Cour d’appel de Rouen, 11 avril 2025, RG n° 23/01165
Cour d’appel de Rouen, 11 avril 2025, RG n° 23/01165

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Rouen

Thématique : Prise en charge d’une maladie professionnelle : respect des obligations réglementaires et conditions d’application du tableau n° 30 bis.

Résumé

Le 11 mars 2021, un salarié a soumis à la caisse primaire d’assurance-maladie une déclaration de maladie professionnelle pour un cancer du poumon, accompagnée d’un certificat médical. La caisse a accepté la prise en charge de la pathologie le 3 août 2021, en se basant sur le tableau n°30 bis des maladies professionnelles. L’employeur du salarié, une société, a contesté cette décision en saisissant la commission de recours amiable, qui a rejeté la demande le 7 février 2022.

Le 6 mars 2023, le tribunal judiciaire a statué en rejetant le recours de la société contre la décision de prise en charge, tout en condamnant cette dernière aux dépens. Insatisfaite, la société a interjeté appel le 25 mars 2023. Dans ses conclusions, elle a demandé l’annulation du jugement et l’inopposabilité de la décision de prise en charge, arguant d’un non-respect du principe du contradictoire par la caisse. Elle a également contesté la preuve des conditions requises pour la prise en charge, notamment en ce qui concerne la durée d’exposition et le caractère primitif de la maladie.

De son côté, la caisse a demandé la confirmation du jugement, soutenant que la circulaire invoquée par la société n’imposait pas d’obligations supplémentaires et que les conditions de prise en charge étaient remplies. Elle a précisé que le médecin-conseil avait validé le diagnostic de cancer broncho-pulmonaire primitif, et que le salarié avait été exposé à l’amiante pendant plus de dix ans, respectant ainsi les critères du tableau n°30 bis.

La cour a confirmé le jugement du tribunal, considérant que la caisse avait respecté ses obligations réglementaires et que les conditions de prise en charge étaient satisfaites. La société a été condamnée aux dépens d’appel et à verser une somme à la caisse au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

N° RG 23/01165 – N° Portalis DBV2-V-B7H-JKRF

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 11 AVRIL 2025

DÉCISION DÉFÉRÉE :

21/00451

Jugement du POLE SOCIAL DU TJ DU HAVRE du 06 Mars 2023

APPELANTE :

S.A.S. [5]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Anne-sophie DISPANS, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU [Localité 2]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Vincent BOURDON, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Thierry LEVESQUES, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 13 Février 2025 sans opposition des parties devant Madame ROGER-MINNE, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame DE BRIER, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. GUYOT, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 13 février 2025, où l’affaire a été mise en délibéré au 11 avril 2025

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 11 Avril 2025, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

* * *

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 11 mars 2021, M. [F] [W] a adressé à la caisse primaire d’assurance-maladie du [Localité 2] (la caisse) une déclaration de maladie professionnelle, pour un cancer du poumon, en joignant un certificat médical initial du 14 janvier 2021, faisant état d’une bilobectomie pulmonaire droite, carcinome épidermoïde peu différencié kératinisant.

Par décision du 3 août 2021, la caisse a pris en charge au titre du tableau n°30 bis des maladies professionnelles la pathologie déclarée.

L’employeur de M. [W], la société [5] (la société), a saisi la commission de recours amiable de la caisse pour solliciter l’inopposabilité de la décision de prise en charge.

Elle a ensuite saisi le pôle social du tribunal judiciaire du Havre d’un recours à l’encontre de la décision implicite de rejet de la commission. Cette dernière a rejeté explicitement la contestation le 7 février 2022.

Par jugement du 6 mars 2023, le tribunal a :

– rejeté le recours formé à l’encontre de la décision prise en charge de la maladie déclarée par M. [W],

– condamné la société aux dépens.

Celle-ci a relevé appel du jugement le 25 mars 2023.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions remises le 11 février 2025, soutenues oralement à l’audience, la société demande à la cour de :

– annuler le jugement,

– prononcer l’inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie de M. [W] du 29 octobre 2020.

Elle invoque une absence du respect du principe du contradictoire par la caisse et indique avoir demandé à celle-ci quel était le tableau retenu par le médecin-conseil, sans obtenir de réponse. Elle précise que ce n’est qu’à la fin de l’instruction qu’elle a eu connaissance de l’avis du médecin-conseil, soit tardivement. Elle considère par ailleurs que la preuve de la réunion des conditions du tableau n° 30 bis n’est pas rapportée, s’agissant du caractère primitif de la pathologie, du délai de prise en charge, de la durée d’exposition et des activités rentrant dans la liste limitative des travaux, faisant observer que la caisse n’a pas adressé de questionnaire aux anciens employeurs du salarié.

Par conclusions remises le 10 février 2025, soutenues oralement à l’audience, la caisse demande à la cour de :

– confirmer le jugement,

– condamner la société aux dépens et à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que la circulaire CNAMTS n° 22/2019 du 19 juillet 2019, invoquée par la société dans ses conclusions, est interne à l’assurance-maladie et n’a pas vocation à ajouter de nouvelles normes juridiques, de sorte qu’elle ne saurait ajouter une obligation opposable aux caisses d’assurance-maladie par les employeurs. Elle indique qu’en tout état de cause cette circulaire n’impose pas de répondre aux interrogations des employeurs pendant l’instruction de la maladie ni l’article R. 461-9 du code de la sécurité sociale.

Elle fait valoir que la société a eu accès, lors de la consultation du dossier, à la fiche de concertation médico-administrative complétée par le médecin-conseil qui a confirmé la pathologie de cancer broncho-pulmonaire primitif visé par le tableau n° 30 bis, sur la base d’un élément extrinsèque (compte rendu d’anatomopathologie). Elle en déduit que la condition médicale du tableau est remplie. Elle soutient que les conditions relatives aux délais de prise en charge et à la durée d’exposition sont également remplies, dès lors qu’il s’est écoulé moins de 40 ans entre la première constatation médicale de la pathologie et la fin de l’exposition au risque et que le salarié a effectué des travaux l’exposant à l’amiante de 1980 à 1997, ce qui représente une exposition supérieure aux dix ans minimum exigés par le tableau.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l’exposé détaillé de leurs moyens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en dernier ressort :

Confirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire du Havre du 6 mars 2023 ;

Y ajoutant :

Condamne la société [5] aux dépens d’appel et à payer à la caisse primaire d’assurance-maladie du [Localité 2] une somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


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