Cour d’appel de Rouen, 11 avril 2025, RG n° 24/01951
Cour d’appel de Rouen, 11 avril 2025, RG n° 24/01951

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Rouen

Thématique : Majoration des droits sociaux et résidence alternée : clarifications nécessaires.

Résumé

Un allocataire de la caisse d’allocations familiales de Seine-Maritime bénéficie de l’allocation aux adultes handicapés. Par un jugement, le juge des enfants a placé sa fille à son domicile, stipulant que les allocations familiales seraient versées à lui pendant la durée du placement. En août 2022, la caisse a notifié à l’allocataire divers indus, y compris un indu d’allocation aux adultes handicapés et un indu d’allocation de soutien familial, en raison du départ de sa fille de son domicile.

L’allocataire a contesté ces indus devant la commission de recours amiable, qui a rejeté son recours. Il a ensuite saisi le tribunal judiciaire de Rouen, qui a annulé l’indu d’allocation aux adultes handicapés pour une période donnée, tout en validant le reste des indus et en condamnant l’allocataire à rembourser la caisse. La caisse a fait appel de cette décision.

Dans ses conclusions, la caisse demande l’infirmation du jugement concernant l’annulation de l’indu d’allocation aux adultes handicapés et la validation de la décision de la commission de recours amiable. Elle soutient que l’allocataire a perdu la part supplémentaire liée à l’enfant à charge, car celle-ci est devenue allocataire à son tour. La caisse argue que le code de la sécurité sociale ne prévoit pas le partage de la charge des enfants pour le calcul de l’allocation aux adultes handicapés.

De son côté, l’allocataire demande la confirmation du jugement, affirmant qu’il assume la charge effective de l’enfant dans le cadre d’une résidence alternée. Le tribunal a finalement statué en faveur de la caisse, annulant l’annulation de l’indu d’allocation aux adultes handicapés et condamnant l’allocataire à rembourser la somme due. Les frais de justice ont également été à la charge de l’allocataire.

N° RG 24/01951 – N° Portalis DBV2-V-B7I-JVPN

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 11 AVRIL 2025

DÉCISION DÉFÉRÉE :

23/00179

Jugement du POLE SOCIAL DU TJ DE ROUEN du 14 Mai 2024

APPELANTE :

CAISSE D’ALLOCATIONS FAMILIALES DE SEINE MARITIME

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Marc ABSIRE de la SELARL DAMC, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Adrien LAHAYE, avocat au barreau de ROUEN

INTIME :

Monsieur [K] [B] [Z]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par Me Marina CHAUVEL, avocat au barreau de ROUEN, substituée par Juliette AURIAU, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 13 Février 2025 sans opposition des parties devant Madame ROGER-MINNE, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame DE BRIER, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. GUYOT, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 13 février 2025, où l’affaire a été mise en délibéré au 11 avril 2025

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 11 Avril 2025, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

* * *

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [K] [B] [Z], qui est allocataire de la caisse d’allocations familiales de Seine-Maritime (la caisse), bénéficie de l’allocation aux adultes handicapés. Par jugement du 13 octobre 2014, le juge des enfants du tribunal de grande instance de Rouen a placé sa fille [H] à son domicile et dit que les allocations familiales auxquelles elle ouvrait droit seraient versées à son père pendant la durée du placement.

La caisse, procédant à une régularisation du dossier de M. [B] [Z] en retenant que sa fille avait quitté son domicile depuis le 23 octobre 2021, lui a notifié, le 10 août 2022, divers indus, dont un indu d’allocation aux adultes handicapés (AAH) et un indu d’allocation de soutien familial (ASF).

M. [B] [Z] a contesté les indus devant la commission de recours amiable de la caisse qui a rejeté son recours, le 16 décembre 2022.

Il a poursuivi sa contestation devant le pôle social du tribunal judiciaire de Rouen.

Par jugement du 14 mai 2024, le tribunal a :

– annulé l’indu d’AAH sur la période de novembre 2021 à mai 2022,

– validé pour le surplus l’indu notifié le 10 août 2022,

– condamné M. [B] [Z] à le payer à la caisse d’allocations familiales,

– débouté la caisse de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

– condamné la caisse aux dépens.

Cette dernière a relevé appel du jugement le 31 mai 2024.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions remises le 22 juillet 2024, soutenues oralement, la caisse demande à la cour de :

– infirmer le jugement en ce qu’il a annulé l’indu d’AAH pour la période de novembre 2021 à mai 2022, en ce qu’il l’a déboutée de ses autres demandes et condamnée aux dépens,

– valider la décision de la commission de recours amiable rejetant la contestation relative à l’indu d’ASF et d’AAH, pour la période du 1er novembre 2021 au 31 juillet 2022,

– condamner M. [B] [Z] à lui payer au titre du solde restant dû du trop-perçu d’AAH la somme de 2 713,55 euros,

– condamner M. [B] [Z] aux dépens et à lui payer les sommes de 500 et  2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance et d’appel.

Elle expose que fin mai 2022, [H] est devenue elle-même allocataire, en raison d’une déclaration de grossesse, sur laquelle était mentionnée l’adresse de sa mère et non celle de son père ; qu’elle lui a précisé, à sa demande, avoir quitté le domicile de M. [B] [Z] le 23 octobre 2021 ; que ce dernier a donc perdu la part supplémentaire que lui apportait l’enfant à charge dans ses prestations.

Elle soutient que la règle de l’unicité de l’allocataire pour le droit aux prestations familiales n’est écartée, dans le cas des parents dont les enfants sont en résidence alternée, que pour les seules allocations familiales ; qu’ainsi le code de la sécurité sociale ne prévoit pas le partage de la charge des enfants pour le calcul de l’AAH et encore moins de l’ASF, laquelle nécessite la charge d’un enfant de façon isolée ainsi que la défaillance de l’autre parent. La caisse considère que le tribunal a commis une erreur de droit en ce qu’il a considéré que l’AAH pouvait faire l’objet d’un plafond de ressources plus élevé en raison d’une éventuelle garde alternée alors que si l’article D. 821-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret du 21 décembre 1985, prévoit que les dispositions de l’article L. 521-2 sont applicables à l’allocation aux adultes handicapés, ce renvoi n’inclut pas les dispositions du deuxième alinéa de ce texte, prévoyant le cas de résidence alternée de l’enfant, édictées postérieurement.

Subsidiairement, la caisse fait valoir que rien ne démontre une mise en place effective de la résidence alternée de [H].

Par conclusions remises le 13 février 2025, soutenues oralement, M. [B] [Z] demande à la cour de :

– confirmer le jugement,

– y ajoutant, débouter la caisse de ses demandes et la condamner à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que, dans son jugement du 14 avril 2022, le juge des enfants de Rouen relève que si la résidence de [H] est judiciairement fixée chez lui, les parents sont convenus, en accord avec elle, de la mise en ‘uvre d’une résidence alternée effective depuis l’automne 2021 et que [H] n’est devenue à la charge de sa mère que début septembre 2022. Il soutient que la question est de savoir s’il est une personne qui assume, dans quelques conditions que ce soit, la charge effective et permanente de l’enfant pour bénéficier de la majoration du plafond de ressources de l’article D. 821-2 alinéa 2 du code de la sécurité sociale ; que la garde alternée est prévue par le code civil, de sorte qu’un parent qui accueille son enfant dans ce cadre assume bien la charge effective et permanente de celui-ci, par séquences. Il en déduit que cette situation doit être prise en compte pour le calcul des droits à prestations comme l’AAH et que la caisse ne peut invoquer un arrêt rendu par la Cour de cassation concernant l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé, qui est une prestation familiale, au contraire de l’AAH.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l’exposé détaillé de leurs moyens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en dernier ressort :

Infirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Rouen du 14 mai 2024 :

– en ce qu’il a annulé l’indu d’allocation aux adultes handicapés sur la période de novembre 2021 à mai 2022, notifié à M. [B] [Z] par la caisse d’allocations familiales de Seine maritime par courrier du 10 août 2022,

– s’agissant des dépens ;

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant :

Condamne M. [B] [Z] à payer à la caisse d’allocations familiales de Seine-Maritime la somme de 2 713,55 euros à titre de solde restant dû du trop-perçu d’AAH du 1er novembre 2021 au 31 juillet 2022 ;

Condamne M. [B] [Z] aux dépens de première instance et d’appel ;

Le déboute de sa demande fondée sur l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Déboute la caisse d’allocations familiales de Seine-Maritime de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


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