’une maison individuelle située [Adresse 5] à [Localité 6].

A l’issue des opérations de contrôle, les deux inspecteurs du recouvrement ont notifié une lettre d’observations du 25 juin 2021 à la société [8] (SASU), ci-après dénommée « la société » ou « la société [7] », faisant état de travail dissimulé.

La société a présenté ses observations par lettre du 16 juillet 2021 et l’URSSAF y a répondu par lettre du 13 août 2021 en maintenant le redressement.

Par lettre du 13 octobre 2021, l’URSSAF a mis la société en demeure de lui payer la somme de 16 456 euros dont 11 865 euros de cotisations, 3 737 euros de majorations de redressement et 854 euros de majorations.

Par lettre du 2 novembre 2021, la société a saisi la commission de recours amiable, qui en sa séance du 22 mars 2022 a rejeté sa requête.

La société a poursuivi sa contestation en saisissant le tribunal judiciaire de Rouen, pôle social, qui par jugement du 9 mai 2023 a :

– ordonné la jonction de l’affaire portant le numéro RG 22/434 à celle portant le numéro RG 22/178,

– confirmé partiellement le principe du redressement opéré par l’URSSAF de Normandie à la suite du contrôle effectué le 6 octobre 2020 à l’encontre de la SASU [8] au titre de l’absence de déclarations sociales nominatives et de minoration des déclarations sociales nominatives pour l’année 2020 en ce qui concerne MM. [X] [N] et [E] [G],

En conséquence,

– condamné la SASU [8] à payer à l’URSSAF de Normandie la somme de 4 126,80 euros hors majorations de retard de droit commun qui devront être calculées par l’URSSAF de Normandie,

– débouté les parties de leurs demandes contraires ou plus amples,

– débouté la SASU [8] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SASU [8] aux dépens.

Par déclaration du 8 juin 2023, l’URSSAF a fait appel.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Soutenant oralement à l’audience ses conclusions remises au greffe, l’URSSAF Normandie demande à la cour de :

à titre principal :

– confirmer le jugement sauf en ce qu’il a confirmé partiellement le principe du redressement et condamné la société à lui payer la somme de 4 126,80 euros hors majorations de retard de droit commun qui devront être calculées par l’URSSAF,

– statuant à nouveau, confirmer le redressement opéré pour un montant de 16 456 euros soit 11 865 euros en cotisations, 3 737 euros en majorations de redressement et 854 euros en majorations de retard, et condamner la société au paiement de ces sommes,

– rejeter les autres demandes formées par M. [P],

à titre subsidiaire :

– confirmer le jugement sauf en ce qu’il a condamné la société à lui payer la somme de 4 126,80 euros hors majorations de retard de droit commun qui devront être calculées par l’URSSAF,

– statuant à nouveau, confirmer le redressement opéré pour un montant de 9 134 euros soit 6 736 euros en cotisations, 1 913 euros en majorations de redressement et 485 euros en majorations de retard, et condamner la société au paiement de ces sommes.

L’URSSAF se prévaut de ses constats sur place, des auditions et de l’analyse des comptes bancaires de la société et de M. [D], ainsi que de l’inadéquation entre les rémunérations brutes reportées sur les déclarations sociales et les sommes versées à MM. [G], [N] et [D] en contrepartie de leur activité professionnelle pour justifier le redressement opéré. Elle soutient que le caractère intentionnel n’a pas à être démontré s’agissant du recouvrement des cotisations afférentes aux emplois dissimulés. S’agissant en particulier de M. [D], elle fait valoir qu’il a déclaré exercer une activité de couvreur au sein de la société et s’être versé 6 000 euros de rémunération entre octobre 2019 et octobre 2020, qu’il a en outre effectué une DPAE le concernant peu après le contrôle, pour en déduire qu’il occupait un emploi salarié au sein de la société sans qu’aucune déclaration sociale n’ait été faite.

Soutenant oralement à l’audience ses conclusions remises au greffe, la société [7] demande à la cour de :

– infirmer le jugement en ce qu’il a confirmé partiellement le principe du redressement, l’a condamnée à payer à l’URSSAF la somme de 4 126,80 euros hors majorations de retard de droit commun qui devront être calculées par l’URSSAF de Normandie, a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, l’a débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens,

– confirmer le jugement pour le surplus,

« y ajoutant à titre incident »

– débouter l’URSSAF de ses demandes,

– prononcer l’annulation des décisions de l’URSSAF de Haute-Normandie des 25 juin 2021 et 13 août 2021 ainsi que l’annulation de la décision explicite de rejet de la CRA du 22 mars 2022,

– prononcer l’annulation de la mise en demeure du 13 octobre 2021,

– juger qu’elle ne fera l’objet d’aucun rappel de cotisations, de majorations et/ou sanctions au titre d’un prétendu travail dissimulé,

– condamner l’URSSAF de Haute-Normandie à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner l’URSSAF de Haute-Normandie aux dépens.

La société considère que l’URSSAF ne démontre pas que M. [D] aurait travaillé pour l’entreprise [7] autrement que dans son rôle de gérant. Elle précise que ce dernier a, préalablement à la création de la SASU, exercé en nom propre ; qu’il ignorait en créant la SASU qu’il devait être salarié de celle-ci pour pouvoir exercer son activité de couvreur ; que son erreur est compréhensible et qu’il est de bonne foi, n’ayant pas cherché à dissimuler sa situation et ayant réalisé les DPAE et DSN le concernant dès qu’il a été informé de cette nécessité. Contestant ainsi toute intention dans le non-accomplissement des formalités, elle dénie tout travail dissimulé.

Concernant l’absence de DSN pour MM. [N] et [G] entre janvier et février 2020, elle conteste tout travail de ces personnes au sein de la société sur ces deux mois et, par suite, tout délit de travail dissimulé. Elle reproche aux premiers juges d’avoir affirmé péremptoirement l’existence d’un contrat de travail les concernant sans en avoir caractérisé les critères et notamment le lien de subordination.

S’agissant de la prétendue minoration des DSN, elle considère que l’URSSAF n’apporte aucune explication quant au chiffre de 15 508 euros retenu comme assiette du redressement, de sorte qu’il est impossible de vérifier le détail du calcul. Elle considère que cette imprécision ne lui permet pas de répondre contradictoirement quant au bien-fondé du redressement.

Elle estime qu’il y a lieu de prendre en considération le fait qu’une condamnation, même avec délai de paiement, entraînerait la liquidation de la société.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions déposées et oralement reprises à l’audience.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu le 9 mai 2023 par le tribunal judiciaire de Rouen, pôle social, sauf en ce qu’il a débouté la société [7] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamnée aux dépens de première instance,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Déboute la société [8] de ses demandes d’annulation,

Valide le redressement pour son entier montant,

Condamne la société [8] à payer à ce titre à l’URSSAF Normandie la somme de 16 456 euros (11 865 euros de cotisations, 3 737,09 euros de majoration de redressement, 854 euros de majorations de retard),

Condamne la société [8] aux dépens d’appel,

Déboute la société [8] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


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